Communes forestières sans forêt, Raon-lès-Leau et Raon-lès-Plaine se battent depuis 150 ans pour récupérer leurs bois, rattachés à l’Alsace après la Grande guerre. Reportage.
Dans la salle du conseil municipal de Raon-lès-Leau en Meurthe-et-Moselle, des cartes vieilles d’environ deux siècles trônent au milieu des gravures et des photos sépia du village sous la neige. « Ce sont les plans cadastraux de la commune avant 1871 », explique Étienne Meire, qui les connaît par cœur. Lunettes sur le bout du nez, le maire de la commune scrute les documents jaunis par les ans avant de pointer l’index sur les anciennes frontières communales :
« Tout ça, ce sont des bois. Autrefois, le territoire de la commune s’étendait jusqu’au Donon sur 1 193 hectares. Aujourd’hui il ne nous en reste que 193. Nous n’avons plus de forêts, nous n’avons plus rien. »
Étienne Meire, maire de Raon-lès-Leau
Une ancienne carte retrace le territoire perdu après l’annexion de l’Alsace.
2 000 hectares de forêts annexés
Située en Meurthe-et-Moselle, Raon-lès-Leau partage une histoire singulière avec Raon-sur-Plaine, sa voisine vosgienne. En 1871, le traité de Francfort met fin à la guerre franco-allemande en annexant l’Alsace et la Moselle à l’empire allemand. Les deux petites communes se retrouvent alors du côté prussien, mais n’entendent pas le rester. « Pendant cinq mois, les habitants ont résisté, expose Etienne Meire :
« La nuit, ils creusaient des fossés pour empêcher les Allemands de sortir le bois de leurs forêts. L’ancien maire de Raon-lès-Leau, Joseph Vincent, a refusé d’obéir au préfet allemand. Il a même donné ordre au facteur de se barrer avec la clé de la boite postale, empêchant les Allemands de communiquer depuis le village. Un jour, deux gendarmes prussiens sont venus pour l’emprisonner à Sarrebourg et le gouvernement français a dû intervenir pour le faire libérer. »
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Une deuxième évacuation du camp installé au parc Krimmeri à la Meinau a lieu ce jeudi 1er août 2024. Le tribunal administratif de Strasbourg avait ordonné son démantèlement le 16 juillet.
Ce n’était plus qu’une question de temps. Le campement de personnes sans-abri, principalement des migrants et de nombreux Afghans (lire notre reportage), devait être évacué. Situé dans le parc du Krimmeri, en face du stade de la Meinau, il est en cours d’évacuation depuis 8h ce jeudi 1er août. Un important dispositif policier est présent sur place.
Cette deuxième procédure d’expulsion, initiée par la Ville de Strasbourg, propriétaire du terrain occupé, a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif le 16 juillet. Dans son ordonnance, il a demandé aux occupants de quitter les lieux « dans un délai de deux jours » en affirmant que le campement présentait un « caractère très précaire, insalubre et dangereux ». Mi-juillet, les associations locales avaient recensé sur place plus de 200 personnes, des familles, des personnes âgées et une cinquantaine d’enfants.
Ce même camp avait déjà été évacué le 19 avril, avant de se reformer dès les jours suivants, faute de solutions d’hébergement satisfaisantes pour ces personnes souvent demandeuses d’asile.
L’association d’improvisation théâtrale de Strasbourg Lolita est devenue invisible sur Facebook et Instagram. Une invisibilisation qui contraint l’association à se chercher de nouveaux canaux de communication.
« Les abus sexuels sur mineurs sont illégaux. Nous pensons que votre recherche est peut-être associée à l’abus sexuel d’enfants ». Voilà le message un brin accusatoire qui s’affiche à ceux qui cherchent « Lolita », « la Lolita Strasbourg » ou encore « association Lolita » sur les réseaux sociaux du groupe américain Meta, à savoir Facebook et Instagram. Tout est bloqué, en raison de la connotation sexuelle attachée au mot « lolita » par Meta. Et c’est devenu un problème pour la Ligue ouverte et libre d’improvisation théâtrale amateur de Strasbourg, connue via son acronyme « Lolita ».
Une Lolita née en 1993
L’histoire de cette troupe strasbourgeoise lancée en 1993 est peu commune. « Au tout début, nous étions un groupe d’une dizaine d’amis passionnés qui avaient envie de se lancer dans l’improvisation. Nous ne venions pas du milieu théâtral mais l’engouement est venu très rapidement », se souvient Marko Mayerl, co-créateur de la Lolita, devenu comédien professionnel et désormais directeur d’Inédit Théâtre.
À l’origine, Lolita s’appelait Lisa, pour Ligue d’improvisation Strasbourg Alsace. Mais le collectif se heurte à un problème. « Le nom est déjà pris. Nous avions un rapport compliqué avec les ligues professionnelles qui ne nous facilitait pas la tâche, on a décidé de changer de nom », poursuit-il. Voilà que nait la Ligue ouverte et libre d’improvisation théâtrale d’Alsace (devenue Ligue ouverte et libre d’improvisation théâtrale amateur par la suite).
« On aurait pu s’appeler Lucienne mais Lolita nous plaisait bien. On voulait un nom féminin qui indique que nous étions ouverts et libres, d’où ces lettres L et O. »
Marko Mayerl
Lolita est la première troupe d’improvisation à Strasbourg, l’une des premières en France. Elle forme chaque année environ 150 personnes à l’improvisation. De nombreuses troupes professionnelles strasbourgeoises accueillent désormais des anciens issus de ses rangs : Inédit Théâtre, Impro Alsace…
Aucun retour de Facebook
Mais depuis un an à peu près, les pages Facebook (4 000 abonnés) et Instagram (1 000 abonnés) de la Lolita Strasbourg sont toujours actives mais pour l’utilisateur, aucun moyen d’accéder aux dates de spectacles. Il se trouve face à un message d’avertissement sur les contenus à caractère pédocriminels.
