Votre média d’investigation local a lancé une campagne de financement pour recruter un, voire deux journalistes. Chaque jour jusqu’au 31 mars, nous publions dix bonnes raisons d’y participer.
C’est un confrère d’un autre média local alsacien qui nous a transmis secrètement le dossier. « Ma rédaction me laisserait travailler deux heures dessus. Je préfère que vous vous en occupiez », nous a-t-il dit. Pendant deux jours, Guillaume a passé des appels, récupéré des documents, croisé des témoignages. Et après ce premier article, il va continuer à creuser. Chez Rue89 Strasbourg, les journalistes savent bien qu’il faut parfois des semaines, des mois, voire des années pour saisir toutes les facettes d’une affaire, toutes les dimensions d’un scandale.
Prendre le temps, c’est permettre des révélations
Prendre le temps de l’enquête, c’est révéler des faits qui seraient restés dans l’ombre sans journaliste d’investigation. Un autre exemple parlant se trouve dans l’enquête de Maud de Carpentier sur le suicide d’un éducateur de l’Arsea. Sans les six mois d’investigation de notre journaliste, les salariés de l’association, les parents d’enfants placés et les citoyens bas-rhinois en général n’auraient jamais découvert avec autant de précision les conditions dans lesquelles travaillait Denis et le drame professionnel qui a précédé sa mort.
Ce choix du temps long, à rebours de la logique actuelle de nombreux médias, fait notre particularité. Dans le paysage médiatique local, la norme est plutôt de produire quotidiennement un, deux, voire trois articles par jour et par journaliste. C’est ainsi que nous sommes arrivés dans une situation où « 64 % de ce qui est publié en ligne est du copié-collé pur et simple », comme l’ont démontré trois sociologues de l’information dans l’ouvrage L’Information à tout prix(Ina Éditions). À Rue89 Strasbourg, nous privilégions la qualité à la quantité. Nous préférons une grosse enquête d’intérêt public pleine de révélations plutôt que 10 articles tous issus de communiqués de presse de la police, la préfecture ou de la municipalité.
Ce choix de l’investigation nous permet de prendre le temps de chercher des sources, d’aller sur le terrain, de fouiller dans des bases de données, pour aboutir à des articles détaillés, dans lesquels chaque information est vérifiée. Lorsqu’on se lance dans un dossier, on ne s’arrête pas avant d’avoir dénoncé tout ce qu’on considère important.
Aidez nous à embaucher, pour plus d’enquêtes au long cours
Au fur et à mesure des années qui passent, nos journalistes deviennent experts et expertes dans plusieurs domaines. Mais nos capacités d’enquêtes individuelles ne sont pas illimitées. Nous sommes parfois contraints de ne pas approfondir certaines alertes car notre équipe de quatre journalistes permanents, une alternante et une petite dizaine de pigistes ne suffit pas.
Si vous aimez l’idée qu’un média indépendant et local s’empare de sujets sur le long cours à Strasbourg, vous pouvez nous donner de la force en faisant un don à Rue89 Strasbourg :
Notre campagne de financement participatif doit nous permettre d’embaucher un ou deux journalistes permanents en plus. Elle est composée de deux paliers de 15 000 euros qui correspondent à l’investissement initial pour créer un poste de journaliste. Chaque palier atteint correspond à l’embauche d’un journaliste. Cela nous permettrait tout simplement de traiter davantage de sujets, d’avoir encore plus d’obsessions, et de vous faire profiter de plus d’enquêtes.
Pour l’un de ses plus gros temps fort de l’année, le Maillon invite jusqu’au 26 mars la metteure en scène Nathalie Béasse. L’occasion de découvrir sa vision libre, transdisciplinaire et sensible du théâtre à travers trois de ses pièces et plusieurs ateliers.
Metteure en scène, chorégraphe, plasticienne, scénographe, écrivaine de plateau ou encore performeuse… Il est aussi complexe de définir Nathalie Béasse que de qualifier ses pièces. En jouant avec la mélancolie et le burlesque, l’artiste mêle musique, jeu et projection pour aborder des thèmes qui ont traversé les âges tout en gardant leur pertinence. Du rapport au langage, à l’enfance, en passant par les rites de passage et les mécanismes du rire.
Un hymne à la liberté et au mélange des arts
Figure majeure du théâtre contemporain, Nathalie Béasse a déjà été saluée par plusieurs prix et a été invitée à la 45e biennale de Venise. Elle est déjà passée par le Maillon, en 2019, pour y présenter Le bruit des arbres qui tombent, puis elle est revenue en 2021 pour créer, lors d’une résidence, Ceux-qui-vont-contre-le-vent, présentée ensuite au Festival d’Avignon.
Dans la lignée de cette coproduction, la metteure en scène réinvestit la scène strasbourgeoise du 16 au 26 mars pour un « temps fort » appelé Paysage #1. Le temps de découvrir trois de ses pièces et de s’immerger dans sa vision de l’art, dans son propre « paysage » construit au fil de ses créations. « La fin du dernier spectacle est toujours le début du prochain… », écrit-elle.
Une continuité et une unité alimentées par les collaborations qu’elle préfère au long cours. Si l’on retrouve souvent les mêmes comédiens sur scène, elle peut également compter sur une équipe fidèle de techniciens. Cela qui lui permet de proposer, en toute cohérence, plusieurs de ses pièces sur un temps court.
Replonger en enfance pour démarrer
Pour inaugurer ce temps, le Maillon propose aux spectateurs une création de 2013 : Tout semblait immobile. Sur scène, trois comédiens assis à une table, face au public, débutent une conférence sur le thème du conte. Mais la rigueur, la rationalité et un certain immobilisme de mise sont bientôt dépassés par l’appel de la forêt, de l’art et du mouvement.
Le spectateur ne peut alors que les accompagner dans leur bascule vers l’imagination, en passant du réel à l’onirique. En cherchant l’instinctif et la liberté sur scène, Nathalie Béasse ne s’adresse plus à notre intellectualité mais à notre sensibilité. Pour la comprendre, il faut accepter de lâcher prise, ne pas savoir d’où vient précisément ce frisson, cette émotion, ce « serrement de gorge », comme elle l’appelle.
Si le spectacle est accessible dès 10 ans, Nathalie Béasse veut replonger l’intégralité de son public en enfance pour reconstruire les mécanismes du conte et de l’oralité à la source.
Spectacle total pour continuer
Le voyage dans l’univers de Nathalie Béasse poursuit avec le retour de Ceux-qui-vont-contre-le-vent, sur son lieu de création. Imaginé au Maillon lors d’une résidence en 2020, cette pièce propose de poursuivre un voyage artistique jusqu’à la mise en place sur scène d’un nouveau monde. Entre corps, mouvement et matière, la metteure en scène propose un spectacle total auquel le public est invité à prendre part.
La pièce s’ouvre à nouveau sur une scène de vie calme, cadrée. Autour d’une table, quatre femmes et trois hommes liés, il semblerait, par les liens du sang. Dans leurs mains, des lettres qu’ils s’apprêtent à lire. Nourri par de grands passages de littérature – Gustave Flaubert, Falk Richter, Fiodor Dostoïevsk ou encore Marguerite Duras, ce spectacle n’est cependant pas qu’une histoire de texte.
Refusant d’enfermer le théâtre dans une case, Nathalie Béasse en propose une performance transartistique dans laquelle mots, mouvements et chants se mêlent et où les costumes, les lumières et les personnages participent à même hauteur. Une vision quelque peu cinématographique qui rappelle le passage de l’artiste aux Beaux-Arts d’Angers en tant qu’élève et son amour de l’image.
« Je veux rire à des moments graves »
Le temps fort du Maillon doit s’achever sur trois représentations d’Aux éclats, créé en 2019. Une mise en scène qui réunit trois hommes chargés de faire partager leurs chutes et leurs petites catastrophes quotidiennes tout en amusant le public. Par leur intermédiaire, Nathalie Béasse questionne la polyphonie des termes comme « éclat », tantôt associé au rire, tantôt résultant d’un bris ou d’une action qui rompt avec les habitudes.
Portés par un fond musical, les corps des trois performeurs s’adressent à nouveau à l’enfant qui est en nous et qui ne demande qu’à rire, même quand l’occasion ne s’y prête pas. Mais un pouffement n’est-il pas la meilleure réponse à l’angoisse ? Nathalie Béasse rappelle que le rire n’est jamais loin des larmes.
Des rencontres pour prolonger l’immersion
Pour accompagner ces performances, le Maillon profite de la présence de la metteure en scène à Strasbourg pour proposer à son public, quel que soit son âge, des ateliers et des rencontres. L’occasion de s’essayer à l’expression corporelle sur les planches et même de se déhancher au son de DJ Visconti, le blaze de Nathalie Béasse quand elle passe derrière les platines. Encore une casquette pour cette créatrice définitivement indéfinissable.
L’Eurométropole de Strasbourg se lance dans un mode industriel de collecte des biodéchets. D’ici 2025, environ 1 800 bacs d’apport individuel seront installés dans l’espace public de l’Eurométropole, en commençant par des petites communes de la deuxième couronne.
Comment réduire le contenu des poubelles bleues ? Après plusieurs expérimentations, l’Eurométropole généralise la collecte de déchets alimentaires. En plus des fruits et légumes qui se dégradent naturellement dans les composts, ce système permet de ramasser d’autres déchets alimentaires comme les arrêtes de poissons, les fromages, les restes de repas, les céréales ou même les coquillages et crustacés. Pour collecter ces déchets, l’Eurométropole a choisi de déployer des bacs en métal hermétiques dans l’espace public. Les mairies sont sollicitées pour décider des emplacements exacts.
Le déploiement va débuter en 2022 dans les 26 communes de deuxième couronne. La « massification » a commencé au mois de mars 2022 à Fegersheim et Eschau. Pour les sept autres communes plus urbaines (Strasbourg, Schiltigheim, Illkrich-Graffenstaden, Bischheim, Ostwald, Lingolsheim et Hoenheim), le déploiement doit s’étaler entre 2023 et 2025.
