Le Kelly’s Sibin a fermé ses portes le 3 avril. Ce pub irlandais réputé pour ses bières variées et sa convivialité a été racheté par Franck Meunier qui promet une brasserie thématique pour la fin de l’année 2022. L’ancien gérant, Paul Kelly, raconte la fin d’un établissement indépendant, accélérée par le Covid, un voisin mécontent du bruit et la concurrence des grands propriétaires de bars strasbourgeois.
Les habitués du Kelly’s Sibin savaient que sa fermeture était proche. Fin mars, ils se donnaient rendez-vous en pensant à chaque fois que ce serait la dernière bière dans ce pub irlandais situé entre la rue du Jeu-des-Enfants et la rue du Vieux-Marché-aux-Vins. L’établissement était unique en son genre à Strasbourg : 420 mètres-carrés d’espace, un billard, un baby-foot et des fléchettes, trois écrans pour suivre les rencontres sportives, une large variété de bières de grands groupes allant de la Guinness à la Kriek, en passant par la Carlsberg, la Kronenbourg ou la Paulaner. Le pub a définitivement fermé ses portes le 3 avril 2022. Deux jours plus tard, la vente du fonds de commerce à Franck Meunier, propriétaire de douze bars et autres restaurants strasbourgeois, était actée.
Le Kelly’s Sibin, pour rencontrer des inconnus
Ingénieur chimiste pendant 30 ans, Paul Kelly a décidé de changer de carrière à l’approche de son cinquantième anniversaire. L’Irlandais ouvre un premier pub, le Dubliners, qu’il vend en 2015. Il se souvient de la configuration de son premier établissement, avec des tables et des chaises orientées vers le bar, pour inciter les clients à s’ouvrir aux autres.
En 2016, Paul Kelly a ouvert le Kelly’s Sibin (Sibin en irlandais signifie à l’origine un bar ou un club illicite où des boissons alcoolisées étaient vendues sans licence) avec l’envie de combler « un manque à Strasbourg ». Son projet : créer un endroit convivial « où l’on peut rencontrer des inconnus, parler de tout et de rien et se faire des amis ».
Six ans plus tard, Paul Kelly a 65 ans et envie de retraite. Les dix employés du Kelly’s Sibin le savaient. Puis il y a eu un concours de circonstances. En juillet 2021, le gérant à la barbe blanche tente de trouver une solution face à un voisin du dessus qui se plaint du bruit : « Il aurait fallu fermer un mois pour que je réalise des travaux estimés à 150 000 euros. J’ai calculé qu’il me faudrait quatre ans pour récupérer l’investissement. Je n’avais pas envie de travailler jusqu’à 70 ans. » Fin 2021, l’ancien ingénieur chimiste reçoit une offre intéressante pour son fonds de commerce. Il n’a pas souhaité nous communiquer le montant proposé par le groupe FHB, dont Franck Meunier est le P-DG.
« C’est difficile de se battre face à de grosses structures »
L’ex-gérant du Kelly’s Sibin évoque d’autres difficultés. Pour Paul Kelly, la concurrence des grands propriétaires de bars à Strasbourg est insurmontable pour des indépendants comme lui :
« De plus en plus, les bars appartiennent à de grands groupes à Strasbourg. Ce sont quatre ou cinq personnes qui ont des grandes puissances d’achat, du coup ils payent leur bière moins chère que moi. C’est difficile de se battre face à de grosses structures qui ont des budgets que je n’ai pas, comme pour la publicité par exemple. »
L’amoureux des pubs irlandais a aussi subi cette concurrence pendant la pandémie de coronavirus. Comme Paul Kelly le rappelle : « Le coronavirus, ça a été un désastre. Malgré la fermeture, je devais payer mon loyer à mon propriétaire privé. Pendant cette même période, de mars à novembre 2020, Franck Meunier n’a pas eu à payer de loyer auprès de la Ville de Strasbourg… » Franck Meunier confirme que pour 3 de ses 12 établissements, ceux dans des bâtiments détenus par la Ville, le paiement a été interrompu pendant la fermeture obligatoire comme pour tous les commerces de ce type. Interrogé sur les bénéfices réalisés au cours des dernières années, Paul Kelly se met à compter sur ses doigts : « C’était toujours ric rac. La première semaine paye les salaires, la deuxième paye le loyer, la troisième sert pour les charges sociales et la quatrième rétribue les fournisseurs. S’il y avait un 31 dans le mois, c’était pour moi. »
Des travaux et un partenariat avec un brasseur
Nouveau gérant du lieu, Franck Meunier parle d’un « établissement vieillissant, avec plein de choses en fin de vie recouvertes de cache-misères ». Le gérant du groupe FHB estime que les travaux coûteront entre 800 000 et un million d’euros pour « tout arracher, des murs au plafond, refaire l’isolation acoustique, et remettre tout aux normes niveau électricité, évacuation et sécurité incendie. »
Le nouveau gérant compte ouvrir une brasserie, « où l’on pourra venir tout au long de la journée pour manger, boire, discuter ou travailler. » Franck Meunier ne souhaite pas préciser la thématique du lieu, « plusieurs pistes sont sur la table. » L’entrepreneur évoque aussi un partenariat avec un brasseur, sans en donner le nom, ni les modalités : « Rue du 22-Novembre, nous travaillons sous l’enseigne d’une marque de bière (Meteor, NDLR), ce qui ne sera pas le cas pour ce qu’on va faire à la place du Kelly’s Sibin. »
Franck Meunier espère pouvoir ouvrir sa nouvelle brasserie pour le marché de Noël 2022 tout en admettant qu’une telle échéance est optimiste. Il promet la création de vingtaine d’emplois à temps plein et invite les éventuels candidats à déposer leur CV dès à présent, à la brasserie Meteor.
Face aux critiques concernant l’emprise croissante de quelques entrepreneurs de la restauration, Franck Meunier parle d’une « idée reçue » :
« Pendant longtemps, on a dit à Strasbourg que quelques personnes possèdent la quasi totalité des bars et restaurants. Mais regardez le nombreux de petits indépendants qui ont ouvert un, puis deux puis trois établissements. C’est le cas du Grincheux ou du Bistrot coco par exemple. Cette rigueur alsacienne, ce côté travailleur fait qu’un établissement tourne bien, du coup les gérants achètent un deuxième ou troisième bar. Regardez le propriétaire du Caupona, il a aussi le Public house. En tout, il gère quatre ou cinq lieux et maintenant il ouvre une micro-brasserie. Pour moi, les “cinq grands propriétaires de bars restaurants à Strasbourg”, c’est une légende… Il y a plus de trente entrepreneurs dynamiques dans le milieu à Strasbourg. On n’a pas à rougir avec d’autres villes. »
Une ultime réunion publique mercredi a tenté d’esquisser des pistes de cohabitation entre les riverains de la place du tribunal et les skateurs. Le bruit généré par les figures exaspère les habitants qui réclament qu’ils soient délogés.
Depuis sa rénovation en 2017, la place du tribunal est devenue un lieu prisé des skateurs. Lisse, légèrement bombée, avec quelques obstacles, des escaliers et des bancs pour le public, elle est parfaite. Tellement appréciée que les jeunes viennent parfois d’autres villes du Bas-Rhin pour y réaliser leurs « rides ».
Interpellations et concertation contre le bruit
L’ennui, c’est que chaque « flip » raté tape sur les pierres et qu’à la longue ce bruit tape aussi sur le système des habitants riverains de la place. À tel point qu’une partie d’entre eux a sollicité la mairie pour faire cesser cette nuisance sonore, par lettres, interpellations directes des élus, tribunes publiques, etc. D’abord rétive à empêcher les jeunes de profiter de la place, la Ville a mis en place une concertation. Mercredi 20 avril en fin d’après-midi, Sophie Dupressoir, élue en charge du quartier, tenait une ultime réunion publique devant une trentaine d’habitants passablement énervés :
« Il faut partager l’espace public, donc je propose que nous définissions ensemble quelles limitations à la pratique du skate nous pourrions envisager, sachant que je me refuse à prononcer une interdiction totale. »
Vague de désapprobation dans l’assistance, composée en majorité de retraités et de personnes âgées. « On partage pas, on subit ! » lance l’une d’elle. « Vous n’allez rien faire ! » « C’est le matin qu’il faudrait leur laisser, de toutes façons ils dorment, » lancent d’autres participants. L’exaspération des riverains est palpable. « Je ne me sens plus chez moi, » pointe Lucie, 50 ans, habitante de la rue du Général-de-Castelnau tandis qu’Yvon, propriétaire de quatre appartements rue du Fossé-des-Treize affirme ne pas être en mesure de les louer à cause du bruit… Un autre riverain « ne se sent pas en sécurité » quand il accompagne ses petites-filles entre son domicile et l’école Schoepflin, située de l’autre côté du quai.
Des skateurs venus de loin, en recherche d’un endroit accueillant
Pendant que les têtes chenues font part de leurs récriminations à Sophie Dupressoir, façon tir groupé, les jeunes continuent leurs glissades à quelques mètres, indifférents à ce qui se déroule et pourrait être décidé à l’issue de cette réunion. L’un d’eux s’approche et avoue être venu depuis Wasselonne pour faire du skate sur la place du tribunal :
« Devant le musée d’Art moderne, il y a trop de drogués. Au parc de la Rotonde, ce ne sont pas des équipements adaptés au “skate de street” qu’on pratique ici… et je ne vais pas prendre le tram pour aller jusqu’à Illkirch, j’en aurais pour 1h30 de trajet ! »
De fait, les équipements adaptés à cette pratique manquent à Strasbourg et dans le département. Un skate park est programmé dans quelques années au parc de la Citadelle mais les jeunes apprécient plutôt les places lisses en ville, où ils peuvent se croiser et échanger… pas forcément des parks certes dédiés à la pratique mais situés dans des zones reculées où personne ne passe. Le skate est certes une activité sportive mais c’est aussi une activité sociale, surtout pour ces jeunes qui ont en majorité entre 15 et 20 ans.