« Le terme n’a rien à voir avec l’activité de notre association, se défend Christophe Kahlfuss, président de la Lolita. Nous ne faisons que des représentations théâtrales ». Les équipes ont tenté, à plusieurs reprises, d’obtenir des réponses auprès de Meta concernant ce blocage. « À ce jour, nous n’avons obtenu aucun retour de la part du centre d’aide de Facebook », confirme l’association.
Baisse de fréquentation
Encore stupéfaite de cette censure contre laquelle elle ne peut lutter, la Lolita estime en subir les conséquences depuis quelques mois. « On s’est rendu compte que l’on avait subi une baisse de fréquentation de nos spectacles », témoigne le président Christophe Kahlfuss, un peu amer. Le président de la Lolita Strasbourg évoque un taux de remplissage des salles à 60% sur l’année 2023-2024 contre 80 à 90% l’année précédente. Habituellement, les salles de spectacle accueillent 4 000 personnes par an, soit 170 spectateurs en moyenne par soirée au centre du Fossé-des-Treize, selon les chiffres de l’association.
« On sait que notre bilan financier de l’année 2024 sera à perte. On vise chaque année l’équilibre entre les recettes et nos dépenses ». La Lolita doit prendre en compte les frais de location des salles de spectacle, le paiement de coachs professionnels externes, le défraiement lors des déplacements ou encore le renouvellement du matériel.
À travers les réseaux sociaux, la troupe amatrice espère s’adresser à un nouveau public. Ce qu’elle ne peut plus faire sans Facebook et Instagram. « J’ai l’impression que les réseaux sociaux, c’est ce qui fonctionne le mieux pour se faire connaître aujourd’hui. Mais on n’y arrive plus ».
Pas de changement de nom
Si la Ligue ouverte et libre d’improvisation théâtrale amateur perdure, c’est grâce aux recettes des spectacles. Sans rentrée d’argent, plus de troupe. Mais face à la multinationale de la Silicon Valley, le pouvoir de l’association Lolita est nul. Christophe Kahlfuss refuse pourtant de reculer :
« On s’est demandé s’il nous devions changer de nom, mais nous n’avons pas envie de le faire. On n’a pas envie d’effacer tout notre histoire à cause de la bêtise d’un algorithme ».
Les équipes de la Lolita essaient donc d’explorer de nouveaux canaux de communication, une publicité peut-être plus classique mais aussi plus directe et qui ne serait pas soumise aux filtres décidés à Menlo Park en Californie. Contactée, la communication de Facebook en France a choisi de ne pas commenter cette situation.
Face à l’absence de créneaux disponibles dans les gymnases de Strasbourg, l’entraineur et champion international de kickboxing Bilal Bakhouche-Chareuf doit mettre fin à un de ses cours. Il dénonce la rigidité du service des sports de la Ville de Strasbourg.
« Je ne sais pas si je serai capable de refaire une année comme ça… » Dans le bureau du coach sportif, les murs sont remplis de trophées, coupe ou ceintures brillantes – Wako pro, TKR, WBC Muaytai… Perdu au milieu de la zone artisanale de Mundolsheim, le champion international de kickboxing Bilal Bakhouche-Chareuf semble dépité. Il redoute de devoir supprimer les cours de boxe pour les femmes de son club dès septembre 2024, faute de local adapté à sa pratique.
Membre du comité directeur de l’office des sports de la Ville de Strasbourg, le boxeur professionnel de 29 ans a choisi de rester à Strasbourg plutôt que de poursuivre sa carrière à l’international. Il s’emballe lorsqu’il parle de la situation de ses élèves, qu’il voit progresser et à qui il aimerait proposer des lieux d’entraînement adaptés à sa discipline. Depuis huit ans, il a pris la présidence du club « WFight Strg », où 250 licenciés et licenciées apprennent la Muay Thaï et le kickboxing. 45% de son effectif est féminin.
Sacs de boxe décrochés
Il détaille la situation :
« On faisait les cours pour les femmes à Saint-Thomas, un gymnase du centre ville, mais nous n’y aurons plus accès pour la rentrée. Nos sacs de boxe ont été décrochés. J’espère encore qu’on pourra être accueilli dans le complexe sportif des Bains municipaux, mais rien n’est décidé. Tant qu’on n’a pas de solution, il n’y a pas de cours pour les femmes à la rentrée. »
Si son club est propriétaire du matériel de boxe, des sacs de frappe, des gants et des protections, il ne dispose pas de ses propres locaux. Le club de Bilal Bakhouche-Chareuf dépend des créneaux que lui décerne la Ville de Strasbourg, propriétaire de la plupart des gymnases sur le ban communal.
En 2023-2024, le club de sport s’était vu attribuer plusieurs créneaux dans les infrastructures municipales, en majorité le gymnase Jacqueline dans le quartier d’Hautepierre, où a grandi le professeur. En tout, son club avait la possibilité de s’entraîner sept heures par semaine. « Il nous en faudrait au moins dix », estime le sportif professionnel.