1 borne pour 300 habitants
D’ici 2025, 1 800 bornes devraient être installées dans l’EMS. Le ratio sera alors d’ »une borne pour 300 habitants, c’est trois fois plus que les bacs de verre », précise la présidente de l’Eurométropole Pia Imbs. Cette politique représente 8,3 millions d’euros d’investissement et 6 millions d’euros de fonctionnement annuel, « un service nouveau aux habitants », souligne Pia Imbs, qui devra bientôt défendre en conseil de l’EMS une nouvelle hausse de la taxe foncière.
Les déchets collectés partiront ensuite au Port-du-Rhin pour un premier tri, puis au méthaniseur de Lingenheld à Oberschaeffolsheim, qui a remporté le marché public. Il produira du « biogaz » et le reste, le substrat, sera réutilisé comme engrais pour l’agriculture.
Quelle coexistence avec le compostage de quartier ?
Présent à la présentation du lancement de cette politique, Eric Fries Guggenheim, président par intérim de l’association Compostra (qui a structuré le réseau d’assos Rescup’ lancée au début des années 2010) reste circonspect sur les conséquences de cette généralisation :
« À Strasbourg, on craint que ce système concurrence et donc remplace le système associatif. On perdrait le lien social et on risquerait de ne plus avoir le compost nécessaire. Car le substrat qui sort d’un méthaniseur n’est pas similaire à une décomposition de la molécule comme dans nos bacs. Même si pour une généralisation de la collecte dans une ville, seule une industrie peut déployer de tels moyens… »
Pour l’élu strasbourgeois Pierre Ozenne, associations et industries peuvent coexister. « Cette politique vise à élargir les personnes touchées ». Mais l’adjoint en charge de l’espace public convient qu’à Strasbourg plusieurs contraintes vont se cumuler par rapport aux plus petites communes. « Dans le périmètre du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), il faudra un avis systématique de l’architecte des bâtiments de France pour chaque implantation », relève-t-il. Dans le centre-ville, c’est d’ailleurs un système de points d’apports volontaires (comme à Fegersheim), mais aussi mobiles qui devrait être privilégié. L’implantation des bacs sur les grands axes très habités va aussi avoir un aspect stratégique pour que la collecte reste efficace. Le système hermétique doit, lui, permettre que les animaux ne se nourrissent pas dans les bacs. Tant qu’ils ne sont pas endommagés.
Dans la matinée du vendredi 18 mars, le directeur des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et la directrice de l’Agence Régionale de Santé Grand Est ont signé le « contrat d’avenir » qui doit permettre à l’établissement de retrouver une autonomie financière d’ici 2026.
« Une bouffée d’oxygène pour notre hôpital. » Le président de la Communauté Médicale d’Établissement (CME) des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Emmanuel Andres, exprime sa satisfaction en cette matinée du vendredi 18 mars. Après un an de négociation entre la direction de l’hôpital public et l’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand Est, le « contrat d’avenir » des HUS a enfin été signé. L’État s’engage à soutenir l’établissement hospitalier à hauteur de 40 millions d’euros, une aide à l’investissement qui s’étalera sur les années 2022 et 2023. Les HUS seront enfin accompagnés pour le financement des plus de 300 millions d’euros de travaux de rénovation du bâtiment de Hautepierre 1.
Dans la matinée du vendredi 18 mars, le directeur des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et la directrice de l’Agence Régionale de Santé Grand Est ont signé le « contrat d’avenir » qui doit permettre à l’établissement de retrouver une autonomie financière d’ici 2026. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
La direction des HUS est satisfaite
Le professeur et chef de pôle gériatrie Emmanuel Andrès avait décrit pour Rue89 Strasbourg le soutien financier dont avait besoin l’hôpital strasbourgeois : 100 millions d’euros étalés jusqu’en 2025 pour éviter une « régression » dans l’attractivité et la qualité de l’offre de soins. Le « contrat d’avenir » à 40 millions d’euros comble ses attentes puisqu’il complète une autre mesure déjà annoncée. En décembre 2021, le premier Ministre Jean Castex avait annoncé un soutien de 20 millions d’euros au projet de déménagement du service de pédopsychiatrie, aujourd’hui situé dans des locaux vétustes et inadaptés dans le quartier de l’Elsau. Les 40 millions d’euros nécessaires pour les années 2024/2025 seront négociés avec le futur gouvernement. Soit 100 millions au cumul.
Interrogé sur les changements concrets à venir pour la communauté soignante, Emmanuel Andrès a évoqué une meilleure mutualisation des ressources humaines pour parvenir à une moyenne « d’une infirmière pour 10 à 12 malades », alors qu’aujourd’hui ce ratio est très variable d’un service à l’autre. Le président de la CME compte aussi réduire les rappels de soignants sur le temps de repos en constituant un « pool central de remplaçants ». Le chef du pôle de gériatrie veut aussi « redonner du pouvoir au terrain » en contractualisant avec des chefs de pôle la gestion d’une partie des ressources humaines et d’une enveloppe financière.
Michaël Galy : « Ce plan ne règle pas la totalité des problèmes »
Directeur des HUS, Michaël Galy s’est aussi félicité de ce contrat qui « consolide les ressources humaines en santé et préserve le nombre de lits » de l’hôpital. Il décrit aussi les priorités fixées avec l’ARS pour le développement de l’offre de soins : répondre aux besoins des urgences, développer le soins gériatriques et les soins psychiatriques pour enfants et adultes (plus d’informations sur les projets d’avenir des HUS ici).
Directeur des HUS, Michaël Galy s’est aussi félicité de ce contrat qui « consolide les ressources humaines en santé et préserve le nombre de lits » de l’hôpital.
Mais le directeur des HUS depuis août 2020 préfère rester prudent : « Ce plan d’avenir ne règle pas la totalité des problèmes. » L’établissement hospitalier doit aussi faire des efforts en réduisant les services présents sur deux sites différents des HUS (comme le service d’hépato-gastro, évoqué dans cette enquête). La direction de l’hôpital envisage aussi de faire croître ses revenus, notamment facturant ses services de blanchisseries à deux autres établissements du département, ou en améliorant sa facturation auprès de l’Assurance Maladie et des mutuelles.
La directrice de l’ARS Grand Est a exprimé sa satisfaction sur ce contrat qu’elle décrit comme « un engagement fort de l’État mais aussi de l’établissement, dont les efforts doivent permettre à terme de s’autofinancer d’ici 2026 »
La directrice de l’ARS Grand Est a exprimé sa satisfaction sur ce contrat qu’elle décrit comme « un engagement fort de l’État mais aussi de l’établissement, dont les efforts doivent permettre à terme de s’autofinancer d’ici 2026 ». En aparté, juste après la signature du document, Virginie Cayré a glissé à ses homologues des HUS et de la Préfecture : « Maintenant, tout reste à faire. »
Environ 500 personnes ont participé à Strasbourg la manifestation pour la revalorisation des salaires et des retraites avant les élections et face à l’inflation.
Malgré les drapeaux multicolores, la place Kléber était bien peu remplie jeudi 17 mars pour la manifestation interprofessionnelle pour la hausse des salaires et des retraites. De part et d’autres de la place centrale, les fanions bleus de l’Unsa et de la CFTC ont attendu le départ du cortège pour se rapprocher des syndicats plus régulièrement présents dans les manifestations comme la CGT, Solidaires, ou Snuipp-FSU pour les enseignants. D’autres syndicats, comme la CFDT ou FO n’avaient pas appelé à la grève.
ll fallait bien les rythmes du Prolet Tanz Klub de la CGT pour un peu animer le cortège syndical, l’un des premiers sans que le masque soit la norme. Environ 500 personnes ont défilé, menés par une cinquantaine d’étudiants en tête de cortège. Cadre à la SNCF et régulièrement présent dans les manifestations, Jean-Luc regrette qu’il « n’y a pas eu beaucoup de communication en dehors des syndicats. Tout le monde aurait besoin d’une hausse de salaire en ce moment ». Un responsable de la CGT, qui veut garder l’anonymat, s’interroge : « Les manifestations sur l’Ukraine sont aussi en baisse, alors que ce sont des personnes différentes. On se sait pas trop ce qu’il se passe en ce moment ».
Fidèle au rendez-vous, le Prolet Tanz Klub de la CGT a animé la tête du cortège. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc
Négociations et détériorations
Présent à la manifestation « en solidarité avec l’appel interprofessionnel », le délégué syndical de l’Unsa à la CTS, Stéphane Davuely, estime que la bataille salariale face à l’inflation se mène en plusieurs fois :
« Nous venons de signer un accord avec la direction pour une hausse de rémunération de 3,5%. C’est en décembre 2022 que nous verrons l’inflation réelle sur l’année. S’il y a un décalage, il faudra revenir vers l’employeur. »
Sous un drapeau blanc Snuipp-FSU, Jonathan Welschinger, enseignant en CE1/CE2 à Reuss dans la vallée de la Bruche, explique qu’au-delà des rémunérations, c’est tout un cadre de travail qui s’est détérioré dans les écoles. « On a beaucoup moins de remplaçants et beaucoup plus de contractuels qu’on envoie au casse-pipe, sans formation ». Un peu loin, Delphine, une salariée de la Région Grand Est s’offusque que la collectivité « impose du poser un jour de congés le 27 mai », lors du pont de l’Ascension dans le cadre d’une fermeture généralisée. « Il n’ont pas le droit de faire ça, il faut leur faire remonter », estime-t-elle.
Quel hausse pour le point d’indice ?
Un dernier sujet alimente les conversations chez les membres de la fonction publique. La hausse du point d’indice, en raison de l’inflation, promise par la ministre de la Fonction publique Amélie de Montchalin après un quinquennat de stagnation. Une revalorisation « à l’été », sous entendu après une réélection d’Emmanuel Macron et sans en donner l’ampleur. Même si beaucoup de participants voient là une annonce « électoraliste » et « floue », ils aimeraient une hausse franche et durable dans le temps, de sorte à rattraper les années de stagnation et donc de perte de pouvoir d’achat.
