Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le maire de Saint-Dié fait exploser la facture d’eau de deux communes et baisse celle de ses administrés

Le maire de Saint-Dié fait exploser la facture d’eau de deux communes et baisse celle de ses administrés

Depuis 2016, le traitement des eaux usées de deux communes voisines de Saint-Dié coûte beaucoup plus cher. Cette augmentation, à l’initiative du maire de Saint-Dié, David Valence, a participé à faire baisser le prix de l’eau… à Saint-Dié, une promesse électorale. Enquête sur d’étonnants vases communicants . . .
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#assainissement#David Valence#Suez

Mis en danger par leurs conditions de travail, des livreurs d’Amazon à Strasbourg se mettent en grève

Mis en danger par leurs conditions de travail, des livreurs d’Amazon à Strasbourg se mettent en grève

Jeudi 9 juin, une vingtaine de chauffeurs de Fast Despatch Logistics, un sous-traitant d’Amazon à Strasbourg, se sont mis en grève pour protester contre des retards de salaires depuis près de trois mois et contre leurs conditions de travail.

Jeudi 9 juin au matin, dans le hangar à véhicules de la société à la Meinau, ils sont plusieurs livreurs à discuter avec leur manager. Depuis trois mois, les retards de paiement de salaire s’accumulent. « On est censé être payé entre le premier et le cinq du mois et toujours rien », s’exaspère l’un d’eux. Sous la pression des employés, qui ont refusé de livrer les colis prévus ce jour-là, le manager cède et promet un virement à chacun. Une nouvelle promesse qui ne calme pas la colère des chauffeurs. « Si demain (vendredi), on n’a rien reçu, on se mobilisera de nouveau », clame un autre salarié.

Une vingtaine de livreurs ont fait grève chez un sous-traitant d’Amazon (Photo Nicolas Dumont / Rue89 Strasbourg / cc)

En plus des retards de salaire, deux primes ont été supprimées. La « prime véhicule » était versée si le matériel n’était pas dégradé après usage. La « prime performance » récompensait des livraisons dans les temps prévus. Les montants des deux primes cumulés représentent environ 200 euros bruts par mois, une perte importante sur des salaires allant de 1 200 à 1 400 euros nets par mois. Les livreurs se plaignent également d’heures supplémentaires non payées ainsi que du non-remboursement des abonnements aux transports en commun. « Il y a un collègue qui vient de Sélestat. Même après avoir envoyé ses factures, il n’a pas été dédommagé alors que l’entreprise s’était engagée à le faire, » précise l’un d’eux.

Une fois le salaire perçu, ils sont nombreux à devoir acheter, à leurs frais, l’équipement nécessaire à leur travail. Gilets fluorescents de sécurité, chaussures de protection ou bien trousseaux de clés pour les boîtes aux lettres… Autant de matériel que Fast Despatch Logistics ne prend pas en charge.

Des véhicules en piteux état

Dans l’entrepôt, les camionnettes blanches et sans logo apparent de l’entreprise sont garées les unes à côté des autres. Certaines n’ont plus de rétroviseurs, d’autres ont leurs pare-chocs maintenus à l’aide d’attaches en plastique. Les livreurs dénoncent leurs conditions de travail, devenues déplorables au fil des ans. « Les véhicules mis à disposition sont devenus dangereux à conduire. Il suffit de voir l’usure de certains pneus, de vraies savonnettes. Les voyants indiquant un problème au moteur s’allument sans arrêt. Ça m’est arrivé de récupérer une fourgonnette où la portière conducteur ne fermait même pas », s’agace un conducteur.

Pneu lisse sur une des camionnettes de livraison Photo : document remis

Ces véhicules défectueux, ils doivent parfois les conduire sur de longues distances. « J’ai déjà dû faire un aller-retour jusqu’à Nantes en une journée. D’autres vont en Belgique, parfois à Marseille. Et en plus, on doit travailler le lendemain, sans avoir le temps de récupérer », précise un salarié. La fatigue s’accumule, d’autant que les pauses en journée ont été réduites de 30 à 20 minutes.

Des conditions de travail dégradées

En plus de leur mauvais état, les camionnettes dépassent régulièrement leur poids de charge maximale autorisée, du fait des nombreux colis à livrer. Un chauffeur détaille :

« Dans ces conditions, on se met en danger soi-même mais aussi les autres. Une journée type, on va dire que c’est entre 200 et 250 colis à apporter à plus de 150 adresses différentes. On est guidé par une application mais quand on a dépassé nos heures, elle se coupe. On doit alors continuer avec notre GPS mais surtout, on n’est plus assuré en cas d’accident puisqu’on n’est plus censé travailler ! »

Ça va être une longue journée ! Photo : doc remis

Selon les livreurs, les conditions de travail ont toujours été difficiles, mais elles se sont nettement dégradées à partir de janvier sans qu’il ne soit possible d’en connaître les raisons. Un livreur résume la situation :

« Fast Despatch Logistics nous dit que ça vient des conditions posées par Amazon tandis qu’Amazon rejette la faute sur nous, en tant que sous-traitant… Au final, c’est la faute de personne à les écouter ».

Un autre livreur avance une autre hypothèse :

« Avant, on avait une super cadence, on travaillait bien et on finissait plus tôt. Du coup, on nous a surchargé. »

Interrogé par Rue89 Strasbourg, le manager de Fast Despatch Logistics présent n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Une plainte pour menaces de mort suivie d’un rappel à la loi : la faillite de la justice dans l’affaire Cetindag

Une plainte pour menaces de mort suivie d’un rappel à la loi : la faillite de la justice dans l’affaire Cetindag

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#yasemin cetindag

Les revirements de Martine Wonner ouvrent l’élection législative dans la campagne cossue à l’ouest de Strasbourg

Les revirements de Martine Wonner ouvrent l’élection législative dans la campagne cossue à l’ouest de Strasbourg

Après avoir quitté la majorité avec fracas, la députée sortante de la 4e circonscription du Bas-Rhin, Martine Wonner, se représente avec cette fois son propre parti. Dans cette circonscription historiquement à droite, ce positionnement donne de l’espoir à ses principaux concurrents tandis que la Nupes est en embuscade.

En 2017, la quatrième circonscription du Bas-Rhin, qui englobe les communes du sud de l’agglomération strasbourgeoise et le Kochersberg avait connue une petite révolution. Il avait fallu la vague En Marche pour qu’une novice en politique mette fin au règne continu de la droite. Et même dans ce contexte, c’était une surprise de voir Martine Wonner détrôner Sophie Rohfritsch.

Mais pour La République en Marche (LREM), cette incarnation du renouvellement s’est transformée en erreur de casting : le 6 mai 2020, elle est exclue du groupe majoritaire à l’Assemblée Nationale pour avoir voté contre la stratégie de déconfinement du gouvernement. Une suite logique après plusieurs votes contre les propositions de la majorité, notamment sur le traité de libre-échange avec le Canada (CETA), la réintroduction du glyphosate ou la réforme des retraites.

Un parti créé en septembre 2021

Localement, sa prise de position contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) en plein milieu de la circonscription, jusqu’à être gazée par les policiers, a néanmoins laissé un bon souvenir chez nombre d’habitants. Mais à l’Assemblée nationale, la députée s’est retrouvée isolée, surtout pour ses positions controversées sur les masques, ou encore les vaccins qui ne protégeraient « plus personne ».

C’est sous son parti « Ensemble pour les libertés » créé en septembre 2021 que cette psychiatre de 58 ans compte porter un « contre-pouvoir » à l’Assemblée avec un deuxième mandat :

« Mon parti présente 25 candidats en France, en plus d’une alliance de cœur avec le Mouvement écologiste indépendant d’Antoine Waechter et Résistons !, présidé par Jean Lassalle. Nous sommes 210 candidats en France, donc je suis loin d’être isolée. J’ai aussi une soixantaine de sympathisants bénévoles qui m’accompagnent. »

Sur son « alliance » avec Résistons !, il convient de rappeler qu’en juin 2021, la députée avait été également exclue du mini groupe parlementaire « Libertés et Territoire », présidé par Bertrand Pancher (Parti Radical). Lors d’une mobilisation parisienne contre le passe sanitaire, elle avait appelé les manifestants à « faire le siège des parlementaires » et à « envahir leurs permanences ». Une position largement condamnée par le groupe, représentant à l’époque 18 députés.

Martine Wonner lors d’une manifestation contre le passe sanitaire à Strasbourg le 28 août 2021. Photo : Martin Lelievre / Rue89 Strasbourg / cc

La gestion de la crise sanitaire reste un des thèmes forts des propositions de Martine Wonner. Elle souhaite « investir massivement dans le renforcement des équipes soignantes », réformer les Agences régionales de santé et l’Ordre des médecins. Des institutions qui ont, selon elle, empêché « une réponse médicale rapide et adaptée » lors de la crise sanitaire.

Après le renouvellement, Renaissance choisit une ancienne élue de Strasbourg

Après Martine Wonner, LREM devenu Renaissance devait donc se retrouver un candidat… plus loyal. Mais la majorité n’a guère de personnalité politique identifiée dans ce secteur de l’Alsace. Son choix s’est porté sur Françoise Buffet, 69 ans et adjointe pendant douze ans (2008-2020) du maire de Strasbourg Roland Ries. Après le renouvellement, place donc à une figure plus habituée à la politique. Même si elle n’est pas connue pour avoir milité pour le parti présidentiel, le fait qu’elle habite à Griesheim-sur-Souffel depuis 10 ans en fait une candidate toute trouvée.

Celle-ci accuse justement Martine Wonner d’être « sortie de son rôle » :

« Elle a été élue pour appliquer le programme de la majorité. On peut avoir des opinions mais si elles sont en contradiction avec ce pourquoi on a été élu, il faut démissionner. »

Françoise Buffet, candidate Renaissance de la 4ème circonscription. Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc

Martine Wonner ne s’était pourtant pas opposée à la réintroduction des pesticides néonicotinoïdes. Dans une circonscription très agricole, le modèle de production est un sujet important. Selon Françoise Buffet, les engagements d’Emmanuel Macron auprès du syndicat d’agriculteurs majoritaire FNSEA – très présent sur le territoire – résonnent « parfaitement avec [ses] propres conclusions » après un mandat d’adjointe chargée de l’Environnement à Strasbourg.

Elle souhaite « maintenir un lien des agriculteurs avec la terre » en brandissant son cheval de bataille : les Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), qu’elle revendique avoir développer lors de son mandat à Strasbourg.

Éric Amiet, maire de Wolfisheim et candidat Les Républicains (LR) dans cette circonscription, accuse quant à lui le gouvernement de pratiquer une écologie « punitive » contre les agriculteurs, notamment en raison de l’interdiction de certains pesticides. Tandis que pour Imane Lahmeur, la jeune candidate de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) dans la circonscription, le problème des agriculteurs, c’est plutôt l’Europe :

« On ne peut pas prétendre aider les agriculteurs en soutenant des politiques européennes délétères pour eux, comme la Politique agricole commune. Cette politique favorise les oligopoles en subventionnant plus les grandes surfaces. Il faut redonner du pouvoir aux agriculteurs avec des subventions immédiates et accompagner les conversions vers l’agriculture biologique. »

Strasbourgeoise, Imane Lahmeur est la candidate Nupes dans la 4ème circonscription du Bas-Rhin Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg / cc

Un consensus presque total sur les transports

L’autre grand thème de campagne dans cette circonscription péri-urbaine est la dépendance à la voiture individuelle. Ces quatre candidats constatent que l’offre de transports en commun est trop limitée dans le périmètre de la circonscription. Trois lignes de TER ne desservent que sept villes sur les vingt que compte ce territoire, qui n’ont pas non plus accès au tram tandis que le cadencement des bus est jugé trop faible.