14 000 créneaux de gymnases
« Il y a un gros souci d’attribution du temps dans les infrastructures sportives à Strasbourg, car parfois, je constate qu’il n’y a personne dans un gymnase qui devrait être utilisé », dénonce-t-il :
« Ne pourrait-on pas contrôler si une association utilise vraiment son créneau, la sanctionner si elle ne respecte pas son engagement pour donner plus de créneaux à celles qui en ont besoin ? »
Directeur des sports à la Ville de Strasbourg, Ludovic Huck est bien conscient de l’agacement que provoque cette situation. Chaque année en juin, les clubs remplissent un formulaire et ses services attribuent les créneaux d’utilisation des équipements sportifs, après examen des dossiers :
« Annuellement, on distribue 14 000 créneaux réguliers aux plus de 200 clubs de sport de Strasbourg. Auxquels s’ajoutent 5 000 créneaux exceptionnels, pour des évènements ou des compétitions. Un créneau dans un gymnase dure une heure, 1h30 ou deux heures. Puis il y a 19 000 créneaux scolaires. Malheureusement, chaque année, nous devons dire non à des associations qui demandent plus de créneaux d’utilisation. »
Difficile d’évaluer les besoin des clubs. Un fonctionnement de nombre de créneaux par licencié n’aurait que peu de sens, « car dans un gymnase on peut mettre plus ou moins de pratiquants en fonction du sport », précise Ludovic Huck, prenant l’exemple du basket ou du badminton et précisant que plus le niveau des sportifs monte, plus il leur faut d’espace pour s’entraîner. Les attributions sont donc décidées au cas par cas.
Un système de vérification « à l’ancienne »
Quant au contrôle du respect des temps attribués à chaque club, huit personnes sont employées par la Ville pour ouvrir et fermer les gymnases. Elles gèrent les alarmes, tous les jours sauf le dimanche, entre 17h et 23h. Ludovic Huck déplore que ce système soit encore « à l’ancienne » :
« Nous aimerions mettre en place une ouverture des gymnases par un système magnétique ou électronique. Ce qui nous permettrait de savoir quel utilisateur a actionné la porte et de contrôler le respect des créneaux horaires. Ce n’est pas encore possible mais je peux d’ores et déjà assurer qu’il n’y a aucun créneau horaire inutilisé toute l’année. »
Pas assez de créneaux, mais toujours plus de sportifs et sportives amateures. « Pour la saison 2023-2024, on a dépassé les 40 000 licenciés dans les différents types d’arts martiaux à Strasbourg », explique le directeur des sports qui pointe l’impossibilité de construire assez de gymnases pour accueillir tout le monde, par manque de temps et d’argent.
Et même lorsque les équipements sportifs sont construits, tout ne se déroule pas comme prévu :
« Par exemple, on vient de construire une salle de boxe à l’Elsau, qui devait être utilisée par trois clubs. Mais deux fondateurs d’un club se sont disputés et ont scindé leur association en deux clubs. En outre, le Département a participé à payer le gymnase, donc le collège Hans Harp a lui aussi droit à des créneaux. Résultat, de trois utilisateurs on passe à cinq et tout le monde est mécontent de n’avoir pas assez accès à l’équipement. »
Des solutions proposées, pas acceptées
Face à ces contraintes administratives, Bilal Bakhouche-Chareuf assure avoir proposé des solutions aux services des sports. Notamment celle de rénover le gymnase Jacqueline, à Hautepierre, dont les tatamis inégaux favoriseraient les blessures de ses élèves, précise-t-il. Plans en trois dimensions à l’appui, il montre les aménagements qu’il aurait aimé. L’entraineur précise que le club était prêt à payer pour ces aménagements :
« Nous avions chiffré les travaux à 40 000 euros. Nous avions demandé les subventions à la Région Grand Est et à la Collectivité européenne d’Alsace, qui avait accepté. De plus nous aurions pu contacter nos partenaires privés pour du mécénat. »
Ring de boxe escamotable, potences pour soutenir des sacs de frappe, local pour stocker le matériel, possibilité de diviser l’espace en deux pour accueillir deux pratiques simultanément… Des éléments essentiels pour garantir un entrainement efficace et adapté à ses élèves, selon le champion.
« On a accueilli sa proposition avec bienveillance, mais elle n’est pas adaptée, estime de son côté Ludovic Huck, il fallait par exemple fixer des sacs de boxe sur un mur qui n’est pas porteur ». la Ville et le sportif semblent partager la volonté de favoriser le sport, sa pratique et une plus grande coordination entre les clubs. Mais Bilal Bakhouche-Chareuf déplore le manque de flexibilité de l’administration face aux solutions qu’il propose. « Je commence à être fatigué, de me donner autant sans avoir de possibilité que ça change, au détriment parfois de ma carrière personnelle car Strasbourg n’est pas une grande ville de kickboxing », soupire-t-il, précisant qu’à 29 ans, il est plus connu à l’international que dans son propre pays.
Le sportif professionnel n’est cependant pas prêt à lâcher ses élèves. « Ma plus belle récompense serait de réussir à créer une dynamique autour de la boxe, ça me rendrait fier », précise-t-il.
La boxe, trop violente ?
Organisateurs de six évènements de boxe à Strasbourg depuis 2022, il a le sentiment que son sport pâtit de sa réputation de violence. « J’ai bien compris que la boxe ne devait pas avoir lieu au centre-ville, que c’était considéré trop violent pour être bénéfique aux enfants », lâche-t-il. Pourtant selon lui, canaliser la violence face à un sac de frappe ou sur un ring, avec des règles et des limites claires, est gagnant pour les jeunes :
« C’est intéressant de promouvoir un sport qui donne un cadre contrôlé, car il y a de la violence dans tous les sports, ça permet de s’exprimer selon des règles et à Strasbourg, je vois beaucoup de jeunes avec du potentiel. Ça leur donne aussi des ressources pour se sentir plus forts lorsqu’ils vivent du harcèlement par exemple. »
En attendant des solutions pour la rentrée de septembre, Bilal Bakhouche-Chareuf regorge d’idées pour faire rayonner son sport. « On pense déjà à faire des évènements à l’aérodrome du Polygone, avec un club de rugby ou à la patinoire », esquisse-t-il, précisant que c’est grâce au mécénat et au bénévolat que ces initiatives sont possibles.
