Au lendemain d’une première manifestation spontanée, près de 1 000 jeunes se sont rassemblés place Kléber dans la soirée du lundi 10 juin. Pour l’union des gauches et contre l’extrême droite, les manifestants comptent bien prolonger la mobilisation dans la rue.
« C’est facile de se donner bonne conscience en partageant des stories (publications temporaires sur Instagram, ndlr). Mais ça ne change rien. Il faut investir de sa personne. » Lunettes de soleil, masque et casquette sur des cheveux mi-longs, Maxime (le prénom a été modifié) décrit son engagement naissant. Avançant sur les rails de tram, l’étudiant manifeste au sein d’une foule de près d’un millier de manifestants et manifestantes, la plupart étudiants. Membre de la communauté queer (bizarre ou inadapté en anglais, repris par les personnes non-hétérosexuelles ou qui ne se reconnaissent pas dans l’identité de genre assigné à leur naissance), Maxime veut s’engager face à la menace de l’extrême droite, incarnée par un Rassemblement national aux portes du pouvoir :
« Je veux m’investir au quotidien, ne plus louper les manifestations et passer à l’action concrète. Jordan Bardella refuse de garantir les droits de la communauté LGBT en Europe. C’est super grave. Ça veut dire que les persécutions de la communauté LGBT vont s’amplifier. »
« Ça ne suffira pas de faire une alliance politique »
La manifestation a commencé par un rassemblement autour de la statue du général Kléber aux alentours de 18h. Ils étaient déjà une centaine à 23h la veille, à crier leur colère dans les rues de Strasbourg lors d’une manifestation spontanée. Comme un sursaut face à un parti d’extrême-droite ravi d’avoir obtenu, du président de la République, des élections législatives anticipées. Les slogans qui rythment la mobilisation ont évolué, préférant désormais viser Jordan Bardella et Marine Le Pen, plutôt que Gérald Darmanin.
Avec une enceinte sous-dimensionnée pour l’événement, les prises de parole s’enchaînent. Le psychiatre strasbourgeois, Georges Yoram Federmann, commence par appeler à « s’ouvrir à l’autre » et à la réconciliation des gauches « malgré les différends ». Le militant pour les droits des exilés Gabriel Cardoen s’étonne quant à lui de l’absence de syndicats dans la mobilisation. Pour une « vraie lutte contre l’extrême droite », il appelle à une « mobilisation sur vos lieux d’étude, sur vos lieux de travail avec vos collègues, avec vos camarades pour descendre dans la rue. Ça ne suffira pas de faire une alliance politique pour les élections de la fin du mois ».
La jeunesse militante dans sa diversité
Au pied de la statue du général Kléber, la jeunesse militante prend la parole et porte des combats variés. Une membre de l’Union Communiste Libertaire appelle à manifester contre l’extrême-droite lors de la gay pride ce samedi 15 juin. Puis une étudiante active au sein du collectif Palestine Unistras appelle à maintenir une dimension anti-impérialiste au sein du mouvement.
Le député sortant Emmanuel Fernandes (La France insoumise) conclut les discours en visant Emmanuel Macron : « Le président de la République est un incendiaire qui va passer le flambeau aux fascistes. » Il est tout à coup interrompu par la foule qui répète en rythme : « On veut l’union de la gauche ! » Le candidat de la deuxième circonscription du Bas-Rhin approuve la demande en concluant : « Jamais ce pays ne basculera à l’extrême droite. » Applaudissements suivis d’un long chant antisfasciste : « Siamo tutti antifascisti », répété une quinzaine de fois.
Membre du syndicat Solidaires étudiant·es Alsace, Corentin se félicite de ces rassemblements spontanés mais il estime qu’il va falloir « faire plus vite et plus fort » : « Ce sont des moments importants pour s’encourager. Mais il va falloir sortir dans les villages. Parce que c’est pas ici que les gens ont voté RN. Et on a plus le choix. On peut pas simplement rester dans notre bastion de gauche. »
Rendez-vous le lendemain même heure
Vers 20h, un cortège de plusieurs dizaines de militants habillés tout en noir et aux visages masqués s’engage dans la rue des Francs Bourgeois. Le groupe est suivis par près d’un millier de personnes. Les manifestants et manifestantes passent à travers la Petite France, devant la faculté de Médecine, traversant le site du Nouvel Hôpital Civil vers la place d’Austerlitz.
La manifestation bifurque régulièrement, lorsque quelques véhicules de police apparaissent au coin de la rue. Des barrières métalliques et des poubelles sont jetées au sol, des déchets brûlés. Sur les murs, des bombes taguent régulièrement : « RN = nazis ». Trois personnes seront interpellées. Peu après 21h, la manifestation prend fin. Rendez-vous est donné le lendemain 19h place Kléber.