Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Gérald Darmanin a failli couler la boutique de ces deux passionnés de chanvre

Gérald Darmanin a failli couler la boutique de ces deux passionnés de chanvre

Vaporiser, grignoter, masser… Les applications du chanvre, culture qui revient dans les champs d’Alsace, sont multiples. Voisins et amis, Karim Nafati et Zacharie Roullin ont ouvert en fin d’année une boutique avec une grande variété d’utilisations, dont les feuilles de CBD. Mais un arrêté du ministère de l’Intérieur, suspendu depuis par la justice, qui l’amalgame avec de la drogue, a bien failli mettre fin au projet des deux entrepreneurs.

Encadrée par un vétérinaire et un gestionnaire immobilier, la boutique en pied d’immeuble passerait presque inaperçue sur l’avenue de Colmar à la Meinau. Derrière de grandes façades vitrées, un carrelage gris impeccable, des murs et étagères blanches minimalistes garnies de pierres, d’huiles, de produits de soin ou de céréales. Derrière leur masque, Karim Nafati et Zacharie Roullin accueillent avec une infusion… au chanvre bien sûr. En fond, une musique jamaïcaine est à peine perceptible, couverte par le clapotement de l’eau d’une petite fontaine zen.

Un arrêté qui plombe tout un commerce

Après un mois de janvier cauchemardesque, les deux entrepreneurs voient à nouveau l’avenir avec un peu de sérénité. Depuis le mardi 25 janvier, ils sont à nouveau autorisés à vendre tous leurs produits issus du chanvre industriel. Le Conseil d’État a suspendu en référé un arrêté du 30 décembre, voulu par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui interdisait la vente au grand public de fleurs et des feuilles brutes de variétés de cannabis en raison de la présence de la molécule de THC et ses propriétés stupéfiantes. Une molécule également présente dans certaines feuilles de chanvre comme en vendent les deux associés alsaciens et environ 1 800 boutiques en France.

À rebours de la plupart des pays européens, la France invoque la protection des consommateurs et associe le cannabidiol (CBD), et sa concentration limitée de la molécule THC (0,3%), à des produits « stupéfiants », comme le cannabis. Ce qui n’est pas la position de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Au contraire, ses experts estiment qu’il peut y avoir des applications thérapeutiques au cannabidiol, notamment contre les douleurs ou l’épilepsie.

Autre argument invoqué par le ministère de l’Intérieur : le fait que les forces de l’ordre ne peuvent distinguer à l’œil nu les feuilles issues de la production autorisée et celles du trafic clandestin. Argument qui selon les professionnels du secteur relève de la mauvaise volonté. « En Suisse, il existe depuis 2018 des tests qui permettent de déterminer en 30 secondes si c’est du CBD ou du THC« , relève Zacharie Roullin.

Avec des couleurs sobres et pas de mise en avant des feuilles de cannabis sur le logo, Karim Nafati (à gauche) et Zacharie Roullin (à droite) se sont associés pour mettre en avant différents usages et pas seulement l’inhalation. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Moins 70% en un mois

Les effets de ce texte du ministère de l’Intérieur, publié le 30 décembre 2021, ont été ravageurs. Les deux entrepreneurs ont beau mettre en avant une large palette de produits issus du chanvre, la vente de feuilles et de fleurs aux particuliers reste le produit phare après deux mois d’ouverture. « En janvier, on a fait moins 70% de chiffre d’affaires sur un mois. Et même une journée à zéro », raconte Zacharie Roullin. L’absurdité de la réglementation l’a même fait retirer les infusions. « Comme si quelqu’un allait trier les mélanges avec la lavande, la menthe et le tilleul pour garder les feuilles de chanvre et les fumer », soupire-t-il.

Les deux hommes ne recommandent pas de fumer « tel quel » les feuilles qu’ils achètent dans une production en Suisse. Contrairement à d’autres boutiques, ils ne vendent d’ailleurs pas le matériel pour cet usage. Ils orientent vers d’autres solutions comme la vaporisation, pour obtenir les vertus relaxantes, sans les effets nocifs sur la santé.

Mais Karim Nafati sait que chez ses acheteurs, il y a différents profils :

« Pour certains notre discours c’est de dire : “Vous avez fumé, vous êtes dans un piège, on peut vous aider à en sortir et décrocher avec le THC.” Car arrêter complètement du jour au lendemain, c’est difficile. »

Pour les deux commerçants, l’interdiction ne règle pas le problème de l’addiction, au contraire. Pendant les trois semaines où la vente de CBD était interdite, ils ont constaté que certains de leurs clients sont retournés vers le marché illégal, déçus de ne plus trouver des substituts.

Karim Nafati des variétés de qualité. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

25 000 euros d’économie en jeu

À Niederhausbergen, Zacharie Roullin, informaticien, et Karim Nafati, paysagiste, se sont d’abord connus comme voisins. Malgré leur différence d’âge de 17 ans, ils se découvrent une passion commune pour le chanvre.

En gardant leurs sociétés respectives à côté, ils ont ouvert leur boutique ensemble le 23 octobre 2021. Pour mener ce projet, ils ont investi leurs économies personnelles, soit 25 000 euros au total. La petite réserve de sécurité a fondu en quelques semaines suite à la publication de l’arrêté. Malgré les rentrées amoindries, il faut payer le loyer, les factures, « et encore on n’a pas de salarié », relativise Zacharie Roullin. Pour l’homme de 30 ans, l’enjeu est fort car son apport représente l’ensemble de son épargne accumulée via son entreprise d’informatique. Depuis l’ouverture, il passe trois jours par semaine à la boutique, autant de temps qu’il ne passe plus avec ses équipes.

La boutique « Au cœur du chanvre » se situe 243 avenue de Colmar à la Meinau. Photo : JFG/ Rue89 Strasbourg

« Une plante diabolisée »

Karim Nafati a aussi revu son organisation pour tenir la boutique les trois autres jours. Au contact des plantes depuis 17 ans, il pourrait quant à lui parler pendant des heures des propriétés du chanvre :

« Un hectare de chanvre capte autant de CO2 qu’un hectare de forêt amazonienne, mais met moins de temps à pousser. À côté de chez nous, la Suisse est à la pointe du CBD, et ce n’est pas un pays laxiste. Il y a aussi de nombreux sportifs qui utilisent des gélules ou des huiles de massage pour la récupération… Ici, on vend aussi des sacs faits au Népal qui sont garantis à vie tellement ils sont résistants. On n’en a pas ici, mais on pourrait aussi exposer le béton de chanvre qui est un matériau durable et ininflammable, c’est beaucoup plus écologique que le béton. C’est une plante qui a plein de vertus pour l’humanité, mais qui a été diabolisée au cours de l’histoire. »

Zacharie Roullin regrette aussi que le chanvre soit associé au cannabis. « Quand on parle de produits au chanvre, il y a toujours la petite blague sur ses effets… » Quand bien même de nombreux produits dérivés comme les huiles ou les aliments n’ont pas du tout de THC, la fameuse molécule psychoactive.

Au-delà du cas des deux Strasbourgeois, c’est toute une jeune filière qui était en péril avec l’arrêté du ministère de l’Intérieur. Un secteur bien vivant dans la région. Dans les rayons de la boutique, on retrouve les produits de plusieurs entreprises alsaciennes : les céréales et pâtes à tartiner du Labo (« la seule à avoir 100% sur Yuka ! (une appli de notation des aliments, NDLR) », vante Karim Nafati), les huiles alimentaires de Chanvr’eel, le shampoing d’une créatrice à Brumath, d’une autre à Pfaffenhoffen, et d’autres produits Made in France… « On travaille avec beaucoup de locaux. Ils sont tous cool, mais bosseurs. On sent une dynamique », poursuit le paysagiste.

La France est le quatrième producteur mondial derrière la Chine, les USA et le Canada. Et l’Alsace connaît un retour important de ces plantations, notamment en culture biologique, très présente au XIXe siècle lorsqu’elle comptait jusqu’à 8 000 hectares.

Décors sobres et même des sacs à dos en vente, nous ne sommes pas dans une boutique classique. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Pâtes, bières, jus… les prochains produits en vente

« On va faire des pâtes aux champignons pour les étudiants », projette Karim Nafati. Un dernier test des recettes avec les fournisseurs précèdera la mise en vente courant février. Une manière de cibler le lycée Couffignal ou les personnes en formation sur le campus de la CCI. Autres produits qu’il aimerait mettre en vente : des jus ou une bière locale aromatisées au chanvre. Une diversification nécessaire économique pour se mettre à l’abri en cas de nouvelles dispositions françaises qui cibleraient le commerce de feuilles, mais aussi une envie de faire découvrir toutes les déclinaisons du chanvre.

Lui-même a commencé à utiliser le CBD il y a une dizaine d’années, en s’approvisionnant en Suisse, pour soulager une hernie discale. « Aucun traitement n’a eu un effet comparable, » dit-il.

Un client pousse la porte. « Je suis un frustré du magasin d’avant », plaisante le jeune homme, en fauteuil roulant, qui a vite pris ses habitudes avec la nouvelle enseigne. Pour s’installer, les deux gérants ont en effet profité du déménagement de l’ancienne boutiques de produits dérivés et du bouche à oreille avec le propriétaire. Ainsi, ils n’ont pas eu à payer de pas de porte. « Sinon à Strasbourg c’est rapidement 30 000 à 50 000 euros », détaille Zacharie Roullin. Le client, dont la casquette arbore une feuille d’érable, repart avec des cookies, des infusions et aucune feuille à l’état brut. « Les responsables politiques feraient mieux d’essayer, ça les détendrait », lance-t-il en partant. Il compare le blocage français avec le Canada, où il a vécu : « la population était plutôt contre au début, mais la consommation de drogue a baissé« .

Zacharie Roullin conseille un client sur les différents produits alimentaires. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Un avenir toujours incertain

Avec la suspension de l’arrêté controversé, les deux entrepreneurs n’ont que quelques mois de visibilité, en attendant la décision sur le fond. Depuis, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dit qu’il « regrette » la décision de justice et a réitéré ses approximations, notamment en affirmant que « toutes les substances qui relèvent du cannabis sont très mauvaises pour la santé. » Or c’est justement parce que cette nocivité du CBD n’a pas été démontrée que le Conseil d’État a suspendu le texte du ministre.

« Le débat est complètement idéologique, avec des déclarations qui empêchent tout débat. On ne comprend pas cette agressivité. On n’est pas contre la réglementation, même pour l’alcool et le tabac, dont les effets nocifs sont avérés », regrette Zacharie Roullin. Au-delà de la décision juridique, « l’avenir de la filière dépendra sûrement du résultat des prochaines élections », estime le trentenaire. Et de la maturité du débat politique en France.

Strasbourg n’est plus « capitale du vélo », selon le baromètre des cyclistes

Strasbourg n’est plus « capitale du vélo », selon le baromètre des cyclistes

Dans le baromètre 2021 de la Fédération des Usagers de la Bicyclette, Strasbourg perd la première place au profit de Grenoble. Le résultat d’un changement de méthode pour ce classement… et d’une politique moins pro-vélo entre la fin du mandat précédent et l’installation de la nouvelle équipe.

La capitale du vélo déraille, au point de se faire doubler. Jeudi 10 février, la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) a publié les résultats de son baromètre biannuel. Strasbourg avait remporté les éditions 2017 et 2019, mais la capitale alsacienne n’est plus sur la première marche du podium de sa catégorie. Pour son baromètre 2021, dans la catégorie Grandes Villes, Strasbourg arrive deuxième, derrière Grenoble. La ville de l’écologiste Éric Piolle (EELV) obtient une note de 4,21 contre 4,18 pour celle de Jeanne Barseghian. En troisième position, plus loin derrière, Rennes obtient une moyenne de 3,74. Au total, ce sont plus de 275 000 Français qui ont participé au questionnaire pour donner leur ressenti.