Pour que les cours à la maison Sport-Santé des Bains Municipaux aient lieu, Bilal Bakhouche-Chareuf doit suivre une formation spécifique. « Nous avons sûrement trouvé une solution pour proposer un créneau adapté aux femmes en version mixte, c’est-à-dire des femmes venant de notre station, et d’autres avec l’option sport sur ordonnance », précise-t-il. Sans pour autant être certain, le 31 juillet 2024, que le plan soit opérationnel dès septembre.
Cette affichette est la seule documentation disponible pour les buralistesPhoto : Camille Margerit / Rue89 Strasbourg / cc
La Française des jeux pensait pouvoir lutter contre le harcèlement de rue en nouant un partenariat avec l’application Umay, qui recense les « lieux sûrs » pour les victimes de violences sexistes. Las, aucun des commerces proposés et visités par Rue89 Strasbourg n’est en capacité d’accueillir les victimes.
Sur la porte vitrée du Tabac Finkwiller, un petit autocollant rose et violet indiquant « FDJ, Umay, Safe-place », se noie entre les affiches de relais colis, de paiement en ligne et les publicités pour le prochain tirage du Loto . . .
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La procureure du tribunal de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot, lors d’une conférence de presse vendredi 30 septembre 2022. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Après six années passées à piloter la politique pénale du tribunal de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot s’avoue inquiète pour l’avenir de la justice en France. Elle l’estime mal préparée aux défis posés par une délinquance ultra-connectée et en manque de repères.
Elle aurait volontiers continué d’exercer. La procureure du tribunal judiciaire de Mulhouse Edwige Roux-Morizot est partie à la retraite après 42 années passées au service de la justice française. Une passion qu’elle aura poursuivie à différents postes : juge d’instruction à Macon, juge d’application des peines à Dijon, vice-présidente du tribunal d’Auxerre puis procureure adjointe à Dijon et Besançon. À la fin de sa carrière, elle deviendra la première femme procureure de la République dans la juridiction mulhousienne. Entretien avec une magistrate intarissable sur les politiques pénales, le sens de la peine et le manque de moyens alloués aux acteurs et actrices de la justice. Rue89 Strasbourg : Après 40 ans au service de la justice, dont six ans en tant que procureure du tribunal judiciaire de Mulhouse, quel est votre sentiment vis-à-vis de la place de la justice en France ?
Edwige Roux-Morizot : La justice a été placée au centre de tout. Il y a eu un processus de judiciarisation de la société, elle s’est retrouvée à devoir régler de nombreux problèmes sociaux. S’il y a des troubles dans des quartiers, c’est à la justice qu’on demande de les régler. Et s’il y a des problèmes de délinquance ou d’insécurité, c’est encore la justice qui doit s’en occuper… Ces attentes impossibles à satisfaire créent des frustrations et du mécontentement, dans notre monde surinformé, doublé de commentaires permanents. En outre, il y a au cœur de cette mise en cause permanente une incapacité d’un certain nombre de personnes à voir dans la justice autre chose qu’un bras vengeur, un outil au service de la réinsertion par exemple. Les budgets alloués au tribunal judiciaire de Mulhouse ont-ils été suffisants pour que la justice puisse être rendue dans de bonnes conditions ?
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Lina était portée disparue depuis le samedi 23 septembre.
Près d’un an après la disparition de Lina dans le Bas-Rhin, les gendarmes ont retrouvé une trace génétique de l’adolescente dans un « véhicule volé ». La procureure de la République de Strasbourg estime que cette « avancée majeure devrait permettre de localiser Lina ».
Dans un communiqué publié vendredi, la procureure de la République de Strasbourg, Yolande Renzi, indique avoir retrouvé la trace de Lina. L’adolescente de 15 ans, originaire de Plaine dans le Bas-Rhin, a disparue le 23 septembre 2023 alors qu’elle se rendait à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, à trois kilomètres de son domicile.
« À la suite de longues et minutieuses investigations menées par la Gendarmerie nationale agissant sur commission rogatoire de deux magistrats instructeurs du tribunal judiciaire de Strasbourg, l’attention des enquêteurs a été attirée par un véhicule non mentionné jusqu’alors », indique le communiqué de la procureure qui poursuit :
« L’analyse de la géolocalisation de ce véhicule volé a pu mettre en évidence qu’il se trouvait non loin du point de disparition de la jeune Lina en septembre. Les analyses des prélèvements effectués dans ce véhicule viennent de mettre en évidence le profil génétique de cette dernière. »
Le texte se conclut en indiquant que « les investigations se poursuivent afin de déterminer les circonstances dans lesquelles elle est montée dans ce véhicule ». Mais pour Yoland Renzi, « cette avancée majeure dans I’enquête devrait permettre de localiser Lina. »
Première trace concrète
Ce matériel génétique est très important puisqu’il s’agit de la première trace concrète de Lina depuis sa disparition le 23 septembre 2023. Vers 11h, l’adolescente se rendait à pied à la gare de Saint-Blaise-la-Roche. Elle a été aperçue marchant au bord de la RD 350 par des témoins, puis plus rien. C’est son petit ami qui a alerté sa mère, ne voyant pas Lina sortir du train à Strasbourg.
Les enquêteurs ont exploré de nombreuses pistes, cherché en vain le téléphone de la jeune fille qui a cessé d’émettre à 11h22, fouillé dans l’entourage et auprès de toutes les personnes passées dans les environs à ce moment-là, avec parfois des placements en garde à vue mais sans rien trouver de probant jusqu’à cette trace génétique.
Selon Le Parisien, le véhicule comportant des traces génétiques de l’adolescente aurait été retrouvé dans le sud de la France. La personne au volant du véhicule volé au moment de l’interpellation n’a pas encore été entendue.