Martine Wonner souhaiterait développer les transports collectifs, Imane Lahmeur entrevoit un « pôle public des transports » pour régler ce problème de mobilité, Françoise Buffet propose des subventions pour l’achat d’une voiture électrique, hybride, ou pour une voiture d’occasion peu polluante tandis qu’Éric Amiet voit dans la proposition de sa concurrente Renaissance une nouvelle démonstration « d’écologie punitive ».

Son truc à lui, c’est plutôt la « crise démocratique grave » provoquée par « un manque de proximité entre élus et administrés » qui l’inquiète avec comme solution que « la Collectivité d’Alsace devienne une région à part entière et sorte du Grand Est. »

Éric Amiet, maire de Wolfisheim et candidat LR pour la 4ème circonscription. Photo : Nicolas Dumont / Rue89 Strasbourg / cc

Dans cette circonscription ancrée à droite, l’alliance inédite à gauche lui permettra-t-elle d’être présente au second tour ? Ce sera difficile mais Imane Lahmeur peut créer la surprise en comptant sur l’éparpillement des voix de droite entre Françoise Buffet et Éric Amiet, d’autant que le Rassemblement national a envoyé son élue la plus importante dans la région, l’eurodéputée Virgine Joron. Cette dernière disputera à Martine Wonner les voix des anti-vaccins et des anti-passes sanitaire, dont il est déjà bien difficile de mesurer le poids politique d’autant que la circonscription est l’une des plus vaccinées de France.

#Éric Amiet

Grève aux Hôpitaux de Strasbourg : les syndicats déplorent 130 postes vacants avant l’été

Grève aux Hôpitaux de Strasbourg : les syndicats déplorent 130 postes vacants avant l’été

La CGT et SUD des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont appelé les soignants à la grève mardi 7 juin. Ils alertent sur un grand nombre de postes non pourvus. Les syndicats craignent les potentielles canicules de la période estivale qui pourraient amener plus de patients et saturer des services en sous-effectif.

Une intersyndicale CGT et SUD des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) appelait à la grève mardi 7 juin, dans le cadre d’une mobilisation nationale, estimant que les revendications des soignants n’ont pas été prises en compte par le gouvernement.

Sébastien Harscoat, médecin urgentiste et membre du collectif qui a initié les minutes de silence « pour la mort annoncée de l’hôpital public », considère qu’il ne s’agit « plus d’une annonce mais d’un fait réel ». Selon le décompte de l’ARS, 10% du personnel a pris part à la grève. 600 soignants se sont aussi assignés solidaires d’après les syndicats.

Cet hiver, des soignants se sont retrouvés tous les vendredis sur différents sites des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg pour une minute de silence « en hommage à la mort annoncée de l’hôpital public ». Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc

200 lits fermés tous les jours par manque d’effectif

D’après les syndicats, ces derniers mois, tous les jours, 200 lits qui devraient être fonctionnels sont fermés à cause du manque d’effectif. Ils comptent 130 postes vacants sur les HUS : « Les conditions de travail aux HUS ne permettent pas l’attractivité nécessaire à l’embauche », écrivaient-ils dans le communiqué d’appel à la grève.

« Cette grève aujourd’hui, comme au niveau national, n’est que l’acte 1. Derrière, il y aura forcément d’autres mobilisations, parce qu’on n’est pas assez entendus », indique Pierre Wach, secrétaire général de la CGT des HUS.

Les syndicats s’inquiètent pour l’avenir, et notamment l’été, avec de potentielles fortes chaleurs, qui risque d’être encore plus difficiles vu les postes vacants et les restrictions budgétaires. Ces dernières risquent de perdurer jusqu’en 2026 vu le contrat d’avenir des HUS. « S’il y a une nouvelle vague de Covid, espérons que non, comment on fera ? », se demande Pierre Wach. « Un hôpital sans soignants ce n’est plus un hôpital », ajoute-t-il. La CGT et SUD dénoncent également le refus de plusieurs congés annuels de certains membres du personnel soignant qui avaient déjà fait leurs demandes.

Un soignant dans les couloirs du service de réanimation des NHC, le 1 avril 2021 Photo : d’illustration Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

« On nous demande parfois des choses au delà de nos compétences » 

Certains professionnels de santé, notamment des infirmiers, témoignent faire des actes médicaux pour lesquels ils n’ont pas les compétences nécessaires à cause du manque d’effectif. Par exemple Carole Nominé, infirmière au service de néonatalogie en unité de soins intensifs, raconte s’être retrouvée en unité de réanimation en renfort, sans être formée pour. « On nous demande parfois des choses au delà de nos compétences. Si on ne les fait pas, on nous culpabilise », dénonce-t-elle.

De leur côté, les syndicats Force Ouvrière des HUS et du service d’incendie et de secours du Bas-Rhin (FO SDIS 67) ont rencontré ce mardi le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) Michael Galy, et le président de la commission médicale d’établissement (CME) Emmanuel Andrès, pour faire un bilan des trois mois passés depuis la dernière grève organisée à l’initiative de Force Ouvrière.

D’après Christian Prud’homme, secrétaire général FO-HUS, qui a participé à la réunion, la situation ne s’améliore pas. « Le mois de mars a été très compliqué, avec un décès (par défaut de prise en charge, NDLR) le 17 mars et des temps d’attente interminables. Il n’y a pas d’amélioration au niveau du nombre de passages quotidiens de patients aux urgences : on reçoit encore 250 patients par jour dans l’ensemble du CHU, avec une demande de 70 à 100 hospitalisations », déclare Christian Prud’homme.

Dans le sud de Strasbourg, face à Sylvain Waserman, la meilleure chance des Insoumis d’envoyer un Alsacien à l’Assemblée

Dans le sud de Strasbourg, face à Sylvain Waserman, la meilleure chance des Insoumis d’envoyer un Alsacien à l’Assemblée

Si l’on regarde les scores d’avril, la 2e circonscription du Bas-Rhin, le sud de Strasbourg, semble à la portée de l’union de la gauche. Mais la Nupes a investi une nouvelle tête, l’insoumis Emmanuel Fernandes, qui va devoir mobiliser son électorat face à la continuité incarnée par Sylvain Waserman. Le député sortant du Modem a pour lui la réélection d’Emmanuel Macron et fait entre autres campagne sur l’écologie.

Un député de droite en 2007, un député socialiste en 2012, un député Modem en 2017… La 2e circonscription du Bas-Rhin, qui englobe le sud de Strasbourg et Illkrich-Graffenstaden, change de député à chaque élection au gré des tendances politiques. Le cru 2022 retiendra-t-il le « fait majoritaire » avec la réélection d’Emmanuel Macron, ou au contraire la dynamique de l’union de la gauche avec la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) ?

L’accord de coalition a gardé la première circonscription du Bas-Rhin, la plus favorable de Strasbourg à la gauche, aux écologistes. Mais « la 2 » présente aussi des chances de bascule, et donc d’une conquête pour les Insoumis. Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon y était en tête (32,3%) devant Emanuel Macron (29,7%). Le score des formations de la Nupes avoisine les 40% si on les additionne.

Le coup de pouce de Mélenchon

Mais la partie est pourtant loin d’être gagnée d’avance pour Emmanuel Fernandes. L’électorat insoumis, notamment dans les quartiers populaires, n’est pas connu pour se mobiliser en dehors du scrutin présidentiel. En campagne à Strasbourg, Jean-Luc Mélenchon avait d’ailleurs clairement affiché Emmanuel Fernandes à ses côtés, avec l’écologiste Sandra Régol candidate dans le centre. Signe que c’est bien ici que se situe l’enjeu principal pour LFI.

Pour l’emporter, il faudrait surtout déloger le député sortant Sylvain Waserman (Modem). Porté par la vague « En Marche », il l’avait emporté confortablement en 2017 face au PS représenté par Philippe Bies. Même s’il est devenu député pour la première fois, Sylvain Waserman n’était pas une nouvelle tête, puisqu’il était déjà conseiller régional (il a conservé ce mandat) et maire de Quatzenheim. Ce qui lui avait valu quelques attaques, inopérantes, en parachutage à l’époque. Depuis, il ratissé sa circonscription en long et en large, il a tenu la vice-présidence de l’Assemblée, a porté deux lois comme rapporteur sans commettre d’impair majeur.

Militant depuis 2012 pour Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Fernandes « habite et travaille dans la circonscription », souligne-t-il avec malice. Il est l’un des nouveaux visages dans la politique strasbourgeoise. Emmanuel Fernandes estime qu’une victoire passera avant tout par un effort collectif :

« J’ai l’impression que la dynamique nous porte et d’être le candidat des idées dont le moment est venu, d’être porté par un besoin de respiration démocratique. Cette cohabitation est brandie comme une menace sur les institutions, mais elle est attendue. Celle de 1997-2002 s’est bien passée, les Français aiment la cohabitation. Je ne me sens pas comme un homme politique, mais plutôt comme un citoyen qui va représenter des citoyens. »

Pouvoir d’achat et « neutraliser Macron »

La Nupes n’aura pas trop de mal à engranger des voix à la Krutenau et au Neudorf. Mais c’est dans les plus secteurs populaires de la Meinau et du Neuhof qu’elle doit garder ses électeurs. Un effort de (re)mobilisation pour Emmanuel Fernandes. Ce chef de projet dans l’industrie de 41 ans pense avoir trouvé le bon argument lors des ses rencontres :

« Trois quarts des cas relèvent de l’urgence sociale, de la difficulté à finir le mois. Il y a la déception qu’Emmanuel Macron soit reconduit, mais quand certains réalisent qu’on a encore une chance de le neutraliser, ça fonctionne. »

Emmanuel Fernandes espère inverser incarner un quatrième changement consécutif de couleur politique au sud de Strasbourg. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

C’est aussi sur le pouvoir d’achat que la droite, avec Alexandre Wolf-Samaloussi (LR), attaque la majorité :

« Le gouvernement dit que le pouvoir d’achat a augmenté, mais quand on parle avec des gens, il y a un problème. La hausse de la CSG a appauvri deux retraités sur trois, c’est une réforme que je n’aurais pas voté. Cette circonscription hétérogène illustre une France à deux vitesses avec des secteurs qui vont bien, comme le Krutenau et Neudorf où le prix de l’immobilier explose, et d’autres plus en difficulté. La plaine des Bouchers regroupe de nombreux bureaux vides, que l’on pourrait transformer en logements. »

Sylvain Waserman indique aussi que le pouvoir d’achat est le sujet sur lequel il est le plus interpellé. Il répond qu’en plus des mesures du programme national (revalorisation des retraites, chèques alimentaires, point d’indice des fonctionnaires, etc.), il a une crainte spécifique au Bas-Rhin quant aux prix de l’énergie :

« Les rares opérateurs ont choisi de ne pas avoir d’offre avec des prix réglementés, ce qui exclue leurs clients du bouclier tarifaire. C’est tout à fait légal, mais il y a un devoir de conseil. Il faudra soit éclairer les clients sur les risques, soit amender le bouclier tarifaire pour qu’il s’applique. Car les prix vont sûrement augmenter en octobre et ça pourrait être explosif. Il ne faudrait pas que ce modèle local de l’énergie, que je soutiens par ailleurs, soit handicapé par cette situation. Si je suis élu, c’est un dossier que je suivrai dès cet été, car personne à Paris ne va s’en occuper. »

Face au mécontentement de clients, l’énergéticien Ekwateur, puis ÉS Énergies, ont annoncé proposer une nouvelle offre aux prix réglementés à partir de juin. Mais les clients actuels en seront-ils informés pour changer d’ici l’automne ? C’est ce qui inquiète le député sortant de 54 ans.