Une nouvelle classification

Le président de la FUB relativise d’emblée ce déclassement. Le Strasbourgeois Olivier Schneider explique qu’avec la participation de communes de plus en plus nombreuses (300 en 2017, 750 en 2019 puis 1625 en 2021), la fédération a été contrainte de « regrouper les deux plus grandes catégories de communes, donc Strasbourg et Grenoble se sont retrouvées dans la même catégorie. Si ce changement de méthodologie avait eu lieu dès 2019, Strasbourg aurait déjà perdu la première place depuis deux ans. »

D’après Olivier Schneider, les cyclistes grenoblois bénéficient aussi de la réélection d’Éric Piolle (EELV) :

« Dès la première année de son deuxième mandat, le maire de Grenoble a continué sa politique favorable au cyclisme. À Strasbourg, la nouvelle équipe a préparé des budgets et fait des planifications. Elle n’a pas encore pu livrer de nouveaux aménagements au moment où les cyclistes ont voté, entre septembre et novembre 2021. »

Des projets votés, pas encore réalisés

En début de mandat, l’Eurométropole a voté la création de 120 kilomètres de pistes cyclables d’ici 2026. Les nouveaux kilomètres devraient surtout concerner des liaison dans les communes de première et deuxième couronne. À Strasbourg, les écologistes ont comme principal projet le « ring », c’est-à-dire un contournement cyclable de la Grande-Île. Il a été amorcé avec le Marché de Noël, mais n’est pas encore achevé notamment au Sud et aux Halles. Au début du mandat, des bandes cyclables ont été ajoutées sur l’allée de la Robertsau. Elles sont décriées par l’opposition.

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Les associations de cyclistes craignent qu’en contrepartie du contournement cyclable, la traversée du centre soit encore plus compliquée. Photo : ML / Rue89 Strasbourg / cc

Un autre projet important à Strasbourg est de créer une liaison le long de l’eau place de l’Étoile, pour éviter les carrefours encombrés avec la place de la Bourse. Enfin, la réforme de la politique stationnement résidant vise à réduire le nombre de places dans l’espace public, pour créer entres autres des passages apaisés pour les cyclistes. Les efforts seront concentrés dans les quartiers de la Neustadt, Montagne Verte et Neudorf. Face aux progrès de nouvelles municipalités, il en faudra peut-être plus pour reprendre le maillot jaune.

Le secrétaire général de la FUB avance une autre explication pour cette perte de la première place :

« Strasbourg se retrouve coincé par sa politique historique en faveur du vélo et ses aménagements sur les trottoirs qui créent des conflits avec les piétons. Le réseau strasbourgeois est assez complet mais il doit être réaménagé. Cela prend parfois plus de temps de refaire une rue que d’y installer une piste cyclable. Grenoble a comblé son retard rapidement parce qu’elle manquait clairement n’y avait pas d’aménagement. »

Directeur de l’association de cyclistes CADR67, Frédéric Masson relativise lui aussi le résultat du dernier baromètre de la FUB :

« La note de Strasbourg est stable par rapport aux précédents baromètres. Strasbourg a beaucoup fait il y a 20 ans pour les cyclistes. Ces dernières années, la ville était moins volontariste, mais la dynamique va se relancer prochainement, notamment grâce au plan de 100 millions d’euros pour les pistes cyclables. »

Pour la conseillère déléguée au vélo, l’écologiste Sophie Dupressoir, ce classement n’est « pas une sanction mais un encouragement » :

« La note de Strasbourg, qui arrive au début du mandat, augmente tout de même légèrement. Cela nous conforte dans notre volonté de changer de braquet. Les projets sont votés, financés, notamment le fait de relier les quartiers entre eux ou améliorer les axes Velostras. Avec la réalisation de ces projets, on espère remonter à la première place. Mais ce n’est pas une compétition entre villes mais contre le changement climatique. »

Illkrich-Graffenstaden sort du Top10

Autre perdante de cette nouvelle organisation, la commune d’Illkirch-Graffenstaden. Première en 2019 pour les villes entre 20 000 et 50 000 habitants, voici la 3è commune de l’Eurométropole éjectée du top10 de sa catégorie « communes de banlieue ». Elle récolte une note de 3,71, soit une classification C, alors que la notation va de A à G. C’est tout de même mieux que Schiltigheim, l’autre grande commune périphérique de l’Eurométropole qui hérite d’un E.

Dans le Grand Est, le podium est constitué de trois villes alsaciennes. Oberhausbergen et Turckheim complètent le classement derrière Strasbourg, qui reste donc la « capitale du Grand Est du vélo », toutes catégories confondues. L’honneur est sauf.

#FUB

Contre la précarité étudiante et des relogements incertains, des étudiants rendent le Resto U gratuit

Contre la précarité étudiante et des relogements incertains, des étudiants rendent le Resto U gratuit

Des étudiants engagés ont permis aux utilisateurs d’un restaurant universitaire de passer sans payer pour le déjeuner du 10 février. Une action qui vise à alerter sur l’inflation qui touche les étudiants et en particulier sur la situation de la Cité universitaire Paul Appell. La résidence va fermer avant d’importants travaux sans que les solutions de relogements soient encore trouvées.

À la veille des vacances d’hiver, plusieurs centaines d’étudiants et d’étudiantes ont eu la bonne surprise de manger gratuitement au restaurant universitaire de la cité Paul Appell à l’Esplanade, jeudi 10 février. L’opération s’est passée de manière très simple : des étudiants qui avaient imaginé cette action ont annoncé aux caisses leur intention de laisser passer tout le monde, sans présenter la carte de paiement. Et le personnel du Crous n’a pas opposé de résistance.

L’action avait un double objectif. D’abord, interpeller sur la précarité étudiante en France. « En octobre, le repas est repassé de 1€ à 3,30€ pour les non-boursiers », fustige par exemple Louis, du syndicat Solidaires étudiants. Il pointe que l’inflation de ce début d’année touche les étudiants les plus fragiles, dont les faibles revenus restent identiques.

En travaux, la résidence étudiante Paul Appell ferme des bâtiments au gré de l’avancée des travaux. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Fermeture le 31 mars

L’autre raison est beaucoup plus locale. Il s’agit d’alerter sur la situation des étudiants de la résidence Paul Appell. Trois bâtiments vont fermer le 31 mars pour une grande rénovation à 50 millions d’euros. Mais les habitants n’ont, pour l’instant, aucune information sur leur relogement.

C’est le cas de Lyna, étudiante en Histoire :

« En octobre, on a été informés de cette fermeture et on nous a demandé et si l’on voulait être relogés au même tarif, 175€ par mois, ou avec d’autres prestations supplémentaires, comme des sanitaires mais pour plus cher. La plupart des personnes voulaient rester au même loyer. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas où nous serons logés, ni à quel tarif. Le déménagement interviendrait en pleine période de révisions et d’examens avec tout le stress que ça génère. Un déménagement prend du temps et de l’argent. Pourquoi ne pas attendre l’été quand les chambres se vident ? »

Et encore, comme Lyna est en deuxième année, son bail renouvelé courait jusqu’à l’été. Mais pour les nouveaux arrivants, leur contrat n’est valable que jusqu’au 31 mars. Sans certitude pour la suite.

Une centaine d’étudiants sans bail après le 31 mars

Cette situation concerne « une centaine » d’étudiants selon Éléonore Schmitt, élue au conseil d’administration du Crous et présidente de la nouvelle association locale Alternative étudiants de Strasbourg (AES) :

« On a interpellé les pouvoirs publics sur le manque de logements Crous et notamment l’Eurométropole dont c’est la compétence pour des solutions d’urgence. On attend une réponse. L’une des possibilités est que les personnes de Paul Appell aillent à la Robertsau. Mais c’est aussi une résidence à problèmes, qui est plus éloignée du campus. »

« On est assez confiant sur le fait qu’il y ait des relogements mais ce que l’on dénonce particulièrement, c’est le manque de transparence », relativise Louis, de Solidaires Étudiants.

Les étudiants et étudiantes mobilisées expliquent les raisons de leur action. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Dans le restaurant, des étudiants surpris

Dans le restaurant, une dizaine d’étudiants engagés expliquent à leurs homologues, qu’ils n’ont pas à badger leur carte Izly. Certains s’arrêtent pour écouter les raisons de cette gratuité soudaine. D’autres sont surpris. « C’est pas une fraude ou quoi si je passe ? », demande un étudiant étranger qui a besoin d’être rassuré.

Paulina, du syndicat Solidaires est satisfaite que l’action puisse se dérouler sur toute la durée du repas. Elle s’inquiète des évolutions du Crous à moyen terme :

« Notre crainte c’est qu’après les rénovations il n’y ait plus de logements à moins de 200€ à Strasbourg, alors que le parc privé est très cher. La rénovation est nécessaire mais ce n’est pas aux étudiants de payer ».

Engagée dans le mouvement étudiant, Paulina alerte sur les évolutions à moyen terme des résidences étudiantes Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Le début de mouvement étudiant agrège une cinquantaine de personnes mobilisées dans plusieurs jeunes organisations dont la CGT-SELA (pour Syndicat étudiants Lycéens et apprentis) dont l’une des revendications est « des bourses plus élevées en nombre et en montant pour contrer l’inflation actuelle », explique Martin, l’un des membres.

La plupart des organisateurs souhaitent reproduire des actions similaires au retour des vacances scolaires.

À Strasbourg, les plats des cantines scolaires, refroidis et servis deux jours après préparation

À Strasbourg, les plats des cantines scolaires, refroidis et servis deux jours après préparation

Deux entreprises fournissent les repas des enfants dans les cantines strasbourgeoises. Elles les produisent dans des cuisines centrales, souvent deux jours plus tôt. L’association Strasbourg Écologie milite pour une préparation des déjeuners directement dans les restaurants scolaires. La municipalité écologiste souhaite aussi tendre vers ce modèle.

Chaque jour, 11 000 élèves de maternelle et primaire mangent dans des cantines à Strasbourg. Elles fonctionnent toutes selon le principe de la liaison froide : les repas sont confectionnés par milliers dans une cuisine centrale. Sur les 46 restaurants scolaires de la ville, l’Alsacienne de Restauration en approvisionne 28. Et API Cuisiniers d’Alsace fournit 18 établissements. Leurs sites de production se trouvent respectivement à Schiltigheim et Epfig.

« Après la préparation, les repas sont refroidis entre 0 et 3°C et maintenus à température pendant un, deux ou trois jours », indique Soraya Ouldji, adjointe à la maire de Strasbourg déléguée à la restauration scolaire. Ensuite, le jour où ils sont servis, ils sont acheminés, à froid, vers les cantines, puis réchauffés sur place avant de passer dans l’assiette des enfants. D’après l’élue, « c’est un modèle peu onéreux ». La Ville finance la restauration scolaire à hauteur de 8,2 millions d’euros par an.

Des infrastructures pour cuisiner des milliers de repas tous les jours

Mardi 1er février, Rue89 Strasbourg a pu visiter le site de production de l’Alsacienne de Restauration, à Schiltigheim. À 6h30, une quinzaine de salariés vêtus de blouses, de gants et de charlottes préparent des spaghettis bolognaises. Dans de grandes cuves, quatre cuisiniers mélangent la sauce tomate et la viande hachée.

Les plats sont ensuite conditionnés avant d’être brusquement refroidis, grâce à des frigos spéciaux, pour y être conservés plus de 48h.

Les spaghettis bolognaises étaient au menu de midi des cantines le jeudi 3 février, soit deux jours après leur préparation. D’après Thierry, employé depuis 22 ans interrogé sur place, « la grosse difficulté c’est la gestion des grandes quantités et de la chaine du froid ».

Daniel Rodriguez, directeur de la communication de l’Alsacienne de restauration, insiste sur le cahier des charges fixé par la Ville de Strasbourg :

« Sur tous les produits que nous achetons, 30% du budget permet l’achat de produits bios. 50% des produits bios que nous achetons viennent d’Alsace. Notre fournisseur principal en aliments sans pesticides est Solibio (20 à 25% des produits, NDLR), basé au Marché Gare. Il nous vend des carottes, du chou, du céleri, des tomates, des pommes de terre, des poireaux, des courgettes ou encore des panais. Nous avons d’autres partenaires alsaciens, comme Bruno Siebert ou Thierry Schweitzer, qui nous approvisionnent respectivement en poulet et en saucisses de porc. »

« On fait ce qu’on peut avec nos contraintes »

Le directeur de la communication concède que 70% des légumes achetés par l’Alsacienne de restauration ne viennent pas d’Alsace, mais d’ailleurs en France. « On fait ce qu’on peut, avec nos contraintes. Cela dépend surtout de la disponibilité des produits. Nous choisissons aussi nos fournisseurs pour leur capacité à fournir des denrées en quantité suffisante », explique Daniel Rodriguez.