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10% des artistes présents aux open-mics rap strasbourgeois sont des femmes.Photo : Pierre Liermann / cc
À Strasbourg, de plus en plus de femmes se battent pour entrer dans le milieu, très masculin, du rap. Mais dans l’industrie musicale comme sur les scènes ouvertes, le plafond de verre reste difficile à briser.
« Dans les open-mics (scènes ouvertes, NDLR) à Strasbourg, avec mon duo, on s’est prises des réflexions de ouf. Un jour un mec nous a sorti ‘Vous êtes des femmes qui rappent ? J’adore le concept!‘ » Ares a 24 ans, les cheveux bouclés bruns et des mèches blondes décolorées. Elle est l’une des rares rappeuses strasbourgeoises. « Elles ne sont que 10% de femmes à monter sur scène à nos évènements », raconte Pierre Liermann, journaliste à RBS, fondateur de l’émission « HipHop from Elsass » et des scènes ouvertes du même nom, dans lesquelles il met en avant des artistes locales et locaux.
« Le rap a ce côté égo trip de glorification du mec qui a des gros pecs et qui est viril, c’est très testostéroné, comme le foot. »
Sexualisation et misogynie
Dans un milieu d’homme, les femmes sont sans cesse comparées à leurs homologues masculins. « On me dit souvent que je rappe comme un mec », regrette Ares. Vêtue d’un t-shirt noir large et d’un pantalon ample, voix grave et cheveux ramassés, la jeune artiste s’échappe des stéréotypes de la féminité :
« Il suffit que je me mette à kicker (rapper vite, avec technicité, NDLR) et là les gens pensent tout de suite que je suis lesbienne, je suis directement ramenée à ma sexualité. »
Pour se faire une place sur scène, les rappeuses adoptent les codes genrés* du milieu, qu’elles ont intériorisés. « On trouve souvent deux catégories de femmes dans nos évènements, poursuit Pierre. Celles plus masculines, à la Diam’s ou à la Keny Arkana. Et en face, d’autres qui chantent plus et peuvent être dans la sexualisation. »
Le climat machiste des scènes rap se traduit parfois par des propos misogynes et violents, tenus par des rappeurs masculins. Pierre Liermann tente de les réguler lors de ses évènement. « Il fait tout son possible mais ça n’empêche que certains se comportent mal », déplore Ares :
« Il y a des mecs qui improvisent et qui parlent de viol, d’agressions sexuelles. Pour beaucoup, c’est normalisé. Il y a des meufs qui désertent les open-mics à cause de ça. »
Ares a participé à toutes les scènes ouvertes organisées par Pierre Liermann, la saison dernière.Photo : Ares / cc
« Une femme, ça ne se met pas en avant »
Les oreilles des hommes s’étonnent des phrases parlées, débitées avec maîtrise, par des voix féminines. « Des mecs m’ont déjà proposé des featuring (collaboration, NDLR) lors des soirées de Pierre », raconte Rachel, artiste de 27 ans, passée du chant au rap en 2021. « Mais à chaque fois c’était pour que je chante des sons d’amour, pas pour que je rappe », regrette-elle.
« À Strasbourg, il y a de beaux talents rap, mais les filles sont beaucoup plus dans le RnB », développe Séverine Cappiello, directrice de Sturm Production. L’association locale œuvre notamment pour plus de représentativité féminine dans l’industrie musicale :
« Car une femme, ça chante, ça a une belle voix, c’est ce que la société attend d’elle. Sinon, elle n’a pas de raison de se mettre en avant. »
Sur scène, Hayana, 32 ans, s’appelle Peau d’âme. Elle slame et s’est mise au rap début 2023, pour donner de la voix à la poésie qu’elle aime tant écrire. « Par contre je suis nulle en impro », avoue la trentenaire aux yeux clairs. Menton relevé et regard assuré, elle semble difficile à intimider. Elle concède pourtant que contrairement aux hommes, les femmes ne sont pas poussées à s’exprimer et à s’imposer dans l’espace public :
« Je suis née et je bosse dans les quartiers, tous les jours je vois des mecs se poser et rapper entre eux, ils lâchent des seize mesures (renvoie au nombre de lignes des couplets d’un texte de rap, souvent composés de 16 vers, NDLR), ils improvisent. Nous, les meufs, on n’a pas l’habitude. »
Peau d’âme préfère l’ambiance des open-mics de slam, où les artistes sont plus variés que dans le milieu du rap.Photo : Peau d’âme / cc
Les femmes montent nettement moins sur scène que les hommes et cela dépasse le seul monde du rap. « Elles ne sont que 14 % à être programmées dans les festivals, c’est quatre fois moins que leurs homologues masculins, se désole Séverine. La musique est pire que l’armée. » À Strasbourg, tous les programmateurs sont des hommes :
« Ils disent qu’ils ne sont pas légitimes pour changer les choses, mais s’ils ne le font pas, qui le fera ? Il n’y a aucun critère qui s’imposent à eux, la France refuse les quotas. Il faudrait conditionner les subventions publiques à la parité dans les programmations. »
Des scènes locales inclusives
Certaines rappeuses strasbourgeoises ont réussi à s’imposer, à l’image de Kay The Prodigy, connue pour ses paroles crues. L’artiste donne de nombreux concerts en France et est visible dans les médias, comme le Mouv’ de Radio France. « C’est génial qu’elle ait percé, ça donne de la force aux suivantes, estime Ares. Le succès de Lala &ce (rappeuse française reconnue, NDLR) m’a poussé à me dire que j’avais mes chances dans ce milieu. »
À Strasbourg, des collectifs et des associations s’organisent localement pour promouvoir les femmes dans le rap. « Dans les open-mics de Pierre, l’ambiance reste bienveillante, explique Hayana. Il se mobilise, il a créé des guest lists (listes d’invitées, NDLR) pour que les meufs s’inscrivent et ne se fassent pas passer devant par les mecs. »
De son côté, le collectif Incisifves organise des open-mics ouverts à toutes et à tous, mais dont la scène est réservée aux femmes, aux personnes intersexes, non-binaires, transgenres ou agenres. « Ces évènements en non-mixité, sont une bonne solution au début, car pour les minorités, c’est plus dur de se faire une place. Mais sur le long terme j’aimerais qu’on puisse s’en passer », assure Peau d’âme.