Après avoir eu l’élue strasbourgeoise Christel Kohler comme suppléante en 2017, Sylvain Waserman fait désormais équipe avec son attachée parlementaire Rebecca Breitmann, très présente à ses côtés. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

La bataille d’Illkirch-Graffenstaden

Si seule la partie strasbourgeoise de la circonscription votait les dimanches 12 et 19 juin, la Nupes serait favorite. Mais depuis un recoupage en 2010 qui a « droitisé » la circonscription, celle-ci intègre aussi la commune Illkirch-Graffenstaden, soit environ un quart des votants. Or dans cette banlieue, on vote plus à droite à toutes les élections nationales et Emmanuel Macron y a engrangé 35% des voix en avril contre 20% pour le leader insoumis.

Pour y limiter la casse dans cette ville moins favorable, la Nupes pense avoir enregistré un soutien de poids. C’est une petite surprise, l’union derrière les insoumis a fait sortir de sa retraite politique l’ancien sénateur et maire d’Illkirch-Graffenstaden, Jacques Bigot, plutôt tendance sociale-démocrate au PS. Il semble moins effrayé par l’union de gauche que ses camarades strasbourgeois à la tête du PS 67 :

« Avant le premier tour, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui votaient habituellement socialiste et votaient cette fois Mélenchon. Il y a cette attente d’une gauche unie et de nouveau présente comme force politique. Je trouve ça bien de voir des jeunes qui s’engagent. J’ai rencontré les candidats, qui n’ont pas d’hostilité à l’Europe. La question européenne est plus complexe que cela, François Mitterrand aussi voulait refonder l’Europe. Il est évident que si la gauche veut porter des réformes de gauche, elle doit d’abord être unie, avec toute la complexité que comporte une alliance. »

Thibaut Vinci, pour le Parti radical de gauche (PRG) espère, lui, capter un électorat de centre-gauche qui ne se retrouve par dans la Nupes. Le Strasbourgeois fait partie de ces figures candidates à de nombreuses élections : il était candidat avec les écologistes en 2015, candidat PRG aux législatives dans le Kochersberg en 2017, colistier de Catherine Trautmann en 2020, des Insoumis en 2021… Malgré cette abnégation, le micro-parti n’a jamais su se développer dans l’Eurométropole.

Deux lois portées par Sylvain Waserman

Mais ce sont surtout vers Sylvain Waserman que les regards se tournent. Sur l’application Carata, qui liste toutes les boîtes aux lettres, récupérées via les listes électorales, il cible sa stratégie. L’application permet de voir en temps réel quelles boîtes aux lettres sont couvertes ou non par ses équipes, pour quadriller le terrain au plus vite. « On a fait un tract spécifique pour Illkirch, un courrier nominatif pour les plus de 65 ans qui sont plus éloignés d’internet ou un autre pour Neudorf sur l’écologie concrète, car sur ces marchés on ressent que c’est davantage une préoccupation là-bas », décrit-il.

Dans son bilan, il rappelle deux lois qu’il a porté lors du quinquennat : « J’ai porté une loi sur l’engagement associatif, qui a mobilisé 112 associations, et une autre sur les lanceurs d’alerte, qui ont été votées à l’unanimité… »

Il convient ce ne sont pas des lois majeures sur lesquelles les citoyens vont tirer le bilan des 5 dernières années et se positionner. Mais c’est ce rôle du député qu’il défend pour se démarquer.

« Ce sont des petites briques. Le jour où un lanceur d’alerte transmet des informations car il sait qu’il est protégé contre un licenciement ou qu’un président d’association n’a plus à vendre sa maison pour se défendre en justice, ce seront des réussites. C’est ce circuit court de la loi que je veux démontrer : un citoyen investi peut changer la loi. On a aussi pu renforcer la protection de brevets avec cette méthode lorsque quatre chercheurs sont venus à ma permanence et après dix réunions de travail ».

À Strasbourg, ville verte, Sylvain Waserman sait que le bilan d’Emmanuel Macron est parfois jugé insuffisant. Il axe donc sa campagne sur « l’écologie concrète » dans laquelle il veut s’investir. Sans promettre de mesures, il redonne sa méthode et rappelle deux votes passés :

« Comment peut-on parler autant d’écologie et ne pas la mesurer ? Avec deux universitaires, des associations et des citoyens, on fera un groupe de travail. Ses propositions seront soit portées dans une proposition de loi à part, soit via le jeu des amendements car il y aura rapidement une nouvelle loi Climat avec de nouvelles directives européennes à transposer. Lors de la précédente loi Climat, j’ai ainsi pour obliger les communes à publier leur part d’achats écologiquement responsables : cette affichage deviendra ensuite un enjeu politique ! Plus récemment, il y a aussi eu un amendement, écrit avec l’association Zona, qui concerne Strasbourg et obligera la Ville à présenter un arrêté avec un état des lieux des droits à construire dans la Ceinture verte. »

De manière plus informelle, Sylvain Waserman a aussi rassemblé des bénévoles pour aider (« coacher ») des dizaines de jeunes loin de l’emploi (129 selon lui). Un petit réseau d’entraide avec des associations, « y compris cultuelles », et même des conventions, dont il espère une montée en puissance. Une action, en plus de sa loi écrite avec des responsables associatifs, qui peuvent faire de lui un député identifié par les corps intermédiaires de la circonscription. Suffisant pour contrer l’essoufflement de l’effet « nouveauté » qui avait bien marché en 2017 ?

Toutes les projections ne donnent pas Sylvain Waserman gagnant. Mais il estime avoir un argument qui aura plus de force qu’ailleurs face à la Nupes : « à Strasbourg, il y a une spécificité sur la question européenne ». L’occasion d’attaquer sur le fameux terme de « désobéissance » :

« Ce serait un dynamitage de l’intérieur. C’est une escroquerie intellectuelle de dire que la France désobéit déjà par rapport à ce que la Nupes propose. Il y a une vraie différence entre le fait d’être parfois condamné par Cour européenne, et d’accepter ces jugements et tenter d’y remédier, et le fait de désobéir sciemment à 27 directives européennes. C’est comme comparer quelqu’un qui a une fois une amende pour avoir grillé un feux rouge et quelqu’un qui décide de ne plus les respecter et refuser les sanctions. »

Ne pas reproduire « l’erreur stratégique » sur les retraites

Enfin, après la réélection d’Emmanuel Macron dans un nouveau « barrage », plus étriqué qu’en 2017, face à l’extrême-droite (voir notre série sur ses terres de progression), il estime qu’il faut changer certaines pratiques. Par exemple pour la réforme des retraites « à 65 ou 64 ans », que le président aimerait pour 2023. Il revient sur la posture de la majorité lors de la précédente tentative de réforme, avant qu’elle ne soit balayée par le Covid :

« Ça a été une erreur stratégique de passer par le 49-3. C’est un outil quand la majorité est fragile et ce n’était pas le cas. On s’était enferré dans un calendrier qui laissait trop de place aux obstructions. On ne peut plus se permettre ces situations, il faut permettre la libre expression du Parlement. Il y a d’autres méthodes, comme le temps législatif programmé, qui permet du vrai débat et l’expression de l’opposition. »

Balbutiements chez LR, dans l’opposition

Sylvain Waserman a reçu le soutien du maire d’Illkrich-Graffenstaden. Thibaud Philipps est pourtant membre de la majorité LR de Jean Rottner à la Région Grand Est, mais conduit une majorité avec LREM dans sa commune. Le jeune maire n’a pas apprécié de ne pas être associé au choix de remplaçant de Jean-Philippe Maurer, lorsque ce dernier s’est désisté après le mauvais score de Valérie Pécresse. Et estime avoir de bonnes relations avec le député sortant. Une illustration des tiraillements stratégiques actuels chez « Les Républicains ».

Dans ce contexte Alexandre Wolf Samaloussi n’a pas grand chose à perdre. Jean-Philippe Maurer n’est pas bien loin puisqu’il en est le suppléant, et tente de l’aider à gagner des voix grâce à sa notoriété dans un secteur qu’il a arpenté une vingtaine d’années, comme ex-député (2007-2012) et surtout comme élu au Département.

Alexandre Wolf-Samaloussi doit tenter de faire oublier le mauvais score de Valérie Pécresse. Photo : transmise

Le jeune candidat, 26 ans, a pourtant déjà de l’expérience politique et des campagnes : plus de quatre ans comme élu étudiant à l’Université pour le syndicat de l’Uni. Il a aussi été colistier aux municipales en 2020, puis candidat aux départementales en 2021. Il ne fait pas de reproche direct à Sylvain Waserman, mais replace l’élection dans le contexte national :

« Sylvain Waserman était vice-président de l’Assemblée nationale, il est comptable du bilan d’Emmanuel Macron qu’il doit assumer. Trois quarts de l’augmentation de la dette n’est pas lié au Covid par exemple. Je suis clairement dans l’opposition. Après avoir eu Jean-Michel Blanquer comme ministre de l’Éducation et maintenant Pape N’diaye, dont je ne partage pas les positions, on ne voit pas quel est le message, c’est flou. Il faut que l’Assemblée redevienne un lieu de débat, sinon l’abstention va encore augmenter en France. »

S’il était élu, ce salarié en apprentissage entre la France et l’Allemagne aimerait s’investir sur le logement ou la convergence des règles pour les travailleurs et familles transfrontalières.

La circonscription compte 14 candidats. Elle englobe aussi les bureaux où le RN a l’habitude d’enregistrer ses meilleurs scores à Strasbourg, dans des bureaux du Neuhof et de Stockfeld. Le RN a de nouveau investi Hombeline du Parc, qui aux municipales avait réalisé le pire score du RN à Strasbourg depuis une décennie. Si le premier tour devait être très serré, le choix hypothétique de ces électeurs au second pourrait alors avoir un caractère décisif : privilégier le rejet d’Emmanuel Macron ou de la gauche.

Au cœur du Ried, « les Alsaciens en ont marre de ce bordel de France »

Au cœur du Ried, « les Alsaciens en ont marre de ce bordel de France »

« Sur les fronts du RN » (4/4) – À Friesenheim, Diebolsheim et Bindernheim, communes isolées d’Alsace centrale, les habitants sont divisés. Certains n’ont aucun espoir dans la politique. D’autres ne comprennent pas la montée du vote d’extrême-droite dans des villages si propres et si sûrs. Mais une baisse du pouvoir d’achat, la réforme des retraites et le sentiment d’injustice alimentent cette expression contestataire.