Il promet que seulement 20% des aliments servis sont transformés, et donc issus de l’industrie agro-alimentaire. Par exemple, le poisson pané, les beignet, les quiches, la mayonnaise, les œufs durs ou encore les steaks végétariens ne sont pas faits sur place. Pour ces produits, la Ville de Strasbourg interdit à l’Alsacienne de restauration d’utiliser les additifs colorants E171 et E172, ainsi que les antiagglomérants E551 et E552.

La liaison froide implique des infrastructures logistiques conséquentes. Photo : GK / Rue89 Strasbourg

Depuis le rachat d’Elior, la qualité de certains produits a baissé

D’après Paul (prénom modifié), salarié de l’entreprise depuis 25 ans, « la qualité des produits de certains fournisseurs nationaux a fortement baissé depuis le rachat en 2007 de l’Alsacienne de restauration par le groupe Elior ». La multinationale a réalisé un chiffre d’affaires de 3,69 milliards d’euros sur l’année scolaire 2020-2021.

Dans le même sens, dès 2013, l’union fédérale des consommateurs – Que Choisir révélait grâce à une étude menée sur 606 cantines que les pires restaurants scolaires en terme de qualité nutritionnelle étaient ceux gérés par les groupes Elior, Sodexo et Scolarest.

Daniel Rodriguez assure de son côté que l’Alsacienne de restauration reste autonome dans ses choix. « Nous sommes tout à fait disposés à cuisiner sur place ou en liaison chaude si la demande de la municipalité varie et que les infrastructures sont disponibles », remarque-t-il.

La cuisine centrale de l’Alsacienne de Restauration compte 40 salariés pour la préparation et le conditionnement, et 10 chauffeurs qui amènent les repas dans les cantines. Photo : GK / Rue89 Strasbourg

API Cuisiniers d’Alsace, qui produit aussi des milliers de repas tous les jours pour les enfants strasbourgeois, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Strasbourg Écologie demande la cuisine sur place ou en liaison chaude

Le refroidissement permet un ralentissement de l’altération microbienne et biochimique des aliments, mais il ne la stoppe pas complètement. Le vieillissement des denrées pendant cette phase supplémentaire de conservation peut donc conduire à une moindre qualité nutritionnelle, en comparaison avec des produits consommés directement après leur préparation. « Pour nous, c’est une question de santé publique », déclare Françoise Werckmann, conseillère municipale déléguée à la restauration scolaire pendant la mandature de Roland Ries, de 2014 à 2020.

Françoise Werckmann fait aujourd’hui partie de l’association Strasbourg Écologie, qui a envoyé en mai 2021 une charte à tous les maires de l’Eurométropole, dont la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian, pour qu’ils s’engagent à mettre en œuvre une cuisine élaborée directement sur place, dans les cantines, ou bien en liaison chaude. Cette deuxième option consiste en une préparation des repas le jour de leur consommation sur de petits sites de production à proximité des restaurants scolaires.

L’Association des Parents d’élèves Indépendante de la Robertsau (APEIR) et le centre socio-culturel de la Robertsau se sont associés à la démarche. Françoise Werckmann explique l’initiative :

« Lorsque j’étais élue, je ne suis pas parvenue à convaincre mes collègues de débloquer le budget pour que les infrastructures nécessaires à la cuisine sur place soient construites. Mais je continue le combat. Nous voulons pousser la mairie actuelle à changer radicalement de modèle. L’enjeu est énorme. Nous le faisons pour que tous les enfants strasbourgeois, de tous les milieux sociaux, aient accès à une alimentation de qualité à midi. »

La cuisine sur place nécessite un vaste chantier

Selon l’adjointe Soraya Ouldji, la municipalité a justement lancé un appel à projet pour fixer un plan de travaux permettant une transition vers la cuisine sur place et en liaison chaude :

« Bien sûr, d’un point de vu nutritionnel et gustatif, la cuisine sur place et en liaison chaude, c’est l’idéal. Mais d’importants chantiers de construction et d’agrandissement des cantines strasbourgeoises sont nécessaires car ces dernières ont été conçues uniquement pour le réchauffage. Nous devons aussi garder le prix des repas suffisamment bas. L’entreprise que nous choisirons pour définir un plan de travaux commencera son travail au printemps 2022. Pour l’instant, nous estimons que les chantiers seront finis aux alentours de 2030. »

L’adjointe à la maire signale aussi que les dix écoles en construction ou en projet dans la capitale alsacienne comporteront toutes une cuisine sur place. Pour Françoise Werckmann de Strasbourg Écologie, le plan sur dix ans n’est pas satisfaisant :

« Le mandat de la nouvelle municipalité a commencé il y a plus d’un an et demi. Il finira en 2026. Il faut accélérer. Pour l’instant, c’est flou. Qui dit que la prochaine municipalité continuera sur la même lancée ? Pourquoi ne pas avoir démarré la définition d’un plan de travaux pour les cantines directement au début du mandat ? »

Soraya Ouldji estime quant à elle que l’exécutif tient ses engagements de campagne : « Outre notre cahier des charges pour une alimentation bio et local, nous avons ouvert le marché pour varier les prestataires. Avant septembre 2021, l’Alsacienne de Restauration avait le monopole. »

Dans les cantines lyonnaises, entre 50 et 75% de produits bio en 2022

Selon Cyril Ernst, de l’association Assiettes végétales, la municipalité écologiste n’a rien changé concernant les plats végétariens. La municipalité socialiste avait déjà mis en place un repas sans viande ni poisson tous les jours pour les enfants qui le souhaitent, et un repas végétarien par semaine pour tous, dans le cadre de la loi Egalim :

« Notre priorité, c’est la végétalisation des assiettes, car c’est le levier d’action le plus efficace selon nous pour contrer le réchauffement climatique. La production de viande émet énormément de gaz à effet de serre. Pour l’instant, à Strasbourg, on observe des annonces floues sur la volonté de promouvoir des repas végétariens de qualité. Il faudrait des objectifs chiffrés, des évolutions concrètes comme un deuxième repas sans protéine animale par semaine pour tous les enfants. »

Soraya Ouldji rétorque que lors des réunions hebdomadaires entre les services et les entreprises prestataires, un travail est mené pour améliorer la qualité gustative et nutritionnelle des repas végétariens : « On aimerait remplacer les produits comme les steaks végétaux par des lentilles ou des pois chiches par exemple. »

Greenpeace dénonce aussi régulièrement la présence de grandes quantités de viande dans les menus des cantines. L’élevage est responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre. Photo : GK / Rue89 Strasbourg

« Un manque de volonté politique »

Françoise Werckmann estime pour sa part qu’il y a « un manque de volonté politique ». Elle considère que la municipalité lyonnaise, aussi écologiste depuis 2020, « est allée plus vite ». Jointe par Rue89 Strasbourg, la Ville de Lyon affirme que ses 130 cantines fonctionnent en liaison froide, à l’exception d’un restaurant en liaison chaude. À ce jour, elle ne présente pas de plan pour passer à la cuisine sur place. En revanche, son cahier des charges semble plus ambitieux que celui de la Ville de Strasbourg :

« Pour la rentrée 2022, nous visons un approvisionnement en bio évolutif de 50 à 75% au cours du marché et de 50% en local. »

Soraya Ouldji dit échanger avec les autres exécutifs écologistes :

« Chaque ville a ses contraintes, pour les travaux ou l’approvisionnement, ce qui implique des délais plus ou moins importants avant que les conséquences des décisions soient visibles sur le terrain. Pour les crèches municipales, on a pu aller plus vite et les chantiers pour passer uniquement en cuisine sur place et liaison chaude seront finis en 2024. »

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Des agriculteurs emballent les rayons du Leclerc Rivetoile pour une revalorisation de leurs productions

Des agriculteurs emballent les rayons du Leclerc Rivetoile pour une revalorisation de leurs productions

Le 9 février, les syndicats agricoles FDSEA et Jeunes Agriculteurs du Bas-Rhin ont manifesté dans le Leclerc de Rivetoile. En cause : les négociations actuelles pour Egalim 2, dans lesquelles ils estiment que les grandes surfaces négocient des prix trop bas pour leurs productions.

« C’est pas qu’on a perdu l’année dernière, c’est qu’on n’a pas gagné », résume Jérôme, des Jeunes Agriculteurs. Accompagné d’une centaine d’agriculteurs de son syndicat et de la FDSEA (syndicat majoritaire), le salarié agricole Wissembourgeois manifeste devant le centre commercial de Rivetoile à 14h, ce mercredi 9 février. Une cinquantaine de tracteurs venus notamment de Brumath et de Truchtersheim sont stationnés devant l’enseigne Leclerc, accusée par les agriculteurs de négocier des prix trop bas pour permettre une rémunération suffisante pour eux.

Les syndicats agricoles FDSEA et JA se sont regroupés devant le Leclerc de Rivetoile, mercredi 9 février. Une cinquantaine de tracteurs sont arrivés de Schiltigheim et sont repartis en passant par la Chambre d’Agriculture du Bas-Rhin. Photo : Danae Corte/Rue89 Strasbourg

Vers 14h50, le président de la FDSEA du Bas-Rhin, Franck Sander, chevauche la palette du tracteur et les packs de bières pour rappeler les derniers succès de ces manifestations. Comme la dernière action des agriculteurs le 30 avril 2021, venus avec leurs tracteurs devant le parlement Européen, qui avait abouti à rendre l’accès à certaines aides de la PAC plus facile. Quelques minutes plus tard, à l’appel des syndicats, ils convergent dans le magasin, sous les regards hébétés des vigiles, pour s’introduire dans les rayons, sans grand tumulte.

Des étiquettes et des bâches sur les produits pas chers

Armés d’étiquettes et de bâches, les agriculteurs ciblent surtout les produits qui ne respectent pas les prix des agriculteurs locaux. Gauthier Kempf pointe un paquet de jambon premier prix dans le rayon :

« Ce sont ces marques qui ne rémunèrent pas bien. Elles sont en grande partie des produits importés et viennent d’exploitations industrielles. »

Les agriculteurs ont emballé les rayons de jambon et de charcuterie pour signaler les prix trop bas, selon eux. Danae Corte/Rue89 Strasbourg

Pour la FNSEA, l’objectif est d’inclure les prix de production dans le prix d’achat des matières premières, par les industriels et surtout par les moyennes et grandes surfaces en fin de chaîne. Mais puisque les coûts de production agricole augmentent (+ 13,6% en septembre 2021, + 14,3 % hors fruits et légumes), les agriculteurs souhaitent compenser en augmentant le prix de ventes de leurs matières premières, notamment aux grandes et moyennes surfaces (GMS).