Pour les syndicats, il faudrait une hausse entre 10 à 18%, quitte à ce que cela se fasse en plusieurs années pour s’aligner sur l’inflation cumulée. Des projections qui ne tiennent pas compte de l’inflation à venir. La dernière hausse du point d’indice n’était que de 1,2%, (0,6% fin 2016 et 0,6% début 2017), là encore avant les élections. Et la fois précédente, c’était en 2011, il y a plus de dix ans.
Après s’être rendus à un match à Nîmes en train et non dans un cortège encadré en bus, une cinquantaine de supporters du Racing Club de Strasbourg s’étaient vus privés de matches à l’extérieur en 2019. Ces interdictions administratives de stade (IAS) ont toutes été jugées illégales et la préfecture a dû verser 6 600 euros.
Le 16 mars 2019, 88 supporters du Racing Club de Strasbourg étaient arrêtés en gare de Nîmes. En se rendant au match en train depuis Avignon, ils enfreignaient en partie un arrêté préfectoral qui interdisait plusieurs lieux « à toute personne se prévalant de la qualité de supporter » du Racing et « se comportant comme tel » de venir au match par leurs propres moyens et de circuler dans plusieurs lieux de la ville. Les supporters avaient pourtant caché tout signe d’appartenance à leur club fétiche. Ils ont tous été conduits à l’école de police de Nîmes puis renvoyés en Alsace sans assister à la rencontre.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais à l’été 2019, 49 d’entre eux se sont vus notifier une interdiction administrative de stade (IAS) par la préfecture du Bas-Rhin. Une mesure de privation des libertés sans jugement prononcée par la préfecture à l’égard d’individus permise par des lois successives contre le terrorisme. Lors des déplacements du Racing à partir d’août 2019, les supporters devaient pointer au commissariat proche de leur domicile (lire notre article). Après des négociations avec le club, l’interdiction arbitraire, envisagée pour 6 mois, avait été ramenée à 3 mois.
L’interdiction annulée une première fois, puis en appel
Trois ans jour pour jour après l’arrestation collective à Nîmes, le groupe de supporters Ultra Boys 90 (UB90), a annoncé que toutes les IAS avaient été jugées illégales. En août 2020, seules 2 des 49 IAS avaient été validées selon le tribunal administratif de Strasbourg, les autres étant invalidées. Mais la majorité des personnes concernées, 44 supporters et supportrices, avait tout de même fait appel. Car en première instance, la préfecture n’avait pas été condamnée à verser les frais de justice à la partie gagnante.
Le 20 septembre 2021, la Cour d’appel de Nancy a confirmé l’illégalité de la mesure et, comme l’espéraient les supporters, elle a assorti sa décision de 150 euros de frais de justice par individu. « Sur un cas individuel, il y a généralement 1 500 euros de frais irrépétibles, là il y a eu une forme de mutualisation puisqu’il s’agissait des mêmes faits, présentés plusieurs fois », détaille l’avocat Pierre Barthelemy, spécialisé dans les questions de supporterisme et qui a défendu tous les dossiers strasbourgeois. Soit 6 600 euros à débourser par la préfecture du Bas-Rhin. Des frais « reversés à l’avocat qui s’est démené pour nous défendre », selon un communiqué des UB90.
Comme l’arrestation s’était déroulée dans un contexte pacifique, les juges ont notamment retenu que « la seule méconnaissance de cette mesure de restriction,[…] ne suffit pas à caractériser un acte grave, ni un comportement d’ensemble constitutif d’une menace à l’ordre public ». Sur ce point, « le cas strasbourgeois est classique, la jurisprudence est constante », commente Me Pierre Barthélémy.
Les recours « obligent les préfectures à verser de l’argent »
Ces recours peuvent paraitre vains, puisque ces interdictions sont annulées bien après leur effets par la justice. Mais il y a trois objectifs, explique Me Pierre Barthélémy :
« Ces décisions alimentent la jurisprudence et permettent donc de se défendre face à l’administration lorsqu’un supporter est visé par une IAS. De plus, une IAS est de 24 mois maximum et peut être portée à 36 mois si elle se répète. Donc l’annuler ne permet plus de l’invoquer lorsqu’une nouvelle procédure sanctionne “un comportement d’ensemble”. Enfin, cela oblige les préfectures à verser de l’argent. Elles n’ont pas de gros budget pour les IAS donc cela peut créer des résistances internes. S’ils ont l’assurance de perdre et mettent en parallèle tout le travail que cela va générer, comme produire une défense, les services juridiques peuvent freiner les demandes des policiers. »
Car dans le cas des UB90, l’avocat pointe directement vers la responsabilité des forces de l’ordre :
« Il y a eu une sorte de vendetta personnelle. Les policiers qui ont l’habitude de suivre les supporters leur ont dit droit dans les yeux qu’ils les feront payer pour leur geste et que la confiance était rompue. On n’explique pas bien pourquoi seulement une partie des participants ont eu une IAS, on peut supposer que le policier a donné le nom de tous les Ultra boys qu’il a reconnu et que les autres personnes n’étaient pas membres des UB ou venaient à titre exceptionnel. »
La supporters avaient célébré le triomphe de l’équipe avec des fumigènes. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg
La déception de la nouvelle loi
Alors que « 75% des IAS sont cassées par la justice », les associations de supporters espéraient une évolution de ces règles d’exception après un rapport parlementaire de Sacha Houlié (LREM) et Marie-Georges Buffet (PCF) salué par le milieu. Mais pour Pierre Barthélémy, la « loi Sport » consécutive, votée en début d’année 2022, n’a rien changé à ces questions :
« Contrairement à la promesse initiale, environ 80% des sujets ont été escamotés, c’était juste pour dire qu’une loi a été faite. C’est une énorme occasion manquée car le rapport parlementaire était très complet avec des propositions très concrètes. On a été très déçu par la ministre des Sports Roxana Maracineau qui a empêché tous les amendements, sans vraiment développer d’arguments ou montrer qu’elle comprenait le sujet. »
Les lois relatives au sport étant rares à l’Assemblée nationale, les supporters devront reprendre un travail de lobbying pour qu’un créneau soit accordé aux IAS lors du futur quinquennat.
Le commissaire aux comptes de l’association APEI Centre Alsace a effectué un signalement auprès du procureur du tribunal judiciaire de Colmar. La comptabilité de cette structure dédiée aux personnes atteintes de handicap laisse soupçonner des détournements de fonds publics de près de 700 000 euros sur cinq ans . . .
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Un flux de sable venu du Sahara devrait traverser la France jusqu’à jeudi 17 mars. À Strasbourg, ce nuage qui a coloré le ciel en jaune mardi 15 mars dans l’après-midi n’a pas provoqué d’augmentation significative des particules présentes dans l’air car il a été lessivé par la pluie, selon l’observatoire des pollutions atmosphériques Atmo Grand-Est.
Un nuage de sable qui teint le ciel en jaune et recouvre les voitures de boue. Ce phénomène météorologique courant en hiver est causé par un vigoureux flux de vent du sud, appelé Sirocco, qui s’élève du Sahara et transporte avec lui des poussières désertiques.
Le nuage a d’abord traversé le sud et le sud-ouest de la France mardi 15 mars au matin avant de s’étendre dans tout le nord du pays. Il peut provoquer une augmentation des particules PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm, NDLR) dans l’air, comme ce fut le cas lors du dernier épisode de nuage de sable en février 2021.
Moins de particules dans l’air grâce à la pluie
À Strasbourg, après une baisse significative à 6 µm/m3 lundi, le taux de particules est remonté à 20,6 µm/m3 mardi. Mais cette augmentation n’est pas due aux vents du Sahara, il s’agit de particules liées au trafic routier ou au chauffage, comme l’explique Mélodie Chatain, ingénieure à l’observatoire Atmo Grand-Est :
« Nos analyseurs n’ont observé aucun dépassement des valeurs limites de particules liées aux sables dans le Grand-Est et à Strasbourg. Les niveaux mesurés restent similaires voire plus faibles à ceux observés depuis début mars, où des épisodes de pollution par les particules locales ont eu lieu sur la région les 3, 11 et 12 mars 2022. Ce type de résultat est cohérent compte tenu des conditions météorologiques : la pluie a lessivé l’atmosphère et déposé le sable sur le sol avant que les concentrations ne soient importantes. Ce sont les traces que l’on observe sur les voitures. »
Document remis
Une composition normale pour du sable
En parcourant de longues distances, les particules de sable peuvent transporter des polluants. C’est ce que montre une étude publiée en 2008 par la revue Epidemiology. Les chercheurs ont détecté la présence d’une cinquantaine de substances néfastes dans les sables du Sahara, dont du sulfate, du nitrate ou encore de l’ammonium.
Plus inquiétant encore, après la précédente vague de sable du Sahara en France en février 2021, une analyse des échantillons effectués par l’ACRO (l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) avait démontré la présence de résidus de pollution radioactive datant des essais de la bombe atomique pratiqués en Algérie dans les années 60. Ceux-ci étaient présents en concentration faible et ne représentaient pas de risque pour la santé.
La pluie a capté les poussières venues du Sahara, qui se sont déposées sur les voitures. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc
Renaud Toussaint, directeur de l’institut terre et environnement de Strasbourg, affirme que ce nuage ne provient pas cette fois-ci de zone où les sables sont chargés en polluants :
« À priori, à l’endroit ou le vent a soufflé assez fort dans le Sahara, il n’y a pas de stock de particules polluantes dans le sable. Celui qui est arrivé chez nous a une composition minérale naturelle et normale pour du sable, donc on n’a pas de danger particulier pour l’air et les sols. De plus, le déplacement du nuage du nord de l’Afrique jusqu’à chez nous se fait dans la haute atmosphère, il n’y a donc pas non plus de risque qu’il se mélange avec des particules polluées. »
Mardi 15 mars, 18 occupants de l’immeuble en instance de démolition à la Meinau ont reçu une convocation devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. L’agence In’Li, propriétaire du site, a porté plainte et souhaite faire évacuer l’immeuble squatté par une centaine de personnes, dont des familles sans solution d’hébergement.