« Vous pouvez écrire que malgré tout on est heureux ici. On se fait une vie à notre image. » À Bindernheim près de Sélestat, Solange garde un sourire quasi-permanent en cet après-midi du mercredi 25 mai. La présidente du club de retraités Rayon de soleil profite d’une partie de pétanque avec une dizaine de personnes.

À côté de l’église, le boulodrome, les jeux pour enfants et le city stade semblent neufs. Dans ce village tranquille du centre Alsace, les façades des maisons sont propres, les jardins bien ordonnés, rien ne traine sur le trottoir. Ici, 55% des électeurs qui se sont déplacés ont voté Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle.

Des prix qui augmentent, pas les retraites

Entre deux lancers précis de boules, Solange réagit à ce score du Rassemblement national. Ancienne auxiliaire de vie à domicile, elle se plaint « des prix qui ont augmenté et des retraites qui n’augmentent jamais ». Elle refuse de communiquer son vote tout en dressant un constat clair sur le quinquennat d’Emmanuel Macron : « Tout est négatif, rien de positif. Que des promesses, rien de concret. On est allé au fond. »

Le lancer précis de Solange, auxiliaire de vie à domicile à la retraite. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

De l’autre côté du terrain de pétanque, Marie-Louise ne s’explique pas le vote RN dans sa commune voisine, Friesenheim (65% des voix pour Marine Le Pen au second tour). Présidente du club de retraités, le Duo dynamique du Ried, elle décrit son association et ses 78 adhérents, « dont certains vont moins au restaurant, comme cette femme veuve avec un loyer à payer ». « Personnellement, je pense que c’est juste le pouvoir d’achat qui pose problème. « Macron est pour les riches. C’est ce que les gens disent. »

À gauche, Solange, la présidente du club des retraités de Bindernheim. À droite, Marie-Louise, présidente du club des retraités de Friesenheim. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Le « bordel » en France et la baisse des services publics

Participant à la partie de pétanques, Jean-Paul Imbs, ancien maire de Bindernheim donne volontiers son analyse de l’électorat local. En polo gris, lunettes de soleil style aviateur, il affirme avec assurance :

« Nous les Alsaciens, on est carré, un peu comme l’Allemagne. Alors quand ils voient des manifestations à la télé, avec des casseurs qui ne sont jamais condamnés, les Alsaciens en ont marre de ce bordel de France. »

Cet ancien élu Modem déplore que « les services publics ont diminué, avec une Poste qui est de plus en plus fermée, le Crédit Mutuel qui a fermé il y a dix ans et les bus dont les fréquences ont aussi baissé. »

Une aversion pour la réforme des retraites

À l’entrée du parc, Isabelle et Julie (les prénoms ont été modifiés) discutent à côté de leurs voitures tandis que leurs enfants sont impatients d’aller jouer. La première travaille à Europa Park depuis 25 ans. Elle éprouve une aversion profonde pour le président de la République et sa volonté de repousser l’âge de départ à la retraite. Salariée de la multinationale de la famille Mack, elle vit sa propre situation et celles de ses voisins comme une injustice :

« Si je pars à la retraite à 67 ans, en 2045 donc, je gagnerai 900 euros par mois. Et je connais des veuves dans ma rue, qui vivent avec 600 euros par mois. Ma voisine fait des pâtisseries toute la journée du matin au soir. Elle produit tellement en masse qu’elle m’en donne chaque semaine. Dans sa cave, elle a 200 litres de jus de pommes. Elle a aussi une poule pour économiser les œufs. Ici, si les gens ne bossent pas jusqu’à 80 ans, ils crèvent. »

Tout semble neuf à côté de l’Église de Bindernheim. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

De son côté, Julie a voté Macron en estimant qu’ « avec les Gilets jaunes, le Covid puis la guerre en Ukraine, il n’a eu qu’à peine deux ans pour appliquer son programme ». Mais les deux mères partagent une aversion pour « ces gens qui restent à la maison et profitent des aides ». « Des fois je me dis moi aussi je ferais mieux de me foutre cassos », lance Julie.

« Toujours les mêmes qui reçoivent des aides »

Ce discours résonne avec les propos de deux mères de famille au bord du stade de l’Association sportive de Diebolsheim Friesenheim. Il est près de 17 heures. Sur la pelouse, l’un de ses deux enfants termine l’entrainement. Sur le parvis du club-house, Jennifer répond d’emblée :

« J’ai voté Le Pen, parce que ce sont toujours les mêmes qui travaillent et qui sont taxés, et ce sont toujours les mêmes qui reçoivent des aides. »

Esthéticienne à son propre compte, Jennifer cherche une employée depuis six mois sans obtenir de candidature sérieuse. Alors l’entrepreneure de 33 ans fustige elle-aussi les aides sociales, « il faudrait les baisser pour donner envie de travailler aux gens. » Comme souvent dans ces villages alsaciens, le sentiment d’injustice est exacerbé par la situation de certains retraités précaires : « Quand je pense aux retraités qui ont bossé toute leur vie et qui doivent vivre avec une retraite de misère… »

Contre le passe sanitaire et une droite perdue

De l’autre côté des tribunes de béton, un couple d’ouvriers patiente au bord du stade. Joana est employée chez Hager à Obernai. Lui travaille chez Transgourmet à Schiltigheim. Chacun fait plus de 70 kilomètres pour travailler, chaque jour. Avec l’augmentation du prix de l’essence, « quand on passe le chariot à la caisse, on peut plus acheter le petit jouet pour le gamin », regrette la mère, qui fustige aussi le passe sanitaire. Son conjoint a refusé de se vacciner. Elle l’a accepté « pour mon fils, qu’on puisse aller ensemble au cinéma ». Mais son vote Le Pen date de 2017 pour l’ouvrière de 40 ans : « Je savais que Macron n’était pas de notre côté… »

Au club-house de l’Association Sportive de Friesenheim Diebolsheim. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Au bord d’une route, Bernard (le prénom a été modifié) cueille des cerises. Il semble gêné par nos questions, « ici les gens ne parlent pas de politique ». Ancien mécanicien de la Coop à Strasbourg, puis conducteur de machines en Allemagne, il décrit son principe politique : « Ma mère disait toujours quand on est propriétaire on vote à droite. » L’homme porte une casquette en jean siglée Alain Afflelou, une sorte de combinaison agricole et un seau rouge. Pour l’élection présidentielle 2022, le retraité d’une soixantaine d’années estime que « la droite n’avait pas une bonne candidate. Mélenchon, c’est le communisme alors ça surtout pas. » Il refuse de s’exprimer plus en détail sur son choix, évoquant le RN comme « une mauvaise conscience si on en parle, on fait tout de suite un lien avec le racisme… »

« Ici, on est sur une île, les gens sont repliés sur eux-mêmes »

De l’autre côté de l’échiquier politique, plusieurs habitants témoignent de leur incompréhension face au vote RN dans ces villages d’Alsace centrale. Il y a Boris, qui se promène tous les jours avec son chien et qui « croise tous les jours les mêmes personnes. Il n’y a jamais de discussion ». Cet habitant de Diebolsheim ne mâche pas ses mots quand on l’interroge sur les raisons de la montée de l’extrême-droite dans son village :

« On ne peut pas comprendre quelqu’un qui ne réfléchit pas. Et puis les gens ne disent pas qu’ils votent RN. C’est de la bêtise et de la fermeture d’esprit. Ici, on est comme sur une île, les gens sont repliés sur eux-mêmes. Et même s’ils sont riches, ils ont pas envie de partager. »

Dans l’un des seuls lieux de rencontre de Diebolsheim, l’épicière Charline Maugin fait d’abord part de son incompréhension. Soutien de Christiane Taubira lors de sa candidature éphémère pour l’élection présidentielle, l’ancienne professeure de français décrit un village qui donne « l’impression d’un monde de bisounours, où les gens sont gentils, les rues sont propres et fleuries ». Derrière son comptoir, cette habitante de Rhinau égrène les points positifs pour les habitants de la commune :

« Je suis originaire de Mayenne, et je peux vous dire qu’ici ce n’est pas un désert médical. Il n’y a pas de chômage, on manque même de main d’œuvre. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui ont des soucis financiers. Les gens continuent d’aller en vacances. Ils sont conscients de vivre dans un cadre privilégié et ils ont peur que ça change. »

Les raisons de la colère, selon le maire de Friesenheim

La maire de Diebolsheim n’a pas donné suite à nos demandes d’interview, le maire de Friesenheim, René Eggermann, se montre plus bavard. La montée du vote RN le préoccupe d’autant plus que Marine Le Pen a récolté 65% des suffrages au second tour de l’élection présidentielle dans son village. Il est à la tête d’une majorité « apolitique ». Ancien infirmier à l’hôpital psychiatrique d’Erstein, il décrit à son tour un territoire où le chômage est bas, notamment grâce à l’hôpital, à l’entreprise d’équipements électriques Socomec à Benfeld et à Europa Park, de l’autre côté de la frontière. « Au niveau de la commune, on n’a aucune demande d’aide sociale », ajoute-t-il.

René Eggermann, maire de Friesenheim, sans étiquette politique. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Pour René Eggermann, « le vote Marine Le Pen était un vote contre Macron, qui n’a rien fait pour gagner la confiance des électeurs ici ». « Notre gros souci, c’est la mobilité, enchaîne le maire. Ici, il n’y a qu’un bus le matin et un autre le soir, on est donc dépendant de la voiture et du tarif à la pompe. Forcément, à la campagne on se sent lésé… »

Le vote RN a permis d’exprimer une accumulation de colères, selon René Eggermann :

« Il y a tout d’abord la baisse du pouvoir d’achat, puis le passe sanitaire et les restrictions de liberté. Or ici les gens n’aiment pas qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire. Il y a aussi une hausse du sentiment d’insécurité. Nous avons fait installer une caméra de sécurité à côté de la salle polyvalente. Dix ans en arrière, les gens n’auraient jamais trouvé ça normal. Il y a aussi les conséquences de la politique de « zéro artificialisation nette », qui rend la construction d’une habitation de plus en plus chère. C’est un rêve qui s’éloigne pour certains. Et puis il y a enfin une tendance liée à la politique française. A la campagne, 90% des gens ont toujours été de droite. Et aujourd’hui, de plus en plus, les électeurs trouvent leur droite à l’extrême-droite. »

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Dans une circonscription de droite et macronisée, Bruno Studer doit prouver qu’il mérite d’être réélu

Dans une circonscription de droite et macronisée, Bruno Studer doit prouver qu’il mérite d’être réélu

Ancien bastion de droite, nettement macronisé depuis cinq ans, la circonscription 3 doit décider si elle redonne un mandat à Bruno Studer. La Nupes est outsider, mais cherche à modifier le centre de gravité de ce secteur.

Les quartiers de la Robertsau et Cronenbourg à Strasbourg, les communes populaires de Schiltigheim, Bischheim, Hoenheim et, plus au nord, deux petites villes paisibles, Souffelweyersheim et Reichstett. Bienvenue dans la circonscription 3 du Bas-Rhin, où le député sortant de la majorité, Bruno Studer, brigue une réélection. Contrairement aux deux autres circonscriptions strasbourgeoises, Emmanuel Macron y a réalisé un score légèrement meilleur que Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle (30,7% contre 29,2%).