Ares complète :
« Ce qu’il faudrait dans le rap, c’est moins de discrimination positive et plus d’inclusion intelligente. Je veux dire par là qu’il faudrait traiter une femme par rapport à sa couleur musicale et son art, plus que parce qu’elle est une femme. »
Dans les open-mics où les phrases percutantes et les voix graves sont acclamées, « les mecs rappent tous pareil, s’exclame la jeune rappeuse, on a vraiment quelque chose à apporter à ce milieu, il gagnerait en diversité. Des meufs qui kickent, c’est beau et ça devrait être plus accepté. »
En 2024-2025, mille élèves de moins fréquenteront les classes des écoles du Bas-Rhin par rapport à l’année scolaire 2023-2024.Photo : PF / Rue89 Strasbourg
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Ludovic Rohrer dans sa cave à Mittelbergheim.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
Principales régions vinicoles du Grand Est, l’Alsace et la Champagne sont toutes deux productrices de vins effervescents. Malgré un net avantage pour les Champenois, le crémant d’Alsace essaye de se faire une place à l’ombre de Dom Perignon depuis plus d’un siècle. Chronique d’une guerre des bulles, où s’opposent deux fiertés régionales.
Au cœur de l’automne 2022, les températures remontent brusquement dans l’est de la France quand la mairie de Strasbourg annonce l’interdiction de vendre du champagne sur le marché de Noël. Un vent de fureur traverse le vignoble champenois. « Une décision imbécile », « scandaleuse », « un repli sur soi », témoignent les représentants des maisons de champagne auprès de France 3 Champagne-Ardennes.
Il ne faudra rien de moins que l’intervention du casque bleu du Grand Est, Jean Rottner, président de la Région à l’époque, pour que le conflit ne dégénère pas en affrontement ouvert par-dessus les Vosges. Face à la pression, Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, recule et le champagne est finalement autorisé sur les étals du plus grand marché de Noël de France. Le David alsacien ploie le genou face au Goliath champenois.
« Mieux vaut un bon crémant qu’un mauvais champagne. »
Dicton populaire
Dans cette guerre des vins, l’avantage va assurément à la Champagne. Avec ses 40 millions de bouteilles vendues en 2023, le crémant d’Alsace fait pâle figure face aux 300 millions de cols écoulés la même année par les maisons champenoises. Mais comme souvent dans les conflits asymétriques, le nombre importe moins que la bataille culturelle. Alors que l’appellation Crémant d’Alsace remonte à 1976, il n’aura fallu que quelques décennies pour qu’il devienne le produit phare du vignoble alsacien. Difficile de passer à côté de cette fierté régionale quand on arrive en Alsace. Pourtant, dès que l’on parle de crémant, le voisin champenois n’est jamais loin.
Les vignes sur les hauteurs de Mittelbergheim.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
Dans son Histoire du crémant d’Alsace, Nicole Laugel installe entre ses personnages, deux Français de l’intérieur qui enquêtent sur l’histoire du crémant, un dialogue où la comparaison avec le champagne est permanente. Sans grande surprise, les deux concluent que les crémants, ne sont certes pas des champagnes, mais assurément de grands vins. « Mieux vaut un bon crémant qu’un mauvais champagne », fait d’ailleurs office de dicton populaire dans les Winstubs.
Parfois ce sont les médias locaux qui alimentent cette guerre des bulles. Dans un article publié en 2022, les journalistes de France 3 Alsace expliquent ainsi que face à l’inflation, « le rapport qualité-prix, comparé au champagne, est incontestablement en faveur du crémant ». De là à penser que le champagne sert de mètre étalon pour mesurer la fierté vinicole des alsaciens, il n’y a qu’un pas.
Montages fiscaux et contrefaçons
Les bulles n’ont pourtant pas toujours été un sujet de discorde entre Alsaciens et Champenois. Au milieu du XIXᵉ siècle, les viticulteurs alsaciens exportent même du raisin chez leurs voisins. La renommée du champagne n’est déjà plus à faire et son commerce largement mondialisé. L’Allemagne représente, alors, les trois quarts de ses exportations. « Beaucoup de grandes maisons de Champagne portent d’ailleurs des noms germaniques, car ce sont des Allemands qui ont investi dans ce vignoble à l’époque », explique Jean-Paul Krebs, auteur et passionné de vins. Apportant fonds et techniques modernes, l’Allemagne contribue ainsi à fabriquer la marque champagne telle qu’on la connaît aujourd’hui.
La guerre Franco-Prussienne de 1870 bouleverse cet équilibre. La frontière se déplace sur les Vosges et l’import de champagne y est fortement taxé. C’est là que l’Alsace arrive sur le devant de la scène, explique Jean-Paul Krebs :
« Un jour, quelqu’un s’est rendu compte que les droits de douane s’appliquaient sur les bouteilles, mais pas sur le vin en fûts. Les maisons champenoises se sont donc mises à envoyer des fûts dans des ateliers en Alsace pour y réaliser la prise de mousse. Le champagne ainsi produit était donc dans le bon pays et n’était plus taxé. »
Grâce à un montage d’optimisation fiscale, l’Alsace devient, pendant presque cinquante ans, une région productrice de champagne. Surtout, les Alsaciens apprennent la méthode champenoise et se mettent à produire des vins effervescents. Mais aussi du champagne authentiquement alsacien. Aujourd’hui, on parlerait sûrement d’appropriation culturelle.