Une augmentation des prix de production

La loi Egalim 2, censée permettre une rémunération plus juste pour les agriculteurs, est actuellement en cours de négociation. Julien Koegler, président des Jeunes Agriculteurs du Bas-Rhin, s’inquiète de la tournure des événements :

« L’enseigne E. Leclerc a démarré les négociations en demandant une baisse d’environ 2% du prix d’achat de tous les produits. Comment voulez-vous attirer les jeunes agriculteurs quand la grande distribution est aussi forte ? »

Julien Koegler estime en parallèle une baisse de prix de vente pour les agriculteurs de 16% tous secteurs confondus. Thierry Willem, exploitant laitier à Marmoutier, pointe le PDG de E. Leclerc :

« Michel-Edouard Leclerc est le roi de la com’. Il se fait le défenseur des consommateurs en mettant la pression sur les producteurs. Nous éleveurs laitiers, pour compenser les coûts, il nous faudrait plus de 400 euros pour 1 000 litres. Le prix de maintenant est de 340 euros pour 1 000 litres. Cela ferait une augmentation de 0,40 euros le litre de lait : ce n’est pas ça qui va tuer le consommateur. »

Sur fond d’inflation

« On est pris dans la tenaille, tout augmente » appuie au contraire Claude, qui choisit le pâté en croûte en promo un rayon plus loin. L’inflation était de 1,6% en 2021, un taux jamais atteint depuis 2018. Même s’il soutient la démarche des agriculteurs, il émet des réserves :

« Le reproche que je peux faire aux producteurs alsaciens, c’est que lorsque l’on va acheter dans les petites fermes, c’est quand même très cher. Si eux faisaient l’effort de faire des tarifs attractifs, on ferait aussi l’effort d’acheter plus cher dans les grands magasins. »

Liliane au contraire, pense qu’il vaut mieux acheter moins mais local. Elle convient tout de même : « Moi j’ai pratiquement gardé mon salaire à la retraite, donc ce n’est pas un problème. C’est pour les familles nombreuses que cela doit être difficile. »

Danae Corte/Rue89 Strasbourg

Le corps repêché au pont Saint-Thomas identifié : la piste du suicide privilégiée

Le corps repêché au pont Saint-Thomas identifié : la piste du suicide privilégiée

La police a identifié le corps repêché dans l’après-midi du dimanche 30 janvier à proximité du pont Saint-Thomas. Il s’agit du mari d’une femme retrouvée grièvement blessée à coups de marteau lundi 3 janvier.

Le corps flottait dans l’Ill en fin d’après-midi du dimanche 30 janvier. Les pompiers l’ont repêché aux alentours de 17 heures à proximité du pont Saint-Thomas. La police a pu identifier le cadavre grâce à ses empreintes dentaires, comme l’indiquent les Dernières Nouvelles d’Alsace. Il s’agit d’un homme de 84 ans, le mari d’une femme de 87 ans et atteinte de la maladie d’Alzheimer. Cette dernière a été retrouvée grièvement blessée lundi 3 janvier au domicile du couple, dans le quartier de Koenigshoffen.

« La piste du suicide privilégiée »

À côté du lit de la dame, la police a retrouvé un marteau ensanglanté. L’épouse de l’homme repêché dans l’Ill a perdu un œil suite aux coups qui lui ont été portés. Une infirmière à domicile avait lancé l’alerte après deux jours sans nouvelle de sa patiente.

La police nationale indique que « la piste du suicide est privilégiée car l’autopsie ne révèle aucune lésion pouvant résulter de l’intervention d’une tierce personne ». Le mari de 84 ans n’avait pas donné de signe de vie depuis la date du 3 janvier. L’enquête doit notamment permettre d’identifier l’auteur des coups sur la femme de 87 ans.

« Enquête sur un scandale d’État », plongée au cœur des confessions d’un infiltré chez les Stups

« Enquête sur un scandale d’État », plongée au cœur des confessions d’un infiltré chez les Stups

Dans son troisième long-métrage, Thierry de Peretti décortique le travail acharné d’un journaliste et de sa source pour dénoncer un trafic d’Etat. Un échange sous tension incarné par Pio Marmaï et Roschdy Zem, époustouflants. Rencontre avec le réalisateur et son infiltré.

Le 15 octobre 2015, l’équivalent de 20 millions d’euros de cannabis sont saisis par les douanes en plein cœur du 16e arrondissement de Paris, dans des camionnettes qui stationnaient depuis plusieurs heures. La drogue appartient à un gros dealer, qui se trouve être aussi l’infiltré numéro 1 de Jacques Billard (interprété par Vincent Lindon), le patron de Stups. Or, la cargaison avait totalement échappé à son contrôle. « Une stratégie », rétorque Jacques Billard. Le jour même, un ex-infiltré, Hubert Antoine (magistral Roschdy Zem) contacte un journaliste de Libération (incarné par Pio Marmaï) pour dénoncer au contraire, un système : il accuse l’État d’organiser le trafic en France.

Annoncé comme une fiction, le troisième long-métrage de Thierry de Peretti est un récit très documenté sur l’affaire François Thierry, ex-dirigeant de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS). Avec en toile de fond la révélation de la stratégie mortifère de l’État pour arriver à faire du chiffre et des coups médiatiques, le réalisateur fait surtout un film sur la rencontre de deux hommes en quête de vérité. Interview croisée.

Bande annonce

Rue89 Strasbourg: Pourquoi avoir fait un film sur les « justes » de ce scandale (l’infiltré et le journaliste) plutôt que sur les « voyous » (le dealer et le patron des Stups)?

Thierry de Peretti: La première raison tient au fait que j’ai rencontré Hubert Avoine et le journaliste Emmanuel Fansten et que j’ai pu passer du temps avec eux, alors qu’ils étaient encore plongés dans leur travail d’investigation. La toile de fond de la lutte anti-drogue et son dévoiement m’ont intéressé bien entendu mais aussi la personnalité de ces deux hommes.

« Tous les médias ne fonctionnent pas de la même façon »

Il y avait un vrai sujet dans l’exploration de ce journaliste du département Police-Justice de Libération, qui en même temps était remis en cause et conspué par d’autres médias. Je voulais réaliser un travail précis et juste sur Libération car tous les médias ne fonctionnent pas de la même façon, montrer comment il s’approprie sa source, comment il relie les éléments entre eux… D’autre part, un personnage d’infiltré, je n’en avais jamais vu à l’écran, en tout cas pas comme ça : on ne le voit pas en infiltration mais le film donne le récit qu’il rapporte de ce qu’il a vécu.

Thierry de Peretti Photo : Pascal Bastien

En effet, c’est un film sur la parole: le témoignage (est-il vrai ?), la parole médiatique, le débat journalistique ou judicaire qu’est-ce qui vous intéresse dans ce matériau et comment le travaillez-vous?

TP: La parole m’intéresse poétiquement, musicalement. J’aime essayer de déterminer les gens à partir de leur manière de parler, je projette des images puis au fur et à mesure je refais un point sur cette personne. Un de mes grandes joies au cinéma, c’est justement quand on m’emmène vers quelque chose et puis que je suis surpris, d’autres images se créent. Avec le personnage d’Hubert Antoine, la parole est aussi antique : plutôt que de la voir vivre, il nous raconte et nous donne son point de vue.

Le film s’ouvre sur un carton qui prévient le spectateur qu’il va voir une fiction, nous ne sommes pas dans le traditionnel « inspiré de faits réels »… et pourtant le film est très ancré dans le réel. Qu’est-ce que vous chercher à produire ?

TP: Je cherche à créer une dynamique avec le spectateur. Je donne une sorte de mode d’emploi au début puis au bout d’une demi-heure, effectivement, on se rend compte que tout ça est très documenté, très précis, on se questionne. Je ne veux pas que le spectateur passe son temps à réfléchir, attention, je veux qu’il se laisse envouter mais j’aimerais lui permettre une indépendance. Si je sens qu’un film est construit, programmatique, je m’ennuie, j’ai envie de fuir…

L’infiltré, une personne qu’on ne croise jamais dans la vie

Et vous Roschdy Zem, vous avez fait d’Hubert Antoine, un personnage incroyable, il a une grande maîtrise de lui-même et en même temps, on perçoit par des scènes subtiles, sa fragilité ou sa rage. Comment avez vous créé ce caractère ?

Roschdy Zem: La matière principale est mon imagination, je préfère partir sur un mode fictionnel plutôt que de chercher le mimétisme. J’ai travaillé à partir de tous les échanges enregistrés entre Hubert Avoine et Emmanuel Fansten. Là, a commencé à se dessiner une personnalité, avec sa musique, ses caractéristiques, que j’ai adaptée à ma propre personnalité. J’ai ajouté à cela les propositions du metteur en scène.

On sent qu’il vécu des choses à la limite de la légalité…

RZ: Le statut d’infiltré pose cette question : jusqu’où on va pour pouvoir agir sans être débusqué. Des infiltrés on n’en croise jamais dans la vie, c’est rare qu’à un diner quelqu’un vous raconte : je suis sur un coup là, mais je peux pas en parler… C’est une nébuleuse qu’on a du mal à percevoir et les pires idées nous traverse l’esprit. On sent qu’il en joue, ça fait sa force et sa part de séduction. Mais il refuse d’être considéré comme un voyou, il a un code d’honneur, pour lui être considéré comme ceux qu’il cherche à coincer, relèverait de l’insulte.

Roschdy Zem Photo : Pascal Bastien

Comme dans votre film sur l’affaire Omar Raddad, Hubert Antoine est aussi quelqu’un qui doit se battre pour faire éclater sa vérité.

RZ: Oui mais avec une différence notable : Hubert est armé. Le personnage d’Omar Raddad était complètement vulnérable, sans défense. Hubert a établi un plan très clair et il va utiliser ce qu’il est pour emmener les gens avec lui.

« Être déstabilisé pour un acteur de mon âge, c’est grisant »

Qu’est-ce que vous a apporté la façon de travailler de Thierry de Peretti, en plans séquences, avec beaucoup de préparation en amont et peu de découpage préétabli?

RZ: C’est la première fois que je travaillais ainsi et être déstabilisé pour un acteur de mon âge, c’est grisant. Son travail réside dans le fait de créer des conditions favorables pour produire de l’authenticité. D’abord on a pas mal théorisé puis de façon très concrète, il nous entoure de réel. Par exemple, quand on tourne une scène au restaurant, il continue à fonctionner, on travaille au milieu du service, avec les bruits ambiants et il n’y a pas de figurants. C’est le seul réalisateur qui nous disait de laisser nos portables allumés et de répondre s’ils sonnaient ! Il laisse la caméra tourner, sans réel début et fin de séquence, on a le temps de s’oublier et on plonge dans un moment de vérité. Avec Pio (Marmaï), on s’est dit qu’on avait le sentiment de ne pas jouer!

« On a l’impression d’être un peu délaissés », ces jeunes qui voteront sans illusion à la présidentielle

« On a l’impression d’être un peu délaissés », ces jeunes qui voteront sans illusion à la présidentielle

Alors que le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra le 10 avril 2022, les jeunes, dont certains voteront pour la première fois, se sentent parfois dépassés par une offre qui a du mal à les convaincre.

Lors des élections régionales de juin 2021, 87% des 18-24 ans n’ont pas voté. Rue89 Strasbourg est allé à la rencontre de jeunes dont la vie est éloignée des partis politiques traditionnels. Les personnes abordées pensent bien voter les 10 et 24 avril 2022. L’élection présidentielle reste une d’intérêt source d’intérêt marquée, contrairement aux autres élections. Mais les futurs votants et votantes peinent à se retrouver dans les propositions des candidats et candidates.

Turkan et Leslie, 18 ans, « L’impression que les politiques compliquent les choses pour qu’on ne comprenne pas et qu’on se désintéresse »

Sur un banc du campus de l’Esplanade, deux amies discutent… « Je trouve ça très important de voter, mais je sens que je ne suis pas assez informée pour faire le bon choix », explique Leslie, rapidement approuvée par Turkan. Elles sont toutes deux étudiantes en première année de psychologie à l’université de Strasbourg et habitent à Haguenau. C’est un sujet qu’elles évoquent rarement entre elles ou avec leurs amis : « On ne sait pas vraiment vers qui se tourner pour en savoir plus. S’il y avait des ateliers sur le sujet à la fac ou des débats organisés, ce serait bien », imagine Turkan. 

