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Abonnements à 400€ par mois : les pratiques agressives et trompeuses des boutiques Hubside.store

Abonnements à 400€ par mois : les pratiques agressives et trompeuses des boutiques Hubside.store

Hubside.store a installé deux boutiques d’équipements multimédias à Strasbourg en 2021. Mais depuis plusieurs mois, une partie de leurs clients – souvent des étudiants – les accusent d’arnaques et de pratiques commerciales abusives. Le parquet de Paris vient d’être saisi par la direction de la répression des fraudes.

Devantures bleu roi, logo lumineux, trottinettes électriques entreposées derrière les vitrines, intérieur high-tech à l’ambiance futuriste : trois boutiques Hubside.store, qui commercialisent des équipements multimédias (télévisions, ordinateurs, objets connectés et smartphones reconditionnés), ont été ouvertes à Strasbourg et Illkirch-Graffenstaden en 2021. 

Mais depuis décembre 2021, ces boutiques sont la cible de critiques et font face au mécontentement d’une partie de leurs clients. Les avis négatifs se multiplient sur internet, faisant état de « mensonges », « manipulations » et « arnaque ». 

Théo, un étudiant originaire d’Alsace en fait partie. Fin mars, il poste un message sur les réseaux sociaux : 

« Malgré des appels pour résilier, je me fais prélever des sommes d’argent pas possible alors que je suis étudiant… Comment faire pour annuler définitivement, avoir un remboursement ? »

La publication recueille plus de 130 commentaires, dans lesquels de nombreux internautes expliquent avoir également été victimes d’Hubside.store. Face à tant de témoignages, Théo décide alors de créer une discussion de groupe sur le réseau social pour réunir assez d’éléments et pouvoir porter une plainte collective contre les pratiques commerciales de ces boutiques.

D’une batterie externe offerte à la signature de contrats

L’étudiant se souvient du jour où il s’est rendu dans l’une des boutiques de l’enseigne. Début février, il se balade dans le centre-ville strasbourgeois lorsque des employés d’Hubside.store l’abordent, dans la rue. Ils lui expliquent que la boutique située près de la place Kléber lui offre une batterie externe s’il accepte d’assister à une présentation du magasin. 

Il accepte, et pendant près d’une demi-heure, un commercial lui expose les différentes formules de la boutique : 

« Le vendeur ne parlait que d’avantages en souscrivant chez eux. Par exemple, je pourrais payer moins cher un voyage… Il a aussi vu mon smartphone et m’a expliqué qu’en le vendant chez eux, je pourrais avoir un modèle plus récent avec 150 euros remboursés. Donc forcément, ça m’a vendu du rêve, parce qu’en tant qu’étudiant, on cherche les bonnes affaires. »

Pour bénéficier de ces avantages, Théo doit souscrire à la carte de fidélité de la boutique. Le vendeur lui assure qu’elle est gratuite le premier mois, et qu’il « pourra résilier à tout moment, en appelant un numéro ».

À la demande du vendeur, le jeune homme fournit ses informations personnelles et son relevé d’identité bancaire (RIB). Cinq codes lui sont envoyés par SMS pour signer électroniquement. Théo ne comprend pas : « il ne m’avait jamais parlé de 5 contrats. » 

Ces contrats sont des abonnements correspondant à cinq services distincts : une carte de fidélité, la location d’objets connectés, une assurance couvrant les équipements multimédias personnels, un « pack » pour assister à des évènements culturels ou sportifs et la création d’un site internet. Cumulés, ces abonnements coûtent près de 200 euros le deuxième mois. Ils passent à 400 euros le troisième, et la deuxième année, les prix de chaque contrat augmentent à nouveau.

Cinq numéros pour cinq résiliations

Durant son premier mois d’abonnement, Théo ne sera pas prélevé, comme lui a expliqué le vendeur. Avant la fin de sa mensualité offerte, l’étudiant passe une demi-heure au téléphone pour résilier ses contrats. Mais le mois suivant, c’est la douche froide : « J’ai été débité plusieurs fois, j’en ai eu pour plus de 300 euros, alors que je pensais avoir résilié. »

Théo n’avait, en fait, appelé qu’un seul numéro pour résilier, alors qu’il fallait en appeler cinq différents, correspondant à ses cinq contrats : 

« Non seulement le vendeur ne m’avait pas précisé qu’il fallait appeler cinq numéros, mais en plus, j’ai été débité pour le contrat que je pensais avoir résilié. » 

Il a finalement bloqué les prélèvements d’Hubside.store auprès de sa banque, qui lui a également remboursé une partie des prélèvements de l’enseigne.

Une boisson et des offres « alléchantes »

L’histoire commence de la même manière pour Valentin. Mi-février, alors qu’il se promène dans le centre-ville de Strasbourg, une employée d’Hubside.store l’aborde au niveau de la place Kléber. Elle lui présente la même offre : une batterie externe gratuite s’il entre dans le magasin.

Il accepte : « La boutique me paraissait sympa, alors pourquoi pas. En entrant, la vendeuse m’a tout de suite proposé une boisson. »

Selon Valentin, la commerciale l’assomme d’informations : 

« Elle parlait vite, il y avait plein de noms d’offres, plein de notions floues, mais les propositions étaient alléchantes. Avec leur carte de fidélité, on pouvait recevoir 1 200 euros à dépenser dans leurs magasins, gagner une tablette tactile, au bout d’un an de souscription. »

Après la présentation des offres et sans même savoir si son client est intéressé, la vendeuse lui demande directement ses coordonnées et son RIB « pour pouvoir bénéficier de la batterie externe ». Face à la réticence de Valentin, la commerciale insiste sur le premier mois gratuit et la facilité de résiliation. Il confesse : 

« Ça ne me paraissait pas cohérent de pousser quelqu’un à souscrire à une offre tout en lui conseillant de résilier avant de payer. Je suis rentré dans la boutique en ne pensant pas me faire inscrire contre mon gré aussi facilement, mais c’est allé tellement vite, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. »

« Forçage psychologique »

Valentin parle d’un « forçage psychologique » au moment de la souscription. Il s’est senti coincé parce qu’il avait déjà donné ses coordonnées. Il témoigne aussi du « capital sympathie » de la commerciale : 

« Elle souriait tout le temps, et pendant la souscription, elle prononçait très souvent le mot « gratuit ». Elle me rassurait beaucoup, me tutoyait et m’infantilisait. J’étais impressionné, je me sentais emprisonné dans le processus. Je n’osais pas lui dire non, je n’y arrivais pas. »

L’étudiant reçoit des mails lui confirmant ses abonnements. À ce moment-là, il réalise qu’il vient de souscrire à cinq abonnements différents, dont un contrat « premium » – le plus cher – pour la création d’un site internet. L’étudiant accuse le coup :

« Elle m’a parlé de cinq offres, mais pour moi, ces offres faisaient partie des avantages de la carte fidélité. J’étais noyé par les informations et j’ai souscrit à ces contrats sans même savoir combien tout cela allait concrètement me coûter. »

Une demi-heure pour résilier… chaque contrat

Après être resté près d’une heure avec la vendeuse, Valentin rentre chez lui, paniqué. Il veut résilier sur le champ et pensait également n’avoir qu’un seul numéro à appeler. C’est une de ses amies qui lui a expliqué qu’il devait passer cinq appels différents. Valentin a mis près d’une semaine et demie pour pouvoir résilier : 

« Quand j’appelais, ça sonnait dans le vide pendant 20 minutes. Dès que j’arrivais à avoir quelqu’un, les appels duraient une demi-heure à chaque fois parce qu’ils essayaient de me convaincre de ne pas résilier. Certains me promettaient de gagner un iPad. À chaque fois, les mêmes procédés : des blabla interminables. Il fallait que je devienne méchant pour qu’ils acceptent ma résiliation. »

Il met en place un suivi de ses annulations, note ses appels et vérifie les mails de confirmation. Un suivi bien utile, puisqu’il se rend compte qu’il n’a pas reçu de confirmation pour la résiliation de son contrat d’assurance alors qu’on lui avait bien précisé que c’était le cas, au téléphone. Il a dû appeler une deuxième fois. 

Une fois le dernier mail de confirmation reçu, Valentin se sent soulagé mais aussi énervé : 

« J’ai jeté tous les prospectus, je n’avais qu’une envie, c’était de ne plus jamais en entendre parler. Tout ça pour une batterie externe qui ne marche même pas. »

Hubside.store appartient au groupe Indexia, anciennement SFAM (Société française d’assurance mobile). Et ce n’est pas la première fois que le groupe est accusé de vente déloyale. En 2019, la SFAM a été condamnée à une amende estimée à 10 millions d’euros pour « pratiques commerciales trompeuses ». Selon l’AFP, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a transmis les conclusions d’une nouvelle enquête au parquet de Paris.

Contactée par la rédaction, la direction d’Hubside.store n’a pas donné suite à nos sollicitations. 

Au pied de la Cathédrale, accueil mitigé pour Emmanuel Macron à Strasbourg

Au pied de la Cathédrale, accueil mitigé pour Emmanuel Macron à Strasbourg

Emmanuel Macron a tenu son premier meeting d’entre-deux tours devant la Cathédrale avec des clins d’œil appuyés à l’électorat de gauche et écologiste. Dans la foule, un premier cercle de soutiens dans les premiers rangs, mais aussi des curieux indifférents et des opposants venus crier leur colère. À laquelle Emmanuel Macron a tenté de répondre en comparant la France à la Hongrie et son gouvernement d’extrême-droite.

Emmanuel Macron a choisi Strasbourg pour conclure sa deuxième journée de campagne après le premier tour. Dans la capitale européenne, il a recueilli 30% des voix, un peu plus qu’en 2017, tout en étant doublé par Jean-Luc Mélenchon. Sans grande originalité pour un candidat à Strasbourg, il est venu parler d’Europe mardi 12 avril, mais aussi tenter de convaincre un électorat de gauche qui hésite à refaire « barrage » à Marine Le Pen. Loin d’une démonstration de force, l’exercice a été compliqué, malgré la présence de soutiens. Récit de la soirée.

Dès 17h45, place de la Cathédrale, quelques centaines de personnes se rassemblent pour accéder au meeting place du Château, encore fermée au public. Vers 19h15, alors que l’événement devait commencer à 18h30, la quasi-totalité de la foule, bien plus compacte, est encore massée devant un important barrage filtrant.

Les spectateurs sont fouillés deux fois avant d’arriver sur la place. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

De nombreux opposants infiltrés

Une vingtaine de personnes se met à crier des slogans : « Macron, en prison ! », « Travaille, consomme, et ferme ta gueule ». Les marcheurs répondent : « Macron président ! », « Et un, et deux, et cinq ans de plus ». À quelques mètres, une femme hurle : « Touchez pas à nos enfants. » Plus discrètement, un groupe de sept gilets jaunes strasbourgeois tente d’entrer pour interpeller le président. Parmi eux, Aurélie raconte :

« Quand on est arrivés devant les policiers, ils ne nous ont même pas fouillés, ils ont dit : “Vous ne rentrez pas.” J’ai demandé pourquoi et ils m’ont répondu : “Vous savez pourquoi.” Je me suis assise par terre et je les ai interrogés sur la raison légale pour m’empêcher d’assister à l’événement. Ils m’ont finalement soulevée à quatre pour m’emmener plus loin. »

Les soutiens d’Emmanuel Macron agitent drapeaux et slogans lors du meeting. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Sur la place du Château, des drapeaux de l’Europe et de la France sont mis à disposition. Des dizaines de journalistes de la presse locale et nationale observent. Les députés marcheurs bas-rhinois sont en place, ainsi qu’Alain Fontanel, élu LREM d’opposition et potentiel candidat aux élections législatives en juin. 

Maxence, jeune strasbourgeois, se réjouit de voir le président :

« Il a fait beaucoup de choses bien, notamment pour les entreprises pendant le Covid. Il faudrait plus communiquer sur ses mesures sociales. »

Amassés près de l’estrade un groupe de lycéens attend : « Nous ne sommes pas plus convaincus que ça, mais curieux de voir Macron », glisse Inès.

Près de la scène, certains jeunes sont transportés. D’autres, plus dubitatifs, ne réagissent pas ou s’éclipsent de la foule. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Macron interpellé sur les fermetures de lits d’hôpitaux

Tout près de la porte du Palais des Rohan, à 20h, trois rangées de personnes se massent sur la barrière où le président fait son entrée. Florent, 28 ans et militant LFI, l’attendait de pied ferme pour « poser des questions » :

« Nous on s’était infiltrés en s’habillant comme les macronistes. Avec mes chaussures blanches et une petite chemise, je suis rentré tranquille. Moi et ma pote médecin, on a réussi à s’approcher assez près pour lui parler. »

L’échange entre les deux militants et le président est rapide. Florent commence à l’interpeller sur ses « mensonges » et ses promesses non tenues :

« Je lui ai dit “La jeunesse et Strasbourg sont de gauche. Vous nous avez menti sur le climat, la jeunesse, les femmes, les hôpitaux, comment vous voulez que l’on vote pour vous ?”. Lui m’a répondu qu’il avait tenu ses promesses et appliqué son programme. »

À ses côtés, Karine (prénom modifié), « sa pote médecin » qui a travaillé dans les hôpitaux de Colmar pendant le Covid, renchérit sur « la fermeture de 17 900 lits d’hôpitaux » sur son mandat. Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron a déjà été interpellé sur ce sujet, à Mulhouse puis à Châtenois. L’échange est expédié par un « je fais ce que je peux » du candidat. Peu de temps après, un vigile se place derrière les deux trentenaires et leur demande de partir. Ils sont dirigés vers la sortie alors qu’ils continuent de crier, poings levés : « La jeunesse est de gauche ! »

En passant dans la foule, Emmanuel Macron est alpagué, il serre des mains et discute. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

« Il faut qu’il revoie son programme »

Une fois reparti, Florent ne sait toujours pas s’il voudra faire barrage à Marine Le Pen :

« Honnêtement c’est une catastrophe dans ma tête, s’il ne fait pas des efforts conséquents je ne voterai pas. Il faut qu’il revoie son programme sur la réforme des retraites, sur l’écologie, sur la précarité des jeunes. Le but de mon intervention, c’était de lui dire de ne pas nous oublier, car nous, on ne va pas l’oublier. »

« Je veux faire un pas dans votre direction »

Sur l’estrade, l’ancien maire de Strasbourg, Roland Ries, qui a rejoint la macronie sur le tard après une carrière au PS, reçoit le candidat par quelques mots. « Cette place que nous avons refaites il y a une dizaine d’année, elle était destinée à vous recevoir », apprend-t-on à cette occasion.