« Ordonner l’expulsion sans délai […] des occupants de l’immeuble » rue de Bourgogne à la Meinau. C’est ce que demande la société In’Li Grand Est, propriétaire du bâtiment, au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg. L’immeuble prêt à être démoli a été investi en novembre par une centaine de réfugiés, dont des familles avec des enfants, qui n’ont pas d’autre solution d’hébergement.
18 d’entre eux ont reçu une assignation en référé devant le tribunal judiciaire de Strasbourg mardi 15 mars. Ils comparaitront le 8 avril à 9h30. In’Li Grand Est avait déposé une plainte dés le 3 décembre, suite à « l’intrusion brutale et massive, réalisée de manière probablement concertée et planifiée, ainsi qu’en attestent les nombreuses dégradations constatées, notamment sur les portes et serrures ».
Salomé, à gauche, Nino, à droite, et Elene, derrière, dormiraient dans la rue avec leurs enfants si elles ne squattaient pas cet immeuble rue de Bourgogne. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
In’Li Grand Est demande 1 000 euros à chaque occupant
In’Li Grand Est demande au juge de constater que l’occupation de l’immeuble ne repose sur aucun droit ni titre, qu’elle constitue « trouble manifeste, et que le danger auquel s’exposent les occupants impose des mesures urgentes », c’est-à-dire une expulsion.
Le propriétaire demande au juge de condamner chacun des 18 occupants cités à lui verser 1 000 euros afin de supporter la charge des frais de la procédure judiciaire. Son avocat, Me Antoine Bon, qui représente la société immobilière, explique :
« Un huissier a constaté des détritus, des rats, des poubelles et des dégradations aux abords de l’immeuble. Il a pu saisir les identités de 18 occupants du site seulement. Nous ne pouvons plus assurer la maintenance des installations électriques et de celles liées au gaz.
Enfin, plus l’occupation dure, plus la démolition est retardée. 300 nouveaux logements doivent être construits sur place. L’agence In’Li Grand Est subit donc des pertes financières et elle n’en est pas responsable. »
Elene, mère de famille, prend soin de l’appartement qu’elle squat. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Si ces réfugiés occupent le site, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre choix »
Nicolas Fuchs, coordinateur régional de Médecins du Monde, assure que l’association, qui se rend régulièrement sur les lieux, fait en sorte d’informer et d’accompagner les personnes dans l’accès à leurs droits. C’est Me Sophie Schweitzer qui représentera les occupants du squat. « Si ces réfugiés occupent le site, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. On ne leur donne pas de solution quand ils demandent un hébergement d’urgence », dit l’avocate.
Elle estime qu’il est impossible de prouver que ce sont les habitants qui ont effectué les dégradations ou sali les environs du site. Rue89 Strasbourg avait d’ailleurs publié un article en février suite à la détérioration du système électrique de l’immeuble. Les habitants niaient fermement avoir commis ces dégradations, arguant notamment qu’ils sont les seuls à en subir les conséquences.
Le risque d’une expulsion sans relogement
Pour Me Schweitzer, « il n’est pas possible que les occupants soient condamnés à payer les frais de justice comme demandé par In’Li Grand Est étant donné qu’ils n’ont aucune ressource ». « Le plus gros risque qu’ils encourent, c’est une expulsion sans relogement, et donc une remise à la rue », ajoute-elle. La procédure juridique pourrait durer plusieurs mois.
Me Antoine Bon assure qu’In’Li Grand Est est disposé à discuter avec la préfecture du Bas-Rhin et la Ville de Strasbourg pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’expulsion sans remise à l’abri. Reste à savoir si l’État trouvera une solution pour loger ces personnes, comme il est censé le faire.
Julie travaille comme femme de chambre dans un palace parisien. Elle habite seule avec ses deux enfants dans un village éloigné de la capitale. Quand elle décroche enfin un entretien d’embauche intéressant, tous les transports sont paralysés par un mouvement social. Va-t-elle réussir à concilier ses trois vies de maman, femme de chambre et femme d’entreprise ?
Bande annonce
L’histoire commence par un réveil. Julie émerge doucement de son sommeil avant l’aurore. Elle se lève et ne s’arrêtera plus : il faut faire garder les enfants, traverser la banlieue parisienne en période de grève, nettoyer les chambres de riches clients indélicats, préparer un entretien d’embauche…Telle une héroïne de film d’action, sorte de Jason Bourne au féminin, Julie va se transformer en combattante d’un quotidien hostile.
La caméra d’Éric Gravel la colle au plus près durant 1h30 frénétique, en mouvement constant et sur un rythme haletant. Le film l’entraine dans une spirale infernale, le drame devient film d’action, voire thriller. Mais l’ennemi est invisible, on l’entend sourdre du bruit des mouvements de grève, d’une société patriarcale qui laisse aux femmes le soin de gérer les enfants, d’une organisation spatiale qui éloigne les classes moyennes de l’endroit où elles travaillent. À plein temps est donc aussi un film politique porté par Laure Calamy, exceptionnelle, qui exprime les différentes facettes de son personnage à la fois simple et complexe, pour qui le spectateur ressent une profonde empathie. Rue89 Strasbourg l’a rencontrée, accompagnée du réalisateur Éric Gravel.
Julie se déplace sans cesse, change de costumes plusieurs fois par jour, se partage entre une vie diurne et nocturne, comme le personnage d’un film de super-héros. Julie, c’est Wonder Woman ?
Laure Calamy : Oui ! Dans les films de super-héros, le héros est identifié par le costume qu’il revêt. Mais Julie se transforme encore plus que les super-héros : le tablier de la femme de chambre, le costume pour l’entretien d’embauche, les habits pour s’occuper des enfants… Comme chez Orson Welles où le personnage se diffracte à l’infini dans des miroirs, Julie interprète tous les rôles que l’on doit jouer dans la vie, que ce soit au travail, avec ses enfants ou lors d’un entretien d’embauche. J’ai voulu montrer cette femme sous toutes ces facettes en mettant tout ce que je pouvais pour que le spectateur soit en empathie avec elle, même si sa situation la rend parfois sourde aux limites des autres personnages.
Éric Gravel : À plein temps est en effet influencé par ce genre de films. J’ai notamment pensé à la série des films d’action Jason Bourne. Dans ces films, on comprend très vite la mission du personnage et ce qui se passe dans sa tête. Mon pari, c’était que le spectateur soit aussi accroché à un personnage de mère seule qu’il pourrait l’être avec un espion voire un super-héros !
Mais Julie travaille dans un palace, elle nettoie la merde des puissants (au karcher !). Ce personnage aurait-il pu être un homme ?
Éric Gravel : Un personnage masculin aurait eu un autre métier. Il aurait nettoyé la merde au sens figuré.
Laure Calamy : Au sens concret, c’est les femmes qui le font ! Il va également de soi qu’une femme se décarcasse pour ses mômes. Ce serait plus étonnant pour un homme. Mais pourtant, si Julie est femme de chambre, elle cherche à retrouver son métier d’avant qui était plus prestigieux. Cette quête professionnelle qui définit son identité a quelque chose de viril, on raconte d’habitude ce genre de recherche pour des hommes. C’est beau de le raconter pour une femme.
Comment avez-vous travaillé votre rôle de femme de chambre dans un palace parisien ?
Laure Calamy : J’ai fait une formation à l’hôtel Bristol. Comme pour le métier d’infirmière, c’est un domaine censé être féminin alors que c’est très physique. J’ai appris les différentes postures, comment tenir son dos, plier les genoux…Mais on a mal quand même à la fin de la journée ! Les femmes que j’ai rencontrées avaient des tendinites, des traces d’opérations, divers stigmates qui témoignaient de la difficulté de ce métier. Contrairement à l’hôtel Bristol, de nombreux palaces sous-traitent ce travail avec un nombre harassant de chambres à faire. Et dans un hôtel de luxe, rien ne peut être laissé au hasard.
Les difficultés de Julie semblent trouver un écho dans les mouvements de grève qui l’empêchent d’aller travailler. Ont-ils été construits comme une sorte de caisse de résonance ?
Éric Gravel : Oui, la grève est à la fois un obstacle dramaturgique et une caisse de résonance. J’aime ces effets contradictoires : elle est en difficulté à cause du mouvement de grève et en même temps elle a besoin d’être aidée et défendue pour que sa situation s’améliore. Il y a un dénominateur commun entre les deux. À un moment, Julie se regarde dans le miroir et écoute la radio qui évoque les mouvements de grève. J’ai conçu cette séquence pour mettre en parallèle l’individuel et le collectif. Je pensais notamment à la grève de 1995 pour les retraites et la Sécurité Sociale, avec une solidarité que j’avais ressentie dans cette époque charnière où des personnes perdaient leur droit.
Laure Calamy : On regarde Julie comme un insecte perdu dans une fourmilière. Il est difficile pour elle de penser ou d’agir autrement. Mais il y a cette espèce de nappe du collectif qui se révolte. Elle devrait peut-être rejoindre ce mouvement car elle est trop seule.
C’est donc un film politique ?
Éric Gravel : Oui, j’ai voulu mettre en scène la classe moyenne au cinéma pour exprimer son déclassement. Je viens d’un milieu très modeste et quand on est pauvre on ne peut descendre plus bas, on n’est donc pas une référence. Si la classe moyenne bascule, on sent au contraire que toute la société bascule. C’est ce que j’ai voulu montrer avec cette femme en déclassement qui cherche à remonter la pente.