Après 20 ans de droite, une conquête macroniste

Depuis 1997, la droite y a régné avec quatre mandats consécutifs d’André Schneider. Mais en 2017, la vague « En Marche » a brisé cette série, en l’emportant largement (59,77%) face à la droite. Le candidat LR de l’époque, le maire de Reichstett Georges Schuler, est depuis devenu un soutien d’Emmanuel Macron. Tout un symbole d’une droite locale qui se macronise… Le maire de Bischheim Jean-Louis Hoerlé, étiqueté LR, a par exemple annoncé qu’il votera Bruno Studer dès le premier tour.

Mais en 2022, c’est de la gauche que Bruno Studer va devoir se méfier. Unie grâce à la Nouvelle union populaire écologiste et sociale (Nupes), la gauche a de bonnes chances d’accéder au second tour. Depuis 2017, la gauche s’est ancrée et structurée à Schiltigheim en remportant (deux fois) les élections municipales. Comme partout en France, l’enjeu pour la Nupes sera de mobiliser l’électorat populaire et jeune qui avait voté Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle.

Bruno Studer, Sébastien Mas et Imène Sfaxi. Photo : docs remis

Les multiples causes de Bruno Studer

Député LREM (Renaissance) sortant, Bruno Studer reconnait que la bataille de 2022 sera plus difficile qu’en 2017 :

« Il y a 5 ans, on faisait campagne uniquement sur un projet. Cette fois-ci c’est aussi sur un bilan, on a quelque chose à perdre. Il y a le bilan collectif mais aussi le bilan personnel sur des lois que j’ai portées et l’application de celles-ci. »

Quasi-néophyte en politique, Bruno Studer s’est investi sur de nombreux sujets : la lutte contre les fake-news, les rodéos urbains, les punaises de lits ou encore les enfants influenceurs, « dont le décret d’application a paru il y a quelque semaines ». Sans que cet investissement tous azimuts ne règle ces problèmes. « Une loi n’est jamais miraculeuse », concède-t-il, lucide.

Il n’empêche, ce sont des arguments à opposer aux critiques de « députés Playmobil » auxquelles font face les Marcheurs, c’est-à-dire qu’ils ont voté pour tout ce que le gouvernement leur a demandé. « Sur la prolongation du délai d’IVG, c’est le Parlement qui l’a imposé au gouvernement. Parfois, le rapport de force se créée », rétorque Bruno Studer en contre-exemple. « Il y a beaucoup de débats en interne mais une fois les arbitrages gagnés ou perdus, il y a une discipline de groupe. On s’est beaucoup battus pour garder des classes ouvertes, alors qu’il y avait une forte pression politique pour en fermer. »

Studer ne veut plus rimer avec Blanquer

Car au-delà de ces lois, qui ont peu marqué le quinquennat, Bruno Studer a surtout été président de la Commission Éducation et Culture de l’Assemblée nationale. Sur ce sujet le plus politique et brûlant, il a été amené à beaucoup travailler, et défendre, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. La non-reconduction de ce dernier et la nomination de Pape N’Diaye a été interprété comme un désaveu par l’Élysée et un changement de cap.

Cela va-t-il impacter le futur de Bruno Studer ? Dans ce contexte, le député oscille entre soutien, mais aussi prise de distance avec l’ancien ministre :

« Le dédoublement des classes en Rep et Rep+ porte ses fruits, personne ne le critique. Dans ma circonscription, il y a 600 élèves en moins à la rentrée prochaine et un poste en plus. La réforme du Bac reste intéressante, mais elle a été percutée par le Covid et il est nécessaire de revoir des choses. Mais si tout avait été parfait, on n’aurait pas les problèmes actuels de recrutement. Avec des postes non-pourvus, ce n’est pas un problème de moyens pour l’Éducation, mais d’attractivité du métier. C’est un chantier à mener d’urgence et que je souhaite suivre de près. Je me suis aussi opposé au ministre sur les langues régionales. »

Bruno Studer dit « ne pas connaître particulièrement » Pape N’Diaye et comme beaucoup, il se demande quelle sera la teneur de ses premières prises de parole.

Tout au long du mandat, Bruno Studer a bien ratissé le terrain, notamment à coup de réunions publiques, deux fois par an dans les communes de sa circonscription pour défendre son bilan et celui de la majorité présidentielle. Une présence régulière et physique qui pourrait être utile pour mobiliser l’électorat dans une campagne atone, où l’on attend une faible participation comme en 2017. Ainsi, Bruno Studer n’a pas fait de faux pas majeur en cinq ans. D’un point de vue plus local, tout juste peut-on lui reprocher de n’avoir rien fait contre la fermeture de l’antenne strasbourgeoise de la radio FIP (contrairement au Marcheur Alain Fontanel, candidat dans la circonscription voisine), mais est-ce le genre de chose qui fait basculer une élection ? « J’ai été honnête et transparent, je me suis battu pour qu’il y ait plus de programmes culturels sur France Bleu et le maintien de France 4 », se défend-il.

La 67-3, baromètre de l’élection française ?

Déjà suppléant pour la France insoumise en 2017, le candidat de la Nupes devra faire le plein de son électorat pour avoir une chance. Sébastien Mas estime que cette circonscription sera un thermomètre de la tendance nationale :

« Si je suis élu, ça voudra sûrement dire que la Nupes a une majorité à l’Assemblée nationale. En revanche, je me vois mal l’être dans un contexte où l’on n’aurait pas la majorité. »

La circonscription est classée sociologiquement à droite, mais en 2012 par exemple, le deuxième tour avait été serré (50,99% pour la droite, face à une alliance PS / EE-LV). Contrairement aux autres circonscriptions de Strasbourg, il n’y a pas de candidature au centre-gauche qui pourrait handicaper de quelques voix le candidat Nupes.

Pour Sébastien Mas, l’union de la gauche se retrouve dans son entourage, au-delà des questions de partis :

« Mon mandataire financier est du Parti ouvrier indépendant et démocrate (POID), mon directeur de campagne du Parti communiste, quelqu’un d’EE-LV s’occupe des réseaux sociaux… Au-delà des partis, on se connait directement des luttes sociales. J’ai été investi un peu plus tôt que les autres candidats de la Nupes, ce qui m’a laissé plus de temps pour débuter ma campagne et organiser mon équipe. Ce qui n’est pas plus mal dans une circonscription difficile. »

Originaire de Cronenbourg, Sébastien Mas reconnaît que les choses mettent un peu de temps à se mettre en place à Schiltigheim, puisque la France insoumise n’est pas partie prenante de la majorité vert-rose-rouge à la mairie. Mais il a récemment rencontré la maire Danielle Dambach « qui est au combat pour imposer un rapport de force aux lobbys de l’immobilier ». Il compte sur un soutien accru de la municipalité schilickoise pour la dernière ligne droite.

Lors d’un pique-nique avec les jeunes militants de la Nupes, Sébastien Mas en a profité pour dire que sa candidature incarne aussi un état d’esprit : « Jean-Luc Mélenchon nous dit souvent, ne baissez pas la garde. C’est quand on baisse la garde que les pires mesures passent. » Il espère que le second tour lui donnera l’occasion de débattre directement avec Bruno Studer : « L’école est un domaine où ils ont tout pété, on se retrouve à faire des job dating pour recruter des professeurs en 30 minutes », critique-t-il notamment face à ses jeunes soutiens.

Une nouvelle tête à droite

Dans cet ancien bastion, la droite peut-elle jouer les troubles fêtes ? Le manque de dynamique nationale risque de peser. L’opposant à Strasbourg et élu départemental Jean-Philippe Vetter s’est désisté après le mauvais score de Valérie Pécresse. Le délégué de circonscription, Stéphane Bourhis, a également décliné. La tache incombe donc à Imène Sfaxi, toute nouvelle chez « Les Républicains ». Alors qu’en 2017, la mode à droite était de se présenter comme « Macron-compatible », ce n’est pas son axe de campagne :

« J’ai un bon accueil quand je dis que je suis de la droite et du centre et pas avec la majorité. On ressent beaucoup de déception vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Et de questionnements. Est-il de droite ? De gauche ? Que veut-il faire avec le Concordat ou le droit local…? »

Bien qu’elle ait adhérée à LR il y a moins d’un an, Imène Sfaxi a déjà fait de la politique comme citoyenne. Depuis des années, elle est impliquée à Strasbourg comme parent d’élève, et notamment auprès de la mairie sur la question des cantines scolaires, sur les menus, ainsi que dans les instances de démocratie locale. Ce qui la frappe dans cette campagne : « le désintérêt total pour le rôle de député, alors qu’il est là pour contrôler le gouvernement ».

En candidatant sous les couleurs LR, elle veut apporter sa spécificité sur les questions de démocratie directe. « Par rapport aux autres candidats, j’ai l’expérience de ce qu’est une idée portée par des habitants ». Sur les cantines scolaires elle donne l’exemple d’un amendement parti de Strasbourg pour supprimer d’ici 2025 les barquettes plastiques des cantines. D’abord rejeté, il avait finalement été adopté par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale.

Elle intègre un parti classique après avoir vu les limites des démarches non-politisées :

« Les mouvements citoyens ont leur avenir et je les soutiendrai, car ils intègrent différentes sensibilités politiques. Mais leur fonctionnement interne n’est pas toujours plus démocratique qu’au sein des partis. »

Imène Sfaxi a écumé ces formations dites citoyennes. Elle avait participé aux élections municipales de 2020 dans l’équipe des « Citoyens engagés » avec Chantal Cutajar, ancienne adjointe à la démocratie locale. Avant de quitter l’aventure et se retrouver sur une autre liste « citoyenne », avec Patrick Arbogast, sous la bannière « Égalité active ». Candidate à de nombreuses élections depuis les années 2000 (liste UDF ; Modem ; liste PS ; sans étiquette), Chantal Cutajar est également en lice dans la même circonscription. Elle représente cette fois le parti « Écologie au centre » de Jean-Marc Governatori, candidat méconnu de la primaire des écologistes qui n’en avait pas accepté le résultat. En présentant des candidats dans de nombreuses circonscriptions, ce parti vise à obtenir des financements publics. Même si les candidats de la Nupes veulent lutter contre « la municipalisation du scrutin » de cette élection nationale, la politique strasbourgeoise est un microcosme.

« Tout perd forme » au 12e Festival des arts mutants du Port du Rhin

« Tout perd forme » au 12e Festival des arts mutants du Port du Rhin

L’art peut-il naître dans un lieu qui n’a pas été créé pour ? Peut-il surgir d’une action quotidienne ? Cette année, l’association Inact choisit de questionner les conditions d’émergence d’une œuvre en investissant, du jeudi 9 au dimanche 12 juin le Port du Rhin avec une trentaine de spectacles pluridisciplinaires. 

Fidèle à sa volonté de proposer un art libre et original, le Festival des arts mutants s’installe au Port du Rhin pour quatre jours de festivités et un thème central : « Tout perd forme ». Musique, littérature, danse, expression corporelle… Les performances proposées pour cette douzième édition combinent les disciplines pour ouvrir l’imaginaire et questionner le réel. Les Strasbourgeois sont invités à venir assister à la mutation d’un art qui refuse toutes formes traditionnelles.