Roland Ries a introduit le président de la République sur l’estrade avec de grandes éloges. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Au pied de la Cathédrale, Emmanuel Macron mentionne d’emblée son attachement au Concordat en Alsace-Moselle et ses spécificités pour trois religions. Puis, « au droit local, qui sera préservé », à l’heure où l’exigence de rattraper les deux jours fériés pour les employés de mairie suscite des inquiétudes chez ses défenseurs.

Mais très vite une clameur s’élève. Elle vient d’un groupe d’une demi-douzaine de personnes. « Macron, rends l’ISF ! Macron, rends l’ISF », crient des militants de la France insoumise. « L’ISF n’est pas dans ma poche », rétorque Emmanuel Macron. Il saisit la perche, défend sa suppression de l’impôt sur la fortune qui a « fait revenir des richesses » et « permis de créer 1 million d’emplois net ». Les militants sont éconduits à leur tour. 

Chaque interpellation suscite la nervosité dans le service d’ordre et l’équipe du candidat, qui craignent de mauvaises images. Pourtant, Emmanuel Macron est aussi venu pour ces moments de confrontation. Un peu plus tard, il est interpellé sur ses actions pour le climat et le non-respect des accords de Paris. « Je veux faire un pas dans votre direction, mais en réalité je veux le faire pour nous tous », répond-t-il. Il dit vouloir aller « plus vite » et agir au niveau européen : « Il nous faut un projet de convergence sociale et fiscale qui crée de la justice partout. » 

Le discours reprendrait presque quelques positions de Jeanne Barseghian, la maire écologiste de Strasbourg. Emmanuel Macron défend « l’économie circulaire », « la préservation des espaces et de la biodiversité », l’accompagnement des ménages pour « changer de véhicule et moins polluer », aider les agriculteurs à « réduire les pesticides » ou rénover « 650 000 logements en un an ». Emmanuel Macron défend aussi les énergies renouvelables et « en même temps » une relance de l’énergie nucléaire pour se passer de la dépendance « des hydrocarbures venus de l’Est ».

Emmanuel Macron a concentré une partie de son discours sur les questions européennes et internationales. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

L’autre grand axe du discours est l’Europe. Emmanuel Macron compare ses positions à celles de sa rivale :

« Ce que je veux dire, c’est qu’aujourd’hui l’extrême droite française est l’alliée du parti qui est au pouvoir en Hongrie et donc ce qu’elle veut faire, c’est ce qu’on voit en Hongrie, et nous, on veut lutter contre. »

La place du Château remplie à moitié

À proximité de la scène, un noyau de militants semble transporté par le discours. Des « Macron président ! » s’élèvent de parts et d’autres. Les déclarations sur l’Europe, les tacles aux rivaux d’extrême droite, jusqu’aux traits d’humour du président, sont portés et applaudis. Même quand il toussote ou perd sa voix. Mais tous ne sont pas captés par la prestation. Toutes les cinq minutes, des personnes quittent le centre du public pour s’en aller au fond de la place. Il s’agit notamment des plus jeunes, qui ont pris des photos ou des vidéos avec leur téléphone.

La place est de toute façon loin d’être pleine. En dehors des premiers rangs serrés, éclairés et munis de drapeaux, il est facile de déambuler entre les spectateurs espacés, alors que des soutiens sont venus de loin. Certains arborent « Les Vosges avec Macron » et des élus du Haut-Rhin se sont pressés pour apparaître proches de leur chouchou. En revanche, on ne remarque aucune figure locale des autres partis politiques, de droite comme de gauche.

C’est sur les franges de la place qu’on rencontre les plus sceptiques. Trois jeunes amis écoutent et critiquent entre eux les propositions du candidat. Ils ont tous trois voté Jean-Luc Mélenchon. L’un d’entre eux mettra un bulletin Macron dans l’urne au second tour : « Il n’est quand même pas Le Pen. » Son amie pense plutôt voter blanc « pour le moment ». Dans les deux cas, les propos du président ce soir ne les convainquent guère.

Très en retard, plus d’une heure et demie, Emmanuel Macron n’a parlé que 40 minutes. Il a conclu son discours par la Marseillaise puis l’hymne européen sans que l’ambiance n’ait réussi à décoller. La foule restante est sans grande énergie. La conséquence peut-être d’avoir attendu plus de deux heures debout avant d’écouter le candidat. Les Marcheurs doivent-ils s’inquiéter pour le deuxième tour ?

Présidentielle à Strasbourg : une fracture entre les quartiers et une concurrence Pécresse – Zemmour

Présidentielle à Strasbourg : une fracture entre les quartiers et une concurrence Pécresse – Zemmour

L’analyse fine des résultats à Strasbourg révèle d’importants écarts sur la participation. Jean-Luc Mélenchon et à degré moindre Marine Le Pen réussissent dans les quartiers populaires, mais qui votent moins. Emmanuel Macron établit des scores plus équilibrés et s’appuie sur les bureaux de droite, qui participent plus. À droite justement, Éric Zemmour concurrence « Les Républicains » et non pas le Rassemblement national.

Le résultat et une participation finalement plus forte qu’annoncée ont quelque peu éclipsé les disparités de l’abstention dans la ville. Dans un quart des 144 bureaux de votes de Strasbourg, on participe à plus de 80% et même 85,1% à René Cassin près de l’Orangerie. La participation est aussi très bonne au centre ville et dans des bureaux de Neudorf, la Krutenau, la Robertsau ou à l’entrée de Cronenbourg.

Plus de 40% d’abstention dans des quartiers populaires

Certes ce n’est pas le très grand écart, mais dans un quart des bureaux au contraire, on s’abstient à plus de 30%. Dans les quartiers populaires, du Neuhof à Hautepierre, en passant par l’Elsau ou Cronenbourg, l’abstention flirte avec les 40%. Elle la dépasse dans trois bureaux, deux au Neuhof et un à l’extrémité de Cronenbourg, à l’école Paul Langevin.

Un score équilibré pour Emmanuel Macron

Cette carte de la participation se superpose avec le trio de tête. Celle de la forte participation correspond assez bien aux meilleurs scores d’Emmanuel Macron. De quoi presque équilibrer les scores avec Jean-Luc Mélenchon qui remporte pourtant bien plus de bureaux dans la ville.

Par exemple, le bureau René Cassin rapporte 291 suffrages à Emmanuel Macron, qu’il remporte avec 36% des voix. Soit une de plus que Jean-Luc Mélenchon et son score record (69,88% !) au bureau Paul Langevin (290 voix). Des bureaux comme l’ENGEES, à Gallia, ou 4 écoles de la Robertsau rapportent environ 400 voix chacun au chef de l’État. « Emmanuel Macron a gardé sa base de 2017 et a mordu sur celle de la droite, par exemple à l’Orangerie qui est le bastion par excellence », analyse le politologue à l’Observatoire de la vie politique alsacienne (Ovipal) Philippe Breton.

Même dans les secteurs où il est en difficulté, dans les quartiers populaires, le président sortant est toujours au-dessus des 11%, et très souvent au moins deuxième.

Jean-Luc Mélenchon très fort dans les secteurs abstentionnistes

Au contraire, Jean-Luc Mélenchon fait de plus grands écarts qu’Emmanuel Macron, allant de 8% (au pavillon Joséphine) à 69% d’un bout à l’autre de la ville. À l’opposé du président, ses meilleurs scores en pourcentage viennent des quartiers plus abstentionnistes, qui rapportent moins de voix lors du dépouillement.

« Jean-Luc Mélenchon a réveillé les banlieues », constate Philippe Breton. Mais pour l’universitaire, « il aura du mal à s’appuyer dessus » :

« On se tromperait à ne voir qu’un vote de gauche. Il y a son combat contre l’islamophobie. Il fait aussi de bons scores dans les secteurs périurbains, qui ne sont pas des terres de gauche. C’est un vote composite, d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon qui est un vieux renard de la politique, l’a reconnu dans son discours. C’était un vote du moment, mais son électorat va déjà avoir des options différentes dès le 2è tour, entre le vote blanc, l’abstention, Macron voire Le Pen. »

Le porte-parole de LFI à Strasbourg Léo Delahaye estime que ces résultats correspondent à la stratégie mais voit aussi des difficultés à venir :

« On a focalisé sur les quartiers où ça ne va pas avec 10 000 porte-à-portes. On s’attendait à être distancé au Conseil des XV. On a un électorat abstentionniste lors des élections intermédiaires. Il faut qu’on capitalise sur ce bon score pour les élections législatives, mais il y a peut-être davantage d’union à faire. Cette élection doit servir de leçon à tout le monde ».

Mais Jean-Luc Mélenchon est aussi en tête à Strasbourg grâce à de bons scores dans des quartiers qui se mobilisent beaucoup. Il récolte ainsi autour de 500 voix à la Musau, (plus de 70% de participation) ou au quartier Gare dans les écoles Sainte-Aurélie et Louise Scheppler, où plus de 80% des inscrits ont voté.

Même s’il est très distancé dans les bureaux de droite, il limite la casse avec souvent des scores entre 15 et 20% dans des secteurs comme la Robertsau qui n’est pas réputée pour voter pour la gauche radicale. Le score de jadis le Parti socialiste ou les écologistes depuis 2020.

Marine Le Pen (11%) est loin derrière le duo de tête à Strasbourg. C’est aussi dans les secteurs abstentionnistes qu’elle est la mieux placée. Elle fait un peu plus au sud, même au-delà de 20% (Neuhof, Stockfeld et Meinau) et pas forcement dans les bureaux « les plus abstentionnistes », à l’ouest de la ville. Ses points forts sont donc légèrement différents de ceux de Jean-Luc Mélenchon. Elle est clairement rejetée, plus qu’Éric Zemmour, dans le centre-ville et les quartiers prospères au nord.

EELV replié sur ses bastions

Quatrième à Strasbourg avec 6,4%, Yannick Jadot limite un peu la casse par rapport à d’autres candidats. Il regroupe ses meilleurs scores dans les quartiers du centre-ville, de la Krutenau, le quartier Gare ou Neudorf. Des bastions historiques d’EELV à Strasbourg. Une zone d’influence qui justement s’était étendue à l’ensemble du Neudorf, la Meinau ou Cronenbourg, lors des élections municipales, et à degré moindre aux départementales.

Ce repli était lié au « vote utile » pour Jean-Luc Mélenchon selon les impressions de Jeanne Barseghian dimanche soir au centre administratif. « Je viens de le constater dans le bureau de vote où j’étais à la Musau et de manière générale à Strasbourg, là où les écologistes sont d’habitude très forts ». Elle estime qu’il n’était « pas facile » de se décider pour un électeur écologiste : « Mélenchon s’est positionné fortement sur les questions environnementales et sociales. »

« Les 21 000 voix du deuxième tour des élections municipales 2022, qui représentaient un vrai vote militant écologiste, dans un contexte d’abstention, est retombé avec 6 500 voix pour Yannick Jadot, malgré une participation qui a doublé », compare pour sa part Philippe Breton.

« Strasbourg a moins voté Yannick Jadot (6,4%) que les autres grandes villes écologistes ou de gauche, ce qui profite à Jean-Luc Mélenchon qui fait l’un de ses meilleurs scores », relève l’opposant Alain Fontanel (LREM). En effet, le candidat EELV réalise un peu plus à Lyon, Bordeaux, Paris, Lille, Rennes, Nantes, Grenoble ou Toulouse. Ceux-ci vont jusqu’à 9,96% à Rennes. Yannick Jadot fait néanmoins des scores plus faibles dans le sud à Marseille, Montpellier ou Nice.

À noter tout de même l’un ou l’autre bon score dans quatre bureaux de la Robertsau (entre 7 et 9%) dans ce contexte morose, qui semble confirmer une petite évolution du corps électoral. L’eurodéputé fait aussi quelques gros flop dans les quartiers populaires et même un zéro pointé à l’école Gustave Stoskopf aux Poteries.

À droite, les votes Zemmour et Pécresse se concurrencent

L’autre enseignement est le vote à droite et l’extrême-droite. Bien qu’elle fait un score très faible dans la ville, Valérie Pécresse (3,65%) présente une différence très marquée d’un quartier à l’autre. Dans plusieurs secteurs, notamment à l’ouest, elle est sous les 1% dans plusieurs bureaux. En revanche ses meilleurs scores sont quasiment tous au nord, du secteur Contades, Tivoli, Wacken, Orangerie, Conseil des XV, jusqu’à la Robertsau, les points forts habituels de la droite strasbourgeoise. Ainsi, elle multiplie son score par 60 entre son meilleur et pire score ! Au Pavillon Joséphine, c’est également dans ce bureau qu’Emmanuel Macron réalise son meilleur score et Jean-Luc Mélenchon son pire résultat.

Du côté de la droite locale, on pointe « un défaut d’incarnation » de la candidate. L’électorat de la Robertsau et des quartiers nord a ainsi opté pour Emmanuel Macron, tandis que celui plus populaire aurait préféré le RN, par exemple au sud. Mais on rappelle aussi qu’aux élections européennes de 2019, la droite avait aussi touché le fond, même en Alsace, avant de faire de bons scores aux élections locales en 2020 et surtout en 2021.