« Cette place est beaucoup plus agréable et vivante »
Également résidente du quartier, Angelina, 35 ans, se désole :
« Moi ça me fait plaisir de voir ces jeunes dehors… On ne peut pas leur reprocher d’être tout le temps devant leurs téléphones et leur interdire ensuite l’accès à l’espace public. Cette place est beaucoup plus agréable et vivante depuis qu’elle a été rénovée. Les bruits ne me dérangent pas. »
Enseignante, Angelina travaille en journée tandis que les riverains présents, presque tous retraités, appréciaient le silence qui régnait auparavant. Le bruit des voitures, qui ont été repoussées de la rue Finkmatt « ne nous dérangeaient pas », indique une habitante.
Quelques participants mettent des gommettes sur un planning d’occupation partagée de la place… Un compromis pourrait être trouvé pour interdire le skate après 20h et le dimanche…
En embuscade, Pierre Jakubowicz, conseiller municipal d’opposition (Agir) était aussi présent à la réunion publique. Et pour lui, la municipalité n’a que trop trainé :
« Chez un riverain, on a compté jusqu’à 70 bruits de tapement par minute ! Les riverains sont excédés parce que la municipalité n’a pas réagi dès les premières plaintes… J’espère qu’une décision sera prise rapidement, il ne devrait pas être si difficile de dire à ces jeunes d’aller ailleurs… »
Quelles que soient les décisions de limitation qui seront finalement prises, le sort des skateurs sur cette place est de toutes façons mal embarqué : les politiques publiques ne vont jamais à l’encontre d’une demande de silence d’une partie des habitants. D’autant plus que le tribunal est propriétaire du parvis, la partie la plus prisée des skateurs, et que sa direction envisage d’y interdire la pratique du skate a annoncé Sophie Dupressoir à l’assistance. De quoi faire de nouveau régner le silence sur cette place.
Jeudi 21 avril, les éboueurs appuyés par les syndicats minoritaires FO, Sud et Unsa ont été reçus par la direction de l’Eurométropole de Strasbourg. Ils n’ont pas obtenu d’augmentation de salaire pour leur profession. Une grève illimitée est prévue à partir de lundi 25 avril.
« Ils ont essayé de nous endormir », s’énerve jeudi soir David Normand, éboueur et conducteur de camion à l’Eurométropole de Strasbourg. Il sort des négociations qu’il a menées en compagnie des syndicats FO, Unsa et Sud avec le directeur général adjoint en charge de l’accompagnement humain, de la transformation et de l’innovation à l’Eurométropole, Jonathan Bisot-Lefebvre, sur une augmentation des salaires des éboueurs.
Les éboueurs reprochent des salaires trop faibles à cause du gel du point d’indice des fonctionnaires de catégorie C depuis 2011, dont ils font partie. Une grève lancée mardi et reconduite mercredi avait mobilisé « 95% des agents » selon David Normand : « Sur les 70 camions de ramassage de déchets de l’Eurométropole, seulement cinq sont sortis mercredi ». Les poubelles avaient tout de même été ramassées jeudi, mais uniquement celles du jour même, dans la perspective de négociations avec les élus de l’Eurométropole.
Aucun élu n’a finalement souhaité les recevoir jeudi. Les négociations avec Jonathan Bisot-Lefebvre ont débuté à 14h30 et se sont terminées tard dans l’après-midi. David Normand les résume ainsi :
« Ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire et qu’ils n’avaient pas d’enveloppe prévue pour ça. »
Faute de pouvoir négocier une hausse des salaires, les éboueurs mobilisés annoncent qu’ils ont déposé un nouveau préavis de grève, à partir de lundi 25 avril dès 4h30 du matin et pour une durée « illimitée ». Les agents en grève se rassembleront devant le site de l’Eurométropole rue de la Fédération afin d’envisager les actions à venir.
Le 15 avril, la Cnil a infligé une amende d’1,5 million d’euros à la société Dedalus Biologie. Cette sanction fait suite à une enquête portant sur une fuite de données médicales de près de 500 000 personnes. Un lanceur d’alerte strasbourgeois avait aussi pointé les défaillances dans la sécurité informatique de la multinationale. En vain.
Le gendarme des données numériques a frappé fort. Le 15 avril 2022, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a sanctionné la société Dedalus Biologie pour une fuite de données médicales concernant près de 500 000 personnes.
L’entreprise, leader dans le secteur du logiciel destiné aux établissements de santé, a été condamné à verser la somme de 1,5 million d’euros. Comme l’indique la Cnil, « le montant de cette amende a été décidé au regard de la gravité des manquements retenus mais également en prenant en compte le chiffre d’affaires de la société Dedalus Biologie ».
De nombreux manquements graves de Dedalus
Pour la Cnil, l’enquête a débuté suite à la publication d’une base de données médicales sensibles sur un forum de discussion en février 2021. Un internaute y avait publié en libre accès des informations contenant le nom, prénom, adresse postale, numéro de téléphone mais aussi groupe sanguin, numéro de Sécurité sociale concernant près de 500 000 personnes. Comme l’indique la Cnil, la base contenait des informations ultrasensibles liées « au VIH, cancers, maladies génétiques, grossesses, traitements médicamenteux suivis par le patient ».
Malgré la haute sensibilité des données concernées, Dedalus Biologie et sa filiale Netika installée à Strasbourg, ont fait preuve de plusieurs manquements sanctionnés par la Cnil. L’autorité donne plusieurs exemples dans le cadre de la migration d’un logiciel vers un autre outil. La multinationale a manqué de procédure spécifique pour les opérations de migration de données. Elle a ainsi laissé des données sur un serveur après leur migration sur une autre plateforme. Dedalus Biologie a aussi oublié de crypter des données personnelles stockées sur un serveur problématique. La Cnil reproche aussi au leader européen du logiciel de santé d’avoir mis en place une sécurité insuffisante pour l’accès à la zone privée du serveur : Dedalus utilisait des « comptes utilisateurs partagés entre plusieurs salariés » pour accéder à cette zone sensible.
« Un ancien salarié de Dedalus avait bel et bien effectué des signalements pertinents »
Le leader du logiciel de santé ne disposait d’aucune procédure de supervision et de remontée d’alertes de sécurité sur le serveur. Cet énième faute de Dedalus Biologie pointée du doigt par la Cnil avait déjà été décrite sur Rue89 Strasbourg, qui donnait la parole à Arnaud (le prénom a été modifié), développeur strasbourgeois et ex-salarié de Dedalus licencié pour avoir alerté sur ces manquements.
Comme l’a révélé le média spécialisé NextInpact, le jeune féru de cybersécurité détecte en deux ans plus d’une centaine de failles de sécurité dans les logiciels vendus à des laboratoires et autres établissements de santé : « J’étais déçu de réaliser qu’un simple développeur, autodidacte comme moi, pouvait trouver autant d’énormes failles dans les systèmes informatiques de Dedalus… »
Le Strasbourgeois est par ailleurs évoqué dans la délibération de la formation restreinte de la Cnil :
« Le rapporteur relève que, dès mars 2020, un ancien salarié de la société Dedalus Biologie avait fait remonter à son employeur des problèmes de sécurité. Selon le rapporteur, il est établi que celui-ci avait bel et bien effectué des signalements pertinents, ce qui ressort d’échanges internes… »
Dedalus aussi sanctionné pour des heures supplémentaires non-payées
Compte-tenu de la « gravité des manquements commis », la Cnil a estimé que la publication de cette sanction était justifiée. Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter du 15 avril 2022.
Selon nos informations, suite à la publication du témoignage du lanceur d’alerte sur Rue89 Strasbourg, Dedalus a suscité l’intérêt de l’inspection du travail. La régularisation exigée par cette dernière s’élève à 150 000 euros de rappels de salaries pour des heures supplémentaires non-payées sur les années 2018, 2019 et 2020.
Réunis en assemblée générale à l’initiative du syndicat Solidaires Étudiant·es Alsace, une cinquantaine d’étudiants ont débattu des moyens de se mobiliser pour le week-end du second tour et par la suite. Dégoutés des élections, ils préfèrent faire vivre la démocratie par le débat et la mobilisation dans la rue.
Les étudiants passent leur second tour. Réunis devant la faculté de Droit de l’Université de Strasbourg, une cinquantaine de personnes ont répondu présentes à l’assemblée générale (AG) organisée par le syndicat Solidaires Étudiant·es Alsace. Mais ce mercredi 20 avril, entre midi et deux, personne ne soulève la question du choix de chacun pour le second tour de l’élection présidentielle.
Pendant près de deux heures, la discussion porte plutôt sur la manifestation de ce samedi 23 avril contre la montée de l’extrême-droite. La formation d’un cortège jeunes est débattue, de même qu’une action de blocage d’un bâtiment universitaire ou l’organisation d’une manifestation à la suite du scrutin. Pour la plupart des jeunes présents, les urnes symbolisent la mort de la démocratie. C’est dans la rue que Louise, Even, Tanguy et Lucas veulent animer la vie démocratique.