L’Inact organise cette année la 12e édition du Festival des Arts Mutants. Photo : Christophe De Barry / doc remis

Conçu par l’Inact, le festival s’organise en six temps forts répartis sur quatre jours autour d’événements payants et gratuits. La programmation fait la part belle aux femmes et aux jeunes artistes locaux, dont certains sont passés par la Haute école des arts du Rhin de Strasbourg (Hear), tout en proposant également des artistes nationaux ou internationaux plus expérimentés (Victor Artiga, Sergio Patricio ou Hortense Gauthier). Leurs créations transdisciplinaires aborderont différents sujets, tels que les « rapports coloniaux », la sexualité, les trans-identités ou les handicaps.

Un appel au voyage

Chacun des six temps est constitué de plusieurs performances réunies par thème. Les deux premières soirées, qui se tiendront au garage Coop jeudi 9 juin, de 19h à 1h, et vendredi de 19h à 2h invitent toutes deux au voyage et à la découverte de l’inconnu. Intitulées respectivement Locomotion et Sortilège et apparition, elles comprennent chacune cinq spectacles. 

Tremendo Parche Latino viennent de Brême et montreront vendredi soir leur prerformance intitulée The Paradoxical Myth of the Crazed Jaguar and Nene del Solar Photo : DR

Les artistes Cynthia Montier et Abdul-Hadi Yasuev ouvriront les festivités avec « Karma », une performance qui, expliquent-ils, questionne « la passation de récits et de cultures immatérielles en contexte d’exil ». À la lisière entre le droit, l’art conceptuel et la croyance, ils se servent de leur expérience pour entrer en discussion puisque l’un est demandeur d’asile alors que l’autre est citoyenne française.

L’artiste multimédia strasbourgeois Paul Gosset, passé par la Hear et habitué à se nourrir des lieux où il se produit pour ses créations reviendra sur la notion de distance dans « Il y a tant de mètres entre toi et moi ». Mélodie Blaison, de son côté, essaie plutôt de réduire la distance entre son public et ses paysages sonores méditatifs intitulés « Murmure des mutations ». À la manière d’une guide sonore, elle entraîne les spectateurs à la découverte de fréquences sombres chargées d’émotions et de poésie.

Le festival se joint à la fête de quartier du Port du Rhin

Avec un cycle de quatre spectacles, intitulé Cyclade, le Festival des arts mutants se glisse au milieu de la fête de quartier, prévue samedi 11 juin place de l’Hippodrome. Les participants pourront participer à une œuvre collaborative proposée par Renata Andrade. Spécialisée dans la sculpture d’argile, elle invitera le public à mettre la main à la pâte pour questionner la place de la communication non-verbale dans nos sociétés.

Renata Andrade a étudié les arts scéniques à l’école des acteurs (Indac) de São Paulo au Brésil, puis s’est intéressée à l’art plastique en intégrant la faculté des Beaux-arts (FPA) de São Paulo. Photo : remise

La journée se prolongera par un second cycle, Chimère. De 19h à 3h, six spectacles plongeront les spectateurs dans un monde peuplé de cyborgs, monstres ou autres survivants post-apocalyptiques. Tournés vers le futur, les artistes mettront leur art au service de la construction d’une nouvelle mythologie.

Comme tous les soirs, un DJset de Shönagon, la « Poétesse Techno Pop » viendra clore cette journée de samedi. 

Performance « les peurs qui nous tiennent captif.ve.s  » de Rose-Mahé Cabel, Inact Festival, 2021 Photo : C. De Barry

Flânerie au Jardin des Deux-Rives

Les spectacles du dimanche après-midi auront lieu au Jardin des Deux-Rives. D’un pays à l’autre, les artistes inviteront les promeneurs à les suivre dans leurs performances, d’une entraînante lecture d’ANa Anaa, originaire de République Tchèque, aux étonnantes chorégraphies du duo Nino André et Vinciane Mandrin. Dans leur spectacle Camouflage, ils croisent leurs inspirations issues de la danse classique, des parades militaires et des surprenants gestes de maquillage au réveil.

Le festival se clôturera par une soirée musicale sur le site du collectif Cric. Formée aux chants de gorges, à l’art du conte et à divers chants traditionnels, la Strasbourgeoise Nadège Adam viendra présenter sa Chamallangue, une création entre musique expérimentale et poésie sonore. Le célèbre duo de DJ Les Mutants ont des oreilles invitera les derniers participants à rêver jusqu’au bout de la nuit au rythme de leur son électronique post punk. 

Tous les spectacles du dimanche sont accessibles gratuitement. Photo : Christophe De Barry / doc remis

#Festival des Arts Mutants

À Sarre-Union, une rhétorique d’extrême-droite enracinée : « Je me lève le matin pour payer les aides des assistés »

À Sarre-Union, une rhétorique d’extrême-droite enracinée : « Je me lève le matin pour payer les aides des assistés »

« Sur les fronts du RN » (3/4) – La majorité des habitants en âge de travailler à Sarre-Union sont ouvriers. Marine Le Pen y est arrivée largement en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Beaucoup ont des difficultés financières et adhèrent au discours de l’extrême-droite qui stigmatise les immigrés et les quartiers populaires. Reportage.

Autour de midi, des ouvriers et des artisans débarquent à la brasserie de la Fontaine, au centre de Sarre-Union. Christophe salue Serge et Joël, déjà attablés, une bière à la main. « Mets en une pour moi aussi », lance-t-il à la serveuse. Ils préfèrent se mettre au frais, à l’intérieur, plutôt que « de cramer sur la terrasse », en cette chaude journée de mai.

Dans ce petit bourg de près de 3 000 habitants, Marine Le Pen est arrivée en tête des premiers tours des élections présidentielles de 2017 et 2022 (30,6% puis 31,77%). Une majorité des ménages, plus de 30%, ont un ouvrier comme personne de référence d’après l’Insee.

Le Rassemblement national est le parti le plus plébiscité par cette catégorie de la population. La principale ville d’Alsace bossue compte plusieurs usines et petites entreprises, mais beaucoup moins de lieux de loisirs. L’animation, très limitée, se concentre autour des trois terrasses de la place centrale.

« On parle souvent politique », rapporte Serge, en arrêt longue maladie. Les deux autres acquiescent en souriant. Christophe, menuisier, se lance :

« Moi j’ai voté Le Pen. J’ai 34 ans aujourd’hui, je bosse depuis que j’en ai 15. En ce moment, je gagne moins de 2 000 euros par mois pour 50 heures par semaine. Avec le carburant, le crédit et toutes les charges qui ont augmenté, je ne fais presque pas de sorties et je pars très rarement en vacances. Il y a trop de taxes. Je me lève le matin pour payer les aides des assistés et des immigrés. »

Christophe, menuisier et électeur de Marine Le Pen, estime travailler énormément sans avoir beaucoup de revenus. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous aussi on galère, mais on n’a pas de chèques alimentaires »

Joël hoche la tête. Il est ouvrier chez Schneider, une usine de production d’appareillage électrique à 500 mètres de la brasserie : « On en a marre de voir que des gens ne font rien de la journée et vivent mieux que nous. Il n’y a que Marine Le Pen qui parle de ça. » « Et Zemmour », ajoute Serge. Après un silence, il précise : « On n’est pas racistes, mais il faut oser dire ce qu’il se passe dans les banlieues. Là-bas c’est chaud. Les filles ne sortent plus après 21h, c’est trop dangereux pour elles, moi je l’ai vu quand j’étais à Paris. »

Céline, et Sarah (prénoms modifiés), sont assises sur la terrasse. Cadres pour la société Jus de fruits d’Alsace, une usine de Sarre-Union qui emploie 330 salariés, elles votent aussi Marine Le Pen. Pour Céline, « c’est la seule qui met vraiment la classe moyenne en avant ». Elle trouve tout de même un peu trop extrême le fait d’interdire le port du voile en public, comme l’avait proposé le Rassemblement national. « Mais plus de fermeté avec certains ça ne ferait pas de mal », dit-elle, avant d’évoquer les problèmes de délinquance dont elle entend parler « sur BFM ». Globalement, elle adhère à ce parti :

« Nous on paye les crédits, les travaux, le carburant pour aller travailler tous les jours, et on doit de plus en plus se serrer la ceinture avec l’augmentation des prix, mais on dirait que tout le monde s’en fout. Avec Macron, évidemment, il n’y en a que pour les riches. Mélenchon on dirait qu’il ne parle qu’aux plus pauvres. Mais nous aussi on galère et on n’a pas de chèques alimentaires ou d’allocations. On doit juste bosser tout le temps. J’en ai ras le bol. »

« Ils n’ont aucun problème de sécurité, ils vivent dans de belles maisons »

Dans une rue voisine, Hubert promène son chien. Ouvrier de formation, aujourd’hui demandeur d’emploi, il affirme avoir « toujours voté pour l’extrême-droite ». Lui n’a « absolument rien contre les musulmans ou les homosexuels ». Ce qui lui plait dans le programme du Rassemblement national : « Le blocage des prix de l’essence, de l’énergie et la retraite à 62 ans. »

Ses aspirations sont principalement sociales, mais il ne vote pas à gauche. « Lorsqu’ils étaient au pouvoir, ça n’a rien changé pour nous », dit Hubert, qui est bien plus convaincu par Marine Le Pen. Il aime « comment elle parle » le fait qu’elle a l’air de « comprendre les problèmes des vrais gens », comparé à Macron qui est « loin du peuple et méprisant ».

Hubert aimerait des mesures plus sociales, mais ne fait pas confiance à la gauche. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Chez les plus jeunes, le discours de Marine Le Pen parait moins imprégné. Mélanie et Jade (prénoms modifiés), lycéennes, sont posées au pied d’une fontaine, place de la République. Elles n’ont pas l’âge de voter, mais si elles avaient pu, elles auraient mis un bulletin Mélenchon dans l’urne. Kylian, apprenti de 20 ans dans l’informatique, rejette pour sa part « les idées anti-immigration » qu’avance Marine Le Pen et a voté pour le candidat de La France insoumise.