« Sous le terme de « politique », je mets tout ce qui est institutions d’Etat, mais aussi le contre pouvoir, comme celui des manifestations », Leslie, 18 ans. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

« On n’arrive pas vraiment à se positionner à gauche ou à droite. Parfois, j’ai l’impression que les politiques compliquent les choses pour qu’on ne comprenne pas et qu’on se désintéresse. C’est vraiment dommage, parce que dans les faits, la manière de gouverner un pays, ça nous concerne tous. »

Leslie, 18 ans, étudiante

Pour Turkan, il y a aussi un problème au niveau du débat public, trop éloigné de ses propres préoccupations et de celles de ses proches : « Certains hommes politiques, comme Zemmour, essaient juste de faire le buzz et créent des stéréotypes. Ils parlent des religions, particulièrement de l’Islam, alors que cela doit rester personnel. Nous sommes dans un pays laïc. »

« La politique, c’est ce qui détermine nos libertés, nos droits et nos devoirs », Turkan, 18 ans. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

Lesli et ses amis aimeraient voir d’autres sujets de fond abordés, comme la précarité étudiante, le chômage, la place des femmes dans la société… « Forcément, on s’intéresserait plus s’ils parlaient de sujets dans lesquels on se reconnaît. »

Maxime, 24 ans, « Mon engagement est pluriel: je milite et je me projette dans une vie alternative »

« Pour moi, la politique doit se traduire dans sa façon de vivre. J’aime me dire que je mets ma vie au service d’une idée, de quelque chose qui me dépasse », définit Maxime, 24 ans, étudiant du master Ville, environnement et société de l’université de Strasbourg. Il a grandi à Puttelange-aux-lacs, un village de Moselle, dans une famille peu politisée. Son premier souvenir politique remonte à son adolescence et à sa découverte du compte Mr.Mondialisation sur les réseaux sociaux. En le suivant, il commence à découvrir des revues qui parlent d’écologie, comme Usbek&Rica. 

« Il faut prendre conscience que la plupart de nos gestes sont politiques », Maxime, 24 ans. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

Il vote une première fois en 2017 pour Jean-Luc Mélenchon, puis continue de se politiser à travers un service civique dans une association d’éducation populaire de la transition écologique. Grâce à ce nouvel « engagement citoyen », il peut échanger avec des personnes qui ont les mêmes préoccupations que lui :

« J’ai vraiment pris conscience qu’une autre manière de vivre était possible. L’été dernier, je suis allé aider une famille qui construit sa propre maison, de A à Z, dans la campagne. Ce projet de vie non-conventionnel me plaît beaucoup et je réfléchis de plus en plus à un projet de ferme autogéré et écologique. Incarner un autre idéal et montrer qu’une autre façon de vivre est possible, pour moi, c’est un acte politique. »

Après avoir tracté au début pour la « Primaire populaire », il ne pense pas suivre le résultat de l’initiative qui a échoué à créer l’union de la gauche. Il pourrait voter comme cinq ans plus tôt.

Laura, 22 ans : « Je me suis politisée sur les réseaux sociaux »

« Je me suis intéressée à la politique assez tard, à mes 18 ans. Avant, je voyais un peu ça comme un sujet de parents, assez chiant… Une source de désaccord et de disputes stériles », commence Laura, 22 ans, en alternance en master d’éco-gestion à Strasbourg. Que ce soit avec sa famille ou ses amis, elle ne parle que peu de sujets de société, jusqu’à ce qu’elle se crée un compte Twitter :

« Au début, j’y suis allée pour me divertir, mais au fur et à mesure, mon fil d’actu a commencé à se politiser, car je suivais des personnes qui disaient des choses que je trouvais justes, proposaient des analyses intéressantes. Puis j’ai commencé à faire des recherches de mon côté sur des sujets de société. Par contre, je ne m’exprime pas sur Twitter, je reste une observatrice et m’en sers comme d’un média. »

« La politique, c’est ce qui définit le monde, le pays dans lequel on vit. Ca se reflète partout, tout le temps », Laura, 22 ans. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

Pour ses premières élections, en parallèle au réseau social, elle se sert de quizz en ligne pour mieux se positionner sur l’échiquier politique. « Je savais que je n’étais pas de droite, car mes parents le sont et que je ne partageais déjà pas leurs opinions. Mais cela m’a quand même aidée à y voir plus clair. » Consciente que Twitter peut créer un certain entre-soi, elle commence également à suivre d’autres personnalités politiques pour ouvrir son spectre.

Aujourd’hui, la politique a pris une grande place dans sa vie et elle en parle davantage avec ses proches. Partager certaines valeurs est même devenu un « critère de sélection » dans le choix de ses amis. Elle appréhende cependant les élections : « Je suis perdue, parce que je ne sais pas si je vais voter pour quelqu’un qui me plaît vraiment, ou quelqu’un qui aura le plus de chance de faire barrage à l’extrême-droite… »

NPA, droite, lycéen qui aimerait voter… trois autres témoignages en page 2

Gontran, 23 ans, « Je suis militant au NPA depuis 5 ans »

« La politique fait partie de mon quotidien. J’en parle tout le temps – parfois trop. En arrivant en soirée, on me dit parfois « Gontran (prénom modifié), pas de politique ce soir ! », sourit le jeune homme de 23 ans. Il est assistant d’éducation dans un collège et membre du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) depuis 2015. 

Chez lui, il entend parler politique depuis tout petit. Son oncle et sa tante sont des écologistes radicaux, ses parents ont un temps voté Olivier Besancenot et sont aujourd’hui du côté de la France Insoumise. « Il y a clairement de la reproduction sociale derrière mon intérêt pour la politique. À force d’en entendre parler à la maison, j’ai commencé à vouloir m’informer moi-même, à mon adolescence. » Il découvre alors les vidéos du Youtubeur Usul, qui travaille aujourd’hui pour Médiapart, et rencontre le NPA dans le cadre du mouvement contre la guerre en Syrie.

« Aujourd’hui, je suis très investi dans la candidature de Philippe Poutou à la présidentielle. Je participe à la recherche de parrainage, je tracte… En décembre, j’ai participé à son meeting à Strasbourg. C’était un moment très fort, il y avait plus de 500 participants. Pour moi, il représente une bonne alternative à un système politique déconnecté des préoccupations de beaucoup de Français qui se demandent comment ils vont remplir leur frigo, alors qu’on veut leur imposer des débats qui tournent en rond sur l’accueil des migrants par exemple… »

« La politique est le fait de décider collectivement pour le reste de l’humanité. Pour moi, c’est un mot qui a été confisqué aux classes laborieuses en disant que ce serait l’affaire de professionnels » Gontran, 23 ans. (Photo Gontran)

Cette année, certains de ses amis ne veulent pas aller voter, parce qu’ils n’y croient plus. Considérant que cela fait partie de son « boulot militant », Gontran essaie de les convaincre: « Ils pensent que la politique se résume au résultat des élections et en ont assez d’être déçus par ceux-ci. Je leur explique que c’est plus large que ça, la politique se fait au quotidien. Même si on ne gagne pas, nous avons des choses à exprimer et notre présence permet d’intégrer nos idées dans le débat public. »

Solène, 20 ans, « Mes parents m’ont transmis leur vision de la vie, c’est normal que je vote comme eux»

« Pour moi, le bord politique dépend grandement de sa situation sociale », tranche Solène, 20 ans, étudiante à l’école de Management de Strasbourg et s’apparentant elle-même à la classe supérieure. Elle vote pour la première fois à des présidentielles cette année, ce qu’elle considère comme un geste important et citoyen : « J’ai toujours pas mal parlé politique avec ma famille…Ma mère travaille d’ailleurs à l’Eurométropole. »

« Les choix politiques des personnes montrent quelle vision elles ont de la vie et de leur pays », Solène, 20 ans. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

Si la politique a une place non-négligeable dans sa vie, surtout quand les élections approchent, elle n’est inscrite à aucun parti ou association : « Je suis de droite, mais je trouve que je suis un peu obligée de voter par défaut, parce que je ne m’identifie totalement à aucun des candidats. Pour l’instant, je pense voter Emmanuel Macron », projette-t-elle, en déplorant le manque d’offre politique.

Elle critique notamment la mise en scène des débats qui ont un côté « surfait » et qui tournent autour des mêmes politiques –l’immigration, l’Islam,…- sans laisser la possibilité aux candidats de développer leurs autres idées :

« J’ai des amis de gauche et d’extrême droite, donc il y a des sujets qu’on évite. Parfois, on donne notre opinion sur une actualité, on se rend compte qu’on n’est pas d’accord, mais on s’arrête là. Ça ne sert à rien de s’embrouiller pour ce genre de chose. »

Yaquine, 17 ans, « j’ai vraiment hâte de pouvoir aller voter »

« Je suis jeune, je ne comprends pas encore tous les enjeux, mais je m’intéresse vraiment à la politique », s’exclame Yaquine, 17 ans, élève en première ST2I, au lycée Marcel-Rudloff de Hautepierre. Depuis quelques années, il pose de plus en plus de questions à ses parents et suit certains débats à la télévision. Trop jeune, il ne pourra pas voter en avril. Et pourtant, il aimerait bien. « J’ai vraiment hâte de pouvoir aller voter. »

Avec des amis, il a également participé à des manifestations de Gilets jaunes et à des marches pour la liberté de certains pays. « Il y avait une bonne ambiance et j’ai été touché par certaines personnes que j’y ai rencontrées et qui me racontaient leur quotidien, se souvient-il. Dans ces événements, il y a une vraie liberté d’expression, les gens se parlent. »

« Quand on me parle de politique, je pense d’abord aux présidentielles et aux débats qu’il y a sur les sujets de société », Yaquine, 17 ans. (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

S’il estime avoir encore du mal à saisir les différences entre la gauche et la droite, il s’est déjà trouvé des affinités avec certains programmes :

« Pour moi, ce qui est important, c’est la liberté et l’égalité. C’est ça, la définition de la France ! Je suis plutôt d’accord avec les opinions de Jean-Luc Mélenchon, parce que pour lui, un Français, c’est un Français et on a tous les mêmes droits. Moi, j’ai des origines algériennes, marocaines et tunisiennes, mais je suis né ici, et je suis très heureux d’être Français. »

Stanne, sexagénaire non-binaire, utilise le pronom « iel »

Stanne, sexagénaire non-binaire, utilise le pronom « iel »

Lorsqu’on parle de Stanne, ce n’est pas à elle ou à lui que l’on fait référence, mais à iel. Stanne se définit comme « non binaire ». Enseignant depuis plus de trente ans en école maternelle, le pronom iel lui a permis de trouver sa place, hors des habituels homme ou femme. Stanne précise ne parler qu’en son nom – et non en celui d’une communauté. Rencontre.

Le pronom iel est entré dans le dictionnaire Petit Robert en octobre 2021. Il est destiné à être « employé pour évoquer une personne, quel que soit son genre », et son usage est, selon l’ouvrage, « rare ». Vives ont été les réactions d’alors, entre débats sur la difficulté d’y accorder les adjectifs et dénonciation d’une évolution de la langue française. Stanne, Strasbourgeois, la soixantaine, fait partie de ces personnes qui se sentent désignées lorsque le pronom iel est utilisé dans une phrase.

Rue89 Strasbourg : Depuis quand utilisez-vous le pronom iel, et pourquoi ?

J’ai su dès l’âge de quatre ans que j’étais non-binaire. Même si je n’avais pas les mots pour le comprendre, je savais que je n’étais ni une fille, ni un garçon. C’était compliqué car je cherchais un moyen d’exister dans les mots avant que le pronom existe. J’oscillais entre il et elle : je parlais de moi au féminin ou au masculin aléatoirement. C’était très agaçant car on me corrigeait parfois. Enfant, je me présentais comme Caroline lorsque je lisais les livres du même nom, ou comme Thierry, le prénom du personnage de série Thierry la Fronde. Plus tard j’ai dû aller dans une école pour filles, jusqu’en seconde. C’était très difficile, j’ai longtemps été victime de discrimination, jusqu’à faire une crise en seconde. Je me suis fait virer.

En devenant une adulte, puis une mère, j’ai adopté les codes traditionnels, avec des robes et tout ce qui va avec. Mais ce n’était pas en adéquation avec ce que je ressentais à l’intérieur de moi. Je trouvais dans la peinture une façon d’exprimer tout ce que je ne pouvais pas mettre en mots. Puis en 1997, j’ai appris que je ne pouvais plus avoir d’enfant, et ça a tout changé. Un ami d’enfance m’a baptisé Stanne, c’est devenu mon nom d’artiste. Puis dès les années 2000, je demandais à mon entourage – personnel et professionnel – de m’appeler Stanne.