On retrouve une préoccupation qui a fortement intéressé un cinéaste comme Ken Loach, notamment son dernier film Sorry We Missed You. Est-ce une référence pour vous ?
Éric Gravel : J’aime les personnages lumineux de Ken Loach et son côté très anglo-saxon qui parle au québécois que je suis. Mais si À plein temps s’approche d’un film social, je ne me vois pas comme un cinéaste naturaliste, j’ai voulu raconter une histoire haletante en insufflant une certaine cinématographie.
J’ai par exemple voulu faire ressentir la sensation des transports. Au niveau stylistique, j’ai cherché des codes dans les films du Nouvel Hollywood, notamment ceux de Sidney Lumet et John Schlesinger. J’admire aussi la façon de filmer de John Cassavetes qui parvient à capter la présence de l’acteur dans un espace restreint. Ce qui était important pour moi, c’est le personnage de Julie, tout se passe autour d’elle. J’ai essayé de m’inspirer de ce cinéaste pour sublimer mon personnage sans que le style prenne le dessus.
[Spoiler] La fin du film est ambiguë. Ce nouveau travail s’annonce compliqué…
Éric Gravel : C’est effectivement une fin ambiguë, comme ces images à double sens où l’on peut voir une jeune fille ou une vieille dame. De quelle façon va-t-elle trouver un équilibre dans sa vie ? Je suis plutôt pessimiste, ça va être compliqué pour elle. Elle s’emballe dans un nouveau projet, mais c’est la même histoire qui continue. Le manège en arrière plan tourne en rond…
Depuis la loi du 2 mars 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme un délit pénal. Psychologue clinicienne au Centre Médico-Psycho Pédagogique (CMPP) de Colmar, Céline Huet considère que cette loi est insuffisante et souhaite que d’autres mesures soient mises en place.
Intimidations, moqueries, insultes, menaces, agressions physiques… Le harcèlement scolaire prend diverses formes et pousse au suicide, même chez les plus jeunes. Rue89 Strasbourg a relaté en décembre 2021 l’histoire de Dinah qui s’est suicidée à seulement 14 ans en raison du harcèlement qu’elle subissait dans son collège mulhousien.
Depuis le 2 mars 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme un délit pénal. Auparavant, les cas de harcèlement scolaire étaient jugés sous la loi du 4 août 2014 concernant le délit de harcèlement. Les peines encourues variaient d’un à trois ans d’emprisonnement et de 15 000 à 45 000 euros d’amende.
Les personnes jugées comme responsables de harcèlement scolaire encourent aujourd’hui jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime. Les téléphones et les ordinateurs utilisés pour harceler un élève pourront être confisqués et les acteurs d’internet auront l’obligation de modérer les contenus de harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux. Enfin, les établissement devront eux-mêmes fixer les lignes directrices et les procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits de harcèlement.
Céline Huet est psychologue clinicienne au centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) de Colmar. Dans ce cadre, elle accompagne notamment des victimes de harcèlement scolaire. Entretien.
Céline Huet, psychologue au CMPP de Colmar. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc
Rue89 Strasbourg : Selon vous, cette nouvelle loi promulguée va-t-elle changer les choses ?
Céline Huet : Elle permet davantage la reconnaissance du harcèlement scolaire, sensibilise d’autant plus les établissements scolaires et responsabilise toutes les parties face à ce fléau. Mais dans les faits, cette loi semble peu applicable. Qui peut être considéré comme responsable ? Il n’y a jamais qu’une seule personne coupable dans le cadre du harcèlement scolaire. Il y a des effets de groupes. Certains sont harceleurs et harcelés. Les enfants reproduisent souvent une violence qu’ils ont eux-mêmes vécue, à la maison par exemple.
De plus, des stéréotypes touchant les personnes désignées comme « harceleurs » pourraient amener à des sanctions injustes. On va souvent pointer du doigt des personnes racisées en les percevant comme étant des « racailles », alors qu’elles ne sont même pas à l’origine du phénomène. On va également accuser à tort les enfants ayant des Troubles de Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) en raison de la méconnaissance de cette pathologie. Dans la pratique, cela arrive.
Globalement, ces mesures sont insuffisantes car le phénomène de harcèlement scolaire est un phénomène de société. Ce n’est pas une simple sanction pénale qui l’arrêtera, mais davantage la prévention, un travail de fond dans la société. Les enfants sont très cruels entre eux car ils sont dans l’innocence et la spontanéité. Les adultes sont les premiers responsables du harcèlement scolaire car les enfants agissent beaucoup par mimétisme. C’est aux adultes de leur inculquer des valeurs de respect et de tolérance. La nouvelle loi ne fixe pas de cadre précis pour un plan de prévention intense avec les moyens nécessaires.
En tenant compte de cela, que préconisez-vous dans le prolongement de cette loi pour lutter de manière efficace contre le harcèlement scolaire ?
Des choses ont déjà été faites. La Maison de l’Adolescent (MDA) organise des interventions en milieu scolaire pour prévenir le harcèlement et des formations sont proposées au corps enseignant. Un travail de prévention est également réalisé depuis le collège, notamment sur le sujet du cyberharcèlement. Néanmoins, les formations sautent souvent en raison du peu de professeurs présents, et quand la MDA intervient, c’est toujours parce qu’un enseignant en a fait la demande. Ces interventions devraient avoir lieu systématiquement.
Il faudrait aussi que l’Éducation Nationale engage de vrais formateurs qui interviendraient régulièrement dans les classes, que ce soit au collège ou au lycée. Il est primordial de former tout le personnel scolaire afin qu’il puisse reconnaître les signes du harcèlement, faire un travail de prévention et savoir quels sont les outils pour faire face à une situation de harcèlement.
Il faudrait également faire de la prévention par le biais de cours de vie de classe dès la crèche ou la maternelle afin de faire comprendre aux enfants qu’on ne doit pas rejeter autrui sous prétexte de différence. Il y a enfin un véritable travail de sémantique à faire car tous les mots ont un impact sur la personne à qui on les prononce. Un coup fait mal de manière instantanée tandis que les mots font mal de manière permanente. On ne peut pas tout dire, notamment si l’on représente une figure d’autorité.
Par exemple, que doit-on faire si l’on est témoin d’une situation de harcèlement scolaire ?
En tant qu’enfant, si l’on est témoin d’harcèlement scolaire, il faut le dire à un adulte. En tant que parent, il faut en parler au corps enseignant. Si rien n’est fait, il est possible de porter plainte. En tant qu’adulte de manière générale, si un enfant nous dit quelque chose, il faut qu’on fasse quelque chose. Même si la victime craint des représailles ou ne souhaite pas qu’on en parle, il est important d’agir car c’est aux adultes de protéger les enfants. En cas d’inaction, la situation a plus de chances d’empirer.
Les organisateurs de la minute de silence en « hommage à la mort annoncée de l’hôpital public » appellent à manifester samedi 19 mars à 15h. Interview de l’une des coordinatrices du mouvement, Floriane Zeyons, cardiologue au Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg.
Pour participer au débat public dans le cadre de l’élection présidentielle à venir, des soignants appellent la population à participer à la marche pour la Santé ce samedi 19 mars à 15 heures au départ de la place Kléber. Cardiologue au Nouvel Hôpital Civil, Floriane Zeyons décrit les raisons de cette manifestation et les revendications des soignants, qui chaque semaine depuis le 10 décembre dénoncent en silence l’agonie de l’hôpital public.
Floriane Zeyons lors de la minute de silence sur le parvis du NHC le vendredi 11 mars 2022. Et à sa gauche, Sebastien Harscoat, médecin chef des urgences du NHC. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc
Rue89 Strasbourg : Il y a trois mois, vous avez lancé une minute de silence hebdomadaire en hommage à la mort annoncée de l’hôpital public. Depuis, l’hôpital continue-t-il d’agoniser ou est-ce qu’il se rétablit ?
Floriane Zeyons : Malheureusement rien n’est réglé et on se rapproche de cette mort annoncée de l’hôpital public. Quand on crie, on n’est pas entendu. On s’est dit qu’en observant une minute de silence, ce serait plus efficace. Mais non. Certes, il y a eu la visite de Jean Castex le 10 décembre, le jour de la première minute de silence. Peut-être que notre action a été un argument de plus pour qu’il vienne et annonce une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros d’investissement, mais ce n’est qu’une goutte dans l’énorme dette de l’hôpital (de plus de 450 millions d’euros, NDLR).
De plus, notre mouvement s’est étendu d’abord au niveau de l’Alsace puis au niveau national. Mais cette extension n’a pas suscité d’annonce importante. Cela a simplement permis aux médecins hospitaliers de se rendre compte que leur situation était commune partout en France. On s’est rendu compte que le mal est systémique et créé par le financement et la philosophie de gestion de l’hôpital public depuis 20 ans.
Concrètement, à quoi ressemble un hôpital public qui agonise, comme à Strasbourg ?
Dans le service de soins intensifs en cardiologie, une dizaine d’infirmières ont annoncé leur départ pour septembre de cette année. Elles voudraient partir avant, mais elles ne peuvent pas. La direction leur demande de rester jusqu’à ce qu’une nouvelle promotion d’infirmières sorte d’école. Mais quand des infirmières partent, on n’arrive jamais à compenser ces départs, d’autant qu’il faut de l’expérience pour prendre en charge des patients en soins intensifs. Donc même si on arrivait à remplacer les dix infirmières, vous imaginez former dix personnes en même temps ? C’est impossible.
Sur les 23 lits de notre service de soins intensifs de cardiologie, on en a quatre de fermés. L’hôpital attribue les nouveaux postes aux services à prioriser pour le besoin en renfort de personnel. Or tous les services ne demandent pas la même expérience de travail. Systématiquement et sans l’annoncer au préalable, les offres de poste orientent les nouveaux effectifs vers les services les plus en tension, comme la gériatrie, ça ne pose pas les bases pour qu’ils restent. Cela fait donc partie de nos revendications : que les offres de postes indiquent clairement les services concernés. C’est une condition importante pour que la confiance soit possible entre le soignant et l’employeur.