Avec une inconnue pour les élections législatives de juin : est-ce que ce sera la faiblesse nationale ou l’ancrage local qui s’imposera ? C’est une élection nationale, mais les circonscriptions sont locales. Le parti pourrait y jouer sa survie financière, Valérie Pécresse vient de faire un appel au don pour rembourser sa campagne.

Surtout, cette carte du vote LR se superpose avec celle du vote pour Éric Zemmour, qui réalise 6% des voix. À quelques exceptions près, c’est dans les quartiers nord qu’il fait ses meilleurs scores. Il monte jusqu’à 16,55% au Palais des Fêtes, au cœur de la Neustadt. En revanche, le vote Zemmour ne concurrence pas du tout les bons scores de Marine Le Pen dans les quartiers populaires et davantage abstentionnistes. Les cartes des deux candidats d’extrême droite sont presque inversées.

« Éric Zemmour a fait une campagne pour la droite radicale et conservatrice. Il n’a pas dévié de sa ligne et n’a fait aucune concession. Son score correspond à cet électorat là et il ne mord chez aucun autre. C’est le candidat pour qui il y a le moins de surprise », estime Philippe Breton.

La moitié des candidats dans les choux

Les six autres candidats font des scores très faibles et globalement équilibrés, sans que l’on puisse en tirer d’enseignement. Comme Yannick Jadot, les candidats de gauche, Hidalgo, Roussel, Arthaud et Poutou arrivent tous à récolter 0 voix dans au moins un bureau de vote, pas de jaloux ! Contrairement à Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan qui sauvent l’honneur partout.

Le dimanche des abstentionnistes du premier tour de la présidentielle : « Je ne vais pas être leur instrument »

Le dimanche des abstentionnistes du premier tour de la présidentielle : « Je ne vais pas être leur instrument »

L’abstention à l’élection présidentielle reste importante en France. En Alsace, ce 10 avril, elle était de 25,04 %, contre 21% au premier tour en 2017. Rue89 Strasbourg s’est rendu à Obernai et dans le quartier de la Musau à Strasbourg pour interroger celles et ceux qui décident de ne pas voter à l’élection présidentielle.

Dans la petite ville d’Obernai, ce dimanche 10 avril, on ne sait pas trop si les dizaines de personnes présentes au centre-ville sont là pour l’élection présidentielle ou le soleil. Dans la mairie encastrée entre deux bâtiments et une église romane, deux bureaux de vote se font face et accueillent une soixantaine de personnes. « Je n’ai jamais vu ça, les urnes sont déjà à moitié pleines ! », s’exclame un homme en redescendant les marches de l’hôtel de ville. Vers 11h40, 644 bulletins avaient été comptabilisés sur 2 400 inscrits dans ce bureau. 

Pourtant, l’engouement du matin est vite retombé. La ville a enregistré 30,76% d’abstention au premier tour, soit l’un des taux les plus élevés d’Alsace, qui compte 25,04% d’électeurs abstentionnistes dans les deux départements. Magali est caissière dans un supermarché, elle passe devant le bureau de vote sans interrompre sa promenade dominicale en famille : 

« Il n’y a rien qui m’intéresse dans cette élection. Cela ne fait que se répéter de toute façon : ils annoncent déjà un deuxième tour Macron-Le Pen à la télé. »

Dans la mairie d’Obernai, les électeurs affluent le matin pour aller voter. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Plus d’abstention et de votes à l’extrême droite 

Dans cette ville « de droite », les électeurs ont davantage voté pour François Fillon en 2017 qui avait obtenu 26,55% des voix. Cinq ans plus tard, 34,34% ont choisi le président sortant et 24,05% la candidate d’extrême-droite, reléguant Les Républicains à 4,52%. Une tendance que note Christian Bohn, horloger à la retraite, en rentrant dans son quartier résidentiel à deux pas du centre : 

« On est une ville privilégiée, il y a un côté un peu bourgeois quand même. Il y a du boulot et beaucoup d’entreprises autour. Les gens votent Macron ou Le Pen parce qu’ils pensent que c’est plus dans leur intérêt. »

Hubert, la soixantaine, presse sa famille dans une ruelle voisine vers le restaurant où ils iront manger ce midi. L’ancien gérant de boucherie revendique fièrement son vote pour le Rassemblement national. Marianne l’accompagne, la soixantaine aussi, et lui demande de parler moins fort. Elle ne veut pas voter parce que « les politiques ne tiennent pas leurs promesses » :

« Moi je travaille depuis que j’ai 14 ans et j’ai 760 euros de retraite. Marine Le Pen m’intéresse plus parce que Emmanuel Macron avait promis d’augmenter les retraites et qu’il ne l’a pas fait. »

Le centre-ville d’Obernai est fréquenté par les touristes en ce dimanche d’élection. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

« Pourquoi je voterais ? »

« Je n’ai pas lu les programmes, de toute façon ils n’ont jamais été respectés », affirme aussi Loïc, alors que sa bande de potes le raille parce qu’il n’a pas voté. Eux l’ont tous fait, mais le jeune étudiant en commerce se montre catégorique. De nombreux abstentionnistes interrogés remettent en cause l’utilité même du vote sur leurs vies.

« Personne ne devrait aller voter, pour montrer un désaccord avec ce système ! », insiste Loïc, qui ne sait pas dire ce qu’il voudrait mettre à la place. C’est aussi l’avis de Jérémy, qui marche pour rentrer chez lui, pâté emballé et miche de pain frais à la main :

« Je ne me fiche pas de l’élection, mais le principe de représentativité, c’est un peu old school. Je ne me reconnais dans aucun candidat. Là, j’ai choisi de ne pas m’exprimer. Je le fais plutôt en répondant à des sondages d’opinion sur internet. On pourrait faire des referendums pour chaque sujet, là je serais motivé à voter parce que je verrais concrètement les effets sur ma vie. »

Une politique « fourvoyée »

Même avis du côté de Lydia, qui est venue du Nord voir sa fille et son fils. Elle n’ira pas voter aujourd’hui car elle n’avait personne pour se déplacer dans son bureau de vote avec sa procuration. Elle avoue que c’était de toute manière « peu enthousiasmant ». Thibaut, son fils de 22 ans, renchérit :

« Entre promettre tout et n’importe quoi, comme le SMIC à 2 000 euros, et certains slogans… Je trouve que tout ça, ça paraît un peu lointain. Un président n’a de toute façon pas la capacité de faire ce qu’il veut. »

« Justement, si l’extrême droite passe au pouvoir, on sera bien contents que le président ne puisse pas faire ce qu’il veut ! », nuance Camille, 28 ans, sœur de Thibaut.

À Obernai, plusieurs abstentionnistes se désespèrent de l’offre politique. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

« Il n’y a plus de conscience sociale »

À quelques rues de là, Miloud raccompagne ses enfants à sa voiture. Il semble désabusé quand on aborde le sujet des élections. Pour ce gérant d’une entreprise de l’agroalimentaire, « le vrai problème, c’est que les politiques ne peuvent plus rien faire » :

« Il y a des lobbys et d’autres pays qui orientent les décisions. C’est très présent dans l’agroalimentaire par exemple. »

Alors qu’il suit la politique depuis ses études à Sciences Po, il refuse de voter aujourd’hui. Pour lui, c’est peine perdue :

« Il n’y a plus de conscience sociale. Ce n’est plus possible de créer de gros mouvements collectifs ou des changements nationaux. Les gens ne votent que pour leurs intérêts. Je crois que la seule façon d’avoir un impact, c’est d’agir au niveau du quartier, de la ville… Je suis dans plusieurs associations d’aide aux sans-abris par exemple et je me sens plus utile. »

Les étrangers sur la touche 

Loin des discussions de la ville, à quelques rues de là, Majeh émerge de sa matinée de sommeil. Dans l’encadrure de sa porte d’entrée, il explique avoir quitté l’Algérie pour trouver un job en France. Il en cumule deux, un la journée en tant que livreur de colis, et un la nuit pour distribuer des journaux. Il n’a pas fait la démarche administrative nécessaire pour voter :

« Oui, le vote c’est bien pour exprimer son opinion. Mais sachant qu’ils ne font pas ce qu’ils disent, même à l’extrême droite, ça ne me dérange pas. C’était pareil avec Trump qui avait dit qu’il construirait un mur et qui ne l’a jamais fait. »

Rumen, venu de Bulgarie il y a 12 ans, peut quant à lui voter car il a la nationalité française. Mais ce scrutin ne l’intéresse pas non plus. Il n’aurait d’ailleurs pas eu le temps, puisqu’il part tous les dimanches vers midi pour travailler en tant que bûcheron dans la région parisienne et revient le week-end dans sa famille. La politique ne l’intéresse pas :

« J’ai signé pour être inscrit sur les listes électorales. Macron ne me dérange pas, je ne sais pas grand-chose sur lui. De toute façon, en Bulgarie, tu travailles 8 heures et tu gagnes 30 euros par jour. Après c’est vrai qu’avec les charges et les prix en France, c’est de plus en plus difficile… S’ils pouvaient augmenter les salaires ce serait bien. »

Des électeurs strasbourgeois désabusés

À la Musau, un petit quartier populaire de Strasbourg, des familles se regroupent dans le parc Kurgarten. Ce dimanche après-midi, les abstentionnistes préfèrent profiter de l’air frais que d’aller voter. Ils sont principalement de gauche et attribuent leur inaction à la déception.

Gilles, un homme de la quarantaine, se promène avec ses enfants. Il est toujours intéressé par la politique mais prend ses distances avec cette élection :

« J’ai toujours voté, mais ces dernières années, j’ai perdu espoir. C’est toujours les mêmes personnes, avec les mêmes types d’idées. Ils parlent et rien ne change. J’ai voté pour la dernière fois à l’élection présidentielle en 2017. Je n’ai ni voté aux élections législatives, ni municipales. Je ne vote plus, et ça ne me stresse pas parce que je sais que rien d’important ne changera. »

Le petit quartier de la Musau à Neudorf rassemble des foyers et du logement social. Photos : MM / Rue89 Strasbourg

« Je ne veux pas être leur instrument »

À l’arrêt de tram Aristide Briand, Gérard, 65 ans, quitte le Mansau pour observer des oiseaux. Le temps maussade concorde bien avec sa déception de la politique des dernières années :

« Ce sont des hypocrites. Ils ne parlent pas de la terre, seulement de la croissance. Même les verts, je n’y crois pas. Mélenchon est le plus proche de la nature. Si je pensais qu’il passerait au deuxième tour, je voterais aujourd’hui. Les politiques pensent que nous sommes des machines à voter, mais je ne vais pas être leur instrument. Je ne vote pas blanc parce que je ne vais pas me déplacer pour ces gens. Ils prennent déjà tout mon argent. J’ai calculé et, après le loyer et les charges, il me reste 346 euros par mois pour vivre. J’habite en HLM et les politiques prennent mon argent au lieu de l’argent des riches. Je veux juste vivre décemment. »

Une abstentionniste en série va voter

Jade, un homme de 30 ans, qui « ne vote pas d’habitude », quitte son appartement de Neudorf pour aller glisser un bulletin Jean-Luc Mélenchon (LFI). Il est intéressé par son programme qui crée une rupture dans le paysage politique :

« Je veux empêcher un deuxième tour capitalisme contre fascisme. La France Insoumise est le seul parti qui n’est pas islamophobe, et qui offre une politique cohérente de gauche. Le système a besoin de changer. Le président a beaucoup trop de pouvoir dans la cinquième république et Mélenchon propose d’agir sur ce problème. »

En revanche, il rejoindra les abstentionnistes au deuxième tour :

« Le Pen est ouvertement fasciste, mais Macron a produit de nombreuses lois fascistes pendant son quinquennat. Il ne respecte ni la liberté de manifester, ni la liberté de la presse. Quand quelqu’un vote pour Macron contre le fascisme, il légitime ses actions. Je pense que c’est à cause de lui que nous avons un candidat comme Zemmour cette année. »

Ces Strasbourgeois radiés des listes électorales, qui ont tout tenté pour voter

Ces Strasbourgeois radiés des listes électorales, qui ont tout tenté pour voter

Des Strasbourgeois ont eu la mauvaise surprise, en se présentant à leur bureau de vote dimanche 10 avril, jour du premier tour de scrutin, de découvrir qu’ils avaient été radiés des listes électorales. Certains ont tout tenté pour voter quand-même, jusqu’à demander leur réinscription expresse au tribunal judiciaire. Reportage.

À 19h, au centre administratif de la mairie de Strasbourg, deux jeunes hommes passent en courant. Ils suivent l’affichage « radiations électorales », qui doit les mener dans une salle où quatre agents accueillent les personnes dans leur situation. « On vient d’essayer de voter mais on n’était pas sur la liste, on va tout donner là », glissent-ils, essoufflés.

Des dizaines de Strasbourgeois radiés des listes électorales ont fait la course contre la montre au dernier moment pour voter. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Au moins 200 personnes se sont présentées à la mairie de Strasbourg afin de contester leur radiation de la liste électorale et réclamer leur réinscription ce dimanche 10 avril pour voter au premier tour de l’élection présidentielle. Et beaucoup d’autres se sont probablement résignées en apprenant leur éviction. Selon Léo-Paul Latasse en charge des opérations électorales pour la France insoumise, au bureau de vote 311 à Hautepierre où il était présent, une centaine de citoyens se sont présentés et n’ont pas pu voter parce qu’ils étaient radiés. Soit environ 10% des effectifs du bureau de vote. D’après l’Insee, depuis le 24 mai 2021, 227 000 français ont été radiés à l’initiative des communes.