Ça n’a jamais posé de problème jusqu’à ce qu’une inspectrice, dans une école où j’ai commencé à travailler en 2015, me demande d’utiliser mes noms et prénoms inscrits sur ma carte d’identité. Certains parents d’élèves ont fait une pétition, disant que quelqu’un « comme moi » n’avait rien à faire dans une école. Alors j’ai entamé les démarches pour que Stanne devienne mon prénom officiel. Elles ont duré neuf mois, j’ai dû prendre un avocat et passer devant un juge aux affaires familiales. Depuis 2016, mon prénom officiel est bien Stanne. L’inspectrice s’est excusée il y a deux ans : ça montre bien que la société et les mentalités évoluent.

Quant au pronom iel, ça fait deux ou trois ans que je me l’approprie. Au début dans les communautés queers, puis avec tout le monde. C’est le pronom neutre, donc c’est celui qui me correspond : ni femme, ni homme. Il me permet d’exister et de me reconnaître dans les mots.

Stanne à La Station, devant deux tableaux accompagnant ses poèmes autour du pronom iel. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Rue89 Strasbourg : Quels sont les problèmes que vous posent l’utilisation des pronoms genrés ? Et quelles solutions l’usage du pronom iel apporte-t-il ?

Quand on parle de moi en disant « elle », j’ai le sentiment de ne pas exister. Pendant longtemps je pensais d’ailleurs que je n’existais pas, car je ne me reconnaissais pas dans ces pronoms genrés. Lorsqu’on m’appelle madame par exemple, je me retourne pour voir s’il y a quelqu’un derrière moi. C’est comme si ce n’était pas à moi qu’on s’adressait. C’est le problème que ces pronoms me posent.

Lorsqu’il faut remplir un formulaire, pour prendre un billet de train par exemple, il faut obligatoirement cocher une des deux cases : « Madame » ou « Monsieur ». Sauf que moi, ce n’est ni l’un ni l’autre, donc je dois mentir pour prendre mon billet de train. C’est d’une violence extrême. Même chose pour répondre aux sondages dans mon syndicat. Récemment, j’ai passé 15 minutes à en compléter un, et à la fin on m’a demandé de renseigner ces mêmes champs. C’est insupportable. Je ne vois pas en quoi le fait de savoir si je suis « Madame » ou « Monsieur » aidera la SNCF ou mon syndicat à mieux me connaître ou me représenter. Surtout que je ne suis ni l’un, ni l’autre.

Le pronom iel me permet d’exister, tout simplement. Lorsqu’on parle de iel, je me reconnais dans la personne qu’on désigne. C’est comme si on parlait enfin de moi. C’est aussi pour ça que j’aimerais faire des livres pour enfants, qui utilisent ce pronom. Comme ça tous les enfants pourraient s’y reconnaître.

Un poème de Stanne, accroché à La Station. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Rue89 Strasbourg : Comment votre entourage a-t-il accueilli l’usage du pronom iel pour vous ? 

À vrai dire, je n’en sais rien. Car les personnes parlent de moi lorsque je ne suis pas là. Un de mes amis était réticent au début, il ne comprenait pas trop pourquoi je lui demandais ça. Il trouvait que c’était compliqué, pas forcément nécessaire, bref… Alors j’ai fait de la pédagogie soft, à la cool, en lui expliquant gentiment ce que ça signifiait pour moi. Et le lendemain, il a fait un post sur Facebook mentionnant qu’il avait été invité à manger avec « iel ».

C’est un tout petit geste, mais ça m’a fait extrêmement plaisir car je ne lui avais rien demandé. Ça m’a touché, il a fait tout son post en langage inclusif. Alors bien sûr, j’ai dû demander à tout le monde de faire référence à moi en utilisant ce pronom. C’était il y a un an environ. Mais ça a suscité plus de curiosité que de réticence ! Les parents d’élèves me demandent souvent comment faire, comment accorder, comment parler… Alors je leur explique et ils comprennent.

Il faut avouer que c’est compliqué d’intégrer iel à son vocabulaire. Moi-même, je vis avec une personne non-binaire, et pour parler d’iel il faut que je me concentre. On n’est pas habitués et c’est extrêmement difficile à l’oral.

Je reprends rarement les personnes qui se trompent lorsqu’elles m’appellent « elle » ou « il », car de petits efforts me suffisent pour me sentir considéré.

Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Rue89 Strasbourg : Avec votre expérience, quels sont les conseils que vous donneriez aux personnes non-binaires pour faire accepter le pronom iel ? Et aux personnes dans leur entourage ? 

Je pense qu’il suffit d’en parler. Et de ne pas culpabiliser ceux qui font des efforts, car c’est comme lorsqu’on apprend une langue. Les personnes douées pour cela sont celles qui n’ont pas peur de se tromper : c’est pareil pour iel. Car lorsque l’autre fait un effort pour intégrer le pronom à son vocabulaire, ça nous fait déjà exister. Et petit à petit, ça deviendra naturel !

Ça éveillera les consciences tout doucement, et à d’autres niveaux. Même si ce n’est qu’un petit pronom au départ, ça rend sensible à ce qu’est être un homme, être une femme, et être non binaire. C’est surtout une ouverture d’esprit, et je pense que nous sommes sur le bon chemin, celui de la tolérance. Ça permet d’accepter la différence sans se sentir menacé par les personnes non binaires.

« Le monde ne va pas s’effondrer parce qu’il y a un nouveau pronom »

Car nous sommes très minoritaires : aucun enfant ne deviendra non-binaire car c’est à la mode ! La plupart des gens n’ont aucun problème à se dire homme ou femme. Et l’existence de iel ne vient pas remplacer ni le il, ni le elle. C’est important de comprendre que, dire iel à quelqu’un qui veut qu’on lui dise elle, c’est aussi une violence. Paradoxalement, ce troisième pronom me permet de sortir des cases en créant la mienne, celle qui me correspond.

Le monde ne va pas s’effondrer parce qu’il y a un nouveau pronom. Et des gens qui se battent contre des choses qui ne les concernent pas, ou pour que les autres n’aient pas de droit, il y en aura toujours. Le changement est compliqué car il implique une angoisse : et iel, c’est un changement.

En Moselle, le patronat s’invite dans les jugements des prud’hommes

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Au conseil des prud’hommes de Thionville, des juges représentant les employeurs ont fait état de pressions de la part de la responsable du service juridique du Medef local. Les remous locaux ont été nombreux et un signalement a été fait. Sans suite pour le moment . . .
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À Strasbourg, Agissons67 organise un système parallèle pour loger des sans-abris chez des citoyens

À Strasbourg, Agissons67 organise un système parallèle pour loger des sans-abris chez des citoyens

Depuis le 2 octobre, Agissons67 demande régulièrement sur Facebook si des citoyens sont en capacité d’accueillir des sans-abris. Seize foyers ont déjà répondu positivement. Obligé de mettre en place ce système d’hébergement chez l’habitant devant l’urgence des situations, le collectif demande une réunion de crise à l’État et aux élus locaux en charge des politiques de solidarité. Reportage.

Juliette et Manu (prénoms modifiés), assis côte à côte dans le salon de leur maison en banlieue de Strasbourg, racontent leur expérience. Nous sommes début février et depuis la mi-novembre, ils accueillent chez eux, Toïta, Khassan, et leurs trois enfants âgés de 11, 9 et 6 ans. « On ne donne pas les noms des jeunes parce que seule leur institutrice connait la situation », pose Juliette.

La famille, d’origine Tchétchène, a vécu dans une voiture pendant trois mois avant que le collectif de solidarité Agissons67 ne demande, sur son groupe public Facebook suivi par 2 500 personnes, leur mise à l’abri. Noureddine Alouane, le porte parole, explique la démarche :

« Devant des situations dramatiques, avec des personnes en détresse qui demandent l’hébergement d’urgence depuis parfois plusieurs mois, nous décidons de réagir et de donner une solution parallèle : nous demandons à notre réseau si des personnes sont d’accords pour loger des sans-abris. Nous avons fait ça pour la première fois le 2 octobre. »

Khassan se dit très reconnaissant envers Manu et Juliette. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

14 familles hébergées depuis le 2 octobre

Depuis, en tout, 14 familles, trois personnes isolées, une personne handicapée âgée et deux sœurs présentant des troubles psychiatriques ont été hébergées dans 16 foyers différents. Ces foyers sont constitués de personnes seules, de couples ou de familles qui acceptent spontanément d’ouvrir leur porte. Au 3 février, huit personnes dont quatre enfants sont logés de cette manière. « Nous avons simplement contacté le collectif suite à leur message », se souvient Manu.

« En moyenne, ça dure deux semaines. On relance le SIAO (qui gère l’hébergement d’urgence et le numéro 115, NDLR) par mail et au téléphone, pour qu’ils trouvent une solution. Si rien n’est proposé, on fait en sorte de trouver un autre foyer qui accepte de les héberger », expose Noureddine. Juliette, qui a demandé l’anonymat pour ne pas être reconnue par son propriétaire, a proposé à la famille de Tchétchènes de rester plus longtemps, « vu qu’ils n’avaient pas de solution en décembre ».

Régulièrement pendant la conversation, Toïta, la mère, remercie Manu et Juliette. « On ne veut pas qu’ils se sentent redevables mais c’est difficile. Khassan propose de nous faire des travaux dans la maison. Il nous emmène partout en voiture », raconte Juliette. « Nous on ne veut rien leur demander. Enfin, bien sûr, ils participent aux tâches du quotidien. On est comme une famille », ajoute Manu.

« Cela implique des efforts conséquents »

Le couple de Strasbourgeois décrit une expérience « très enrichissante », faite d’échanges entre deux cultures. « On a découvert les pirojkis, des chaussons fourrés à la pomme de terre. Et nous on leur a fait une quiche aux lardons hallal », glisse Juliette. Tous ensemble, ils sont aussi allés à la patinoire et au cinéma. « Ça sera difficile quand ils partiront vu les liens qu’on a tissé », remarque Manu. Juliette insiste tout de même sur les difficultés que l’accueil de sans-abris peut susciter :

« Nous sommes un couple très soudé et nous savions que cela impliquerait des efforts conséquents. Il faut vraiment être sûr de soi pour se lancer là-dedans. Je me lève une heure plus tôt pour avoir accès à la salle de bain. Je suis infirmière, et ça n’allait pas au boulot il y a un mois. À ce moment, c’était difficile à vivre le fait que notre espace intime soit occupé. Heureusement, on a une pièce libre qui peut les accueillir. Et nos familles nous soutiennent à fond. Mes parents les ont même invité sans rien nous dire quand nous sommes partis en week-end avec Manu. »

L’État est censé loger toutes les personnes qui le demandent

Dans son appartement place de Haguenau, Léo (prénom modifié) accueille aussi une femme tchétchène, ainsi que sa fille de 20 ans et son garçon de 10 ans. « Pour moi, ça va. Je le vis comme une colocation, avec les petites adaptations que cela nécessite. Mais pour mes enfants qui sont là en garde alternée et ma copine, l’intrusion est un peu plus difficile, même si les personnes qu’on accueille sont très agréables et discrètes », assure-t-il.

Amina, la fille de 20 ans hébergée chez Léo, se dit aussi fatiguée de cette situation :

« Évidemment, nous sommes extrêmement reconnaissantes de Léo et de sa famille. Sans eux nous serions dehors. Mais nous ne voulons pas les déranger. »

Léo, Manu et Juliette assurent que Noureddine Alouane garde toujours le lien pour savoir si tout se passe bien. Ce dernier rappelle que le dispositif « reste du bricolage ». « Nous, ce qu’on veut, c’est ne plus être obligés de faire ça », affirme-t-il. En théorie, l’État est censé loger toutes les personnes qui le demandent de manière inconditionnelle. Mais d’après le SIAO, il n’y a pas assez de places disponibles pour répondre aux demandes à Strasbourg.