Jade affirme que ses parents soutiennent Marine Le Pen et relativise leurs motivations :

« Ils disent “les bougnoules ou les cassos profitent de la France”, mais ce n’est basé sur rien de concret. Il n’ont aucun problème de sécurité, ils vivent plutôt bien, dans de belles maisons, paumées dans la campagne. Moi je m’énerve avec eux. »

Kylian, la vingtaine, a aussi voté Jean-Luc Mélenchon. Il est contre les idées anti-immigration de Marine Le Pen. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Moi, j’ai toujours voté à l’extrême droite »

Rue du Presbytère, Chantal décroche son linge. « Sous la pression de son fils », elle a voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour (14,96% à Sarre-Union), « pour soutenir les jeunes », précise-t-elle, le sourire aux lèvres. Au second, elle a voté Marine Le Pen, aussi pour ses propositions sociales. Femme de ménage à la retraite, elle touche 736 euros par mois ainsi qu’une pension suite au décès de son mari. Elle a pris part au mouvement des Gilets jaunes, qui l’a sensibilisée sur les politiques de solidarité : « Je pense que Mélenchon ou Le Pen pourraient changer les choses dans le bon sens. »

Après avoir voté Mélenchon au premier tour en avril, Chantal pense voter RN aux législatives. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

En début d’après-midi, une averse s’abat sur la ville. Un agent communal met en place des grilles pour encadrer le marché qui ouvrira à 16h. Dans la rue principale, route de Phalsbourg, l’animation de la pause midi s’éteint. Didier peut prendre le temps de boire encore un café, il est en arrêt longue maladie après avoir travaillé comme ébéniste. Il considère qu’il ne pourrait plus en vivre maintenant :

« J’avais de moins en moins de clients. La concurrence avec Ikéa a tué les gens comme moi. C’est le drame des artisans. Avant il y avait plein de magasins ici. Beaucoup ont fermé. Moi je ne vote pas, ça ne change jamais rien de toute façon. Marine Le Pen, je la trouve vulgaire et pas responsable. Elle stigmatise trop les étrangers. »

Didier n’est séduit par aucun parti politique. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« En hiver, on réfléchit à deux fois avant de mettre le chauffage »

Dans le café du Commerce, Henry, 80 ans, ancien agent de montage, a choisi Marine Le Pen. Il reçoit 1 050 euros de retraite, « après avoir bossé toute sa vie », et en veut à Emmanuel Macron de ne pas agir suffisamment sur les prix de l’essence et de l’énergie :

« En hiver, on réfléchit à deux fois avant de mettre le chauffage maintenant. J’ai l’impression que la situation empire en permanence. On n’a jamais donné sa chance à Marine Le Pen. »

Henry, dans le café du Commerce. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Le Rassemblement national a particulièrement insisté sur la justice sociale et le pouvoir d’achat lors de la campagne pour l’élection présidentielle, sans avoir un projet très ambitieux en la matière. Il semble avoir trouvé des partisans en insistant sur la priorisation des Français par rapport aux étrangers dans l’accès au logement social, aux allocations et à l’emploi. Dorothée, l’une des serveuses de la brasserie de la Fontaine, « une femme de gauche », commente les idées de certains de ses clients qu’elle surnomme « mes petits nazillons » :

« Ils ont leur cohérence. Ils sont persuadés de vivre une injustice et entre eux, ils alimentent cette idée. Mais ils se basent sur ce qu’ils voient à la télé. Ils n’ont aucune idée de la galère que vivent les migrants ou les habitants des quartiers populaires qu’ils critiquent… C’est triste parce qu’il y a peut-être effectivement une injustice, mais ce n’est pas la faute des plus pauvres. »

« Les clichés véhiculés par BFM ou CNews n’aident pas »

Cette banalisation des discours d’extrême-droite est pesante pour les personnes d’origine étrangère qui vivent et travaillent à Sarre-Union. D’origine algérienne, Abderamane, assis seul à sa table, sirote un expresso. Responsable de production à Wilhelm, une entreprise de constructions métalliques, il a voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour et Emmanuel Macron au second. Les remarques racistes font partie de son quotidien :

« Moi, ils considèrent que je suis une exception. C’est marrant parce que les étrangers qui les entourent sont toujours des cas isolés dans leur tête. Et sinon, les autres sont tous des assistés ou des délinquants. Il faut dire que les clichés véhiculés par BFM ou CNews n’aident pas, surtout qu’il n’y a pas beaucoup d’autres activités dans le coin que de regarder la télé. Au travail, tous les jours, mes collègues ont un nouveau fait-divers à raconter. »

Le marché de Sarre-Union. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Les idées d’extrême-droite ne sont jamais remises en question »

L’ouvrier raconte qu’un groupe de jeunes a agressé son fils, fin avril, lorsqu’il sortait de la mosquée. « Il a dû se battre, il n’a pas porté plainte parce qu’il a trop de fierté… Et après c’est nous les délinquants qui menacent les pauvres Français », dit-il, désabusé. Abderamane considère que l’extrême-droite peut facilement s’ancrer à la campagne, car il n’existe pas de contre-discours :

« Chez Wilhelm, comme dans beaucoup d’autres entreprises, il n’y a pas ou peu de syndicats. En général, il y a très peu de militants, d’associations de gauche, peu d’événements culturels, peu de rencontres entre des gens différents, contrairement à des villes comme Strasbourg, où la gauche est arrivée en tête. Les idées d’extrême-droite ne sont jamais remises en question. »

Dans l’ensemble de la circonscription électorale de Sarre-Union, le RN était en tête au premier tour et même au second. Malgré ces scores, en l’absence d’élu local, le parti de Marine Le Pen n’est pas considéré comme favori pour remporter l’élection législative des 12 et 19 juin. Même s’ils pensent voter à nouveau RN, les électeurs rencontrés étaient peu informés sur ce scrutin.

En Alsace centrale, l’environnement passe toujours après le développement économique

En Alsace centrale, l’environnement passe toujours après le développement économique

L’Alsace centrale a beau être un réservoir de terres parmi les plus fertiles d’Europe, une étude confirme que 35 projets de développements économiques pourraient voir le jour dans les prochaines années, dont certains menacent des zones protégées.

Le 19 mai 2022, l’Adira a restitué son premier rapport attendu sur le développement de l’Alsace centrale lors d’une réunion à huis clos. Cette étude a été lancée en octobre 2020, suite à l’annonce de la volonté du groupe Mack de s’implanter dans ce territoire, avec le projet Europa Vallée. Rue89 Strasbourg s’est procuré ce document (voir notre article, édition abonnés). La synthèse de l’étude est attendue pour la fin de l’année 2022

Lors de cette réunion à laquelle ont assisté les principaux élus locaux et des chambres consulaires, 35 projets pour développer ce territoire ont été présentés pour le développement économique de l’Alsace centrale, dont certains sont vivement critiqués pour leur caractère écocide, alors que les terres agricoles de cette zone sont parmi les plus fertiles d’Europe. 

Entre 1990 et 2018, rien qu'en Alsace centrale, 1 000 hectares de surfaces agricoles ont disparu, soit l'équivalent de 1 428 terrains de foot. Prudente, l'étude évite de chiffrer le nombre d'hectares qui seront artificialisés pour ces projets économiques, sauf pour deux d'entre eux. EcoRhéna, une nouvelle zone industrielle à Fessenheim doit s'étendre sur 80 hectares tandis qu'Europa Vallée, un parc d'activités voulu par la famille Mack, propriétaire d'Europa Park, a besoin de 50 à 150 hectares. Certaines zones et espèces protégées sont également menacées par ces développements, notamment à Munchhouse et à Fessenheim.

L'agence de développement économique d'Alsace, l'Adira, ne mentionne que rapidement l'existence "d'espaces naturels à protéger". Cependant, dans les 35 projets mentionnés, il est question de nouveaux axes routiers et ferroviaires et de développement touristique et économique (voir la carte ci-dessus).

Des projets déjà contestés

Ainsi en octobre 2020, les habitants de Munchhouse ont appris la volonté de la société Kaligaz de construire une unité de méthanisation. Le procédé promet de transformer des déchets animaliers en énergie, mais il produit de grandes quantités de digestat, un polluant pour l'air et l'eau (voir notre article explicatif sur la méthanisation). Ce digestat doit ensuite être répandu sur les cultures. À Munchhouse, le risque de polluer la nappe phréatique est important parce que le sol est très perméable à cet endroit.

Autre exemple : la zone de Fessenheim. Suite à la fermeture de la centrale nucléaire, deux propositions sont avancées pour rendre à cette zone son attractivité économique. L'étude évoque un nouveau parc industriel, appelé EcoRhéna, qui s'étendrait sur environ 80 hectares de terres agricoles et de zones protégées. Dans un rapport rendu en juillet 2021, la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) pointait plusieurs problèmes environnementaux liés à ce projet, dont la destruction de l'habitat de 84 espèces animales et végétales ainsi que l'artificialisation de zones humides et, à nouveau, le risque de pollution des eaux.

Les plaines du centre Alsace comptent parmi les zones les plus fertiles d'Europe Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Parallèlement, l'idée d'implanter un technocentre de retraitement de déchets faiblement radioactifs est évoquée sur la commune de Fessenheim. Démanteler la centrale nucléaire nécessite de stocker des éléments radioactifs sur site. Le but de ce technocentre est donc de recycler l'acier faiblement radioactif pour pouvoir le réutiliser. En septembre 2021, Alsace Nature, jusqu'alors intégrée dans le comité de pilotage du projet de territoire de Fessenheim, a décidé de le quitter afin "de ne pas servir de caution à ce projet", selon l'association environnementaliste.

L'importance de limiter l'impact écologique

Alsace Nature fait pourtant partie des acteurs mobilisés par l'Adira lors de cette phase de diagnostic. L'association se montre prudente quant au diagnostic pour l'Alsace centrale avancé par cette étude, comme l'explique son directeur, Stéphane Giraud :

"On verra bien ce que ça donne. On ne veut pas tout jeter. Être présent sur le développement économique, c'est avoir l'occasion d'échanger les points de vue, de débattre. Je note quand même une progression en ce qui concerne l'écologie. Ainsi, il a été évoqué de loger les touristes chez l'habitant et non dans des hôtels avec spas."

Pascal Lacombe, membre du Chaudron des alternatives, un collectif d'associations écologistes alsaciennes, est plus véhément. Il voit surtout dans ce document une "étude de faisabilité" en faveur du projet Europa Vallée (voir notre article). Le militant critique ce rapport qui, selon lui, ne "prend en considération l'environnement et le bien-être des habitants" qu'après avoir ménagé les intérêts économiques.

Les collectivités officiellement encore distantes

Monique Jung, directrice de l'Adira, réfute ce qualificatif d'étude de faisabilité :

"C'est une étude très préliminaire, qui vise à donner une vision globale des différents projets en cours. Ces projets sont à des stades d'avancement très variés, qui vont de l'idée à des dossiers plus travaillés. En outre, cette liste n'est pas exhaustive."

Contactée par Rue89 Strasbourg, la Collectivité d'Alsace renvoie vers l'Adira tandis que la Région Grand Est n'a répondu que par son service de communication, lequel répond prudemment que "ces projets dans le centre Alsace ne sont pas encore suffisamment avancés" et qu'il "semble prématuré de répondre avec précision pour le moment."

Dans l’étude de développement pour l’Alsace centrale, Europa Vallée est un projet phare

Dans l’étude de développement pour l’Alsace centrale, Europa Vallée est un projet phare

Rue89 Strasbourg a eu accès à la présentation de la première phase de l'étude de développement pour l'Alsace centrale. Un document qui consacre une place prépondérante d'Europa Vallée dans le futur de ce territoire situé entre Colmar et Strasbourg . . .
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Le Bruit des loups, une promenade dans la forêt du magicien Étienne Saglio au Maillon

Le Bruit des loups, une promenade dans la forêt du magicien Étienne Saglio au Maillon

Un homme voit son monde aseptisé être peu à peu submergé par une envoûtante forêt. Nourri par la magie nouvelle et l’art des marionnettes, Étienne Saglio prend possession de la scène du Maillon, du jeudi 9 au dimanche 12 juin, pour proposer aux petits et aux grands de renouer avec la nature et son imaginaire. Un spectacle mêlant poésie et conscience écologique.   