« J’ai l’impression qu’on me vole ma voix »

« C’est scandaleux ! Je ne pourrai pas voter alors que j’étais certain d’être inscrit. Pourquoi on ne m’a pas prévenu ? », s’énervait Arnaud dimanche à 18h au bureau de vote de l’école Schoepflin. « C’est vraiment un choc pour moi, je vais essayer de trouver une solution », déclarait-il, en sortant son téléphone. Il dit avoir déménagé il y a 15 ans dans un autre quartier de Strasbourg, mais être resté inscrit au bureau de vote de l’école Schoepflin « sans que ça ne pose jamais de problème » :

« Apparemment, ils ont essayé de m’envoyer une nouvelle carte d’électeur à mon adresse d’il y a 15 ans. Comme il n’y avait pas mon nom sur la boite aux lettres, ils m’ont radié. Je ne savais pas que c’était possible. J’ai vraiment l’impression qu’on me vole ma voix. »

Nikita, avec ses deux jeunes filles, tente tout pour voter également. Inscrite à Cronenbourg en théorie, les assesseurs lui ont indiqué qu’elle n’était pas sur leur liste et qu’elle devait se rendre au centre administratif. Sauf qu’au guichet, on vient de lui annoncer qu’elle est bien sur la liste et qu’il s’agit d’une erreur. Elle est invitée à retourner sur place. « Je n’y comprends rien. Je vais essayer de m’y rendre mais ça va être compliqué, je n’ai plus beaucoup de temps ! », souffle-t-elle.

Nikita ne sait pas si elle atteindra son bureau de vote à temps. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Des Strasbourgeois qui tentent tout pour voter au dernier moment

Stéphane, la soixantaine hausse le ton : « Mais vous trouvez ça normal ?! » Il est exactement dans la même situation qu’Arnaud : « J’ai toujours voté au même bureau de vote. J’ai déménagé il y a un an et demi. Là ils me disent que c’est impossible. » Idem pour Farida, qui a déménagé en 2017. Les agents de la Ville analysent chaque situation et expliquent la démarche à suivre pour s’inscrire aux prochaines élections.

D’après la maire Jeanne Barseghian (EELV), les personnes radiées pour le premier tour ne pourront pas voter au second, mais s’ils actualisent leur situation avant le 4 mai, ils pourront mettre leur bulletin dans l’urne aux élections législatives le 12 juin. Des problèmes similaires avaient déjà causé l’énervement de Strasbourgeois en 2017.

L’ambiance est tendue au centre administratif, en ce jour d’élection présidentielle. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

De nombreuses personnes, déterminées à voter coûte que coûte, tentent de contester leur radiation au tribunal judiciaire, après leur passage à la mairie. C’est le cas de Dominique, qui quitte le centre administratif en trombe pour se rendre au tribunal. Il est environ 19h15, elle a peu d’espoir pour que ça marche, sachant que son bureau de vote est à Cronenbourg, et qu’elle doit parcourir la distance à vélo.

Radiées pour leur nom de jeune fille

Son problème : elle était inscrite avec son nom de jeune fille sur la liste électorale. « Je suis mariée depuis 17 ans, ça ne m’est même pas venu à l’esprit que cela pouvait poser problème d’un seul coup aujourd’hui », assure-t-elle. Comme pour Arnaud et Stéphane, la carte d’électeur qui devait lui parvenir a été retournée à la mairie comme il n’y avait pas son nom de jeune fille sur la boîte aux lettres. Elle a donc été radiée directement. Cette impossibilité de voter touche donc davantage de femmes concernées par un éventuel changement de nom.

Devant le tribunal judiciaire, quelques minutes plus tard, une dizaine de personnes tentent d’obtenir une autorisation de vote, justificatifs de domicile et carte d’électeur à la main. Jagathem Arlette est là depuis 16h. Elle aussi, elle a encore son nom de jeune fille sur sa carte : « Les femmes se sont battues pour le droit de vote et on nous l’enlève pour un nom de jeune fille, ça fait drôle ! » À quelques mètres, Cécile Paradon et Jeanne Madembo sont dans la même situation. La première déclare : « Je suis mariée depuis 1989. Depuis, je suis inscrite avec mon nom de jeune fille. C’est la première fois que cela pose problème. » Jeanne Madembo a ramené tous ses documents liés aux élections depuis qu’elle a commencé à voter : « C’est la première fois, j’ai jamais vécu ça. »

Au tribunal, Farida ne parviendra pas à voter, « alors qu’il n’y a jamais eu de problème aux dernières élections ». Photo : DC / Rue89 Strasbourg

Selon Léo-Paul Latasse, certaines personnes n’ont pas pu aller voter à cause du changement de nom de leur rue. L’adresse indiquée sur leur carte électorale n’était donc plus valable. Pour d’autres, c’est simplement la numérotation de leur immeuble qui avait changé. « C’est un problème lié à l’urbanisme qui touche davantage les quartiers populaires », commente le jeune militant. Tout en estimant ces situations injustes, il estime qu’elles ne sont « pas de nature à contester le score » de l’élection pour son mouvement, car limitées par rapport au nombre total de voix.

« On nous dit que l’abstention est un fléau, et après on nous empêche de voter »

Abdelkarim Ramdane (EELV), adjoint à la maire en charge des élections, reconnait des dysfonctionnements concernant les noms de jeune fille et les changements de noms de rue. D’après lui, depuis les municipales en juin 2020, environ 14 000 Strasbourgeois ont été rayés des listes :

« Nous envoyons plusieurs courriers recommandés aux personnes concernées (mais souvent pas à la bonne adresse vu que c’est l’une des principales raisons des radiations, NDLR). Si les lettres nous sont retournées, retirons les personnes des listes électorales. Nous avons communiqué sur des affiches, à la radio et sur les réseaux sociaux. Ainsi, plus de 18 000 Strasbourgeois ont été réinscrits ces derniers mois. »

« Tout ces dysfonctionnements posent vraiment question. On nous dit que l’abstention est un fléau, et après on nous empêche de voter », observe Stéphane. Dominique abonde : « Il devrait y avoir une sensibilisation là-dessus. S’ils disent juste qu’il faut être inscrit sur les listes, ça ne suffit pas, parce qu’on était plein à penser que tout était en règle aujourd’hui. C’est frustrant. »

Parmi toutes les personnes interrogées, à priori, aucune n’a pu voter ce 10 avril, malgré les démarches engagées. Selon Abdelkarim Ramdane (EELV), en tout, 7 personnes qui en ont fait la demande ont pu finalement exprimer leur vote, en passant par le tribunal. Il s’agit uniquement de personnes dont le nom de rue avait changé et n’a pas été pris en compte.

#droit de vote

Présidentielle : Jean-Luc Mélenchon domine le premier tour à Strasbourg

Présidentielle : Jean-Luc Mélenchon domine le premier tour à Strasbourg

Dans la capitale alsacienne, le leader de la France insoumise a largement amplifié son score de 2017 pour passer devant Emmanuel Macron, en légère progression également. Loin derrière, Marine Le Pen et Yannick Jadot complètent le quatuor de tête.

À Strasbourg, le duo de tête s’est inversé par rapport à 2017. Jean-Luc Mélenchon est arrivé nettement devant, avec plus de 35% des voix. Il est suivi par Emmanuel Macron, tout juste au-dessus des 30%. En 2017, les deux hommes avaient réalisé des scores moindres, respectivement de 24% et 28%.

Jean-Luc Mélenchon, qui enregistre donc la plus forte progression, remporte le plus de bureaux de vote. Il cumule des victoires au centre-ville et ses quartiers voisins (Krutenau, Gare, Neudorf, Cronenbourg) ainsi que dans les quartiers populaires de la ville (Hautepierre, Neuhof, Elsau, Port-du-Rhin, Cité de l’Ill). Il monte jusqu’à 69% à l’école Paul Langevin à Cronenbourg, 64% et 63% dans deux bureaux de Hautepierre ou encore 63% dans un autre à l’Elsau. Mais ce sont aussi des secteurs où l’abstention atteint les 40%, ce qui rapporte moins de bulletins.

Emmanuel Macron amasse ses voix dans les bureaux des quartiers nord de la ville, là où la droite avait l’habitude de dominer. Ses plus hauts scores sont un peu moins élevés que ceux de Jean-Luc Mélenchon, mais ce sont des secteurs où la participation est plus forte, de l’ordre de 80% à 85%. Il enregistre près de 55% des voix au Pavillon Joséphine à l’Orangerie, là où Valérie Pécresse fait aussi son meilleur score (12,96%). Il dépasse les 50% dans quelques bureaux de ce secteur. Le chef de l’État réalise aussi quelques percées au sud de Strasbourg, par exemple à la Meinau, à Neudorf ou au Stockfeld.

Emmanuel Macron a choisi de venir à Strasbourg pour un meeting au pied de la Cathédrale mardi 12 avril à 18h30. Au soir du premier tou, son soutien local et ancien candidat à la mairie Alain Fontanel s’est dit « mitigé » entre la « satisfaction » de voir « loin devant, à un niveau élevé pour un président sortant » et « une inquiétude » de voir à nouveau Marine Le Pen au second tour. Il appelle à « ne pas stigmatiser les électeurs » mais à « apporter des réponses concrètes ».

Le RN en léger recul

Loin derrière avec 11,06%, Marine Le Pen voit de son côté son score légèrement diminuer par rapport à 2017 (12,2%). Il faut dire que le RN n’est plus du tout implanté à Strasbourg après un mandat fantomatique de ses élus locaux et une campagne catastrophique aux élections municipales de 2020. Sa candidate remporte deux bureaux de vote au Neuhof, soit trois de moins qu’en 2017.

Soutenu par la maire Jeanne Barseghian (EELV) ainsi qu’une partie de son équipe, Yannick Jadot fait un peu mieux à Strasbourg que son score national avec 6,41% et se classe quatrième. De quoi devancer Éric Zemmour (6%) et Valérie Pécresse (3,65%).

Jean-Luc Mélenchon progresse de 10 points par rapport à 2017, de quoi l’emporter à Strasbourg. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Un bonne participation retrouvée

Les scores suivants sont anecdotiques, notamment à gauche. Septième avec 1,88%, Anne Hidalgo ne profite d’aucun effet local dans une ville longtemps gouvernée par le Parti socialiste. Alors que les communistes sont membres de la majorité municipale, leur candidat Fabien Roussel ne réalise, avec 1,22%, que la moitié de son score national.

La participation a retrouvé un niveau correct : 74,28%, comparable au reste de l’Alsace (74,96%) et à la participation strasbourgeoise de 2017 (78,44%). Le jour de vote a aussi été marqué par des centaines, voire des milliers, de personnes radiées à tort des listes électorales (voir notre article).

Au Meteor, les gauches strasbourgeoises se toisent

Au Meteor, c’était un peu le rendez-vous à distance des gauches strasbourgeoises. Au rez-de-chaussée, une soixantaine de soutiens de Jean-Luc Mélenchon sont évidemment déçus lorsqu’à 20h leur candidat n’apparaît pas sur l’écran des qualifiés. Mais ils font aussi part de la « fierté » pour leur progression et du passage du cap des 20%. Avant-même que l’écart ne se ressert avec Marine Le Pen, beaucoup des participants mettaient les pourcentages manquants sur le compte du maintien du Parti communiste « battu même par Jean Lassalle ».

L’ambiance était bien sûr plus terne dans une salle du rez-de-chaussée chez les soutiens de Yannick Jadot, avec surtout des jeunes militants. Il faut dire qu’en dessous des 5%, leur campagne n’est pas remboursée, ce qui va susciter d’importantes difficultés financières pour le parti Europe Ecologie – Les Verts (EELV). Un appel aux dons a été émis par EELV dès les résultats connus.

La vingtaine de personnes présentes s’agaçait par exemple de voir Jean-Luc Mélenchon ne pas appeler explicitement à voter Emmanuel Macron au second tour. Même si le soutien de Yannick Jadot « divise chez les militants du pôle écologiste », note Améris Amblard, engagée dans la campagne avec le parti Generation.s. Sur l’absence de la gauche au second tour pour quelques pourcents, « il y a un loupé, mais qui n’est pas lié à la campagne présidentielle en-elle même, mais aux cinq dernières années », estime-t-elle.

Également au rez-de-chaussée, entre un bar et d’autres écrans qui diffusaient le match du Racing, l’ambiance était beaucoup plus détendue chez les soutiens de Philippe Poutou. Comme souvent, les militants NPA ne s’attendaient pas à un score élevé. « Ce n’est pas là que ça se passe, le principal c’est ce qu’on fera demain dans les grèves, dans la rue, pour faire échec aux projets du prochain président ou de la prochaine présidente car quel qu’il soit ou qu’elle soit, ce ne sera pas bon. À nous d’empêcher une nouvelle réforme des retraites ou des lois inspirées d’extrême-droite. Ce qu’on a, la retraite, la Sécu, les congés payés, on a été le chercher, c’est jamais un président qui nous l’a donné », détaille Clément Soubise, militant et ancien candidat aux élections municipales à Strasbourg.

Esquisses d’union à gauche

Depuis la mairie, Jeanne Barseghian a surtout mis le bon score de Jean-Luc Mélenchon à Strasbourg sur le compte du « vote utile ». Une manière aussi de ne pas entamer de grande introspection sur cette campagne en-deçà des objectifs.

Une nouvelle fois spectatrice du second tour, la gauche se projette déjà vers les élections législatives en juin. Chez les Insoumis, on se sent en position de force pour faire obstacle à Emmanuel Macron ou Marine Le Pen, oubliant un peu vite que des électeurs ont voté Mélenchon, sans que cela soit un soutien plein et entier. « Nous comptons bien prendre le pouvoir et imposer une cohabitation », estime co-chef de file pour la première circonscription du Bas-Rhin, Léo-Paul Latasse. Dans l’immense bar du centre-ville, plusieurs soutiens de la liste écologiste de Strasbourg en 2020 présents avec les Insoumis aimeraient que la situation provoque un sursaut et une union large à gauche.

Mais chez les membres du mouvement, on redoute une impasse. Des propositions ont été faites jurent-ils, mais sont restées lettres mortes. Les écologistes ont investi leurs candidats. Parmi eux notamment la numéro 2 du parti Sandra Régol. Une ancienne Strasbourgeoise, mais qui n’est plus impliquée dans la vie locale depuis une dizaine d’années. La voici désignée sur la première circonscription, la plus « gagnable » à Strasbourg compte tenu de l’électorat dans ce découpage.