Toïta et Juliette ont noué des liens forts. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Le chat de Manu et Juliette vient jouer avec Khassan. Lui et Toïta tentent d’apprendre le français. La mère de Juliette leur donne même des cours. « Parfois on doit quand même utiliser google translate », pouffe Manu. Toïta revient sur le parcours de sa famille :

« Nous étions à l’hôtel Forum (à l’entrée de Schiltigheim ndlr), mais il y avait une grave infestation de punaises de lit. Comme beaucoup, nous sommes partis en août. »

Un titre de séjour, mais aucun moyen de se loger

Elle montre son titre de séjour vie privée et familiale délivré par la préfecture le 30 décembre, obtenu parce que les enfants sont scolarisés en France. Ainsi, elle et son mari peuvent enfin prétendre à un emploi et donc à une source de revenus. Depuis début janvier, Khassan, le père, travaille dans une entreprise de BTP en tant que plaquiste. Son épouse n’a pas encore trouvé un emploi et doit s’occuper des enfants.

Dans l’entrée, les chaussures de tous les habitants de la maison s’additionnent. Manu plaisante : « On n’est pas passionnés de mode. C’est juste qu’on est sept. » Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« Dans cette situation, c’est mission impossible pour trouver un logement à Strasbourg », estime Manu. Depuis fin août, chaque jour, le couple d’origine Tchétchène appelle le 115 (numéro de l’hébergement d’urgence, NDLR) sans réponse positive. Manu et Juliette prennent tout en charge financièrement. « On a deux chariots remplis quand on fait les courses », indique Juliette.

Pour Noureddine Alouane , « ces situations où des personnes vulnérables, des familles, restent sans solution, doivent cesser ». Le collectif Agissons67 a publié une lettre ouverte le 16 janvier. Les membres dénoncent « une totale opacité sur l’organisation et les process portés par le SIAO », ainsi que des pratiques contraires à la loi vu que les personnes ne sont plus logées de manière inconditionnelle, mais selon des critères de vulnérabilité flous.

Agissons67 demande une réunion d’urgence aux acteurs politiques

Surtout, elle propose une réunion le samedi 5 mars à Corinne Bartier, la présidente du SIAO 67, Josiane Chevalier, la préfète du Bas-Rhin, Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, Pia Imbs, la présidente de l’Eurométropole, Frédéric Bierry, le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), ainsi qu’à tous les députés et élus locaux en charge des questions de solidarité. L’objectif : « adapter ou augmenter les moyens du SIAO », voire « reprendre à grande échelle l’initiative d’Agissons67 » avec une gestion par un organisme public.

Début février, selon Noureddine Alouane, tous les élus de la Ville et de la CeA, de la majorité et de l’opposition, ont accepté. « Nous attendons la réponse de la préfecture, qui est l’acteur principal de l’hébergement d’urgence vu que c’est l’État qui le finance », ajoute-t-il. Le prochain directeur du SIAO devrait aussi participer. En attendant, comme d’autres sans-abris logés par le biais d’Agissons67, Toïta, Khassan et leurs enfants sont toujours chez des citoyens. Une centaine de personnes trouvent aussi refuge dans un squat à la Meinau.

#Agissons67

10 ans de Rue89 Strasbourg, ça se fête !

10 ans de Rue89 Strasbourg, ça se fête !

Rue89 Strasbourg a débuté ses publications le 15 février 2012. Dix ans plus tard, la rédaction invite ses lectrices et lecteurs, ses abonné·e·s et tous ses soutiens à plusieurs événements et un mois de mobilisation.

Voilà 10 ans que Rue89 Strasbourg publie, jour après jour, sa vision de l’actualité locale. 44 millions de pages vues plus tard, il est bien temps de fêter cet anniversaire ! Nous avons concocté plusieurs rendez-vous entre mi-février et mi-mars pour fêter dignement cet âge canonique, ainsi qu’une campagne de financement participatif pour accélérer la progression de ce média local unique en son genre.

Tellement de choses ont changé en dix ans ! Fondé en 2012 dans la foulée de Rue89.com, nous voulions alors financer notre activité grâce à la publicité. Mais ce modèle s’est écroulé, il a même fait capoter Rue89.com qui est devenu une rubrique de L’Obs quelques années plus tard.

Notre société, qui n’appartient qu’à ses journalistes, a modifié son modèle économique. À ce jour, la moitié de nos revenus proviennent de nos 1 500 abonnés, grâce à leur contribution directe de 5€ par mois. Le reste provenant de la publicité et d’une subvention du ministère de la Culture pour l’éducation aux médias.

Équipe de Rue89 Strasbourg en octobre 2021

Ce modèle économique hybride, qui permet à la fois de produire une information gratuite et de financer des enquêtes, nécessite un constant renouvellement. Il tient parce que les salaires de nos journalistes sont bas (2 000€ bruts) et parce que tous nos coûts sont rabotés au maximum.

Maintenant que nous sommes devenus grands, on espère atteindre une forme de maturité économique, qui repose sur une meilleure connaissance de notre lectorat et notamment de sa partie la plus fidèle, les abonnés, ainsi que sur une architecture technique plus solide, c’est à dire l’ensemble des processus techniques qui vous permettent de nous lire chaque jour. On a des tas d’idées, de quoi évoluer pour encore au moins 10 ans, et on compte sur votre soutien pour les concrétiser.

Quatre rendez-vous, dont deux publics

    Soirée anniversaire des 10 ans. On va faire la fête au Social Bar avec deux DJ du collectif Wom.X qui vont poser leurs sons de 20h à minuit. On vous attend autour d’une bonne bière et promis, on ne parlera pas des sujets qui fâchent.
    Mercredi 16 février à partir de 20h, au Social Bar, 69 rue du Faubourg-de-Pierre à Strasbourg – Tribunal. Entrée libre, tout public.

    Rencontre avec l’équipe de Rue89 Strasbourg. Les journalistes de la rédaction seront face aux membres du Club de la presse de Strasbourg, pour évoquer le média, sa ligne éditoriale, ses ambitions et ses limites.
    Mardi 22 février de 12h30 à 13h30, au Club de la presse, 10 place Kléber à Strasbourg – centre. Réservé aux membres du Club, sur inscription.

    Échanges avec les abonnés de Rue89 Strasbourg. Les journalistes de la rédaction seront face aux abonnées et abonnés de Rue89 Strasbourg afin d’évoquer la ligne éditoriale, nos combats, nos obsessions, ce qu’il manque ou ce qui mériterait plus d’attention…
    Jeudi 3 mars à partir de 18h30 au Club de la presse, 10 place Kléber à Strasbourg – centre. Réservé aux abonnés et sur inscription.

    Table-ronde sur l’investigation locale. Rue89 Strasbourg invite les journalistes Inès Léraud, Violette Artaud de Marsactu et Dalya Daoud de Rue89 Lyon afin d’évoquer avec elles les spécificités des enquêtes journalistiques locales, leurs mérites et leurs limites.
    Jeudi 10 mars à partir de 18h30 à la salle Blanche de la librairie Kléber, 3 rue des Francs-Bourgeois à Strasbourg – centre. Entrée libre, tout public.

    Projection de Médiacrash. En présence du réalisateur, projection de Médiacrash, documentaire soutenu par Médiapart sur la concentration des médias et ses effets sur le débat public.
    Mardi 22 mars à 20h, au cinéma Star Saint-Exupéry, 18 rue du 22-Novembre à Strasbourg – centre. Tarifs habituels des cinémas Star.

Rue89 Strasbourg remercie chaleureusement le Social Bar, le Club de la presse et la librairie Kléber pour leur aide précieuse et leur soutien dans l’organisation de ces événements.

Une campagne pour accélérer

Parallèlement, Rue89 Strasbourg lance une campagne de financement participatif afin de nous faire franchir plusieurs paliers plus rapidement qu’au rythme habituel. Cette campagne ne sera ouverte que du 15 février au 31 mars et vise à recueillir suffisamment de ressources pour embaucher immédiatement de nouveaux journalistes.

Anne Thevenot, psychologue : « Aucune discipline seule ne pourra réduire les violences conjugales et intrafamiliales »

Anne Thevenot, psychologue : « Aucune discipline seule ne pourra réduire les violences conjugales et intrafamiliales »

La psychologue Anne Thevenot a co-dirigé la rédaction de l’ouvrage « Faire face aux violences conjugales » publié aux Presses Universitaires de Strasbourg. Pour mieux lutter contre les violences intrafamiliales, la professeure de psychologie défend une approche pluridisciplinaire.

L’Université de Strasbourg est prolifique dans la recherche sur les violences conjugales et intrafamiliales. En janvier 2021, la maîtresse de conférence en sociologie Alice Debauche présentait les résultats d’une enquête sur les violences de genre. L’étude était alimentée par de nombreuses chercheuses strasbourgeoises. En octobre 2021, un autre ouvrage publié aux Presses Universitaires de Strasbourg abordait la même problématique. « Faire face aux violences conjugales – approches croisées d’un phénomène complexe » est le résultat de recherches en psychologie, en histoire, en droit ou encore en sociologie. Objectif : contribuer à l’amélioration des actions de prévention à court ou moyen termes.

Interview de l’une des co-directrices de ce travail universitaire, la psychologue et professeure de psychologie Anne Thevenot. Elle sera présente avec l’autre co-directrice de cette recherche, la psychologue et maître de conférence en psychologie Claire Metz pour une rencontre le mardi 8 février à 18h30 à la bibliothèque nationale universitaire.

Anne Thevenot, psychologue et professeure de psychologie et de psychopathologie cliniques à l’université de Strasbourg, codirectrices l’ouvrage « Faire face aux violences conjugales – Approches croisées d’un phénomène complexe » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Rue89 Strasbourg : Comment est né le projet de recherche qui a abouti à la publication de l’ouvrage « Faire face aux violences conjugales » ?

Anne Thevenot : Ce projet est celui du laboratoire « Subjectivité, lien social et modernité ». Ma collègue C Metz a commencé à s’intéresser à la famille par le biais des violences intrafamiliales et des enfants qui les subissent. Nous sommes toutes les deux psychologues avec une expérience clinique, donc un accès à ce qui se passe en société. Nos recherches sont donc liées à ce que nous rencontrons sur le terrain.

Il y aussi eu en 2016 un premier groupe de travail pluridisciplinaire dirigé par Frédérique Granet, professeure de droit privé à l’Université de Strasbourg. Le travail de juristes, de sociologues et de psychologues, en lien avec des policiers, éducateurs, gendarmes et assistantes sociaux avait abouti à un rapport visant à mieux prévenir les violences conjugales. Nous avons persisté dans cette approche pluridisciplinaire, car aucune discipline seule ne pourra permettre de réduire les violences conjugales et intrafamiliales.

Pourquoi la pluridisciplinarité vous paraît indispensable lorsqu’on cherche à comprendre les violences conjugales ?

Notre ouvrage commence par une volonté d’apporter un éclairage historique, avec la contribution de Christine Hue-Arcé « Amour ou destruction ? Le couple et la violence : Égypte du Nouvel Empire et époque gréco-romaine ». Mais nous avons aussi besoin de la sociologie et des études de genre, qui ont permis de mettre en lumière l’organisation de nos sociétés autour du patriarcat et de la domination masculine, qui participe à la socialisation et la construction subjective dès le plus jeune âge.

« La victime et l’auteur des violences ne se retrouvent pas ensemble par hasard »

D’un point de vue de psychologue enfin, la dichotomie auteur/victime n’est pas pertinente. Ce que nous développons, c’est que la victime et l’auteur des violences ne se retrouvent pas ensemble par hasard. À travers la violence, il y a quelque chose qui se rejoue entre les deux personnes. Nous avons rencontré des personnes qui sont engagées durablement dans une relation violente et qui n’arrivent pas à s’en défaire. Bien sûr, il y a encore matière à améliorer la protection des victimes par la police et la justice. Mais il faut aussi voir qu’il y a d’autres freins pour les victimes de violences conjugales.

Il n’y aurait donc pas seulement des freins institutionnels pour sortir d’une situation de violences conjugales. Comment expliquez-vous les freins individuels ?