« Nous sommes encore face à un choix illusoire »
Parmi les étudiantes à l’initiative de cette réunion, Marie (le prénom a été modifié) est une membre active du syndicat Solidaires Étudiant·es Alsace. Elle élude rapidement la question sur son choix pour le second tour de l’élection, « une chose est sûre : je ne voterai pas pour l’extrême droite ». Pour l’étudiante, « nous sommes encore face à un choix illusoire entre Macron et Le Pen. Nous avons organisé cette assemblée générale pour que les gens puissent discuter entre eux, et pour qu’ils puissent voir que la politique ne se passe pas juste tous les cinq ans. »
Étudiante en sciences du langage, Jean pense hésiter jusqu’au dernier moment entre s’abstenir et voter pour le président sortant, « malgré toute ma détestation envers Macron ». Critique à l’égard du fonctionnement de la Ve République, cette primo-votante a découvert « l’importance de la politique » lors de la mobilisation des lycéens contre « la gestion désastreuse de la pandémie par le ministère de l’Éducation Nationale. » Alors Jean apprécie cette assemblée générale, car elle en est persuadée : « Le plus important, c’est la démocratie dans la rue. C’est la discussion, le blocage et la manifestation. »
« Remettre en cause le système et se mobiliser »
Dans sa grande veste de chantier jaune fluo, Lucas a choisi l’abstention, dès le premier tour. L’apprenti ouvrier soudeur témoigne d’une classe ouvrière qui éprouve de plus en plus un sentiment d’abandon et se désintéresse du scrutin. Il exècre Emmanuel Macron depuis sa « réforme de l’apprentissage dégueulasse, qui a légalisé le travail de nuit pour les mineurs et qui rend plus rentable pour les patrons l’embauche d’apprentis plutôt que d’intérimaires. »
Pour ce membre de la section étudiante, lycéenne, apprentie de la CGT Education Alsace, « le vote barrage, c’est repousser l’inévitable, c’est faire le jeu de la consolidation de l’extrême-droite. Il n’y a plus d’autre solution que de remettre en cause le système et se mobiliser. Parce que la politique, elle se fait tous les jours dans la rue, dans les associations et les syndicats. »
Plusieurs structures antifascistes organisent une manifestation samedi 23 avril à la veille du second tour qui oppose Marine Le Pen et le président sortant Emmanuel Macron.
La campagne officielle de l’élection présidentielle se termine vendredi à minuit, mais elle se prolongera de manière plus informelle et dans les rues le week-end.
Le collectif Antifasciste 67, composé de 11 organisations, propose à Strasbourg une manifestation contre l’extrême-droite samedi 23 avril à 14h30. L’appel est aussi rejoint par les syndicats CGT, FSU, Solidaires et la CNT. Le départ est fixé place de la Gare.
Cem Yoldas, porte-parole de la Jeune Garde, une association membre du collectif, précise le message :
« On dénonce avant tout la montée de l’extrême-droite. Marine Le Pen est le plus grand péril et on sait faire la différence entre les deux candidats. Mais on met aussi en lien cette montée avec le mandat d’Emmanuel Macron. Il y a participé avec des lois pour faire monter l’islamophobie, comme celle sur le séparatisme, contre les libertés avec la loi sécurité globale, celle sur l’asile et immigration, ou encore nommé Gérald Darmanin ministre de l’Intérieur qui trouve Marine Le Pen “trop molle” pour conquérir un électorat réactionnaire. En Alsace, deux attentats terroristes imaginés par des personnes aux idées d’extrême-droite ont été déjoués, à Rouffach et Haguenau. Dans les rues, il n’est pas rare que des groupuscules attaquent des personnes sur la base de leur orientation politique ou sexuelle. Cette passivité des autorités devient une complaisance. »
Préparer « une riposte unitaire »
La manifestation n’est pas un appel à voter pour Emmanuel Macron ou blanc. « Le collectif regroupe plusieurs structures qui ont des positions diverses. Le message est de populariser l’antifascisme et préparer une riposte unitaire », résume Cem Yoldas. Car peu importe le vainqueur dimanche, sa politique donnera lieu à des contestations pour les participants.
Les syndicats professionnels sont un peu plus explicites et donnent comme mot d’ordre « pas une voix pour Marine Le Pen« , comme « Les Républicains » ou le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Le collectif Antifasciste avait déjà appelé à une manifestation contre les idées d’extrême-droite à la mi-mars et réuni 700 personnes dans la capitale alsacienne.
Dimanche soir à 20h pile, l’heure des résultats, un autre rassemblement intitulé « Ni Macron, ni Le Pen : Stop à la casse sociale ! Le troisième tour c’est dans la rue ! » est proposé place Kléber. Même si le nom est proche, il n’est pas à l’initiative du collectif Antifasciste 67.
Lors des élections municipales de 2014, Hayange était la seule ville du Grand-Est à basculer à l’extrême droite. Réélu maire dès le premier tour en 2020 avec 63% des voix, Fabien Engelmann flatte la minorité d’habitants qui votent, les personnes âgées, avec des mesures clientélistes et visibles. Largement en tête au premier tour, Marine Le Pen y remportera-t-elle le second cette fois-ci ?
En dépit du soleil qui colore la place ce samedi 16 avril, le marché de Hayange fait pâle figure avec ses cinq stands : un fleuriste, un maroquinier, un vendeur de vêtements, un traiteur et un vendeur de fruits. Quelques habitants, surtout des personnes âgées, tournent autour des tentes grises dans l’espace confiné entre le parking et la mairie. En 2014, les 16 000 habitants de cette ville du nord de la Moselle ont élu un maire du Front national, Fabien Engelmann. En 2020, ils l’ont réélu dès le premier tour avec 63% des suffrages exprimés.
René, 67 ans, travaillait à la blanchisserie juste derrière la place du marché. Interrogé sur l’élection présidentielle, il réagit spontanément : « Moi je vote RN et je vote Front national depuis mes 18 ans ! » Il ne sait pas dire pourquoi il a commencé à voter Front national, mais il trouve que Marine Le Pen parle à « tout le monde » :
« J’écoute les informations et j’entends les journalistes pleurer juste parce que c’est Marine Le Pen. Je trouve qu’on ne peut pas juger tant qu’elle n’a pas été au pouvoir. Macron, comme tous les autres, on a jugé. Pour moi il y a des gens qui ne sont pas contents et qui retournent leur veste en revotant pour lui… surtout les retraités. Macron ne va rien faire pour nous. Il habite à Paris et tout ce qu’il fait c’est pour les riches. »
À Hayange et en Moselle, le RN progresse
À quelques pas de la mairie, Christelle se promène avec ses enfants. L’agent d’entretien de 46 ans vote Rassemblement national avant tout pour s’opposer au président et candidat Emmanuel Macron :
« Je ne sais pas dire exactement quelles sont les idées du Rassemblement national. Je sais que je ne suis pas d’accord sur les politiques d’immigration, mais sinon il n’y a rien qui me vient. »
Christelle et René sont loin d’être les seuls Hayangeois à soutenir le parti d’extrême droite. Au premier tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen est arrivée en tête des suffrages dans la commune, avec 38,62% des voix. Dans toute la Moselle, la candidate d’extrême droite est également première du premier tour avec 30,37%, en progression par rapport à 2017 où elle avait déjà obtenu 28,35% des voix.
Un vote contradictoire avec le passé de la ville
Pourtant, deux villes voisines de Hayange, Knutange et Serémange-Erzange, sont dirigées par des maires communistes et la maire de Nilvange est Divers Ecologiste. La communauté d’agglomération du Val de Fensch dont Hayange fait partie est majoritairement composée de vice-présidents socialistes et communistes.
Pour Gilles Wobedo, conseiller municipal d’opposition « Hayange en harmonie », ce vote majoritaire à l’extrême-droite dans les villes de la vallée est paradoxal :
« C’est un territoire qui a vécu de grandes vagues de migrations de travailleurs dans les années 70, à l’époque de la sidérurgie. Encore aujourd’hui, on est à 15 kilomètres du Luxembourg qui fait vivre un tiers de la population locale de travailleurs transfrontaliers. Mais il y a quand même des gens pour voter pour un parti qui veut la fermeture des frontières… »
« On élit un maire, pas un parti »
Pour Dalia (le prénom a été modifié), une retraitée rencontrée dans une ruelle du centre-ville, voter pour le candidat Rassemblement national aux élections municipales ne signifie pas adhérer aux idées du parti :
« Je ne suis pas pour Marine Le Pen du tout, je suis plutôt Pécresse. Mais pour le maire je n’ai rien à dire. Il est très gentil et fait beaucoup pour la ville, c’est plus propre et plus calme. Il y a une opposition mais qui n’a pas proposé grand-chose à part aller chercher les enfants à l’école pour les emmener à la piscine. »
Depuis son élection, Fabien Engelmann a mené une politique sécuritaire avec l’installation d’une trentaine de caméras de vidéosurveillance. En avril 2022, le conseil municipal a de nouveau alloué une rallonge de 90 000€ au dispositif. Le maire a aussi renforcé la verbalisation sur la mendicité dans la ville. Dalia approuve :
« Il n’y a plus de problème avec les gens qui boivent devant le Match. C’est vrai qu’il fait beaucoup pour les vieux. »
Bernard, ancien sidérurgiste à l’usine de Florange revient de ses courses matinales. Pour lui, Fabien Engelmann a fait ses preuves :
« Au début on avait tous peur parce que c’était l’extrême droite, mais au final rien n’a changé dans cette ville. Le maire a tout de même réglé mes affaires personnelles de voisinage. C’est un maire présent pour ses habitants contrairement au maire PS qui était resté 17 ans. Dans les petites villes comme Hayange, on élit une personne, pas un parti ».