Au centre, une bouteille de champagne Dopff, authentiquement alsacien.Photo : Document remis / JP Krebs
Une nouvelle guerre, celle de 1914-1918, va changer la donne. Avec le retour de l’Alsace à la France, les ateliers de champagnisation ferment. Quant aux champagnes alsaciens, pour les autorités françaises, il s’agit de contrefaçons. « Ils ont dû changer leurs noms pour vins mousseux, reprend Jean-Paul Krebs. C’était moins prestigieux et beaucoup de caves ont abandonné les vins effervescents ». Les crémants d’Alsace, qui ne s’appellent pas encore ainsi, connaissent une éclipse pendant cinq décennies.
Dans les années 1970, des Alsaciens s’unissent à d’autres producteurs de bulles partout en France pour créer une appellation regroupant les vins effervescents obtenus par méthode champenoise. Pour le nom, ils se tournent vers la Champagne qui accepte de leur céder le terme ancien de « crémant ». Le 24 août 1976, Jacques Chirac signe le décret actant la naissance du crémant d’Alsace.
Différentes appelations pour un même produit.Photo : Document remis / JP Krebs
« Un débat chauviniste. »
Ludovic Rohrer, vigneron à Mittelbergheim
En bons reporters de guerre, nous nous rendons donc sur la ligne de front pour en savoir plus. À Mittelbergheim, en plein maquis alsacien, nous retrouvons Ludovic Rohrer, neuvième génération d’une famille de vignerons installée au village depuis le milieu du XVIIᵉ siècle. Sur son exploitation de onze hectares, il produit des crémants d’Alsace bios en biodynamie.
Le vigneron nous fait faire le tour du propriétaire :
« Un crémant, c’est un vin fermenté en bouteille. Le principe, c’est de récolter des raisins, de les laisser fermenter et de les mettre en bouteille au printemps suivant avec un peu de sucre et des levures. Le vin va fermenter à nouveau, et comme la bouteille est capsulée, le gaz va se dissoudre. »
Une fois la fermentation terminée, la bouteille est progressivement inclinée jusqu’à se retrouver tête en bas, le dépôt et la capsule sont retirées et « on va simplement lui remettre un bouchon, le museler et c’est parti ». Voilà donc la fameuse méthode champenoise à la base de tous les crémants.
Ludovic Rohrer, observe le dépôt de fermentation dans une bouteille de crémant.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg Le dépôt de fermentation dans une bouteille de crémant. Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
« L’avantage du crémant, c’est qu’on peut mélanger les millésimes. Juste avec le choix du cépage, on a des mondes totalement différents », explique Ludovic Rohrer. Depuis une dizaine d’années, il observe une montée en gamme des crémants d’Alsace qui suit l’envolée des ventes :
« C’était peut-être un vin fourre-tout il y a quelques années, mais là tout le monde a pris conscience que le crémant était porteur et qu’il fallait chercher la qualité. »
Une grande diversité de terroirs, de cépages et de vignerons, « c’est la force de l’Alsace ». Pour lui, la guerre des bulles entre la Champagne et l’Alsace n’a pas vraiment de sens : « c’est plus un débat chauviniste ». Plutôt que de taper sur les voisins, Ludovic Rohrer préfère travailler à faire connaître ses vins :
« Clairement, quand on n’a pas la notoriété de ces grandes régions viticoles, c’est à nous de faire l’effort de présenter les vins, de faire goûter et de changer les idées reçues sur les crémants. »
Tout juste concède-t-il que le principal défaut du champagne est de ne pas venir d’Alsace. « Là-dessus, on peut être chauvin », sourit-il.
Des bouteilles de Crémant en cours de fermentation dans la cave de Ludovic Rohrer à MittelbergheimPhoto : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg Ludovic Rohrer dans sa cave à Mittelbergheim. Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg La cave de Ludovic Rohrer à Mittelbergheim. Au fond, l’appareil qui permet de pointer progressivement les bouteilles têtes en bas. Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
« Si la bouteille est belle et qu’il n’y a rien dans le verre, ça ne m’intéresse pas du tout. »
Christophe Soudant, sommelier à l’Oenosphère
Nous quittons les vignes pour rentrer à Strasbourg. Alors que les Vosges s’éloignent dans le rétroviseur, nous avons le sentiment que cette guerre des bulles est une drôle de guerre. Tous nos interlocuteurs se sont montrés dubitatifs à l’idée d’opposer les deux vignobles. « On entend souvent dire qu’on préfère un bon crémant à un mauvais champagne. C’est un truc à l’emporte-pièce. Sans préjuger d’une appellation ou de l’autre, c’est le travail du vigneron qui détermine la qualité », explique Jean-Paul Krebs, notre géopolitologue des vins.