« Tirer de leçons »… avec ou sans les Insoumis ?

« Ni le PS, ni EELV, ni le PC ne sont remboursés de leur campagne. Ils vont avoir d’autant plus besoin du financement public via les élections législatives, » estime un vieux routier de la politique locale. Or, pour bénéficier de l’argent de l’État il vaut mieux présenter un maximum de candidat partout, puisque chaque voix obtenue aux législatives rapporte environ 1,5€ aux partis, quel que soit le vainqueur de l’élection… En clair, cela pousse les partis à présenter des candidats partout afin de grapiller des euros. Sans trop s’engager, Jeanne Barseghian espère néanmoins « que ce scrutin serve de leçon à la gauche » et que les partis « qui ont fait moins de 5% s’interrogent sur la suite ». Avant cela, elle attend qu’Emmanuel Macron « envoie des signaux à la gauche sur les solidarités, le climat et la démocratie » en vue du second tour.

Le premier secrétaire du PS dans le Bas-Rhin, Thierry Sother, a appelé EELV, avec qui les relations locales sont exécrables, et le Parti communiste, à s’unir localement aux élections législatives. Mais pas avec la France insoumise, qu’il distingue de la « gauche de gouvernement » malgré le fait que les électeurs Strasbourgeois aient majoritairement opté pour le parti dirigé par Jean-Luc Mélenchon.

Emmanuel Macron profite de l’effondrement de la droite et remporte le vote en Alsace

Emmanuel Macron profite de l’effondrement de la droite et remporte le vote en Alsace

Contrairement à 2017, Emmanuel Macron devance Marine Le Pen en Alsace, grâce à l’effondrement de la droite parlementaire. Troisième, Jean-Luc Mélenchon remporte les deux villes les plus peuplées, Strasbourg et Mulhouse, ainsi que plusieurs communes de leur banlieue.

Qualifiés au second tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron se partagent la plupart des communes d’Alsace. Troisième en 2017, le président sortant est cette fois-ci en tête avec 29,56% des voix, une progression de 8 points. Il s’appuie notamment sur ses victoires à Colmar (28,7%), Haguenau (31,39%), Sélestat (28,92%), Wissembourg (34,37%), Saint-Louis (29,36%) ou Illkirch-Graffenstaden (34,91%).

Emmanuel Macron lors du sommet européen de Talinn Photo : Arno Mikkor / président estonienne de l’UE

Avec 26,29%, la candidate du Rassemblement national améliore légèrement son score de 2017 (25,9%), malgré l’irruption d’Éric Zemmour. Deuxième, elle réalise de bons résultats dans les communes rurales du nord au sud de l’Alsace, notamment en Alsace bossue et dans les Vosges.

Plus loin derrière, avec 17,81%, Jean-Luc Mélenchon arrive troisième, lui aussi en progression par rapport à il y a 5 ans. En plus de Strasbourg, il remporte notamment les villes de Mulhouse (36,06%), Illzach (29,92%), Bischheim (30,71%) et Schiltigheim (36,26%). De manière plus anecdotique, il arrive en tête les villages d’Aubure et Wildersbach dans les Vosges, un secteur où Marine Le Pen fait un quasi carton plein.

La droite parlementaire s’effondre, Macron se déplace

Le fait marquant de cette élection Alsace est l’effondrement de la droite classique, pourtant habituée à réaliser des meilleurs scores dans cette région. François Fillon avait par exemple fini deuxième en 2017 et remporté plusieurs communes malgré un contexte défavorable. Plus récemment, en 2021, la droite avait dominé les élections régionales et départementales en Alsace. Mais ses électeurs habituels sont partis chez Emmanuel Macron et peut-être à degré moindre vers Éric Zemmour. Les visages de la droite alsacienne semblent perdues politiquement, à l’image du président de la Collectivité européenne d’Alsace, Frédéric Bierry, incapable de choisir entre sa famille politique et le légitimisme pour le gouvernement en place, comme aux régionales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Emmanuel Macron a choisi Strasbourg et l’Alsace pour un meeting de campagne dès le mardi 12 avril.

Même à Mulhouse, la ville du président de Région Jean Rottner et soutien de la candidate LR, Valérie Pécresse arrive très loin, cinquième avec 3% et en-deçà de son faible score national. Idem à Colmar (5e ; 4,56%), un bastion immuable de la droite alsacienne.

La présidente de la Région Ile-de-France termine ainsi sixième avec 4,24%. Elle est devancée par Éric Zemmour (7,36%), mais aussi Yannick Jadot (4,94%), une inversion par rapport au classement national. Aucun de ces trois candidats n’est arrivé en tête dans la moindre commune d’Alsace.

Ces scores ont de quoi donner des sueurs froides aux candidats « Les Républicains » en vue des élections législatives en juin. Le parti comptait bien reprendre une partie des 7 circonscriptions sur 15 conquises par LREM et ses alliés en Alsace depuis 2017. Car après cinq ans de mandat, la victoire d’Emmanuel Macron semble cette fois-ci à nouveau tactique, mais aussi idéologique. La droite alsacienne repart de beaucoup plus bas qu’en 2017, sans dynamique nationale, et cette fois-ci ne peut mettre sa contre-performance sur le compte des affaires de son candidat.

Présidentielle : Jean-Luc Mélenchon largement en tête à Strasbourg

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Retrouver ci-dessous tous les résultats disponibles du premier tour de l’élection présidentielle 2022 à Strasbourg.

Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête dans la majorité des bureaux de vote habituellement situés à gauche, comme l’ouest strasbourgeois et le centre-ville. À l’inverse, Emmanuel Macron est arrivé en tête dans les bastions de droite, comme le nord de la ville. Le « vote utile » à gauche a complètement invisibilisé les écologistes.

Présidentielle en Alsace : Emmanuel Macron devant grâce aux grandes villes

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Retrouver ci-dessous tous les résultats disponibles en Alsace du premier tour de l’élection présidentielle 2022.

La carte électorale de l’Alsace au soir du premier tour de l’élection présidentielle dévoile à nouveau le clivage entre les communes rurales, en montagne et souvent isolées, et les communes en plaine, moins enclavées.

Marine Le Pen est arrivée en tête dans toute l’Alsace bossue, dans les Vosges, dans les vallées désindustrialisées et en Alsace du nord, tandis qu’Emmanuel Macron est en tête dans toutes les villes les plus importantes d’Alsace, Sarre-Union étant la principale commune d’exception.

Premier tour de l’élection présidentielle : le compte-rendu et les réactions à Strasbourg

Premier tour de l’élection présidentielle : le compte-rendu et les réactions à Strasbourg

Emmanuel Macron est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, il est suivi par Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième, est éliminé. Retrouvez le compte-rendu de la soirée électorale, avec les réactions des élus et des militants à Strasbourg.

Les réactions à Strasbourg ci-dessous

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La maire (EELV) de Strasbourg réagit aux résultats du premier tour de l’élection présidentielle, au soir du 10 avril 2022. (vidéo Jean-François Gérard / Rue89 Strasbourg / cc)

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Grégoire, du Parti communiste, réagit aux résultats de Fabien Roussel (vidéo Millie Brigaud / Rue89 Strasbourg / cc)

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Clément Soubise du NPA réagit au score de Philippe Poutou et à celui de Jean-Luc Mélenchon (vidéo Jean-François Gérard / Rue89 Strasbourg / cc)

Les résultats en France

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Catherine Trautmann, ancienne maire socialiste de Strasbourg, conseillère municipale d’opposition, réagit au score du PS à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle (vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

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Thierry Sother, premier secrétaire fédéral du PS 67, réagit aux résultats et appelle à un rassemblement d’une partie de la gauche à Strasbourg (vidéo Thibaut Vetter / Rue89 Strasbourg / cc)

À l’école des Romains, le bureau 204 préfère Emmanuel Macron :

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Le Parti socialiste du Bas-Rhin appelle à l’union pour les élections législatives, mais omet la France insoumise…

Abbel, militant LREM, réagit aux résultats (vidéo Thibaut Vetter / Rue89 Strasbourg)
Alain Fontanel, conseiller municipal LREM, réagit dans le bruit aux résultats et esquisse la stratégie de LREM pour le second tour (vidéo Thibaut Vetter / Rue89 Strasbourg)
Luc, militant de la France insoumise réagit aux résultats et à la troisième place de Jean-Luc Mélenchon. (vidéo JFG / Rue89 Strasbourg)
Câlins pour digérer la déception chez Les Républicains, qui s’attendaient à au moins 10% des suffrages (vidéo Millie Brigaud)
Victoire chez les partisans d’Emmanuel Macron (vidéo Thibaut Vetter / Rue89 Strasbourg)
Déception chez les partisans de Jean-Luc Mélenchon au Meteor (vidéo Jean-François Gérard / Rue89 Strasbourg)
Emmanuel Macron lors du sommet européen de Talinn Photo : Arno Mikkor / président estonienne de l’UE

Emmanuel Macron (LREM) est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Selon les estimations réalisées par sondages à la sortie des urnes, il aurait obtenu entre 28 et 29% des suffrages exprimés. Derrière lui, Marine Le Pen (RN) est arrivée deuxième avec entre 23 et 24% des suffrages exprimés, ce qui lui permet de se qualifier pour le second tour.

Arrivé troisième, Jean-Luc Mélenchon (LFI) est arrivé troisième avec environ 19% à 21% des suffrages exprimés, il est éliminé.

Loin derrière, en quatrième position, Éric Zemmour (Reconquête) est crédité de 7% des voix, puis Yannick Jadot (EELV) à 5%, Valérie Pécresse (LR) à 5%. Suivent Jean Lasalle, Anne Hidalgo (PS), Nicolas Dupont-Aignan (DLF) et Philippe Poutou (NPA) entre 1 et 2% des suffrages exprimés.

Une trentaine de personnes sont réunies à la brasserie Meteor pour suivre les résultats avec les militants de la France insoumise.

Une trentaine de personnes se sont rassemblée à la brasserie Tigre, rue du Faubourg-de-Saverne, pour suivre les résultats avec les militants LREM.

Alain Fontanel est au Tigre avec les militants de la République en Marche. Il dénonce les nombreuses radiations et blâme la ville de Strasbourg pour ces électeurs qui n’auront pas pu voter. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

À l’école Léonard de Vinci (Elsau), bureau de vote 214 : 60% sur les 940 inscrits, au 216 : 70% sur les 1007 inscrits

D’après Alex et Karima, très grosse participation pour ce bureau de vote comparativement aux élections précédentes : « Il y a même eu une grande file d’attente »

Toujours du monde au gymnase Sainte-Aurélie, au bureau 207. D’après Pierre Ozenne, adjoint à la maire, déjà 70% de participation sur 1 200 inscrits, un flux intense toute la journée.

Dans les bureaux de vote de la Krutenau, 71,4% de participation au n°110 et 83,79% au n°113.

Les bureaux de vote de l’école Schoepflin affichent 70 et 72% de participation.

Thierry Gorke, responsable sur place du bureau 420 : « on n’a même pas eu le temps de faire de pause midi tellement il y avait du monde ».

Comme dans de nombreux bureaux de vote, Arnaud vient d’apprendre qu’il est radié alors qu’il vote depuis quinze ans dans ce bureau.

L’Alsace et Strasbourg votent moins que le reste de la France

À 17h, la participation est estimée à 59,14% à Strasbourg, soit en-deçà de la moyenne nationale (65%).

Comme à la mi-journée, la participation dans le Bas-Rhin est estimée en net recul par rapport à 2017. Elle s’élève à 60,03% contre 73,94% à la même heure cinq ans plus tôt.

Dans le Haut-Rhin, la participation est davantage en phase avec le reste du pays, évaluée à 63,4%. Mais elle est aussi en recul si l’on compare aux 71,87% de 2017 et 68,61% en 2012.

Les bureaux de vote sont ouverts jusqu’à 19h et même 20h dans les grandes villes comme Strasbourg.

Affluence des grands jours aux bureaux de vote Sainte-Aurélie à Strasbourg Photo : doc remis

Comme en 2017, plusieurs électeurs découvrent qu’ils ont été radiés des listes électorales.

Ainsi, Frédéric, psychiatre à Strasbourg, a changé d’adresse en 2018, il a pu voter aux élections départementales et régionales en 2021 mais ce dimanche, son nom était absent de la liste de son bureau de vote habituel… Il avait été radié.

Depuis 2019, le répertoire électoral unique (REU) est géré par l’Insee, sur la base des rapports des communes et d’autres sources. Conséquences : les inscriptions sur les listes peuvent se faire jusqu’à quelques semaines avant les scrutins mais les radiations interviennent aussi plus systématiquement.

Une permanence permet aux électeurs de comprendre pourquoi ils ont été radiés Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Photo du courrier envoyé par la Ville de Strasbourg lorsqu’un changement d’adresse est constaté Photo : doc remis

Dans le cas d’une radiation, l’électeur strasbourgeois doit se rendre au centre administratif (place de l’Étoile) pour faire constater la radiation, une permanence avec une demi-douzaine d’agents est prévue. Le service administratif explique alors à l’électeur ce qu’il s’est passé, lui remet le retour des courriers envoyés, etc. S’il n’y a pas eu de déménagement, le service doit remettre une « attestation d’erreur matérielle. »

Avec ces éléments, l’électeur doit se rendre ensuite au tribunal judiciaire (45 rue du Fossé-des-Treize), où une permanence est également prévue. En cas d’erreur de l’administration, le juge peut ordonner une réintégration d’office, dans le cas d’un oubli des démarches de la part de l’électeur, une décision de réintégration est peu probable…

Une décision de réintégration du tribunal administratif peut permettre de voter dès le premier tour.

Exemple d’une décision favorable du tribunal Photo : doc remis

À midi, le taux de participation à Strasbourg s’élève à 21,50%. En 2017, il était de 28,81% en 2017 et de 28,39% en 2012.