Certains commerces du centre-ville de Hayange ferment, comme le New Discount en 2015. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
« Ça vit pas trop quoi »
Delphine gère le PMU en face de la place du marché. Sa terrasse est presque vide et la maigre clientèle est composée d’habitués. La gérante regrette en avoir perdu « beaucoup » avec la crise sanitaire. Mais elle remercie aussi le maire, qui a aidé les commerces pendant la pandémie de covid :
« Il nous a donné un chèque de 1 000 euros en plus des aides d’État. Puis la fête du cochon, ça a fait beaucoup de bruit au niveau national pour le côté provocateur, mais en attendant ça nous amène beaucoup de gens chaque année. Cela fait du bien parce qu’autrement, on a l’impression que les villes d’ici s’éteignent »
En dehors de ce jour de fête symbole du « patrimoine local » selon le maire, la ville est quasiment déserte et fait fuir sa jeunesse. Alexis est en terminale au lycée Colbert de la ville voisine de Thionville. Il traîne avec ses potes près de la place de la mairie, en quête de quelque chose à faire :
« Ça vit pas trop quoi, et le dimanche c’est encore pire, c’est une ville fantôme. La plupart des gens que je connais se plaignent qu’il n’y a rien à faire, mais en vrai ils s’en fichent du maire ou de la ville et ne font rien pour que ça change. Avec ma famille, on sort souvent ailleurs, à Thionville ou à Metz. »
Alexis, 18 ans, habite Hayange depuis 10 ans. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
Des magasins fermés, des supermarchés ouvrent
Comme aspirés par le temps, les commerces ont fermé les uns après les autres. Le cinéma qui accueillait autrefois des projections a fermé en 2007 et n’a jamais rouvert. Le magasin New Discount, un grand bâtiment vitré qui occupe le centre-ville, est fermé depuis 2015 et son propriétaire ne trouve pas de repreneur. Alexis note un nouveau magasin de cigarette électronique installé en face de l’église ainsi qu’un kebab : « Mais il y en a déjà tellement que ça ne change rien ».
Rencontré, Fabien Engelmann se défend en affirmant que la population a augmenté à Hayange, signe d’une certaine « attractivité » selon lui. Le Luxembourg juste à côté pourrait aussi expliquer cette hausse de population. Il affirme avoir acquis pour 1,6 million d’euros les bâtiments autour du supermarché Match de Hayange, au cas où le supermarché ferme : « Cela nous permettra de créer du logement neuf. Et il y aura le Lidl qui va s’installer à la Platinerie. »
Ce projet de Lidl en plein cœur de Hayange annoncé dès 2016 avait fait hurler l’opposition pour son potentiel de concurrence directe avec les commerçants locaux. Gilles Wobedo regrette un manque d’ambitions politiques :
« Quand on critique les mesures du maire, on passe pour un anti-vieux. Mais en dehors de la fête du cochon, il ne fait pas grand-chose en réalité dans cette ville, c’est mortifère. Il n’a aucune vision à moyen terme pour la ville. Il veut juste susciter l’adhésion des gens pour se faire réélire. »
Le grand supermarché Match à Hayange manque de clientèle depuis quelques années. Avec la construction d’un Lidl à la Platinerie de Hayange, l’opposition craint pour le commerce du centre-ville. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
Une gestion clientéliste
Le maire sait flatter son électorat. Le budget « entretien et réparation » s’élevait à plus de 900 000 euros en 2017, soit 20% de plus qu’en 2012, selon un rapport de la Cour des comptes dévoilé par Les Jours qui indique qu’en 2018, « la propreté urbaine, le déneigement, le fleurissement et les espaces verts constituaient ainsi le troisième poste de dépenses, soit 1,4 million d’euros ».
Une « propreté » qui réjouit les vieux qui arpentent le centre-ville, mais que Gilles Wobedo nuance :
« Le maire c’est un bon concierge, il fait des rénovations et de l’entretien. Il y a ça dans les autres villes aussi, c’est la base. »
Quant aux subventions aux associations sociales, comme le Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (CMSEA), elles ont baissé de 13% entre 2012 et 2017 toujours selon ce rapport.
Oubliée la bataille judiciaire toujours en cours entre le Secours Populaire et la municipalité. Le maire veut expulser l’association d’aide aux plus démunis des locaux mis à sa disposition par la mairie précédente, accusant sa présidente Anne-Duflot Allievi de mener une « propagande politique et pro-migrants ». En 2016, il avait même coupé l’eau et l’électricité du local. La justice avait exigé qu’il rétablisse le courant l’année suivante. Le maire a saisi la cour de cassation en 2020. L’association n’a plus de nouvelles depuis, mais ne reçoit plus les 3 000 euros de subventions de la mairie.
Rose-Marie, 69 ans, trouve son maire Fabien Engelmann « charmant ». Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc Ivonne et Danielle discutent de politique sur un banc de Hayange, juste à côté des hauts fourneaux éteints. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
La municipalité a mis le paquet pour séduire sa population vieillissante. La « navette sénior » est sûrement la mesure la plus populaire de l’édile. Elle permet aux personnes âgées d’appeler un minibus pour leurs déplacements, un service entièrement financé par la commune. Il y a aussi les bals dansants, organisés chaque semaine pour réunir les personnes âgées de la ville. Rose-Marie, une dame de 69 ans se réjouit d’avoir pu valser avec le maire. « Fabien est un homme charmant ! », dit-elle.
« Les Hayangeois sont démobilisés en politique, fustige Gilles Wodebo. Le maire a été élu sur un océan d’abstention (63,14%). Il y a un gros problème d’esprit critique et d’individualisme. Chacun regarde l’assiette du voisin. »
« Ici les gens votent par ignorance et par dégoût de la politique »
Le snack de la rue adjacente à la place est connu pour son ambiance chaleureuse. Au point que Karim vient d’Algrange, une ville à quelques kilomètres de là, pour y passer son samedi de ramadan. Quand on parle du maire RN local, il est « dégoûté » :
« Ici les gens votent par ignorance et par dégoût de la politique actuelle. Les gens ont tous été déçus des mandats Sarkozy, Hollande, Macron… même de Chirac en son temps ! Les anciens ouvriers se sont sentis trahis par la gauche qui a laissé fermer les hauts fourneaux. Donc maintenant ils se disent : “Marine Le Pen a des bonnes idées et on n’a jamais essayé, pourquoi pas voter pour elle ?” Mais on va finir en État fasciste ! »
Le snack près de la mairie accueille quelques clients en terrasse ce samedi après-midi. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc Haïat, employée du snack, regrette des scores forts pour le RN dans sa ville. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
Même si elle trouve le maire « très gentil », Haïat, employée du snack, renchérit derrière son comptoir sur les propos de Karim :
« Je pense que ce sont les médias qui en mettent plein la tête aux gens. Tu mets BFMTV, ça ne parle que de voile islamique. »
À l’hôtel de ville, le maire Fabien Engelmann est confiant, autant sur la pérennité de son mandat que pour son parti :
« On fait ce que les gens demandent. Je pense que notre majorité a participé à augmenter les scores du Rassemblement national. Beaucoup de gens ici vont aller voter Marine Le Pen dimanche. Je garde bon espoir qu’elle dépasse les 50% ici à Hayange »
En 2017, Emmanuel Macron avait renversé la tendance pour remporter le second tour avec 52% des voix exprimées des Hayangeois.
À gauche : Fabien Engelmann, le maire RN de Hayange depuis 2014 dans son bureau. À droite : Les hauts fourneaux de Hayange, fermés il y a plus de dix ans par Arcelor Mittal, font partie du paysage local. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc
Mardi 19 avril, une soixantaine d’éboueurs et de chauffeurs de l’Eurométropole de Strasbourg ont entamé une grève pour obtenir une hausse de leur salaire.
Mardi 19 avril, devant les ateliers de la Ville de Strasbourg dans le quartier de la Meinau, une soixantaine d’éboueurs et de chauffeurs de camions poubelles ont manifesté. À l’initiative de cette grève avec un collègue, l’ancien éboueur et actuel chauffeur David Normand estime que la moitié des véhicules destinés au ramassage des déchets n’ont pas pu sortir au lendemain du lundi de Pâques. Objectif de la mobilisation : obtenir enfin une revalorisation salariale.
Eboueur Photo : LostNCheeseland / FlickR / cc
« Nous sommes payés le 28, et le 11 nous n’avons plus rien »
La cause principale de la grève est le gel du point d’indice des fonctionnaires malgré la hausse perpétuelle des prix, explique l’un des coordinateurs du mouvement. Dans le métier du ramassage des déchets depuis 2005, David Normand déplore son salaire mensuel de 1 700 euros nets par mois : « Mon revenu n’a pas changé depuis 2007 et c’est le cas pour tous les agents. C’est comme ça qu’on a perdu plus de 20% de notre pouvoir d’achat. » Les grévistes demandent donc une augmentation de leur traitement d’au moins 100 euros.
Mike Paul, ancien éboueur et chauffeur depuis sept ans, raconte les difficultés posées par cette baisse de pouvoir d’achat :
« Nous sommes payés le 28 du mois et le 11 nous n’avons plus rien. Dès que nous sommes payés, nous devons payer toutes nos factures. Parfois, nous ne pouvons même pas payer nos loyers à l’heure. 80% de nos agents sont en découvert chaque mois. Nous recevons une prime, mais cela sert juste à payer nos dettes et de nous emmener à zéro. »
« Nous voulons que notre travail soit reconnu »
Les conditions de travail de plus en plus difficiles constituent le deuxième motif principal de cette grève. David Normand précise :
« C’est un travail pénible. Nous commençons à 5h30 chaque matin, le nez dans les ordures. Plus il y a de construction dans cette ville, plus il y a de poubelles. Notre charge de travail augmente alors, mais nos salaires restent les mêmes. Nous voulons que notre travail soit reconnu. »
Faire la grève le jour après les vacances de Pâques était un choix délibéré, comme l’explique Shagir Oumar, éboueur depuis 2008 :
« Nous avons choisi de faire grève aujourd’hui à cause des jours fériés. C’est une semaine particulièrement chargée. Les poubelles ne sont pas collectées pour plusieurs jours, alors il y a plus d’ordures et de cartons. Effectivement, notre travail a doublé cette semaine. »
« Je voudrais faire grève toute la semaine »
Pour certains, la grève n’est pas une option. Plusieurs éboueurs et chauffeurs précaires, en CDD ou vacataires, n’ont pas pu perdre le salaire d’une journée de travail. Pour David Normand, d’autres n’ont pas participé à la mobilisation, expliquant que la grève a été lancée à la dernière minute. « Ce matin encore, nous ne savions pas s’il y aurait assez de personnes pour faire la grève, » explique David Normand. Selon Mike Paul, l’appel a été diffusé par le bouche à oreille et un tract dans les boîtes aux lettres des agents.