« Pourrons-nous un jour retourner dans nos forêts ? », se demande Étienne Saglio, créateur du spectacle Le Bruit des loups, présenté au Maillon du jeudi 9 au dimanche 12 juin, en coproduction avec le Théâtre TJP. Pendant une heure, ce magicien interroge la place que l’humanité accorde encore à la nature, dans un monde aseptisé, où les arbres sont parqués et les animaux qualifiés de nuisibles. 

Un homme est catapulté de son quotidien trop ordinaire vers un monde peuplé d’images mystérieuses, tout droit tirées d’un imaginaire d’enfant. Peu à peu, la pièce vide au carrelage noir et blanc qu’il occupe est envahie par une envoûtante forêt et par les créatures qui l’occupent. De la souris au géant, en passant par un étrange renard et une plante qui ne veut pas rester en place, un étrange bestiaire profite de la lumière tamisée de la Lune pour venir à la rencontre de celui qui était sur le point d’oublier son dernier souvenir du bruit des loups.  

Au début du spectacle, la présence de la nature est réduite à un ficus qui attend d’être arrosé. Photo : Prisma Laval / doc remis

Réinventer les arts du cirque

Alliant l’art des marionnettes, celui de l’illusion et le jeu corporel, Étienne Saglio, accompagné par les membres de sa compagnie Monstre(s), se réapproprie différents arts du cirque et élabore une sorte de magie nouvelle. Une approche pluridisciplinaire pour proposer un spectacle familial, à partir de 8 ans, qui s’adresse autant aux enfants qu’à ceux qui doivent se rappeler qu’ils en ont été. 

Étienne Saglio a eu l’idée de ce spectacle en prenant conscience que son rapport, en tant qu’adulte, à la nature n’était plus le même que lorsqu’il était enfant. À travers cette performance, il tente de renouer avec une image bienveillante et merveilleuse de la forêt. Photo : Prisma Laval / doc remis

L’artiste est connu pour son innovant travail autour de la magie et de la manipulation d’objet. Auteur associé au Théâtre du Rond Point, il a déjà présenté plusieurs spectacles qui incluent souvent différentes formes d’art. Sa première création, Variations pour piano et polystyrène, est née de sa rencontre avec la pianiste Madeleine Cazenave, Le Silence du Monde est un mélange d’installation et de magie… 

Rencontre et atelier autour de la magie nouvelle

La « magie nouvelle », est une nouvelle forme d’art qui puise un savoir de l’illusion et de la manipulation d’objet dans la magie traditionnelle tout en le couplant à d’autres disciplines, comme la danse, le cirque, la poésie. Pour en savoir plus sur cette pratique et sur le spectacle, les organisateurs proposent des ateliers et des rencontres dans le cadre des représentations. Vendredi 10 juin, il sera possible de partager un « midi-sandwich » avec Étienne Saglio (sur réservation) pour l’interroger sur son parcours. Il consentira peut-être aussi à laisser échapper quelques secrets de création du spectacle… 

Un atelier en famille est organisé samedi 11 juin de 15h à 17h. Pendant deux heures, le magicien Arthur Chavaudret initiera les participants aux principes fondamentaux de son art et à la manipulation d’objets. Il sera également possible d’en apprendre plus sur la conception du spectacle à travers l’exposition Bruissement qui se tiendra pendant toute la durée du spectacle. Réalisée en partenariat avec le TJP, elle revient notamment sur certains secrets de machinerie de cette création.   

Bande annonce Le Bruit des Loups (vidéo YouTube)

À Saverne, un élu en charge des équipements sportifs utilise la piscine publique quand elle est fermée

À Saverne, un élu en charge des équipements sportifs utilise la piscine publique quand elle est fermée

Vice-président de la communauté de communes du pays de Saverne, Christophe Kremer a été photographié alors qu'il se baignait dans la piscine publique un jour de fermeture. Une plainte pour abus de biens publics a été déposée . . .
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#abus de biens publics

À Wasselonne, l’ombre du Rassemblement national s’étend sur le paradis

À Wasselonne, l’ombre du Rassemblement national s’étend sur le paradis

« Sur les fronts du RN » (2/4) – Rien ne manque aux habitants de Wasselonne, agréable bourg entre le piémont des Vosges et le Kochersberg. Pourtant, ils ont davantage voté Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2022 qu’en 2017. Reportage à la recherche d’introuvables raisons.

À Wasselonne, petite ville d’Alsace entre Kochersberg et Vosges, la vie s’écoule tranquillement, agrémentée du chant des oiseaux et d’une vue qui oscille entre les bâtiments historiques et les collines verdoyantes alentours. Ce jeudi 19 mai, les agents communaux sont occupés à changer les géraniums qui ornent chaque coin de rue du centre-ville, des asperges sont annoncées à midi au bar Le Bouc où deux retraités sont attablés. En sirotant leur demi, ils se promettent une « sieste approfondie ».

Dans ce décor qui semble idyllique, 1 483 Wasselonnais ont glissé un bulletin Marine Le Pen dans l’urne le 24 avril 2022. Ce qui fait que cette commune d’environ 5 700 habitants a voté majoritairement (50,56%) à l’extrême-droite à l’élection présidentielle pour la première fois.

Ambiance géraniums, monuments historiques et vallons du piémont des Vosges à Wasselonne la tranquille Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Pas un traumatisme pour les Wasselonnais croisés jeudi 19 mai. Comme Stéphanie, 30 ans, qui promène son chien, un Jack Russel docile et attaché à ses coins favoris. Responsable d’une boutique de vêtements à Strasbourg, elle prend le bus 230 chaque matin, ce qui l’amène à Strasbourg en 40 minutes. Un service cadencé toutes les 10 minutes et qui évite à la commune d’être déconnectée des villes, malgré l’absence d’une gare. Stéphanie ne s’intéresse pas à la politique, elle n’a pas voté à l’élection présidentielle et reproche surtout à Wasselonne une vie nocturne inexistante : « Ici c’est mort après 21 heures… On vit bien, mais c’est surtout pour les jeunes que c’est problématique. »

Une riche vie festive et associative

Pourtant, il y a bien une vie culturelle à Wasselonne. Une fête foraine a occupé la place du village quelques jours auparavant et l’espace Saint-Laurent accueille une pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt, « La vengeance du pardon ». La petite ville se prépare surtout pour son gros rendez-vous annuel, la course de caisses à savon, dimanche 5 juin.

Cet événement, qui se termine par un feu d’artifice, est organisé par la dynamique association des commerçants et professionnels du bourg, l’Asca. Les Wasselonnais lui doivent une dizaine d’événements par an, à Noël, à Pâques, etc. « On veut que les gens se sentent bien à Wasselonne, assure Philippe Wohlgefarth, l’un des membres actifs. On ne parle pas de politique à l’association. La mairie est sans étiquette et c’est ce qu’on aime. »

« Tous pareil »

Maire depuis 2014, Michèle Eschlimann s’est effectivement présentée sans étiquette, mais elle a été soutenue par « Les Républicains ». Vice-présidente de la Collectivité d’Alsace, elle est bien dans une majorité politisée et à droite. Mais la politique, c’est un gros mot à Wasselonne, les habitants rencontrés préfèrent dire qu’ils ne s’en mêlent pas ou que « les politiques sont tous pareils », un ressort classique du vote contestataire.

Logan ne regrette pas d’avoir quitté Obernai pour Wasselonne, qu’il trouve bien plus vivante Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Logan, 31 ans, est de ceux-là. Employé dans le secteur de la sécurité, il vient d’Obernai et s’est installé à Wasselonne pour suivre sa compagne. Il ne regrette pas : « Il se passe pas un mois sans qu’il y ait un truc, messti, braderie, foire… C’est très vivant ici et pour les gamins, c’est super. Ils font beaucoup d’activités et qui, en plus, sont prises en charge. » Dans ces conditions, pourquoi voter à l’extrême-droite alors ? Logan met ce vote sur le compte des vieux : « Il y a beaucoup de personnes âgées ici. Elles ont connu l’époque industrielle et maintenant, y’a une ambiance de friches… ».

C’est vrai que Wasselonne a eu son heure de gloire économique, avec des activités dans les tissus, le papier… En 2018, il restait une douzaine d’établissements industriels de plus de 10 salariés selon l’Insee. Mais le territoire va bien, le taux de chômage y est résiduel, l’un des plus bas d’Alsace. La situation économique ne peut donc pas non plus expliquer la progression du vote d’extrême-droite. Contrairement à Sainte-Marie-aux-Mines (lire ici) ou Sarre-Union (à paraître), les questions de pouvoir d’achat ne reviennent d’ailleurs guère souvent dans les arguments des électeurs RN rencontrés.

Wasselonne a conservé quelques industries, comme l’usine de matériaux Cantillana Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Le pass sanitaire, nouveau ressort du vote RN

Rencontrée sur le circuit des emblèmes et métiers d’autrefois, Sylvie, 57 ans, ne fait pas de tourisme. Elle se hâte pour un rendez-vous avec son assistante sociale. Veuve depuis quelques temps, elle a du mal à trouver un emploi, ayant été toute sa vie femme au foyer. Elle a voté Jean Lassalle au premier tour et Marine Le Pen au second : « Le passe sanitaire, c’est quoi ces conneries ? » Emmanuel Macron, elle ne peut plus le voir.

C’est aussi le cas de la mère de Mélina, commerçante qui a voté blanc au second tour. Pour elle, « les gens d’ici, comme ma mère, ne sont pas devenus plus racistes. C’est plutôt la politique libérale du gouvernement qu’ils ont mal vécue ». Elle évoque des « groupes d’entraide » qui se sont créés entre personnes ayant refusé les vaccins contre le Covid-19 : « Ça démarre sur les petits coups de main entre voisins, mais ça dérape vite sur la politique et l’extrême-droite », se désole-t-elle.

L’impressionnant groupe scolaire de Wasselonne accueille les écoles primaires et maternelles Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

La télé allumée sur CNews

Comme Daniel par exemple. À 66 ans, il attend son petit-fils devant l’impressionnant groupe scolaire de Wasselonne. Il ne « dira pas pour qui il a voté » mais « tout est fait d’avance », selon lui. « On nous raconte que des mensonges. » Cindy, 42 ans, attend aussi ses enfants. Mère au foyer isolé, elle trouve que Wasselonne « commence à devenir chère. » Elle a voté Marine Le Pen : « Oui elle est un peu d’extrême-droite mais Macron c’était pas possible, après ce qu’il nous a fait avec les vaccins. » Même discours d’Emmanuelle, 52 ans, assistante maternelle qui espère qu’après avoir envoyé un coup de semonce à Emmanuel Macron, celui-ci prendra mieux en considération les classes moyennes.

Au bar Le Bouc, la patronne se prépare pour l’apéro. Pour elle, le vote RN à Wasselonne s’explique par la trop forte proportion de personnes étrangères. Invisibles en ville ou devant l’école, où sont-ils donc ces étrangers ? « Ah ça, on les voit pas mais il y en a beaucoup », assure-t-elle en desservant quelques verres. De retour derrière son comptoir, elle a une vue directe sur une télé accrochée en hauteur et allumée en permanence sur CNews.