Au bureau 416 (école Saint-Jean), il fallait attendre entre 10 et 15 minutes pour pouvoir mettre son bulletin dans l’urne en fin de matinée…

Belle affluence au bureau de vote 416… Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Le taux de participation dans le Bas-Rhin à midi est de 20,45%, selon la préfecture. Ce taux était de 29,13% au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Le Haut-Rhin s’est plus mobilisé puisque ce même taux est estimé à 28,69%, il était de 30,13% en 2017.

Dans le Grand Est, le taux consolidé de participation à midi est estimé à 25,63%, il était de 28,43% en 2017.

Les bureaux de vote restent ouvert jusqu’à 19 heures, sauf à Strasbourg où ils sont ouverts jusqu’à 20h.

À noter : les personnes positives au Covid peuvent tout de même voter, à condition de respecter une distanciation physique et de porter un masque.

Au bureau de vote d’Obernai, 655 bulletins déposés sur 2 432 inscrits, « une très bonne participation » de mémoire d’assesseur.

La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, est allée voter ce matin.

opération de vote au bureau 415 de l’école Saint-Jean… Photo : PF / Rue89 Strasbourg

Bienvenue dans ce compte-rendu en direct du premier tour de l’élection présidentielle 2022. Les premiers résultats ne pourront être dévoilés qu’à partir de 20h. Tout au long de la journée, nous diffuserons ici des choses vues dans les bureaux de vote strasbourgeois, ainsi que des points sur la mobilisation des électeurs.

Au premier tour de l’élection présidentielle en 2017, 77,77% des électeurs s’étaient mobilisés.

Les réactions aux résultats en France avec Médiapart

Résultats et analyses en direct avec Médiapart.

Du 18 au 23 avril, le Curieux festival connecte les sciences, les arts et l’humour

Du 18 au 23 avril, le Curieux festival connecte les sciences, les arts et l’humour

Le Curieux festival propose d’interroger le réel pour en rire souvent, pour s’informer toujours. Une vingtaine de rendez-vous un peu partout à Strasbourg et alentours proposent de mêler sciences et humour afin de décoder notre quotidien.

En partant des postulats « qu’on apprend mieux quand on ressent des émotions » et que « plus on sait de choses, plus on est libre », la compagnie théâtrale strasbourgeoise Esprit Joueur a décidé de s’allier à la compagnie Va Savoir pour créer le Curieux festival. L’idée est d’aborder les sciences par l’intermédiaire du spectacle vivant, de l’art et de l’humour. Après une « édition zéro » repliée en ligne à cause de la situation sanitaire en 2021, le festival revient du 18 au 23 avril avec un programme d’une vingtaine de rendez-vous au Vaisseau, au Vox, au planétarium, à L’Illiade (Illkirch-Graffenstaden), au Point d’Eau (Ostwald) et au PréO (Oberhausbergen).

Curieuse rencontre, entre Sébastien Kauffmann, magicien des bulles, et Wiebke Drenckhan, physicienne (Photo Paola Guigou / doc remis).

Des spectacles pour réapprendre à se questionner

Avec un souci de vulgarisation et de mélange des genres, les deux compagnies ont élaboré une programmation variée et ouverte à tous pour évoquer les enjeux scientifiques contemporains et explorer autrement les grandes questions humaines. Du  « Pourquoi ? » en passant par le « comment ? », comédiens et humoristes associés tenteront de réveiller la curiosité enfantine, souvent enterrée sous la fine pellicule de l’habitude.

Les scientifiques le savent bien : pour trouver, il faut d’abord chercher. Encore faut-il bien le faire. Le spectacle interactif Eurêka proposera d’étudier différentes questions ainsi que la manière dont on s’interroge : « Pourquoi l’eau coule-t-elle vers le bas ? Pourquoi l’amour, ça ne s’explique pas vraiment ? »

Les deux compagnies qui portent le projet, Esprit Joueur et Va Savoir, sont spécialisées dans la vulgarisation scientifique. Photo : Curieux Festival / doc remis

La compagnie du Barraban s’emparera, elle aussi, d’une question de taille dans sa création théâtrale, intitulée Ovo, où va-t-on. Elle abordera les conséquences sociales des technologies numériques et leur impact sur la sphère privée des individus. Dans C’est pas moi, c’est mon cerveau (disponible), la compagnie Esprit Joueur s’interrogera sur l’importance des biais cognitifs.

Cécile Djunga, marraine d’une édition riche en rencontres

L’édition est marrainée par Cécile Djunga, co-animatrice de l’émission « C’est toujours pas sorcier« , sur France télévision. Elle participera au spectacle final, le Labo de l’Humour samedi 23 avril au Point d’O. Deux autres spectacles « seuls en scène » inviteront les spectateurs à rire des maths, comme Very Math Trip, ou de la physique globale, dans la conférence d’Olaph Nichte.

On cherche encore, spectacle sur la vie des chercheurs et chercheuses… au Vaisseau le 20 avril. Photo : Laurent Nexon / doc remis

Chaque spectacle est précédé d’une « curieuse rencontre » permettant un dialogue entre un artiste et un scientifique afin qu’ils échangent autour d’un thème. Pour se faire une idée, les rencontres de 2021 sont toujours disponibles en vidéo sur le site du festival. Il avait alors été question d’ondes sismiques et lyriques, d’une exploration du ciel en illustrations et de la physique de bulles de savon… 

Le festival laisse une part de sa programmation à la musique, avec notamment la chanteuse lyrique Leïla Badri, qui interrogera la perception des sentiments d’une intelligence artificielle avec Marion Mainsant-Barrera, chercheuse en neurocognition. Le docteur en philosophie et poète, Aurélien Barrau s’associera de son côté au batteur Samuel Klein pour proposer un « dérangement insolent ».



#Curieux festival

Contre le réchauffement climatique, 1 932 nouveaux arbres plantés en ville

Contre le réchauffement climatique, 1 932 nouveaux arbres plantés en ville

Le programme de végétalisation de la municipalité, appelé Plan canopée, a permis la plantation de près de 2 000 arbres en deux ans, selon un bilan d’étape présenté jeudi par la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian. Ce plan vise à préparer la ville au réchauffement climatique.

Depuis sa mise en oeuvre en 2020 jusqu’au 7 avril, le programme de végétalisation mené par la Ville de Strasbourg a permis la plantation de 1 932 arbres supplémentaires dans l’espace public. Appelé « Plan canopée », ce programme vise à préparer la ville au réchauffement climatique, en utilisant les propriétés ombrageuses des arbres.

D’abord plantés en 2020 et 2021 dans les parcs, les nouveaux arbres plantés en 2022 l’ont été aux abords des cimetières, des terrains de sports et des piscines, selon un bilan d’étape présenté jeudi au stade de la Rotonde par la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (EELV). Ainsi, 87 arbres ont été plantés dans chacun des grands cimetières et 22 arbres permettront d’abriter les spectateurs présents au stade Michel-Walter, 34 au stade de la Ganzau, et 31 au stade de la Rotonde. 

Un travail collaboratif

Chaque année, la municipalité alloue 5 millions d’euros à ce programme, une somme qui comprend les études de faisabilités et les recherches d’emplacements ainsi que les végétalisations de parcelles. L’objectif de la municipalité est que chaque foyer soit à moins de 300 mètres d’un espace vert. 

Les emplacements des arbres plantés Photo : document Ville de Strasbourg

La Ville espère inclure les habitants dans les choix futurs du programme, en mettant notamment en place un « bouton arbre« , en fait un formulaire qui permet de suggérer des endroits qui manquent d’ombre ou de verdure. Au 7 avril, la Ville avait reçu 279 suggestions. Tous les sites proposés sont étudiés par le service des espaces verts mais une suite favorable n’est pas toujours accordée, en raison de contraintes techniques.  

Suzanne Brolly, adjointe à la maire en charge de la ville résiliente, rappelle qu’après la plantation, une surveillance fine doit être mise en place :

« La plantation d’arbres est complexe. Quand nous étudions des sites potentiels, nous examinons le sous-terre et la hauteur à prévoir. Y a-t-il des câbles ou un immeuble qui pourraient blesser les arbres par exemple ? Est-ce que des aménagements de la rue sont prévus ? Quant aux arbres déjà plantés, nous menons des visites médicales assez régulièrement, car les arbres peuvent tomber malades. »

Les arbres de l’avenue des Vosges réduisent la température ressentie lors des grandes chaleurs Photo : JFG / Rue89 Strasbourg / cc

Ainsi à la Meinau, 48 chênes des marais plantés il y a une dizaine d’années doivent être retirés, selon les DNA, car ils ne se sont pas bien adaptés au climat alsacien. Pour éviter ce problème à grande échelle, la Ville diversifie les essences de ces nouveaux arbres. En 2023, la Ville prévoit de planter des arbres plus jeunes, afin qu’ils puissent mieux s’adapter aux rigueurs des températures strasbourgeoises. 

En collaboration avec l’Université de Strasbourg, une mesure d’impact du Plan canopée est menée, afin de vérifier que la température au sol se réduise par endroit. Selon les aménagements, la température au sol peut varier de 10 degrés Celsius entre deux rues de Strasbourg (voir notre article)… 

Conseiller municipal d’opposition (Agir), Pierre Jakubowicz n’est pas convaincu par le Plan canopée : 

« C’est bien de planter des arbres, mais ça dépend où. Je demande, sans l’avoir encore obtenue, une carte qui montre à la fois les îlots de chaleur, la qualité de l’air et les arbres déracinés. Cette carte nous donnerait une vision de la réalité de l’impact du plan… »

En août 2020, Jeanne Barseghian s’était engagée à planter 10 000 arbres nouveaux en dix ans.

Philippe Juhem : « Pas de crise de la représentation, l’électeur normal est indifférent »

Philippe Juhem : « Pas de crise de la représentation, l’électeur normal est indifférent »

Le premier tour des élections présidentielles aura lieu ce dimanche 10 avril et l’abstention pourrait être plus forte qu’à l’accoutumée. Selon le politologue strasbourgeois Philippe Juhem, il n’y a pas de « crise de la représentation politique » mais plutôt une crise de la légitimité des élus.

Philippe Juhem est maître de conférences à Sciences Po Strasbourg. Il travaille sur « sur les concurrences électorales et partisanes ». Le chercheur se concentre sur la construction des rapports de force entre les partis.

Selon lui, les campagnes présidentielles constituent le point culminant de ces concurrences politiques qui mobilisent les partis politiques, les rédactions de radio ou de télévision qui ouvrent leurs plateaux pour les besoins des campagnes, les instituts de sondages qui produisent les pronostics à flux tendu. Il estime aussi que l’électorat est de longue date peu impliqué dans la vie politique et difficile à mobiliser. Pourtant, selon le politologue, le vote est perçu par les professionnels de la politique comme un élément primordial afin d’assurer la légitimité du futur gouvernement. Entretien.

Philippe Juhem Photo : Unistra / doc remis

Rue89 Strasbourg : Pourquoi parle-t-on de « crise de la représentation politique » en France ?

Philippe Juhem : La « crise de la représentation politique » est un concept développé par les professionnels de la politique, c’est-à-dire les élus ou les observateurs de ces professionnels, les journalistes ou les universitaires entre autres. Ces personnes parlent de « crise de la représentation » mais cette idée de « crise » provient de l’écart existant entre leur propre représentation rêvée du régime électif, soit des électeurs enthousiastes qui se mobiliseraient fortement en période de vote, et la réalité du fonctionnement du régime politique, avec des citoyens faiblement impliqués, s’exposant peu à l’information politique et une abstention plus ou moins importante. Il y a par ailleurs une intense culpabilisation des non-votants de la part des acteurs politiques, des journalistes ou des universitaires.

« L’état naturel de l’électeur est une indifférence polie »

On explique souvent le manque de participation au vote par la complexité perçue comme excessive de la politique. Les électeurs seraient trop peu informés sur les systèmes démocratiques, les programmes et les institutions en France. D’autres supposent que l’abstention serait le résultat du mécontentement des électeurs. Cependant le niveau de participartion n’est pas lié à des facteurs idéologiques ou protestataires. En effet, statistiquement, les gens plus âgés, plus diplômés et plus insérés socialement votent plus fréquemment que les électeurs jeunes, moins diplômés ou moins insérés (les chomeurs par exemple). Ce constat vaut pour l’ensemble des pays européens mais aussi pour les États-Unis. En outre, cet écart de niveau de participation entre les mêmes catégories de votants s’observe depuis plus d’un siècle, donc on ne peut pas le relier à un simple mécontentement conjoncturel.

Il faut comprendre que dans l’esprit des professionnels de la politique, un état de « crise de la représentation » est un état pathologique qui doit être « soigné ». À l’inverse, un état considéré comme normal serait une bonne mobilisation des électeurs… Mais cet état « normal » n’a jamais vraiment existé. L’état naturel de l’électeur est une indifférence polie à l’égard du jeu électoral, une attention distante. L’électeur ordinaire est modérément impliqué dans la vie politique.

Que faire pour pousser les électeurs à se mobiliser dans les urnes ?

Les électeurs se mobilisent peu car peu d’efforts pédagogiques ont été mis en place par les gouvernements pour les informer en amont. Une solution serait d’instruire les élèves à l’éducation politique mais les programmes scolaires sont déjà des enjeux politiques. Depuis quelques années, le programme de sciences économiques et sociales au lycée contient une part plus importante de cours sur l’économie de marché, un choix politique qui va dans l’intérêt des chefs d’entreprises.

Le paysage médiatique fait disparaître certains points de vue

De plus, les médias, ainsi qu’Internet plus largement, ont également un rôle important dans la transmission d’informations relatives aux élections. Aujourd’hui, l’espace médiatique a évolué, en passant d’un paysage médiatique public avec seulement trois chaînes de télévision, à un espace beaucoup plus vaste et varié, mais aussi majoritairement privé. Est-ce-que ça va dans le sens d’une meilleure information, plus complète et équilibrée ? Je n’en suis pas certain. Je constate un affaiblissement du pôle critique dans la construction de l’information, c’est-à-dire un basculement vers des informations polémiques et des médias d’opinion.