Avec le coordinateur du mouvement, l’éboueur espère donc voir plus de grévistes mobilisés à l’avenir. Mercredi 20 avril, la grève a été maintenue. Une rencontre avec un élu de l’Eurométropole de Strasbourg est programmée dans la journée du 21 avril. Mais pour Shagir Oumar, la mobilisation pourrait bien durer si leurs revendications ne sont pas satisfaites : « Je voudrais faire grève toute la semaine pour qu’enfin on obtienne une réponse à notre demande de hausse salariale. »
Depuis janvier 2022, des dizaines de Strasbourgeois éligibles aux Aides personnalisées au logement (APL) n’ont reçu aucun versement. La CAF accuse un retard administratif et assure que tous les versements seront faits avant l’été. Une situation d’attente difficile pour des étudiants et jeunes travailleurs qui dépendent en partie de cette aide.
« Ma situation était déjà tellement stressante. Maintenant, j’ai des problèmes avec mes allocations… », souffle Joana, 23 ans. Vacataire dans les cantines de la Ville de Strasbourg, la jeune travailleuse se prépare à passer un concours pour une école d’éducateurs spécialisés. En plus d’un revenu mensuel de 450 euros, elle a droit à 271 euros d’aides personnalisées au logement (APL) versées par la Caisse d’allocations familiales (CAF). Elle bénéficie aussi depuis décembre 2021 d’une prime d’activité de 206,21 euros, également versée par la CAF. Sauf qu’en mars 2022, Joana se rend compte qu’elle n’a pas reçu ses APL de février 2022 :
« J’ai d’abord pensé que j’avais trop gagné l’année dernière. Mais ce n’est pas possible : je ne gagne même pas un SMIC par mois et je n’ai travaillé qu’à partir de mars 2021. »
Des droits suspendus pour une quittance de loyer manquante
Le 16 mars, après avoir constaté l’absence de versement sur son compte, Joana appelle la CAF du Bas-Rhin pour des explications. L’homme au téléphone se dit « désolé » et lui explique qu’elle n’a pas fourni sa quittance de loyer de juillet 2021. Elle assure ne pas avoir été prévenue que son dossier était incomplet et que sa propriétaire ne l’a pas été non plus :
« Quand j’ai vu sur mon compte CAF que je n’avais pas reçu mes droits, j’ai appelé ma propriétaire. Elle m’a dit que c’était bizarre, parce qu’elle n’avait rien reçu concernant cette quittance de loyer. Elle leur a amené en personne ce papier le 18 mars. »
Huit jours plus tard, n’ayant toujours pas reçu ses APL, Joana rappelle la CAF du Bas-Rhin pour savoir où en est son dossier. Au téléphone, on lui assure que le dossier est en train d’être traité, mais avec un retard « de quatre mois » :
« J’étais un peu surprise, j’ai expliqué que si jamais je perdais mon statut de vacataire entretemps, je n’avais pas de chômage et donc que je ne pourrai plus payer mon loyer. Ils m’ont redit qu’ils étaient désolés et qu’ils avaient du retard. »
« On s’est dit que c’était un bug »
Joana est loin d’être la seule dans ce cas. Depuis le début de l’année, des dizaines de Strasbourgeois se plaignent de n’avoir pas reçu leurs aides au logement de la CAF. Rue89 Strasbourg a créé un post Facebook sur le groupe public « Etudiants de Strasbourg » pour centraliser les témoignages sur les retards d’APL. Le post a reçu 80 commentaires en une semaine. Parmi eux, cinq témoignages évoquent aussi un retard d’APL à cause d’une quittance de loyer de juillet 2021 manquante.
Certains ont finalement reçu leurs APL, après un mois de retard. Solène est en master a Strasbourg et elle n’avait reçu son versement de 175 euros d’APL de février qu’en mars pour cette raison :
« D’habitude je reçois toujours l’argent le 5 février, là je n’ai rien eu. Plusieurs de personnes ont eu le même problème, on s’est dit que c’était un bug. Mais le 5 mars je n’avais toujours rien reçu. On a appelé la CAF mais c’était très difficile de les avoir. Ils m’ont finalement dit que c’était à cause de la quittance de loyer de juillet 2021. Mon proprio était surpris parce qu’il n’avait pas du tout eu de courrier de la CAF, il a dit que ce n’était pas normal. »
Des mesures d’allègement levées à la CAF après la crise sanitaire
Contactée, Karine Auguy, directrice adjointe du service d’aide allocataire à la CAF, assure que « ce n’est pas une anomalie » :
« Le renouvellement des droits de l’allocataires en janvier 2022 prend toujours en compte la quittance de loyer de l’année précédente. Donc pour janvier 2022, le renouvellement des droits se fait à partir de la quittance de juillet 2021. Cette année, la CAF du Bas-Rhin comptait environ 3000 comptes allocataires concernés par une quittance de loyer manquante. »
Selon Karine Auguy, si autant de personnes n’ont pas fourni cette quittance de loyer, c’est parce qu’elle n’était plus obligatoire pendant la crise sanitaire et que certains propriétaires l’ont oubliée :
« Les deux années précédentes, des mesures d’allègement ont été prises dans l’accès aux droits. En 2020 et en 2021 lorsque l’on n’obtenait pas la quittance, on était autorisé à reprendre le loyer de l’année passée pour le calcul des droits. Mais cette dérogation n’a pas été reconduite en 2022. Donc certains découvrent peut-être cette année que cette quittance de loyer doit être fournie. »
Un rattrapage des aides avant la fin du mois, selon la CAF
Karine Auguy affirme que les propriétaires ont été relancés quatre fois par mail et une fois par lettre. Elle ajoute qu’une ultime relance a été faite en janvier 2022, par sms cette fois, aux locataires. Les personnes interrogées affirment avoir bien reçu un sms. En revanche, les locataires assurent que leurs propriétaires n’ont pas reçu de relance. Aucun des propriétaires n’a souhaité répondre à Rue89 Strasbourg.
Pourtant, lorsque Joana regarde sur son compte CAF, le suivi des droits affiche que les demandes actuellement traitées sont celles arrivées entre le 30 décembre 2021 et le 7 janvier 2022. La quittance de loyer vient à peine d’être prise en compte par le logiciel. En attendant, la jeune vacataire jongle :
« J’ai de l’argent de côté et je travaille donc j’ai assez pour payer mon loyer. Aussi mon père m’aide un petit peu, heureusement. Mais vu qu’ils ont besoin de moins de gens à la cantine avec la levée des restrictions sanitaires, je vis une situation hyper délicate. »
Pour les dossiers ayant été régularisés en mars, Karine Auguy se veut rassurante :
« Les allocations en suspens à cause de quittances de loyer manquantes font partie de nos traitements prioritaires. Nous n’attendrons pas le 5 du mois prochain, normalement si la quittance a été envoyée en mars les allocataires pourront recevoir leurs APL dès avril. De plus, les droits sont rétroactifs, ils recevront donc toutes les allocations des mois manquants. »
Karine Auguy, directrice adjointe du service d’aide allocataire à la CAF, déplore environ 3000 comptes allocataires concernés par une quittance de loyer manquante. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc
Des délais de plusieurs mois pour des changements de CAF
Quatre autres témoignages récoltés par Rue89 Strasbourg font état de plusieurs mois de retard lors de déménagements. Pour continuer à bénéficier de leurs droits en changeant d’adresse, les allocataires doivent effectuer un transfert du dossier de l’ancienne CAF à la CAF de la nouvelle zone de résidence. C’est ce qu’a fait Erica (prénom) lorsqu’elle a déménagé du Nord en août pour continuer ses études de géomatique à Strasbourg :
« J’avais d’abord reçu mes 174 euros d’APL en août mais la CAF n’a pas pris en compte le déménagement dans mes droits, alors j’ai dû les rembourser. En septembre j’ai fait ma demande d’APL à la CAF du Bas-Rhin pour ma nouvelle résidence étudiante à Strasbourg. »
Fin septembre 2021, elle reçoit un courrier de la CAF lui demandant des pièces complémentaires, notamment un titre de séjour. N’ayant toujours rien reçu en janvier 2022, Erica repasse un coup de fil le 28 janvier 2022 :
« Ils m’ont juste dit que mon dossier était en cours de traitement. Là en avril, je n’ai toujours rien reçu depuis septembre. Je n’ai pas pris le temps de les rappeler parce que leurs permanences se font de 13h jusqu’à 16h, en général je suis en cours. »
Besoin d’une « meilleure communication »
Emilie a vécu la même chose quand elle a déménagé de Strasbourg pour rejoindre la Seine-Saint-Denis fin août. Depuis sa première demande en septembre 2021 et malgré plusieurs relances de la CAF via l’assistant virtuel de l’application, elle n’a toujours pas reçu de virement. Le site indique toujours que sa demande a été traitée le 10 février 2022 :
« Là on est en avril, je n’ai rien eu du tout. J’avais droit à 220 euros d’APL. La personne qui habitait dans mon logement actuel avant moi avait le droit aux APL. Ils sont bien marrants mais le 10 février cela correspond au moment où ils m’ont demandé les documents supplémentaires et ça n’a pas bougé depuis. »
Karine Auguy de la CAF du Bas-Rhin admet que les délais de traitement sont assez longs pour les déménagements :
« Il est vrai qu’en ce moment nous avons des délais de traitement (d’environ quatre mois, NDLR). Ce que peuvent faire ceux qui déménagent en dehors du Bas-Rhin, c’est relancer la nouvelle CAF où ils habitent. Force est de constater qu’en ce moment, à la CAF du Bas-Rhin, on n’arrive pas non plus à traiter ces demandes. On a des règles de priorité par rapport aux minima sociaux par exemple. C’est donc très compliqué de donner une information personnalisée et on ne peut pas prévoir les délais. »
Emilie, comme Erica et les autres, regrette un manque de clarté de la CAF :
« Je suis en alternance donc je pensais mettre de l’argent de coté et je me retrouve à piocher sur mes économies. Les loyers ici sont très chers. Ce qui serait bien c’est qu’il y ait une meilleure communication, je veux bien qu’à la CAF ils soient overbookés… mais je ne suis pas dans une situation très confortable non plus. »
Rue89 Strasbourg est habilité depuis janvier à recevoir et publier des annonces judiciaires et légales. Cet ancien dispositif d’aide à la presse est largement contestable et souvent détourné mais il est désormais possible d’en faire profiter la seule rédaction d’investigation locale.