Dans une situation de violences intrafamiliales, il y a souvent quelque chose de leur passé qui se rejoue. L’enjeu dans ce cas, c’est de repérer ce qui se joue pour pouvoir s’en défaire. Je repense, par exemple, à une femme rencontrée lors d’un entretien. Elle a beaucoup parlé de la pitié qu’elle avait à l’égard de l’homme extrêmement violent à son égard. A travers l’homme violent, elle distinguait aussi une victime de violences dans son enfance. Cette femme donc, quand elle parlait de son enfance, on retrouve le sentiment de pitié mais cette fois pour sa mère, car son père la trompait sans se cacher. Elle pleurait avec sa mère et avait pitié d’elle. Le fil rouge ici, c’est la pitié. Pour pouvoir aider la personne à sortir de la violence, il faut qu’elle s’en rende compte.

« La justice s’est tournée plus vers la sanction que le soin »

Vous êtes aussi critique vis-à-vis de la prise en charge des auteurs de violences conjugales. Pourquoi ?

Du côté des hommes, il y a eu des tentatives de prise en charge. Mais du fait des baisses de budget, l’institution judiciaire s’est tournée plus vers la sanction que le soin. Certes, la prise en charge des auteurs de violence renaît de ses cendres par des groupes de parole (lire notre reportage-dessiné en 4 épisodes), notamment des groupes qui mêlent auteurs et victimes de violences conjugales. Il faut voir si cette piste peut permettre aux hommes violents de mieux comprendre ce qui se passe pour les victimes.

L’une de nos doctorantes travaille justement sur la prise en charge des auteurs de violences conjugales. Elle étudie l’évolution des auteurs après un stage de responsabilisation. Personnellement, je m’interroge sur l’efficacité d’un stage de deux jours. D’autres stages, avec un même volume horaire, dure cinq à six semaines. Ceci permet aux moins aux participants d’être confrontés à leurs montées de violence pendant leur stage.

Plus de violences lors des grossesses

L’un des articles de l’ouvrage « Faire face aux violences conjugales » souligne l’importance des urgences dans la lutte contre les violences conjugales. Pouvez-vous nous expliquer ?

La grossesse est souvent un moment de déclenchement ou d’accroissement des violences conjugales. Il est donc essentiel que les urgences hospitalières, ainsi que les services de maternité ou de gynécologie soient attentifs à ces problématiques. C’est pour cette raison que les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg doivent bientôt disposer d’une psychologue et d’une assistante sociale, pour aiguiller les victimes de violences conjugales vers le dépôt de plainte.

Le mardi 8 février à 18h30 vous serez présente ainsi que votre collègue Claire Metz pour une rencontre autour de votre ouvrage à la bibliothèque national universitaire. Est-ce que cet événement s’adresse aux professionnels et autres experts du sujet, ou au grand public ?

À travers cette rencontre, nous cherchons aussi à sensibiliser le grand public sur ce sujet. En France, nous avons encore tendance à être très respectueux de la vie privée de chacun, on va hésiter à intervenir. Or, ce qu’on entend parfois des victimes, c’est que « si quelqu’un m’avait tendu la main, je m’en serais peut-être sortie ». J’espère donc qu’à travers cet événement le grand public puisse trouver une entrée dans ce sujet difficile.

Huit ans après avoir fui l’Afghanistan, Zazaï raconte son épopée dans un livre

Huit ans après avoir fui l’Afghanistan, Zazaï raconte son épopée dans un livre

Zazaï est arrivé en France depuis l’Afghanistan en 2014, à l’âge de 16 ans. Huit ans plus tard, il publie Liberté, ma dernière frontière, pour rétablir sa vérité sur son histoire, de la menace des talibans jusqu’aux bancs des rues de Paris, puis Strasbourg. Une histoire à l’image de celles de nombreux jeunes Afghans réfugiés en France et qui se poursuit bien pour le récent citoyen français.

Rue89 Strasbourg avait rencontré Zazaï en 2017 lors d’un match de cricket de son équipe Royals Strasbourg sur le terrain de l’association US Egalitaire à Neudorf. A Strasbourg, où le jeune Afghan est arrivé en février 2014 à l’âge de 16 ans, des gens ne le croyaient pas et blaguaient sur son appartenance au mouvement taliban.

Alors le jeune réfugié a consigné le récit de son rude périple à pied à travers huit pays par l’entremisse d’un réseau de passeurs sans scrupules. Avec le soutien de Julie Ewa, écrivain rencontrée dans son foyer pour mineure en tant qu’éducatrice, ces écrits sont devenus un livre, Liberté, ma dernière frontière (éditions L’Archipel) sorti le 27 janvier en librairies après quatre ans et demi de travail.

A 24 ans, Zazai sort un livre pour raconter son périple à travers 8 pays en fuite des talibans.
A 24 ans, Zazaï sort un livre pour raconter sa fuite des talibans jusqu’à Strasbourg alors qu’il n’avait que 16 ans. Photo : Claire Gandanger / Rue89 Strasbourg

« Je voulais changer le regard des gens », explique le jeune homme, aujourd’hui électricien et citoyen français :

« Je ne souhaite cette expérience à personne. Tous les jeunes Afghans autour de moi ont vécu la même-chose. »

Écrire pour se soigner

L’écriture a été pour lui un début de guérison :

« J’ai donné tous les détails. C’est vrai que mettre les choses sur papier m’a vidé la tête. Maintenant, il y a beaucoup de choses dont je ne me souviens plus. »

L’adolescent a fui la menace des talibans sur l’ordre de sa famille. « On ne m’a pas laissé le choix. Sur la route, j’avais la hantise de finir ma vie à la rue comme un SDF », confie-t-il. C’est son sentiment de responsabilité envers sa mère qui l’a fait tenir, assure cet aîné d’une fratrie de quatre enfants, et l’espoir de trouver un lieu d’arrivée d’où il pourrait être libre de retourner la voir.

Peut-être aussi ses deux compagnons d’infortune de 13 ans, rencontrés parmi des centaine d’autres migrants à la frontière iranienne et laissés en Italie. « Ils sont en Norvège maintenant. Ils étaient petits. J’étais le grand. Je les protégeais. On embêtait les autres le soir pendant qu’ils faisaient leurs prières dans un grand silence », rapporte-t-il au sujet de son seul bon souvenir de cette épopée.

Chaque frontière, un niveau supplémentaire

Les mots posés sur leurs défis sont cruels. Dans le jargon des passeurs, chaque passage de frontière était un game, d’un niveau de plus en plus élevé « comme à la PlayStation ». Le pire d’entre eux, la traversée de la Méditerranée en bateau depuis Izmir en Turquie, pose le jeune homme et ses amis face à leurs limites. « Je savais que c’était un cimetière et je ne savais pas nager », explique Zazaï. Quelques heures avant le départ, les trois garçons s’échappent. Ils préfèreront poursuivre le voyage par la Bulgarie.

Lors d’une promenade à Côme, en Italie, en attendant un train pour Paris, Zazaï découvre admiratif le livre de la jeune Pakistanaise résistante aux talibans et prix Nobel de la paix en 2014 Malala Yousafzai, exposé sur une affiche dans la vitrine d’une librairie. « Ce soir-là, je me suis dit, moi aussi j’écrirai un livre ! », se remémore-t-il.

À son arrivée à Paris, Zazaï se souvient de son choc de voir des couples d’hommes dans la rue :

« Je ne pouvais pas m’empêcher de les regarder. Mes copains m’ont dit d’arrêter. Maintenant, je sais que c’est normal. »

Un voyage à 13 000 euros

À Paris, ses documents falsifiés produits par les passeurs l’excluent des dispositifs d’aide pour les mineurs isolés. Sur les conseils d’une connaissance, l’adolescent part alors tenter sa chance à Strasbourg. Au total, son voyage aura duré six mois et coûté 13 000 euros.

L’équipe des Strasbourg Royals et ses supporters après leur match lors d’un tournois de cricket à Strasbourg. Debout au centre, Zazaï crie victoire. Photo : CG/Rue89 Strasbour/cc

Huit ans plus tard, Zazaï a pris goût aux séances de cinéma, aux camemberts pasteurisés et aux tartes flambées. Il se déplace régulièrement en Suisse et en Allemagne pour défendre les couleurs de Strasbourg dans les tournois de cricket. Il aimerait désormais faire des émules au sein de son club sportif l’US Egalitaire. « Les femmes intéressées ne sont pas encore assez nombreuses pour former une équipe », regrette-t-il.

« Mes copains de lycée m’ont tous dit qu’ils allaient lire mon livre », se félicite le jeune électricien, diplômé d’un bac professionnel en alternance. En 2019, Zazaï a pu rendre visite à sa famille réfugiée au Pakistan. Maintenant que sa vie en France est lancée, le jeune homme se sent la responsabilité de faire profiter son pays d’origine de son expérience ici, « sur les droits des femmes surtout ». En France, il aspire à créer sa propre entreprise d’électricité et à aider les demandeurs d’asile.

Le Défenseur des droits demande à Kronenbourg de respecter le principe de non-discrimination à l’embauche

Le Défenseur des droits demande à Kronenbourg de respecter le principe de non-discrimination à l’embauche

Saisi pour un refus d’embauche estimé discriminatoire, le Défenseur des droits a analysé les listes d’intérimaires et de salariés en CDI au sein d’un service de la société Kronenbourg entre 2012 et 2020. Conclusion : les ouvriers aux noms à consonnance maghrébine ou turque sont plus fréquents parmi les intérimaires que les salariés en CDI.

Rabah n’est pas seul . . .

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Présidentielle 2022 en podcast : un agriculteur et une « rurbaine » débattent du cadre de vie

Présidentielle 2022 en podcast : un agriculteur et une « rurbaine » débattent du cadre de vie

[Podcast Dialogues de campagne] – Tout au long de la campagne de l’élection présidentielle 2022, les trois Rue89 locaux (Lyon, Bordeaux et Strasbourg) font se rencontrer et débattre des citoyen·es sur des thèmes de société. Troisième épisode à Schnersheim dans le Kochersberg, autour du cadre de vie dans un village agricole.

Peut-on encore discuter de politique sans s’invectiver ? C’est le pari de nos trois rédactions locales, après ce début de campagne d’une élection présidentielle sous tension, où les invectives sur les plateaux des chaînes d’informations semblent servir de métronome. De l’Aquitaine à l’Alsace, en passant par le Rhône, nous réunissons des Français qui semblent opposés par leurs idées et voteront sûrement différemment le 10 avril 2022. Objectif : susciter l’échange, repérer où se situent les différences et s’écouter, voire se comprendre.

« Présidentielles 2022 : Dialogues de campagne » est un podcast de Rue89 Bordeaux, Rue89 Lyon et Rue89 Strasbourg à retrouver un vendredi sur deux jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle.

Jean-François Vieling, agriculteur à Schnersheim Photo : JFG / Rue89 Strasbourg / cc
Marie-Odile Guth, résidente de Schnersheim Photo : JFG / Rue89 Strasbourg / cc

Épisode 3 : Agriculture et villages, quelle qualité de vie à la campagne ?

Troisième épisode à Schnersheim, un village d’Alsace. Jean-François Vierling et Marie-Odile Guth se connaissent bien. Le premier est maraicher, avec une partie de son exploitation de blé, d’ail et de légumes en production biologique. La seconde a emménagé dans la commune il y a une vingtaine d’années. Elle s’engage pour un meilleur cadre de vie et notamment contre les exploitations de très grande taille. Petite-fille d’agriculteurs, cette commerciale pour un grand groupe médical dit ne plus reconnaître les villages ruraux de son enfance.

Jean-François Vierling lui répond que la « mission nourricière » des agriculteurs a changé, ce qui justifie des exploitations plus grandes et certaines nuisances à la campagne. Pour le retraité, toujours impliqué dans sa ferme, on ne peut pas qualifier les poulaillers et les porcheries géantes « d’usines ». Les deux habitants de Schnersheim débattent de comment les hommes et femmes politiques peuvent influer sur le développement de l’agriculture et ses répercussions sur l’environnement.