On observe une asymétrie croissante dans l’orientation de ces médias d’opinion avec un renforcement des groupes orientés plutôt « à droite » (par exemple le groupe Bolloré) sans qu’émerge de groupe équivalent à gauche. Cela pousse ainsi à une raréfaction, voire à une disparition de certains points de vue. Potentiellement, l’électorat de droite va donc se voir davantage mobilisé, tandis que celui de gauche, moins intensément mobilisé, sera davantage enclin à l’abstention. Par ailleurs, on constate en 2022, du fait de la persistance du Covid puis de la guerre en Ukraine, une moindre focalisation de l’information délivrée aux électeurs sur la campagne présidentielle. Pour limiter de telles chutes de médiatisation de la politique, une solution pourrait être de mettre en place une obligation légale de consacrer un nombre d’heures de programmation minimum pour les principales campagnes électorales.

La mauvaise solution du vote électronique

Les institutions souhaitent améliorer le niveau de la participation électorale, principalement parce que la légitimité des institutions apparait indexée au niveau de la participation des citoyens. Cela explique pourquoi les solutions proposées pour remédier à la « crise de la représentation » portent essentiellement sur une facilitation du vote. Par exemple, il y a eu cette décision de créer un vote électronique par correspondance pour augmenter le nombre d’électeurs à court terme afin de légitimer le gouvernement élu. Cependant, il existe des problèmes techniques concernant ce vote en raison d’un risque inévitable de fraude, d’hacking ou de manque d’accès.

Pour inciter les électeurs à voter, ne faudrait-il pas consulter plus souvent les électeurs, par exemple pour des décisions intermédiaires plutôt que lors du renouvellement des mandats ?

Le système politique se garde de solliciter fortement les électeurs dans le cours même des mandats présidentiels. L’essentiel de la classe politique cherche plutôt l’autorité, la verticalité, la discipline de la part des électeurs, comme par exemple au PS, à LREM ou chez Les Républicains…

Le lendemain de l’élection, le citoyen est réputé avoir consenti à toutes les réformes promises et appliquées par le nouveau gouvernement. Les institutions en France ne sont pas faites pour solliciter les électeurs pour trancher les questions les plus importantes. À vrai dire les élus se méfient plutôt des électeurs, toujours suspects de mal voter.

Du mécontentement systémique aux « gaulois »

Par ailleurs, le niveau de réalisation des promesses électorales est rarement élevé. Bien sûr, les élus n’ont pas d’obligation légale de tenir leurs promesses. Mais les gouvernements ajoutent inévitablement en cours de mandat de nouvelles réformes qui n’avaient pas été annoncées. Cela a pour conséquence l’apparition systématique dans le cours des quinquennats d’une forme de mécontentement systémique que parfois l’exécutif théorise (les « gaulois » supposés réfractaires).

L’addition des électeurs déçus par la non réalisation des promesses de campagne et des électeurs mécontents des réformes ajoutées sans avoir été validées par un vote se traduit par l’émergence d’un nombre particulièrement élevé de mouvements sociaux, quelle que soit la couleur politique de l’exécutif. Lorsque ces mouvements surviennent, les soutiens de la majorité réaffirment systématiquement la légitimité du gouvernement et de ses projets de loi en rappelant le vote initial d’une majorité de citoyens : c’est l’importance de ces votes fondateurs qui permettent d’affirmer que « ce n’est pas la rue qui gouverne » et que « les Français sont derrière le gouvernement dans leur majorité ». On voit ici que le gouvernement et ses soutiens utilisent constamment la participation des électeurs comme fondement de leur droit à gouverner. Or que ce passerait-il si cette participation tendait à baisser ?

Le terme de « crise de la représentation » peut être alors contestable car il faudrait plutôt parler de crise des mécanismes d’établissement de la légitimité de l’exécutif : un gouvernement sans électeurs est-il suffisamment légitime pour imposer ses projets de loi ?

Samedi avant le premier tour, une marche pour l’égalité, la justice et la paix

Samedi avant le premier tour, une marche pour l’égalité, la justice et la paix

Le collectif Maintenant ou jamais, regroupant plus d’une centaine d’associations, appelle partout en France à une « marche pour le futur » samedi 9 avril, « pour faire des cinq prochaines années celles de la justice, du climat, de l’égalité et de la paix. »

Le manifeste du collectif Maintenant ou jamais a été signé par plus d’une centaine d’associations, de syndicats et d’entreprises, dont plusieurs alsaciens. À la veille du premier tour de l’élection présidentielle, il proclame « Guerre en Ukraine, crises climatique et sanitaire, explosion des inégalités, montée des discours de haine, violences sexistes et de genres… Nombreuses sont les raisons du découragement et de la paralysie. Samedi 9 avril, nous nous rassemblerons par centaines de milliers. Pour faire des cinq prochaines années celles de la justice, du climat, de l’égalité et de la paix. Pour enfin nous retrouver et porter haut et fort nos valeurs, celles du monde de demain. Nous n’attendrons pas 5 ans de plus pour le bâtir. »

La Marche pour le futur veut mobiliser l’électorat progressiste avant le premier tour de l’élection présidentielle Photo : doc remis

À Strasbourg, l’appel du collectif Maintenant ou jamais est relayé par un « intercollectifs », comprenant entre autres la section locale de la Ligue des droits de l’Homme, le groupe local de Greenpeace, Strasbourg à vélo ou Alsace Nature…

La marche doit partir vers 14h30 de la place Kléber après un pique-nique place de la République :

    11h : pique-nique sur la place de la République,14h : rassemblement sur la place Kléber,14h – 14h30 : prise de parole de départ et tour de parole,14h30 : départ de la marche en ville,17h : fin de la mobilisation

Chez les élus de la majorité écolo, l’indicible vote Mélenchon

Chez les élus de la majorité écolo, l’indicible vote Mélenchon

Comment la majorité municipale diverse se positionne pour l’élection présidentielle du 10 avril 2022 ? Certains, en particulier les adhérents à EELV, assument leur soutien à Yannick Jadot. Parmi les nombreux non-encartés, personne ne met en avant un vote pour Jean-Luc Mélenchon, seul candidat de gauche proche du second tour selon les sondages.

À deux jours du premier tour de l’élection présidentielle, les élus de la majorité municipale à Strasbourg redoutent une réélection d’Emmanuel Macron. « Au niveau des communes, on est tributaires, sur de nombreux points, des politiques de l’État », constate la maire Jeanne Barseghian :

« Le président sortant a annoncé qu’il voulait imposer 10 milliards d’euros d’économie sur le quinquennat. Comment ferions-nous pour mettre en place nos politiques ? Évidemment, on aimerait que la gauche passe. »

Membre d’EELV, elle soutient publiquement et sans surprise Yannick Jadot, le candidat du parti, à l’instar de la dizaine d’autres élus encartés ou proches des écologistes, tels que Alain Jund, Aurélie Kosman ou Carole Zielinski. Ce dernier ne rassemble que 6% des intentions de vote dans les sondages au 7 avril d’après Le Monde. Jean-Luc Mélenchon, qui porte la candidature de la France Insoumise, atteint 16%. Dans toutes les études d’opinion, il lui manque quelques points pour doubler Marine Le Pen et susciter un second tour différent du duel de 2017.

Le 10 avril, une bonne partie de l’électorat de la liste « Strasbourg écologiste et citoyenne » de 2020 pourrait pencher pour le leader insoumis, par conviction ou dans une logique de vote utile, dans l’espoir que la gauche atteigne le second tour. Mais dans la majorité locale, personne n’annonce clairement soutenir Jean-Luc Mélenchon, même chez les militants de gauche non-encartés.

« Si on se retrouve avec un deuxième tour Macron-Le Pen, ça laissera des traces »

Parmi les soutiens de la liste, Carole Santamaria est membre du conseil collégial de l’Assemblée citoyenne, une association qui veille à l’application du programme de la liste. De son côté, elle a choisi Jean-Luc Mélenchon et regrette qu’aucun élu n’ait pris cette position publiquement :

« Si Jadot était proche du deuxième tour, je voterais Jadot, même si ce n’est pas mon premier choix… Quand on a fondé la liste avec 60% de non-encartés, c’était avec des valeurs écologistes, mais aussi de gauche. On ne voulait pas que la droite gouverne à Strasbourg. J’ai l’impression qu’aujourd’hui certains oublient ça.

On n’est pas une mairie EELV ou PC et pourtant les logiques de partis reprennent le dessus. Quand je vois les communistes faire leur groupe, ce n’est pas le message qu’on voulait diffuser. Nous souhaitions mener une liste ensemble, quitte à marquer nos différences. Si on se retrouve avec un deuxième tour Macron-Le Pen, ça laissera des traces. Mais il y en a, on dirait que ça ne les dérange pas. »

Pour cette ancienne colistière, son vote à une élection nationale ne remet pas en cause son soutien à l’équipe municipale. D’ailleurs, “il y avait des gens de LFI qui tractaient avec nous aux municipales”, glisse-t-elle. Il y avait pourtant une liste estampillée LFI concurrente au 1er tour. Mais sans grande ambition, elle n’avait pas pu se qualifier au second tour.

« Je rêve d’un gouvernement de gauche »

Floriane Varieras, adjointe en charge des solidarités, estime que l’enjeux de cette élection est énorme pour la municipalité. Les politiques sociales de la Ville, en particulier l’hébergement d’urgence, sont souvent pointées du doigt par les associations d’aide aux sans-abris. L’élue rétorque systématiquement que c’est à l’État de financer l’hébergement inconditionnel des personnes qui le demandent, et pas à la Ville et l’Eurométropole, qui ont néanmoins ouvert près de 400 places depuis le début du mandat.

« Je rêve d’un gouvernement de gauche, il faut à tout prix éviter un deuxième mandat d’Emmanuel Macron, qui ne propose rien sur le logement social, la grande précarité, l’hébergement d’urgence », s’inquiète-t-elle. Floriane Varieras dit encore hésiter entre Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon :

« Ils proposent une hausse significative de la construction de logements sociaux. Jadot veut instaurer une garantie universelle qui remplacerait les cautions et souhaite lutter contre la précarité énergétique. Mélenchon veut interdire les expulsions sans relogement. Des deux côtés, les candidats insistent sur la mise à l’abri de façon inconditionnelle, et proposent aussi un renforcement des moyens de la protection de l’enfance. »

Sur certains points, elle considère que le programme de Yannick Jadot est plus réalisable, mais « hésite énormément », vu que Jean-Luc Mélenchon est en tête dans les sondages.

Marc Hoffsess regrette l’absence d’union large à gauche

Selon Marc Hoffsess, président du groupe des élus, les voix de la majorité se répartiront « en âme et conscience » entre Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Fabien Roussel pour les communistes. Cet éparpillement s’explique selon lui par l’absence d’union plus large, comme l’avait réussi en partie la liste élue à Strasbourg. « La situation montre qu’au niveau national les débats entre les partis n’ont été assez menés pour se mettre d’accord sur une union, ce que l’on regrette », constate-t-il.

À titre personnel, il votera Jadot : « C’est le candidat qui propose le programme le plus proche de ce qui doit être fait et qui est réalisable ». Quant à Mélenchon, il représente selon lui « un idéal », mais il y a aussi « le principe de réalité ». Fidèle au credo, « au premier tour on choisit, au deuxième on élimine », il reste sur son choix initial : « Au moins, on pourra mesurer le poids politique du candidat dans lequel on croit. »

Une élection confisquée par la sphère politique et médiatique selon Syamak Agha Babaei

De nombreux membres du « Labo Citoyen », un collectif pilier de la majorité aux côtés d’EELV, étaient aux Journées d’été des écologistes fin août à Poitiers. Pour autant, tous ne soutiennent pas ouvertement le vainqueur Yannick Jadot, ce qui semble a minima montrer un manque d’enthousiasme pour l’issue de la primaire.

Après avoir soutenu Benoît Hamon en 2017, le premier adjoint et fondateur du Labo, Syamak Agha Babaei, avait soutenu Éric Piolle à la primaire des écologistes, battu dès le premier tour. Depuis, il a fixé son choix de dimanche, mais ne souhaite pas le dévoiler : 

« Comme pour beaucoup de Français de gauche, la situation est un peu désenchantée. La gauche est encore prise dans des luttes internes alors que les bases d’un programme commun sont là. Cela me conforte dans ma décision d’avoir quitté la vie partisane en 2015. » 

L’ancien membre de « l’aile gauche » du Parti socialiste note que les nouveaux mouvements progressistes n’ont « pas de débouchés très clairs » et que « les primaires ont leurs limites » : « On a du mal à les organiser à l’échelle d’un parti. » Pour lui, la campagne a été « confisquée par la sphère politique et médiatique. »

Également engagé au Labo citoyen, Guillaume Libsig, adjoint à la maire en charge des événements, ne dévoile pas non plus son vote :

« J’en ai un peu marre des injonctions à voter utile ou à faire barrage. Je suis un électeur, je n’ai pas à porter le poids de l’éclatement de la gauche ou de la montée de l’extrême-droite… Je me déciderai le jour du scrutin, pour l’instant j’hésite entre quatre options. »

En a-t-il discuté avec ses collègues ? « Pas vraiment », répond-t-il :

« Nous sommes une majorité composite, dont une large part des élus ne sont pas encartés. Donc les échanges politiques sont assez libres, on connait les opinions des uns et des autres et nos différences. Ce n’est pas un sujet de tension. »

Dans la majorité écologiste strasbourgeoise, Jean-Luc Mélenchon n’est pas un sujet de débat. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

« Si Mélenchon est au second tour, je voterai pour lui »

De son côté, Caroline Zorn, vice-présidente de l’Eurométropole en charge du numérique et également membre du Labo, votera Yannick Jadot après avoir hésité :

« La question du premier tour à gauche est toujours un peu complexe… mais au final, ce ne sera pas de la faute de Jadot si Mélenchon n’est pas qualifié au second tour. Le programme écologiste me convient très bien et j’apprécie l’homme, que j’ai suivi comme eurodéputé. Et si Mélenchon est au second tour, je serai heureuse de voter pour lui, malgré mes réserves sur son programme pour l’Europe notamment… »

Caroline Zorn concède qu’avec les élus qui voteront Mélenchon, la question de l’Europe est la ligne de fracture politique, comme la production d’énergie (en particulier nucléaire) l’est avec les communistes. 