Lorsqu’une entreprise déménage ou change ses gérants, elle doit en informer le public. Depuis des siècles, les journaux sont utilisés pour diffuser ces informations sur la vie des entreprises, à destination notamment de leurs fournisseurs, leurs clients, etc. Depuis 1955, les entreprises doivent publier ces insertions dans des journaux habilités, en payant une sorte de taxe assez chère, de l’ordre de 150€ pour quelques lignes.
Classified Photo : Nicolas Nova / Rue89 Strasbourg / cc
Les progrès dans la diffusion de l’information à l’ère d’Internet n’ont pas entamé le marché des annonces légales, devenu au fil des années une rente importante de la presse quotidienne et hebdomadaire, aux dépens des entreprises et surtout des plus petites d’entre elles.
Cette mesure d’aide à la presse constitue parfois la principale ressource de certains journaux, comme l’Ami du peuple en Alsace par exemple. Certaines annonces, en raison de leur longueur, peuvent coûter plusieurs milliers d’euros aux entreprises et aux institutions qui les commandent, sans qu’elles ne puissent s’y soustraire.
Longue bataille pour la presse en ligne
Le syndicat de la presse indépendante (Spiil), dont Rue89 Strasbourg est membre, a bataillé pendant plusieurs années pour que cette mesure soit applicable à la presse en ligne, ce qui est le cas depuis 2020, tout en dénonçant son caractère obsolète et contraignant. Immédiatement, de nouveaux médias en ligne ont été créés, reprenant à la chaîne et automatiquement des informations déjà publiées partout et proposant comme modèle économique de… publier des annonces légales.
Cette taxe déguisée en faveur de la presse reste largement contestable mais puisqu’elle existe, nous estimons que son produit devrait plutôt aller aux médias qui produisent de nouvelles informations et emploient des journalistes de terrain. C’est pourquoi nous avons réalisé les démarches nécessaires, et notamment une certification de notre audience, pour pouvoir recevoir et publier à notre tour ces fameuses annonces légales pour le département du Bas-Rhin.
Si vous êtes dirigeant d’entreprise, experte-comptable, notaire, huissier ou avocate, pensez à Rue89 Strasbourg pour vos annonces judiciaires et légales. Les tarifs étant règlementés nous ne sommes pas plus chers que d’autres mais grâce à notre partenaire, MonAnnonceLégale, une relecture systématique par un formaliste est réalisée pour chaque annonce.
La Nouvelle Acropole tient des « écoles de philosophie pratique » dans plusieurs villes, dont Strasbourg. Mais l’association a été mentionnée dans l’état des lieux du ministère de l’Intérieur sur les dérives sectaires et elle est accusée de prosélytisme, d’emprise mentale et de dérives autoritaires . . .
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Des travailleurs sociaux, des usagers des structures, des étudiants de l’école de l’intervention sociale, et des formateurs ont défini les statuts, le 19 mars, de « Social à venir ». L’association projette notamment de dialoguer avec les conseils d’administration d’associations et avec les élus pour contrer le manque de moyens et les dysfonctionnements de nombreuses structures.
Thierry Goguel d’Allondans est le président de l’association « Social à venir », fondée le 19 mars. Son but : proposer des solutions concernant les associations et autres structures d’aide sociale, en dialoguant avec les élus et les institutions locales. L’association réunit aujourd’hui des travailleurs sociaux, d’anciens formateurs de l’école du travail social de Strasbourg (ESEIS), des usagers ou encore des chercheurs.
D’après Thierry Goguel d’Allondans, ancien éducateur spécialisé, formateur à l’ESEIS et syndiqué à la CGT, « Social à venir souhaite être une force de proposition à l’échelle locale ». Entretien.
Rue89 Strasbourg : Très concrètement, comment espérez-vous avoir de l’impact avec Social à venir ?
Thierry Goguel d’Allondans : Nous ferons en sorte d’être repérés comme une force de proposition. Pour cela, nous nous tiendrons à disposition des conseils d’administration des associations, dont nous essayerons probablement de nous rapprocher. Nos recommandations se feront au cas par cas. Nous pourrons par exemple demander plus de moyens ou donner des conseils sur le fonctionnement.
Par exemple, souvent dans les associations, les décisions sur l’organisation sont déconnectées du terrain et inopérantes. Moi je pense qu’il faudrait que les travailleurs sociaux aient plus d’impacts sur les décisions grâce à un management plus horizontal. Nous comptons devenir un acteur incontournable du travail social dans le Bas-Rhin, voire dans le Grand Est.
« Demander des rendez-vous avec les élus »
Et puis nous projetons, ces prochains mois, de demander des rendez-vous avec des élus comme Frédéric Bierry (le président LR de la Collectivité européenne d’Alsace, en charge notamment de la protection de l’enfance, NDLR), ou Jean Rottner (Le président LR de la Région Grand Est, qui finance l’ESEIS et des structures médico-sociales, NDLR). C’est eux qui décident des budgets et parfois même du fonctionnement des structures. Globalement, nous souhaiterions être inclus dans les réflexions sur les politiques sociales.
Thierry Goguel D’Allondans. Photo : remise
Pourquoi seriez-vous entendus ?
En communiquant dans les réseaux de travailleurs sociaux, nous visons 1 000 adhérents. Notre association comportera aussi un comité scientifique et éthique, composé de penseurs du travail social comme les auteurs Jean-François Gomez et Joseph Rouzel. Enfin, nous serons composés de cinq collèges : celui qui regroupera certainement le plus de monde sera destiné aux travailleurs sociaux.
Des employés de centres socio-culturels, de l’association Ithaque, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), de foyers, d’instituts médicoéducatifs (IME), ou encore des assistantes sociales du département nous ont rejoints. Il y aura aussi un collège d’usagers de l’intervention sociale : des membres du refuge des oubliés et de la maison Mimir font déjà partie de l’association. Enfin, il y aura un collège pour les étudiants du travail social, un collège pour les formateurs et un collège pour la société civile.
Le 1er février, 800 travailleurs sociaux ont manifesté à Strasbourg. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« Les victimes principales sont les usagers »
Ce que nous proposerons sera influencé à la fois par les 5 collèges et par le comité scientifique et éthique. Nous espérons que cela nous donnera suffisamment de poids pour être écoutés. D’autant plus que nous sommes dans une démarche de proposition, avec beaucoup de bonne volonté et des gens très compétents. Pourquoi refuser nos services ?
Qu’est ce qui a motivé, précisément, la création de Social à venir ?
Il s’agit à la base de la réunion de travailleurs sociaux mécontents de l’évolution du secteur, de la formation jusqu’au terrain.
L’assemblée constituante a eu lieu le 19 mars dans les locaux de l’association Ithaque. Photo : remise
Nous avons été rejoints par des personnes des différents collèges, tous persuadés que le secteur doit radicalement changer, vu la situation dans de nombreuses structures qui présentent des logiques très gestionnaires avec des restrictions budgétaires importantes, des salariés souvent en sous-effectif, qui souffrent de ne pas pouvoir faire leur travail, qui sont parfois en danger à cause de cela, et avec des salaires proches du SMIC.
Et bien-sûr, les victimes principales sont les usagers, les enfants dans les foyers, les sans-abris, et toutes les personnes bénéficiaires d’interventions sociales. Ce n’est pas une fatalité, il faut que cela change. Nous tendons une perche aux élus car nous pouvons tout à fait trouver les solutions.
Selon Gwen, à cause du manque de personnel, les enfants peuvent se mettre en danger dans sa structure. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Après le score décevant du candidat d’Europe Écologie-Les Verts, le politiste Bruno Villalba, auteur de « L’Écologie politique en France », expose les raisons pour lesquelles le parti reste en difficulté lors des élections décisives pour le pouvoir national.
Une « construction délicate » au service d’une « identité spécifique ». Voilà les termes utilisés par le politiste Bruno Villalba, professeur à AgroParisTech, pour parler de l’écologie politique en France, à laquelle il a consacré une récente synthèse publiée
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Ils sont les vieux, les seniors, et ils sont invisibles, cloitrés dans les Ehpad de Strasbourg.Nous sommes allés les rencontrer pour prendre de leurs nouvelles et leur tirer le portrait.
En mars 2020, le Covid et le confinement avaient ouvert une fenêtre sur les conditions de vie en Ehpad et en maison de retraite des personnes âgées. En mars 2022, le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, a mis en évidence la gestion infamante des établissements gérés par Orpea.
Entre ces deux événements, en 2021, nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs résidents d’Ehpad strasbourgeois. Parcours de vie truculents ou paisibles, intérieurs kitsch, surprenants ou simples : ces femmes et un homme ont accepté de se confier. Une partie de cette mosaïque est publiée ici et rappelle la singularité de ceux qu’on désigne souvent par le troisième âge, les vieux, etc.