Le Ségur n’a vraiment rien changé pour vous ?
Je n’ai pas l’impression que le personnel veut rester à l’hôpital grâce aux annonces du Ségur. Mais je ne suis pas la mieux placée pour en parler. Certes, la prime d’exercice public exclusif a été revalorisée, elle est passée de 500 euros à 1 000 euros par mois pour les praticiens hospitaliers qui n’exercent pas dans le privé. Et les médecins des premiers et derniers échelons ont été revalorisés, mais pas ceux en milieu de carrière.
De plus, suite au Ségur, la Cour des comptes a annoncé que les hôpitaux devraient faire des économies pour l’appliquer. C’est le serpent qui se mord la queue. On va nous demander de faire des efforts pour être revalorisés. C’est ça qui fait fuir les gens finalement, les conditions de travail insupportables.
Vous avez décidé d’organiser une manifestation en plus de la minute de silence hebdomadaire. Pourquoi ce changement de format ?
Si vous faites une action toutes les semaines, mais qu’elle reste sans effet concret, les gens se démotivent. Aujourd’hui, après trois mois, on a atteint un noyau dur qui répond toujours présent. On a voulu manifester parce qu’on voit encore autour de nous des gens qui n’ont pas connaissance des problèmes de l’hôpital.
Tous les vendredis depuis le 10 décembre 2021, des soignants se retrouvent sur différents sites des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg pour une minute de silence « en hommage à la mort annoncée de l’hôpital public ». Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc
On observe aussi une faible couverture médiatique de nos minutes de silence au niveau national, alors que tous les vendredis, cette action a lieu dans plus d’une vingtaine de villes en France. L’enjeu pour nous, ce sont les élections donc il faut qu’on soit plus visible avec cette action complémentaire, d’où cette marche pour la Santé. C’était une demande de nos collègues lors d’une assemblée générale : une manifestation pour celles et ceux qui veulent des actions concrètes pour l’hôpital. L’objectif, c’est de montrer aux candidats qu’il y a des électeurs concernés par cette question de l’hôpital public et de sa mort annoncée.
Quelles sont les conditions sine qua none pour mettre fin au mouvement ?
Tout d’abord, nous souhaitons l’arrêt de la tarification à l’acte (critiquée pour la « course à la rentabilité » qu’elle occasionne, NDLR). Il faut aussi revaloriser l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour mieux ajuster les budgets par rapport aux besoins à partir de critères simples d’activité prévisible en fonction du bassin de population, son âge, sa précarité et autres.
On voudrait aussi établir une règle qui interdit de dépasser une infirmière pour huit patients. En général, on a plutôt une infirmière pour 15 patients. Bien sûr cette règle est à décliner selon les services. Le plus important niveau effectif aujourd’hui, c’est de remplacer les départs sans délai de carence. Car aujourd’hui, quand quelqu’un part à la retraite par exemple, on attend son remplaçant pendant trois mois. C’est une manière de faire des économies pour l’hôpital, mais ça déstabilise régulièrement les services.
Aujourd’hui, les HUS ont entre 150 et 200 postes d’infirmiers en soins généraux qui ne sont pas pourvus. Au niveau des médecins aussi nous avons des postes non-pourvus. Le déficit d’attractivité de l’hôpital touche toutes les professions. Donc une autre revendication, c’est un plan massif d’attractivité pour tout l’hôpital et une reprise de dette.
Il y a enfin des mesures simples à prendre. Il faut recréer un lien de confiance entre la direction et les agents. Il est actuellement perdu parce que les agents ont l’impression de faire face à un manque d’empathie de leur direction. Ils ont l’impression d’être pris pour des ressources et non des personnes. C’est ça le « new public management », on adapte les dépenses aux plus près des besoins. À force de chercher à éviter à tout prix le surnombre, tout est constamment à flux tendu. On cherche tellement à optimiser la ressource du personnel, qu’on oublie complètement son bien-être. C’est tellement ric rac qu’on peut plus respirer. Vous êtes un petit hamster dans une roue qui court qui court, sans aucune perspective. Comment voulez vous que les soignants restent dans ces conditions ?
Pandémie, guerre en Ukraine, inflation, précarité étudiante… Beaucoup d’actualités qui, en plus de problèmes personnels, peuvent amener à une certaine détresse psychologique. Les jeunes, particulièrement isolés et précaires, ont parfois besoin d’un soutien moral. Rue89 Strasbourg a établi une liste d’aides psychologiques gratuites et accessibles aux adolescents et jeunes adultes.
Le soutien psychologique adapté
La Maison des Adolescents à Strasbourg est un service d’écoute et d’accompagnement pour les jeunes de 11 à 25 ans et leurs proches. Cette structure peut apporter une aide psychologique, sociale voire juridictionnelle si besoin. L’accueil y est confidentiel, avec ou sans les parents.
À côté du campus de l’Esplanade, le Centre d’Accueil Médico-psychologique de Strasbourg (CAMUS) propose une aide psychologique, sociale et psychiatrique anonyme sur rendez-vous. Le centre s’adresse aux lycéens et étudiants rencontrant des difficultés financières, pédagogiques ou personnelles.
Dans les mêmes locaux, le Service de Santé Universitaire (SSU) est un service de santé générale proposé à tous les étudiants de l’Unistra. En plus d’une visite médicale de prévention à dimension psycho-sociale, le service se doit de rediriger les étudiants dans le besoin vers une infrastructure d’aide psychologique, psychiatrique ou sociale adéquate.
Le dispositif national Santé Psy Etudiants a été mis en place par le gouvernement en réponse à la détresse psychologique ressentie par un grand nombre d’étudiants depuis le début de la crise sanitaire. Ce dispositif a été prolongé jusqu’au 31 août 2022. Il est accessible à tous les étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur, qu’il soit public ou privé.
En passant par le SSU ou par un médecin généraliste, un étudiant obtient une lettre d’orientation d’un professionnel de santé sur simple présentation d’une carte étudiante. Cette lettre lui permet de bénéficier jusqu’à 8 séances gratuites avec un psychologue agréé.
Illustration Photo : Illustration Lucile Michels
Les troubles addictifs
Qu’elles soient comportementales, substantielles ou alimentaires, les addictions touchent particulièrement les adolescents et les jeunes. Selon une étude menée en 2021 à l’Université de Strasbourg par l’association Ithaque, « près de la moitié des étudiants se sentent dépendants à des addictions sans substance, majoritairement Internet [et] les réseaux sociaux ».
En plus de faire un travail de prévention et d’information, Ithaque propose d’accueillir, de soigner et de soutenir les personnes en situation d’addictions ainsi que leur entourage. L’association propose un Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD), auquel est notamment rattaché la Salle de Consommation à Moindre Risque (SCMR), à l’hôpital civil.
L’association offre également la possibilité d’être suivi par un Centre de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA). Il s’agit d’une structure accueillant toute personne en situation d’addictions dans le but de l’aider à réduire les risques de sa consommation et la soigner. Il faut avoir rencontré un médecin, un travailleur social, un psychologue et un infirmier de l’équipe, afin d’être orienté vers la bonne structure ou d’être admis au CSAPA.
Enfin, le Réseau des Microstructures médicales d’Alsace (RMS Alsace), est un dispositif de proximité coordonné par Ithaque où différents intervenants et professionnels de santé prennent en charge les personnes ayant des tendances addictives, par exemple dans les maisons urbaines de Santé.
Les groupes de parole des Narcotiques Anonymes, une association à but non lucratif, viennent en aide aux jeunes et moins jeunes en situation d’addictions. Entièrement autonome, elle est composée uniquement de dépendants qui se réunissent pour former des groupes de paroles. Il ne s’agit pas d’une structure médicale, mais d’un réseau d’écoute et de soutien psychologique pour les personnes souffrant de troubles addictifs.
Depuis plusieurs années, des réunions en ligne sont organisées quotidiennement. Nul besoin de s’inscrire au préalable pour y participer. Une aide téléphonique est également apportée quotidiennement de 9h à 22h au 01 43 72 12 72.
Présente depuis 50 ans à Strasbourg, l’association ALT propose différents dispositifs de prévention et réduction des risques, tel que le Centre d’accueil et de soins (CAS). Ce centre soigne « toute personne consommatrice de substances psycho-actives ou souffrant d’addictions sans substance », en proposant des ateliers de médiation, du matériel de prévention et réduction des risques, ainsi qu’un suivi psycho-médical sur rendez-vous aux personnes qui le désirent. L’association accompagne aussi les jeunes en situation d’addictions, avec un réseau d’accueil et d’écoute anonyme pour les personnes âgées de 11 à 25 ans.
Il est parfois plus simple pour les jeunes de s’adresser aux personnes de son âge, plutôt qu’à des adultes. Ainsi, Etudiant Relais Addicto est un dispositif très récent, mis en place par le SSU et l’association Ithaque. Cinq étudiants de l’Université de Strasbourg ont été formés pour faire office de relai entre les structures d’aides pour troubles addictifs et les étudiants concernés. Ces étudiants informent, aident et accompagnent les personnes souffrant d’addictions à des substances, comportementales ou de Troubles du Comportement Alimentaire (TCA).
En cas d’urgence
L’association l’Étage offre un accompagnement social aux jeunes français et étrangers sans domicile fixe, en rupture familiale et scolaire. En cas d’urgence, elle propose divers services aux jeunes dans le besoin d’un logement, dont une permanence sociale d’accueil du lundi au vendredi et une orientation vers différentes aides psychologiques. L’association qui se trouve quai des Bateliers est en lien avec la mission locale de Strasbourg, le 115 ainsi que des psychologues et travailleurs sociaux. Sa cafétéria est ouverte du lundi au vendredi entre 8h45 et 20h, le jeudi de 8h45 à 14h, puis de 18h à 20h, et les samedi et dimanche de 10h à 20h. Le service repas a lieu tous les jours de 12h à 13h30 et de 18h à 19h30.