« Moi, je préfère boire un bon crémant et un bon champagne », tranche Christophe Soudant, sommelier à l’Oenoshpère. Dans sa boutique, rue de Zurich à Strasbourg, point de chauvinisme. Crémants et champagnes cohabitent pacifiquement sur les étagères :
« Le crémant, c’est vraiment le côté apéritif. Au restaurant, c’est obligatoire parce que j’aime ce vin. Le champagne, c’est plus pour les moments d’émotions. »
Aussitôt, il précise qu’il faut arrêter avec le côté bling bling du champagne et rendre à ce vin son terroir : « Si la bouteille est belle et qu’il n’y a rien dans le verre, ça ne m’intéresse pas du tout. »
Pour le sommelier, tout vin mérite d’être dégusté. Le crémant fait partie du patrimoine alsacien, pourtant beaucoup de personnes ont encore des idées reçues sur sa qualité, même en Alsace :
« J’aime faire redécouvrir les crémants à des gens qui les connaissent mal, ou à des snobs qui ne jurent que par le champagne. »
Il raconte aussi amener du crémant en Champagne. « Ils sont curieux de ce que produisent les autres régions. Après, ils sont champenois et pour eux le crémant, ce n’est pas du champagne. » Alors que l’échange se termine, un client nous interpelle, verre de dégustation en main : « Vous savez, il n’y a pas que les Alsaciens et les Champenois qui sont chauvins. Par exemple, ma femme est bretonne… »
Portrait du gynécologue Frédéric Labouz à son cabinet, en 2022.Photo : Alizée Chebboub-Courtin / Rue89 Strasbourg
Reconnu coupable de viol et d’agression sexuelle aggravés par la cour d’assises du Bas-Rhin, le gynécologue Frédéric Labouz exerce à nouveau. Et ce, malgré une interdiction prononcée par la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du Grand Est. « Depuis que je sais qu’il exerce à nouveau, j’ai fait une rechute dans ma dépression. » Cléa (le prénom a été modifié) se dit « dévastée ». En mai 2024, elle apprend par une amie que le gynécologue-obstétricien Frédéric Labouz a repris son activité à Strasbourg. Deux ans plus tôt, la cour d’assises du Bas-Rhin jugeait l’homme coupable de viol et d’agression sexuelle aggravés sur Cléa. Le docteur a été condamné à quatre ans de prison, dont un avec sursis. Il a écopé d’une interdiction d’exercer de deux ans.
Pour l’artiste strasbourgeoise, la reprise d’activité du Dr Frédéric Labouz donne l’impression d’un échec :
« Six années de combat judiciaire n’ont pas servi à grand chose finalement. Il me semblait que pour un viol il passerait quatre ans derrière les barreaux. Finalement, il n’aura même pas passé un an en prison. Et je trouve hallucinant que l’interdiction d’exercer ne dure que deux ans (Frédéric Labouz a par ailleurs été condamné à une peine d’inéligibilité de 10 ans, NDLR). Pour moi, le sens commun voudrait qu’un homme condamné pour viol ne puisse plus jamais exercer la gynécologie. »
Cléa, victime d’un viol et d’une agression sexuelle aggravés de la part du gynécologue Frédéric Labouz
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Après le départ mi-juillet de Patrick Vieira du poste d’entraîneur du Racing Club de Strasbourg Alsace, c’est finalement l’anglais Liam Rosenior qui a signé pour lui succéder dès cet après-midi.
L’anglais de 40 ans a pris ses fonctions immédiatement, entraînant dès ce jeudi les bleus et blancs en vue du match de préparation, samedi 27 juillet, contre le Karslruher SC. Liam Rosenior a été joueur professionnel en Angleterre de 2002 à 2018 et a fait plusieurs saisons en Premier League, avant de devenir entraîneur-adjoint des U23 de Brighton. Depuis 2022, il était entraîneur principal de Hull City, en Championship, avant que le club mette fin à leur collaboration, en mai 2024, suite à des défaites successives et des visions du futur divergentes .
Assurant dans le communiqué de presse qu’il « fera tout pour que la Meinau soit fière de son équipe et de ses joueurs », le britannique sera assisté dans ses missions par Justin Walker, Kalifa Cissé et Issame Charaï.
Presque inconnu en France, Liam Rosenior fait également entendre sa voix dans le magazine anglais The Guardian et se montre engagé contre le racisme. Il interpelle ainsi Donald Trump en 2020, alors président des États-Unis d’Amérique, le remerciant d’assumer être « le loup dans le costume du loup, là où vos prédécesseurs se déguisaient en moutons ». Il intervient en 2021 dans un podcast pour décrypter le lien entre football et la lutte anti-raciste, revenant sur le symbole du genou à terre déposé par l’équipe anglaise avant le match, pendant l’Euro de 2020.
Le site de géothermie de Rittershoffen.Photo : Fantasio Guipont / Rue89 Strasbourg
Un tremblement de terre d’une magnitude de 2,1 a été ressenti au nord de l’Alsace mercredi 24 juillet à 9h03. Le bureau central de sismicité française a classé l’événement comme induit par l’activité humaine.
« Dès qu’il y a un séisme à Hatten, il faut que ça se sache. » Porte-parole du collectif Hatten demain, Muriel Manière a ressenti ce mercredi 24 juillet peu après 9 heures « une détonation ». Militante d’une organisation qui s’oppose à l’installation d’une zone d’activité sur des terres agricoles de la commune, elle publie immédiatement l’information sur la page Facebook du collectif. Le Réseau national de surveillance sismique (Renass) indique un événement sismique de magnitude 2,1 à une profondeur de deux kilomètres. Le séisme a été classé comme « induit » par l’activité humaine.
Mesures de précautions prises par Électricité de Strasbourg
« La centrale de géothermie de Rittershoffen est à deux kilomètres de chez nous », indique Muriel Manière en évoquant Électricité de Strasbourg (ES) comme responsable de ce séisme. Les Dernières Nouvelles d’Alsace ont interrogé l’entreprise qui a décrit les mesures de précaution prises suite au séisme :
« Nous sommes en train de procéder aux analyses. Il n’y a pas d’obligation de réduire les débits en cas d’épisodes de microsismicité, mais nous le faisons par mesure de précaution et en lien avec l’entreprise Roquette (qui est alimentée en chaleur par la centrale géothermique de Rittershoffen depuis 2016, NDLR). »
Le 7 mai 2024, la centrale de Rittershoffen avait déjà provoqué deux séismes de magnitude 2 et 2,2 dans le nord de l’Alsace. Électricité de Strasbourg avait alors reconnu sa responsabilité et pris les mêmes mesures de précaution.