Marie-Thérèse Defontaines
Coquette et loquace, Marie-Thérèse Defontaines est une figure dans sa maison de retraite, où elle est élue au conseil des résidents. Elle considère même l’animatrice « comme sa fille », et elle est de toutes les sorties. Mère de deux fils, trois fois grand-mère, elle a exercé plusieurs emplois avant de faire carrière dans le milieu de la publicité. Ses agendas sont griffonnés d’événements du quotidien : rien n’échappe à son attention.
« Quand j’ai divorcé, il y a eu des problèmes. J’ai récupéré mon deuxième fils quand il avait 16 ans. Jusqu’à 29 ans, il est resté avec moi ! C’était un Tanguy ! Après, il a travaillé à Paris. C’était un beau garçon ! Puis bon, je n’ai plus trop de nouvelles maintenant… »
Odile Henry
Orpheline, Odile Henry a passé son enfance dans les Vosges auprès de ses parents adoptifs. À l’adolescence, elle entre dans une usine de tissage, puis elle est embauchée par un industriel pour s’occuper des enfants. À 21 ans, elle apprend l’existence de sa sœur aînée et la rejoint à Nancy. C’est à un bal du 14-Juillet qu’elle rencontre son mari. Ils auront ensemble trois enfants et une famille très soudée. Désormais veuve, elle continue de poser un regard doux sur la vie et les gens.
« On a été mariés 54 ans, et c’était 54 ans de bonheur. On se disait tout le temps qu’on s’aimait, il ne faut pas avoir peur de le dire. Ici, je suis bien, je termine bien ma vie, je n’ai pas à me plaindre. Mais j’aurais aimé finir ma vie avec lui, on s’entendait vraiment bien. C’est ce qui me manque le plus. »
Marie-Thérèse Erat
Avec une voix espiègle de jeune fille, Marie-Thérèse Erat raconte… Sa vie à l’Esplanade, ses petits boulots de vendeuse, ses frères disparus pendant la guerre, ses petits-enfants qui font de longues études « alors que ça ne sert quand même à rien ». Quand ses enfants étaient plus jeunes, malgré les journées bien remplies de chacun, les repas étaient toujours pris en commun à la table familiale. Son mari est décédé des suites d’un AVC il y a un peu moins de 10 ans. Elle est restée très proche de son fils et de ses deux filles.
« À ma table ici, il y a une personne en fauteuil roulant… Elle ne voit plus et elle n’entend presque plus, mais on se comprend quand même et on arrive encore à rire ensemble. Mais pour faire votre photo, je ne vais pas rire, non ! »
Raymond Thomas
Raymond Thomas peine à résumer sa vie, entre ses exploits sportifs — il est toujours champion de France en handball à l’époque où il se jouait à 11 contre 11, une combinaison interrompue juste après le titre de son équipe ! —, son épouse adorée et fort regrettée, sa carrière aux cent rebondissements menée dans les tanneries… Tant d’aventures lui laissent finalement un arrière-goût un peu amer, maintenant qu’il faut s’adapter au rythme plus lent de la vie en Ehpad et aux petites misères de l’âge. Pour garder une trace de son parcours haut en couleurs, il a écrit un livre il y a une quinzaine d’années, qu’il n’a pas souhaité faire publier.
« Chez Costyl Tanneries de France, on m’avait confié les exportations vers les pays de l’Est. À ce moment là, on était tous partis dans le Sud-Ouest de la France. Je ne sais pas combien de fois j’ai passé le checkpoint Charlie à Berlin. Imaginez un peu : passer du climat et de l’ambiance du Sud-Ouest à l’ambiance des agents du bloc Est… C’était quelque chose ! »
Lydie Pfanner
Lydie Pfanner n’a pas laissé la vie décider pour elle. Après une enfance passée en Moselle, avec neuf frères et sœurs, et « entre quatre usines », elle a quitté son mari à une époque où ça n’avait rien de courant. Venue trouver refuge à Strasbourg, elle y a élevé seule ses trois enfants, dans la joie malgré les difficultés. De mains tendues en petits boulots, elle a pu gagner son indépendance. Elle est ensuite devenue agent de service à l’hôpital, au sein d’équipes soudées, bien au-delà des barrières hiérarchiques. Un esprit d’entraide qu’elle a retrouvé également dans le quartier de la Meinau, où elle a vécu de nombreuses années.
« Je me suis mariée une deuxième fois, à l’âge de 72 ans. Il était beaucoup plus âgé que moi, alors je n’ai vécu que quatre ans avec lui. On a eu un grand bonheur ensemble. Quand il est décédé, j’ai décidé de venir ici. »
Suzanne Germain
Suzanne Germain est une femme énergique, qui aime plaisanter et ne s’en laisse pas compter. Mais c’est en pleurant qu’elle parle de Marguerite, une amie d’enfance atteinte de la maladie d’Alzheimer, à qui elle a rendu visite tous les jours jusqu’à son décès. Elle a d’ailleurs choisi de reprendre la chambre de cette dernière à la maison de retraite, où elle vit des jours heureux et n’hésite pas à aider les résidents moins autonomes. Prendre soin des autres semble en réalité être dans sa nature : Mme Germain a passé plus de trente ans à s’occuper de jeunes enfants dans une crèche strasbourgeoise, après le décès prématuré de son premier mari. Ses trois enfants sont aujourd’hui aux petits soins pour elle.
« Je dis souvent à mes enfants : j’étais toute seule avec vous, je n’avais pas le temps de dire « oh mes enfants ! » et tout le tralala. Tandis que mes petits-enfants… alors là ! Ils sont ma raison de vivre, je ne pourrai pas être sans eux ! »
Marie-Thérèse Bech-Klein
Atteinte de différentes pathologies, physiques et mentales, Marie-Thérèse Bech-Klein ne parvenait plus à rester seule dans son appartement. Sur les conseils de sa famille, elle est entrée en maison de retraite dès l’âge de 63 ans. Plus jeune, elle a travaillé chez Zeiss, un fabricant de verre et de lentilles, à la Meinau, puis son mari lui a demandé de se consacrer à l’éducation de ses enfants. À la mort de ce dernier, alors que les enfants étaient adolescents, Mme Bech-Klein s’est accrochée pour gagner sa vie. Son fils est décédé dans un accident de poids lourd, mais elle a de bonnes relations avec sa fille. Aujourd’hui, son moral connaît des hauts et des bas, mais elle apprécie l’ambiance de la maison de retraite.
« Je suis une des seules à avoir encore une voiture. C’est une Fiat 500, facile à garer. Je fais des petits trajets vers Illkirch, Eschau ou Plobsheim pour rendre visite à des amis. Je vais aussi chez les beaux-parents de ma fille quand ils gardent les petits, comme ça on passe un peu de temps ensemble. »
Lucie Knab
Après son mariage, Lucie Knab s’est installée à Neudorf avec son mari. Elle s’est occupée de ses deux enfants et a aidé une voisine… La vie a passé tranquillement, jusqu’à la mort de son époux : Lucie Knab est alors retournée dans son village natal, où son frère et ses parents habitaient toujours, et a retrouvé la ferme familiale. En 2018, elle a finalement laissé la maison à l’une de ses neuf petites-filles pour s’installer dans une maison de retraite à deux pas du travail de sa fille, qui vient la voir régulièrement.
« Les parents ne doivent pas rester chez les jeunes, les jeunes, ils veulent être heureux. Moi aussi, j’ai aimé être seule. Mais à la fin chez moi, j’avais peur la nuit… mais la nuit, on devrait dormir, pas avoir peur. Alors je suis venue ici. Ici ça me plaît, on se réunit, on se connaît. »
Yvette Fischbach
D’abord enseignante d’allemand, Yvette Fischbach a eu une seconde carrière de « censeur », (proviseure adjointe) dans le Nord et à Paris. C’est au moment de la retraite qu’elle a déménagé à Strasbourg. Son mari, lui, n’a jamais pu retrouver son Alsace natale : il est décédé juste avant le déménagement. Pour ne pas sombrer dans la solitude, Yvette Fischbach s’est inscrite à un club de marche où elle a tissé des liens solides. Des problèmes de santé l’ont incitée à entrer en Ehpad.
« J’ai habité à la Krutenau, et jusqu’à au moins 85 ans je faisais tout à pied. Mon mari avait choisi l’appartement, un duplex entièrement dans le toit, inondé de soleil. Maintenant, c’est inoccupé, il va falloir que m’en débarrasse… Je n’y retournerai pas, à quoi bon le garder… »
Derrière sa fade campagne, la candidate d’extrême droite défend un programme brutal, profondément xénophobe et autoritaire, qui mettrait la France au ban des démocraties européennes.
Sourire, en toute circonstance, et mesurer chacun de ses mots en public. Dans cette campagne qu’elle a voulue « de proximité », et centrée sur le pouvoir d’achat, Marine Le Pen a joué la contre-programmation. Attendue sur les thématiques habituelles de l’extrême droite – immigration, insécurité, islam –, la candidate du Rassemblement national (RN . . .
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Après avoir suivi l’éducation à Mediapart quelques années, et après une année passée aux Etats-Unis, je suis désormais les recompositions à droites. Auparavant, j’ai couvert l’actualité sociale et économique dans différents titres.
De nombreux électeurs insoumis, majoritaires à Strasbourg, hésitent entre voter Macron à contre-cœur au second tour, pour faire barrage à l’extrême-droite, ou s’abstenir. Nous donnons la parole à certains d’entre eux, notamment des personnes issues de l’immigration ou queer, plus impactées par le programme de Marine Le Pen.