L’Etablissement Public de Santé Alsace Nord (EPSAN) propose deux pôles de psychiatrie infanto-juvénile dans l’Eurométropole. Les enfants et adolescents âgés de 0 à 16 ans peuvent trouver une aide dans le domaine de la santé mentale. Les équipes psychiatriques de ce secteur poursuivent également la prise en charge des adolescents et jeunes adultes après 16 ans. La Coordination Adolescents Alsace Nord (LACAAN) est un projet lancé également par ces pôles ; elle soigne et oriente les adolescents nécessitant une aide psychologique. L’EPSAN offre également un dispositif d’écoute et de soutien grand public dans le cadre de l’épidémie Covid 19.
Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg proposent différents services. En cas d’urgence, une hospitalisation, avec accord des parents dans le cas d’une personne mineure, peut être requise.
Le service addictologie est doté d’une unité de sevrage. Ce service organise aussi des consultations et activités pour accompagner les personnes en situation d’addictions.
Le Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic (CGIDD) est ouvert à tout le monde, y compris les mineurs, les étrangers et les personnes sans sécurité sociale. En plus de faire des dépistages d’IST et MST gratuits, le centre accompagne psychologiquement et médicalement les patients dans le cadre de leur sexualité. Les victimes de violences peuvent s’adresser aux professionnels de santé du CGIDD. Autres possibilités, appeler le Planning familial de Strasbourg au 0800 08 11 11, ou bien le 39 19.
Le service de psychiatrie comporte des unités d’hospitalisation, un centre expert schizophrénie, ainsi que le centre médico-psychologique (CMP) qui propose des consultations psychologiques, psychiatriques ainsi que des visites à domicile d’infirmiers.
Des dizaines de familles géorgiennes, albanaises ou encore tchétchènes demandent un hébergement d’urgence tous les jours, sans succès. En même temps, l’État a créé plusieurs centaines de places d’accueil dans le Bas-Rhin pour les Ukrainiens. Des associations dénoncent une hiérarchisation des réfugiés. Reportage auprès d’une famille.
La voiture est stationnée sur un parking, à quelques mètres de l’arrêt de tram Port-du-Rhin. C’est le seul abri de Maria (prénom modifié) et de ses trois enfants. Les deux plus grandes viennent de rentrer du lycée. Maria repli la couverture pour qu’elles puissent se poser sur la banquette arrière. Il est 18 heures passées. Le soleil se couche et la température descend vite ce 9 mars.
Deux jours plus tôt, la préfecture du Bas-Rhin a annoncé avoir créé environ 400 places d’hébergement d’urgence pour les réfugiés d’Ukraine. Elle prévoit d’en créer plus, en collaboration avec les maires du département ou avec la Collectivité européenne d’Alsace qui utilise des logements de fonction de ses collèges. À cette mobilisation s’ajoute l’accueil chez des citoyens, coordonné notamment par les services de l’État et de la Ville.
Depuis le début de la guerre, 800 Ukrainiens ont été hébergés dans le département, selon la préfète Josiane Chevallier, rapporte 20 Minutes. Mais Maria et sa famille viennent de Géorgie. À la rue depuis le 12 février, après 5 ans à Strasbourg, Maria appelle le 115 tous les jours : « À chaque fois, ils nous disent qu’il n’y a pas de place », souffle-t-elle.
Maria et ses trois enfants, près de leur voiture. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
84% des demandes d’hébergement d’urgence non pourvues
Leur cas n’est pas isolé. Le collectif Pas d’enfant à la rue a connaissance de 25 familles avec enfants qui dorment dehors, dans des voitures, des cages d’escalier, ou d’autres solutions de fortune. Pour Sabine Carriou de l’association Les petites roues, « en tout il y a une quarantaine de familles sans-abris ».
Rue89 Strasbourg a pu consulter un point du service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) en date du 9 mars 2022. Les maraudes ont rencontré 95 ménages, dont 52 hommes isolés, des couples avec ou sans enfants, et 37 mineurs qui passent la nuit majoritairement dans des voitures, des tentes ou dehors. Sur les 1 500 demandes d’hébergement individuel réalisées par des personnes distinctes ces dernières semaines, 84% n’ont pas obtenu de réponse favorable.
« L’État nous montre qu’il est tout à fait possible de créer des places rapidement »
Cécilia Quintiliani, du collectif Pas d’enfant à la rue, se réjouit de l’accueil des Ukrainiens. Mais elle dénonce : « La hiérarchisation des réfugiés est flagrante à Strasbourg. Selon leur pays d’origine, ils ne sont pas traités de la même manière. »
Pierre Greib, co-président de la Cimade Grand-Est, abonde :
« Depuis des années maintenant, le dispositif d’hébergement d’urgence est saturé dans le Bas-Rhin. Là, l’État nous montre qu’il est tout à fait possible de créer des places rapidement. Pourquoi ne pas le faire pour les autres réfugiés ? Des Géorgiens, des Congolais ou des Afghans dorment dans la rue. Qu’est ce qui justifie, même légalement, cette différence de traitement ? »
« Ma vie et celle de mes enfants sont en danger en Géorgie. »
En effet, quelque soit la situation administrative des personnes, l’État est censé loger toute personne en détresse qui le demande de manière inconditionnelle d’après la loi. Début mars, les Ukrainiens qui le demandent sont logés de manière systématique. « Pour les autres, le 115 est toujours saturé », assure Sabine Carriou, des Petites Roues :
« Depuis le 1er janvier, nous avons logé 12 familles à l’hôtel grâce à notre cagnotte de dons, pour un total de 5 877 euros au 15 mars. Certaines familles, souvent déboutées et en recours juridique pour obtenir l’asile, n’ont aucune solution. Demain, nous serons obligés d’arrêter, après 27 jours de mise à l’abri, de loger un couple géorgien avec deux enfants de 5 et 6 ans scolarisés à Lingolsheim. Ils retourneront donc dans la rue. »
Pour Cécilia Quintiliani « les réfugiés ont tous de bonnes raisons d’être là, et méritent tous d’être hébergés ». Emmitouflée dans sa veste, Maria raconte l’histoire de sa famille, arrivée en France en janvier 2017 :
« Ma vie et celle de mes enfants sont en danger en Géorgie. Mon mari a eu des menaces de personnes dangereuses. Si je pouvais vivre paisiblement dans mon pays, je ne serais pas dans la rue ici. Je n’en peux plus de ne rien faire. Je suis assistante vétérinaire. »
La voiture qui sert d’abri à Maria et ses enfants. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
La France considère que la Géorgie est un pays sûr
En Géorgie, des problématiques de persécutions des personnes LGBTQIA+, de certains militants politiques, de minorités ethniques et religieuses persistent. Des organisations mafieuses aux méthodes brutales y sont très implantées. Une intervention militaire menée par Vladimir Poutine avait aussi fortement déstabilisé le pays en 2008. La Géorgie a même été, début 2019, le premier pays d’origine des demandeurs d’asile dans l’Hexagone.
Mais la France, par la voix de Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, en mai 2019, a affirmé sa volonté de lutter contre « l’anomalie » de la migration géorgienne. Elle considère le pays comme « sûr », et entend « procéder systématiquement à une reconduite à la frontière ». La demande d’asile de la famille de Maria n’a donc pas été acceptée.
Son époux étant tombé malade, la famille a pu rester en France dans un premier temps grâce à un titre de séjour pour raisons de santé. Il est décédé en juillet 2021. Suite à cela, la préfecture du Bas-Rhin a adressé au reste de la famille une obligation de quitter le territoire français (OQTF). C’est pour cette raison que Maria et ses filles on dû quitter leur logement en février. Sans papier français, Maria n’a jamais eu l’autorisation de travailler depuis son arrivée.
Parallèlement, les ministres européens de l’Intérieur ont décidé d’octroyer la protection temporaire à tous les réfugiés ukrainiens, leur donnant ainsi le droit d’avoir un emploi, un logement et les APL.
Après la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan, 200 réfugiés avaient été accueillis dans l’hôtel Mercure pendant l’été 2021. En mars 2022, d’après les associations, des Afghans dorment dans la rue à Strasbourg. (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc).
Pour la Cimade, tous les réfugiés doivent être traités comme les Ukrainiens
Le plus jeune enfant de Maria a 5 ans. Il est à l’école maternelle Ariane Icare. Les deux filles ont 17 et 18 ans, et sont scolarisées aux lycées Jean Geiler et René Cassin. Après cinq ans passés en France, les enfants se disent attachés à leur vie ici. Combien de temps n’auront-ils pas de solution d’hébergement pérenne ? Maria l’assure, elle n’a pas d’autre choix que d’attendre : « Je ne risquerai pas ma vie et celle de mes enfants. »
Depuis le 10 mars, ils dorment dans une chambre d’hôtel payée par Les Petites Roues. « On espère que l’État trouvera une solution, parce qu’on ne pourra pas les loger indéfiniment », dit Sabine Carriou.
Elle s’inquiète :
« Malheureusement nous recevons des signalements tous les jours pour des familles qui dorment dans des voitures ou dehors, avec des enfants scolarisés. Nous n’arrivons plus à répondre à toutes les demandes. »
En plus des personnes à la rue, une centaine d’exilés sans solution de l’État, dont beaucoup de Géorgiens avec des enfants, squattent un immeuble à la Meinau. Interrogée sur la différence de traitement des réfugiés, la préfecture n’a pas répondu à nos questions. Pierre Greib, de la Cimade, espère que l’accueil des Ukrainiens sera pris comme exemple, à l’avenir, pour le traitement de tous les demandeurs d’asile et de titre de séjour.
Jeudi 17 mars, une intersyndicale organise des manifestations sur le pouvoir d’achat en France. À Strasbourg, le cortège doit partir à 14h de la place Kléber.