Alexandre Feltz non plus n’hésite pas, ce sera Yannick Jadot. Le médecin membre de Place Publique pense que « la santé est liée à la question de l’environnement » :

« L’éparpillement des voix progressistes est un vrai problème, mais le candidat qui fera le plus pour l’environnement, ce sera Yannick Jadot. Sur le reste, je suis très déçu de constater que le débat sur l’hôpital public n’a pas eu lieu, malgré les alertes et la pandémie… »

Le Dr Feltz ne discute pas beaucoup de l’élection présidentielle avec ses collègues élus mais il constate quand même une meilleure ambiance qu’en 2017 : « Quand je m’étais positionné pour Hamon lors de la primaire de gauche, les relations s’étaient vraiment tendues avec certains élus de la majorité socialiste à l’époque. »

Jeanne Barseghian comprend le vote Mélenchon

Également engagée en 2017 avec Benoît Hamon et son revenu universel, Sophie Dupressoir ne souhaite pas donner son vote, un choix « privé » et « sans lien avec l’action municipale ». Suzanne Brolly, deuxième adjointe, ne s’exprime pas non plus sur l’élection présidentielle. L’adjointe à la tranquillité publique Nadia Zourgui avait exprimé sur les réseaux sociaux un enthousiasme pour la potentielle candidature de Christiane Taubira en décembre.

Face à ce paysage éclaté, Jeanne Barseghian « comprend que beaucoup de personnes sensibles à l’urgence climatique se tournent vers Jean-Luc Mélenchon », mais logiquement, elle reste sur la ligne de son parti :

« Il peut encore y avoir une surprise et une remontée de Yannick Jadot, avec des gens qui se décident le jour-même comme avec nous. Les sondages se trompent souvent. »

Vice-présidente à l’Eurométropole en charge de l’Économie, Anne-Marie Jean regrette que la thématique la plus importante à ses yeux, la transition écologique qui « s’impose à nous », ne soit pas assez portée. Elle votera Yannick Jadot, sans avoir fait activement campagne pour lui. Elle regrette qu’il n’y ait pas d’union plus large, voire de recomposition politique, “autour de l’écologie” :

« Le clivage droite-gauche est dépassé. La dimension sociale est fortement imbriquée à l’écologie, elle doit être prise en compte. Mais la gauche n’a pas fait la démonstration qu’elle a l’apanage du social. »

Christelle Wieder, adjointe à l’égalité femmes-hommes estime aussi que « comme pour une partie du peuple de gauche, il est difficile de faire un choix ». L’ancienne militante chez « Osons le Féminisme » rappelle qu’elle avait soutenu avec enthousiasme Sandrine Rousseau lors de la primaire des écologistes. Désormais, « nul candidat n’emporte ma franche adhésion », indique-t-elle, déçue de constater que les sujets féministes ont peu été présents dans la campagne. Un peu comme les élus de la majorité municipale, qui se disent pour la plupart très affairés par leur mandat.

Lokafy, la plateforme qui ubérise les guides touristiques

Lokafy, la plateforme qui ubérise les guides touristiques

En 2019, la start-up canadienne Lokafy s’est installée à Strasbourg. Cette plateforme permet de réserver une visite guidée de la ville par un « habitant passionné ». Les guides professionnels dénoncent une concurrence déloyale et un manque de garantie sur le contenu des visites mais le service se développe.

Rendez-vous au pied de la statue du général Kléber dans le centre de Strasbourg, tout est prêt pour une visite guidée. Ma guide m’attend, une jeune femme qu’on appellera Élena. Elle m’accueille et m’emmène sur un itinéraire qu’elle semble connaître par cœur : d’un pas leste, elle rallie la Petite France à la Neustadt, en passant par la Cathédrale, où elle me montre le célèbre « mesureur de bedaine » (une colonne de grès datant de 1527). Il fait très beau en ce vendredi de février, les touristes ne sont pas encore vraiment revenus.

Pas grave puisqu’aujourd’hui, la touriste, c’est moi. Je fais part de mon intérêt pour en « apprendre » plus sur Strasbourg grâce à mon guide. Puis, au lieu d’écouter patiemment une experte, la discussion tourne plutôt à l’échange amical, comme si j’étais avec une camarade très calée sur l’Histoire et qui aurait un peu trop envie de partager. Car je ne suis pas en présence d’une guide de l’office du tourisme, ni même avec un guide proposant un « free tour », mais d’une « lokafyer » : une prestataire de la plateforme Lokafy. Cette start-up canadienne propose de « trouver un ami » le temps d’un jour, pour qu’il ou elle fasse visiter la ville. 

Date, clic, c’est validé

Le processus de réservation est très simple : le touriste curieux choisit la date et l’heure sur le site Lokafy ou sur Tripadvisor, et, en quelques minutes ou quelques heures, il reçoit un e-mail de confirmation, une fois qu’un « lokafyer » a accepté la visite. Pas de guichet, pas de salaires, pas de structure… C’est le même principe qu’Uber avec les taxis ou Deliveroo avec les livraisons de repas, appliqué aux visites touristiques.

En marchant d’un point d’intérêt à un autre, Élena se livre un peu. Après tout, nous allons passer deux heures en tête à tête. Elle n’est pas guide de métier, elle a une formation scientifique et fait des visites Lokafy quand elle a le temps, souvent le week-end, et davantage en été et autour de Noël. Simplement, elle adore Strasbourg, où elle réside depuis une dizaine d’années, et tire ses connaissances d’une option Histoire de l’art au lycée et de ses recherches personnelles. Son enthousiasme à faire connaître sa ville et ses particularités est palpable. Elle profite des espaces dans les échanges pour conseiller des attractions qui ne feront pas partie de la visite : le quartier européen, la cave des hospices de Strasbourg, etc.

Une foule d’anecdotes et de faits historiques

J’ai réservé une visite de deux heures en matinée. Pour une personne, le prix est de 50€. À deux, la visite aurait coûté 60€ ou 180€ à six, le nombre maximal de participants. Le lokafyer reçoit 60% du prix, ce qui met la commission du service à 40% quand même (pour mémoire, Uber prend 25% du prix de la course aux chauffeurs)… Pour une visite similaire via l’office du tourisme, le prix aurait été entre 80 et 160€, mais quelque soit le nombre de participants (les visites en groupe coûtent 9,5€ la place)…

Les lokafyers ne sont pas des guides professionnels au même titre que ceux qui assurent les visites de l’office du tourisme. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)Photo : photo JFG / Rue89 Strasbourg

Pour Lokafy, ce ne sont pas seulement des visites d’ailleurs mais des « rencontres » entre deux habitants… Lors de notre rencontre, Élena me demande ce qui m’intéresse le plus : l’histoire, l’architecture, la culture, la gastronomie ? Elle adapte alors son discours et son itinéraire. On opte pour un panorama très généraliste et mon « amie » du jour commence par un topo rapide sur l’histoire de la ville, du premier camp romain à la guerre de 1870, sans erreur que j’aurais pu détecter.

Elle commente la façade de l’Aubette, glisse que son nom vient de ce qu’un général, du temps où c’était un bâtiment militaire, criait ses ordres du balcon à l’aube (en fait, il s’agirait plutôt du fait que la relève de la garde se faisait à l’aube). En passant devant l’église Saint-Pierre-le-Vieux, catholique et protestante, elle évoque l’histoire du protestantisme en Alsace, décrit avec fierté le Concordat et les autres spécificités régionales, avant de m’emmener sur les Ponts Couverts. Du barrage Vauban, elle raconte les différentes vies de l’ENA, explique pourquoi il y a des écluses ou pourquoi la Petite France porte ce nom. Elle partage aussi ses intérêts personnels, dont son admiration du travail du graffeur Dan23.

Une œuvre de Dan23 rue du Jeu-des-Rnfants, que la lokafyer aime montrer. Photo : DL / Rue89 Strasbourg

Même en connaissant déjà très bien la ville, j’apprends beaucoup de choses, comme le fait qu’il y a un mausolée dédié à Maurice de Saxe, un maréchal de Louis XV, dans l’église protestante Saint-Thomas (Élena s’amuse du fait que son caractère baroque tranche avec la simplicité protestante), ou que la famille du dessinateur Tomi Ungerer a assuré l’entretien de l’horloge astronomique de la cathédrale.

Arrivées à la Neustadt, où Élena profite de l’architecture allemande pour passer en revue l’histoire compliquée de la région, nous finissons par se quitter. J’ai la satisfaction d’avoir redécouvert Strasbourg autrement, avec quelqu’un de fort sympathique, pour un prix plus avantageux que pour une visite privée avec un guide professionnel (titulaire de la carte de guide conférencier).

Une « concurrence déloyale » pour les guides professionnels

Juliette Bossert-Meyer, présidente de l’Association des Guides d’Alsace, voit dans les services de Lokafy une concurrence déloyale :

« Je comprends l’attrait tarifaire et l’envie d’une visite personnalisée. Mais dans la vie, quand on veut une prestation de qualité, on met le prix qui permet de payer un professionnel. C’est le cas pour d’autres services comme ceux d’un prof particulier par exemple. »

Elle ajoute que la plateforme Lokafy a approché plusieurs guides professionnels de Strasbourg, en leur proposant une rémunération de 30€ pour deux heures de visite avec une ou deux personnes et un versement par virement. Une démarche qui tranche avec la position officielle de la plateforme, qui assure ne proposer des « rencontres » qu’avec des guides amateurs… Ce tarif est de toutes façons jugé « dérisoire et dévalorisant pour le métier de guide », selon Juliette Bossert-Meyer :

« Sur notre chiffre d’affaires, près d’un quart doit être payé à l’Urssaf pour nos cotisations sociales. Un tarif de 30€ ne prend donc pas en compte le temps de préparation de la visite. C’est triste car ces systèmes précarisent notre métier. »

« Il n’y a aucune garantie que le lokafyer s’y connaisse bien »

En moyenne, un guide touristique professionnel gagne un peu plus de 1 800 euros bruts par mois. Élena, elle, ne paye aucune charge sur ce que Lokafy lui verse. La société étant canadienne, elle s’affranchit allègrement de la loi française. Élena n’a même pas besoin de présenter un statut d’auto-entrepreneur et reçoit sa rémunération par virement bancaire ou par Paypal. Interrogée, Élena ne s’étend pas sur son statut, mais dit simplement qu’elle ne déclare rien, « car les montants sont trop bas ». Elle devrait cependant les déclarer à l’administration fiscale comme des revenus et, s’ils excèdent un certain montant, payer des cotisations sociales.

Fin janvier, sur le groupe Facebook « Strasbourg » de Rue89 Strasbourg, une femme se présentant comme travaillant pour Lokafy cherchait un strasbourgeois germanophone pour « montrer la ville à des voyageurs » à peine une semaine plus tard. En guise de rémunération, elle parlait de « compensation » et insistait sur le fait qu’elle cherchait « des gens qui aiment leur ville et aiment rencontrer des nouvelles personnes ».

La présidente de l’Association des guides d’Alsace estime qu’il n’y a aucune garantie que le lokafyer s’y connaisse bien ou ne dise pas de contre-vérités :

« Avec un guide professionnel, on est sûr du contenu de la visite, et on peut sortir des sentiers battus ou poser des questions poussées, le guide s’y connaît vraiment. »

Il est vrai qu’Élena n’était pas forcément très précise dans les dates ou avait un doute sur l’étymologie du nom latin de la ville, Argentoratum (elle se rappelait de la traduction « la cité entourée d’eau », or, le débat subsiste encore entre historiens). Mais les visiteurs ne peuvent pas attendre des guides de Lokafy qu’ils savent tout, la plateforme précise bien lors de la réservation que les lokafyers ne sont pas des professionnels.

Élena amène ses visiteurs sur le barrage Vauban pour évoquer les limites médiévales de la ville.
Photo : DL / Rue89 Strasbourg / cc

Une image faussée du métier de guide

En revanche, les atouts des lokafyers sont mis en avant. Sur les langues étrangères étrangères par exemple, pas moins de 11 langues sont disponibles à la réservation pour une visite de Strasbourg sur Lokafy. Élena assure elle-même des visites en espagnol, en anglais et en français. Elle a peu de visiteurs de France d’ailleurs, elle rencontre plus souvent des personnes seules ou des couples en escale à Strasbourg, venant des États-Unis ou de pays européens.

En outre, la facilité de réservation est sans commune mesure avec le processus proposé sur le site de l’office du tourisme, où il faut au moins cinq clics pour trouver une page consacrée aux visites à pied avec un guide conférencier. Remontée, Juliette Bossert-Meyer rappelle que les guides professionnels proposent aussi ces expériences :

« Il est possible de réserver des visites individuelles sur le site de l’office du tourisme, ou sur le site book-a-guide par exemple. Et c’est comique que Lokafy axe sa communication sur le “vrai”, le local… Comme si les guides strasbourgeois n’étaient pas du coin ! Nous sommes de la région, nous pouvons aussi parler de nos cafés préférés ! »

Sur book-a-guide, mis en ligne par l’association des guides conférenciers d’Alsace, les profils des guides sont consultables, avec leurs thématiques privilégiées, et quelques mots de présentation pour les visiteurs qui souhaitent s’assurer de « matcher » avec le meilleur compagnon d’un jour, selon leurs intérêts et envies.

Contactée, la direction de Lokafy n’a pas répondu à nos sollicitations.