« Cette fois, ça craint vraiment. » C’était la une de Libération lundi 11 avril, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Selon les premiers sondages, l’extrême-droite pourrait remporter l’élection suprême en France. Jean-Luc Mélenchon étant arrivé en troisième position avec plus de 20% des voix, le choix de ses électeurs risque de déterminer qui gagnera le match Macron-Le Pen. Pour connaître l’avis de ses militants, la France insoumise (LFI) a lancé une consultation interne, destinée aux 315 000 personnes qui ont parrainé Jean-Luc Mélenchon sur le site de l’Union populaire. Trois possibilités : l’abstention, le vote blanc ou le vote pour le président sortant. Le consultation finira samedi 16 avril à 20h.
Le nouveau discours d’Emmanuel Macron vers la gauche
De son côté, Emmanuel Macron a subitement adapté son discours, en valorisant des mesures sociales et écologistes, notamment lors de son meeting à Strasbourg mardi 12 avril. Le mercredi, au journal de 20h sur TF1, il annonçait carrément vouloir reprendre des mesures des programmes de Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot. « Je n’y crois pas une seule seconde », balaye Aïcha, travailleuse sociale qui a voté insoumis au premier tour :
« Macron est un extrême libéral. Pendant son quinquennat, il a mis en place de nombreuses réformes anti-sociales et pour les plus riches : la réforme de l’assurance chômage, la suppression de l’impôt sur la fortune, il a poursuivi la casse de l’hôpital public avec des suppressions de lits. Dans son programme, il veut la retraite à 65 ans et la conditionnalité du RSA. »
« Sa politique a été un désastre pour l’environnement aussi. L’État français a été condamné deux fois pour inaction climatique », abonde Tom, militant d’Alternatiba : « On a même décroché ses portraits des mairies. Ça fait des années qu’on lutte contre lui ! » Rue89 Strasbourg a interrogé neuf électeurs strasbourgeois de Jean-Luc Mélenchon. Beaucoup se disent « désespérés » ou « extrêmement déçus et en colère » après le résultat du premier tour. Cinq d’entre eux pensent mettre un bulletin Macron dans l’urne, pour faire barrage à l’extrême-droite, tout en restant contre le programme de La République en marche (LREM). Parmi les autres, trois s’abstiendront et le dernier hésite encore.
« Nous serons en première ligne dans les quartiers populaires si l’extrême droite passe »
Hamed, qui travaille au centre socio-culturel de la Meinau, votera contre Marine Le Pen :
« Je rejette la politique anti-sociale de Macron. Mais une politique libérale et une politique d’extrême droite ne sont pas équivalentes. Il ne faut pas perdre la raison à cause de notre déception. Nous serons en première ligne dans les quartiers populaires si l’extrême droite passe.
Avec un régime autoritaire, encore plus stigmatisant pour les immigrés et les enfants d’immigrés, et une police en roue libre, ça sera catastrophique pour nous. C’est plus facile de refuser le barrage à l’extrême-droite quand on s’appelle Stéphane ou Jean-Jacques. »
Pour Hamed Ouanoufi, les quartiers populaires seront davantage impactés par Marine Le Pen que par Emmanuel Macron. Photo : remise
Aïcha, elle, refuse pour l’instant, de « donner sa voix à Macron » :
« Il a sorti la loi contre le séparatisme et la loi asile et immigration. La première est islamophobe et la deuxième est contre les réfugiés. Il a nommé Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, qui a dit à Marine Le Pen qu’elle est « trop molle ». Je ne suis pas plus rassurée avec Macron. »
Ne pas mettre son âme dans l’enveloppe
Pour Tom, d’Alternatiba, Marine Le Pen (RN) est en lien avec le gouvernement hongrois. « On voit bien ce qu’il se passe là-bas », dit-il. Le parlement a par exemple voté une loi anti-lgbt, qui interdit notamment de parler d’homosexualité et de changement de sexe auprès des mineurs. Il a aussi mis en place des mesures pour contrôler les médias, construit un mur anti-immigration à la frontière avec la Serbie ou réduit le rôle de la Cour constitutionnelle. Le militant écologiste souligne au passage l’absence totale de mesures pour le climat et la biodiversité de Marine Le Pen. Il ajoute :
« Je pense qu’il faut désacraliser le vote, je ne mets pas mon âme dans l’enveloppe, je vois ça comme un outil. Je voterai, en me bouchant le nez, contre l’extrême droite. De toute façon, l’issue politique ne se trouve pas dans les urnes mais dans les luttes. Militer sous Macron, c’est déjà très dur, on a vu la répression des mouvements sociaux, mais je pense vraiment que sous Le Pen ça serait encore bien plus dangereux. »
Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête à Strasbourg. Ses électeurs peuvent faire basculer l’élection présidentielle. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg
Selma, qui se définit comme queer (mot désignant l’ensemble des minorités sexuelles et de genre, NDLR), votera aussi Macron, mais constate que beaucoup autour d’elle hésitent à faire barrage à l’extrême-droite :
« En même temps, je les comprends, parce qu’on n’en peut plus de Macron, mais il y a aussi des moments où ça me met en colère. J’ai l’impression qu’il y a une hypocrisie des militants qui disent être les alliés des minorités, mais qui, comme ils sont moins concernés par les politiques d’extrême-droite, ne veulent pas faire barrage. Les gens qui appellent à s’abstenir après avoir voté Mélenchon, je ne suis pas sûre qu’ils aient des sans-papiers ou des personnes trans dans leur entourage par exemple. »
Le passif de Marine Le Pen envers les minorités sexuelles
Marine Le Pen a pris soin de ne faire aucune déclaration sur les questions LGBT pendant sa campagne. Dans son programme, au volet « famille », elle promet un « moratoire de trois ans sur les sujets sociétaux ». Elle a toujours voté contre la PMA pour toutes à l’assemblée. Mais ce passif n’a pas encore convaincu Laurent, gay, de voter Macron, qu’il voit comme « un extrémiste, un ultralibéral, qui veut quand même avoir l’air progressiste » :
« Macron fait du pink-washing (mettre en avant la cause LGBT mais sans vraiment agir, NDLR), mais je pense que les répercussions pour les minorités de genre pourraient être encore plus graves avec Le Pen au pouvoir. Je suis désespéré, je ne sais pas encore si j’irai voter. Mais je me dis que c’est peut-être parce que je suis blanc et donc privilégié par rapport à d’autres. »
Le choix dans l’isoloir s’annonce difficile pour certains électeurs dimanche 24 avril Photo : Rue89 Strasbourg
La colère face aux difficultés économiques
Samten a fait barrage en 2017. Il ne le fera pas cette fois-ci. Photographe de profession, il est au chômage aujourd’hui, « victime de l’ubérisation de sa profession » :
« Il y a des plateformes de photographie qui permettent d’acheter des prestations à prix réduits. C’est ça le système Macron, c’est une violence sociale immense. Même si je sais que Le Pen est encore pire, je ne voterai pas. Je me dis que c’est possible de la contrer aux législatives, et que peut-être que les mouvements sociaux seraient plus forts contre elle. »
Nicolas, militant anarchiste, ne participe pas aux élections d’habitude. Mais face à la difficulté d’avoir des impacts concrets avec les luttes sociales pendant le quinquennat Macron, il a décidé de voter Mélenchon, espérant avoir un gouvernement de gauche, plus à l’écoute des militants :
« Je pense que c’est un jeu dangereux de parier sur le passage de Le Pen et des mouvements sociaux plus forts. La matrice idéologique du rassemblement national, c’est le fascisme. Là où il est installé, en Russie ou en Hongrie par exemple, c’est beaucoup plus dur de lutter. C’est pire pour les droits syndicaux, il y a énormément de répression. Et puis, on peut imaginer que l’élection du RN envoie un très mauvais signal qui conforterait les groupes néonazis violents, et leur donnerait envie d’agir encore plus. »
Valentine, bénévole au Planning familial, fera certainement barrage à l’extrême droite. Photo : remise
Mais pour Nicolas, Marine Le Pen a peu de chance de passer. Il ne se déplacera pas pour voter pour le second tour, fidèle à ses principes : « En tant que militant, j’en ai trop bavé avec Macron. La politique pour moi, ce n’est pas jouer le jeu des élections une fois tous les cinq ans, mais c’est tout le temps, dans les luttes sociales. » Ou bien, il utilisera la plateforme alter-votants, qui le mettra en relation avec une personne n’ayant pas le droit de vote, pour mettre un bulletin dans l’urne à sa place.
Au contraire, Valentine, féministe et bénévole au planning familial, pense voter Macron, à contrecœur :
« Sur le coup de l’émotion, je me suis dit que je ne voterai pas après le premier tour. Les associations comme la mienne sont menacées par l’extrême-droite. Je veux pouvoir avorter en France. (Certains élus du Rassemblement national ont déjà pris position pour supprimer les subventions du Planning familial et en février dernier, Marine Le Pen s’est opposée à l’allongement du délai légal pour l’IVG, NDLR) En étant blanche, j’ai l’impression que cela serait égoïste de ne pas faire barrage, pour les personnes plus menacées que moi. »
Enfin Ourida, qui a peur pour elle et ses amis d’origine étrangère, en particulier ceux qui « n’ont pas les bons papiers », comprendre menacés d’expulsion, votera Macron : « Marine Le Pen veut durcir la possibilité d’obtenir l’asile en France et amoindrir les prestations sociales pour les étrangers. Et puis on ne sait pas tout sur ce qu’elle fera si elle est au pouvoir, avec des ministres et un entourage durs. »
Pour Hamed, du CSC de la Meinau, « vu la situation, le mieux c’est de rester lucide malgré la déception, faire barrage à l’extrême-droite, et ensuite, faire un front social contre Macron aux élections législatives pour l’empêcher d’avoir la majorité à l’assemblée. C’est jouable si les Insoumis œuvrent dans ce sens là ». Tout un projet. Une pétition citoyenne lancée le 12 avril demande une union des gauches et de l’écologie pour les législatives.