Désormais rejoints par l’Unsa et la CFTC, la CGT, Solidaires Alsace et la FSU appellent de nouveau les Strasbourgeois à manifester jeudi pour une hausse des salaires et des pensions, en raison de l’augmentation du coût de vie en France.
Le pouvoir d’achat, déjà en revendication le 1er mai 2019 par les organisations CGT, FSU, SOLIDAIRES, UNEF, UNL, FO et CNT. Photo : archives Rue89 Strasbourg / cc
Esther Bauer, porte-parole de Solidaires Alsace, détaille :
« Nous continuons le mouvement entamé en janvier et qui est resté sans réponse de la part du gouvernement. L’inflation en France a commencé à dégrader le pouvoir d’achat des ménages bien avant la guerre en Ukraine, le prix de l’énergie et des produits alimentaires ont nettement augmenté tandis que les salaires et les pensions des retraités sont bloqués depuis des années. »
En plus d’une augmentation des revenus des ménages, l’intersyndicale demande au gouvernement d’augmenter les aides aux personnes les plus précaires. Dans un communiqué, les syndicats demandent notamment une augmentation du salaire minimum (Smic), du point d’indice des fonctionnaires et du montant des bourses pour les étudiants.
Le trajet
La manifestation traversera les rues des Grandes-Arcades, du Vieux-Marché-aux-Poissons, Quai des Bateliers, avenue de la Liberté, et la rue de la Haute-Montée pour revenir place Kléber.
De 2019 à 2021, trois hôpitaux des Vosges, du Bas-Rhin et du sud de la France ont appelé Jean-Yves, infirmier à la retraite, pour palier leur manque chronique de personnel. Il raconte son quotidien dans des services sous tension avant et pendant la pandémie de Covid-19.
Jean-Yves a pris sa retraite d’infirmer en 2017. Mais l’homme de 67 ans n’a en fait jamais vraiment raccroché sa blouse. De 2019 à 2021, il a effectué plusieurs remplacements dans des hôpitaux en sous-effectif. En France, selon le gouvernement, le nombre de postes vacants de personnels paramédicaux s’est accru d’un tiers entre 2020 et 2021, en pleine crise du Covid-19. La Fédération hospitalière de France (FHF) parlait en 20 octobre 2021 « d’un taux d’absentéisme de l’ordre de 10% » et de « 2 à 5% de postes vacants de soignants » au sein des hôpitaux et des établissements médico-sociaux publics.
Jean-Yves est à la retraite mais il n’en a pas encore fini avec l’hôpital… Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
Des mails de la réserve sanitaire
Pour combler ce manque de personnel dans les hôpitaux en cas de crise liée à des raisons de santé, l’État a mis en place depuis 2007 une réserve sanitaire par le biais des Agence régionales de santé (ARS). Chaque professionnel exerçant dans le milieu de la santé peut s’inscrire sur une liste et se voir proposer en remplacement dans les hôpitaux. Le gouvernement a mobilisé cette réserve le 6 mars 2020 pour faire face aux besoins créés par la pandémie de Covid-19.
Jean-Yves est inscrit depuis 2020 et reçoit régulièrement des propositions :
« Sur le mois de février 2022, j’ai reçu neuf demandes de renfort provenant de la Réserve Sanitaire. On a parfois des propositions pour aller remplacer en outre-mer. Parfois, ce sont les hôpitaux qui m’appellent directement. En février, j’ai reçu un appel d’un cadre de santé qui a sollicité de l’aide dans son hôpital où 5 infirmiers étaient absents… »
Trois retraités sur six professionnels de santé dans le sud
Les remplacements du retraité ont même commencé avant la pandémie de Covid. Début 2019, Jean-Yves apprend par une annonce sur le site Egora, à destination des professionnels de santé, qu’un hôpital de Roquebillière dans le Mercantour près de Nice, est sur le point de fermer faute de personnel. Après un mail à cet hôpital, il est rappelé pour effectuer un service de trois mois, de juillet à septembre. Il accepte le job par solidarité envers ses ex-collègues et pour se dépayser.
L’échange qu’il a avec la surveillante générale, elle aussi retraitée, s’avère révélateur de ce qu’il rencontrera sur place :
« L’hôpital était déjà sous tension. Il y avait quatre infirmières et deux médecins qui roulaient sur des horaires décalés. La moitié étaient des retraités, on était donc trois infirmiers retraités en tout. Il y avait 45 patients à prendre en charge, dont 15 dans une situation de totale dépendance. »
41,75 heures de travail supplémentaires pour six semaines
Il sera rappelé par ce même hôpital pour effectuer un remplacement en août 2021 et une troisième fois pour un remplacement de six semaines entre décembre 2021 et janvier 2022. Cette reprise de service est éreintante pour Jean-Yves, qui est pourtant de nature active. Même pendant ses remplacements, il est rappelé pendant ses jours de repos pour remplacer du personnel malade :
« C’était un casse-tête pour les cadres, qui devaient supprimer des RTT pour faire venir du personnel. Une fois, j’avais cinq jours de repos prévus. La cadre m’a rappelé pour que j’en donne un ou deux car une personne était malade. Des fois, j’ai dû remplacer des personnes qui étaient juste épuisées… »
En outre, ses plannings s’allongent avec parfois trois jours de 7h à 19h d’affilée. Les journées peuvent se terminer après 21h quand il faut préparer les patients afin d’alléger le service de nuit. Pendant six semaines, Jean-Yves affirme avoir effectué 41,75 heures supplémentaires de travail.
Le planning de décembre 2021 à janvier 2022… Des tunnels avec parfois trois jours d’affilée Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
Sur place, il trouve du réconfort en logeant dans un gîte situé à quelques kilomètres de l’hôpital de montagne. Il feuillette son album photo où il se remémore des séjours avec sa femme, dans des restaurants ou en promenade.
Des remplacements à Sélestat et dans les Vosges pendant le Covid
Après ses remplacements dans le sud de l’été 2019 et de février 2020, il revient dans sa commune du val de Villé en Alsace, début mars. La pandémie de Covid-19 commence à embraser les services hospitaliers voisins. Il reçoit un coup de fil de sa fille, infirmière au centre hospitalier de Sélestat. Lorsqu’il prend son service dans cet hôpital pendant le confinement d’avril 2020, l’appréhension est plus importante qu’auparavant :
« Je n’étais pas terrifié, sinon je n’y serais pas allé, mais j’avais quand même la boule au ventre. J’ai eu de la chance que ma femme accepte que j’y aille, car cela représentait un risque pour nous deux, même si nous n’avons pas de problème de santé. »
Malgré ce risque d’exposition au virus, le retraité intervient en renfort Covid-19 dans cet hôpital pendant trois mois jusqu’à juin 2020. Il fait aussi des remplacements de quelques jours en août et en décembre de cette même année. Entre temps, il est appelé à l’hôpital du Val de Madon dans les Vosges, pendant tout le mois de novembre 2021.
Du matériel récupéré et un manque criant de personnel pendant le Covid
Au début du Covid dans l’hôpital de Sélestat, les soins se font sans masque, avec des doses rationnées de gel hydroalcoolique comme seule protection. L’hôpital se démène tant bien que mal pour palier le manque de matériel en se fournissant auprès d’autres professionnels de santé ou d’entreprises qui proposent de donner leur stock :
« Grâce aux cadres, on ne manquait jamais de matériel. C’étaient des gens qui nous appelaient pour proposer d’en donner de leurs stocks. Un dentiste nous avait par exemple donné son stock de masques. Une distillerie voisine nous fournissait en gel hydroalcoolique. »
Mais le personnel manque toujours :
« Les soignants étaient plus souvent absents. C’est pour cela qu’ils ont appelé des retraités pour remplacer le personnel malade ou épuisé. Dans mon équipe, il y avait même trois personnes qui n’étaient pas du tout du domaine médical. On avait par exemple un coiffeur qui venait aider à faire le ménage… »
« On est des héros tant qu’on a besoin de nous, après on nous jette »
Lors de ces remplacements, les frais d’hébergement sur place et de trajet sont pris en charge par l’hôpital. La mission est rémunérée à hauteur de 300 euros bruts par jour de mission pour les étudiants, médecins, pharmacien ou sage-femme sans emploi ou retraité. Pour les infirmiers comme Jean-Yves, cette rémunération s’élève à 125 euros bruts par jour de mission. Il a perçu environ 1 800 euros bruts par mois.
Une situation que Jean-Yves trouve représentative d’un « manque de reconnaissance » :
« Après mes remplacements, ma taxe d’habitation a doublé et j’ai dû payer quatre fois plus d’impôts sur le revenu. Donc on répond à l’appel du gouvernement, on revient faire une mission par solidarité et on nous taxe ! On est des héros tant qu’on a besoin de nous, après on nous jette sans remerciement. »
Une profession pénible pour des primes faibles
Dans le cadre de la consultation du Ségur de la santé commencée en 2020, une nouvelle grille de salaire applicable dès le 1er octobre 2021 a été prévue pour les employés de l’hôpital public. Pour les infirmiers en soins généraux en début de carrière, cela représente une augmentation de 290 euros net par mois, soit un salaire augmenté de 1 736 à 2 026 euros nets. Mais selon Jean-Yves, ce sont des salaires faibles au regard de la charge de travail qui contribuent à rendre la profession moins attractive :
« C’est un métier qui ne donne plus envie. Il y a des services qui sont plus pénibles que d’autres, comme la gériatrie. Beaucoup de gens arrêtent et se réorientent parce que le rythme de travail est intenable, avec peu de perspectives d’augmentations. »
Son dernier service dans le Mercantour date de janvier 2022. Il avait remplacé du personnel sur la période de noël et de nouvel an. Il ne souhaite plus aujourd’hui faire de remplacements :
« Il y a une vraie ambiance de solidarité qui règne, je remercierai toujours mon équipe pour les moments de convivialité passés ensemble. Maintenant quand on m’appelle je n’accepte plus. C’est devenu trop usant. »