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Service National Universel : à Strasbourg, une punition collective à 22h30 dans la cour du lycée Jean Rostand

Service National Universel : à Strasbourg, une punition collective à 22h30 dans la cour du lycée Jean Rostand

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Moins de voitures sur la future place de la Gare

Moins de voitures sur la future place de la Gare

Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, a inauguré un « espace détente », mardi 12 juillet, sur la place de la Gare. Ces nouveaux équipements marquent la première étape d’un projet de réaménagement global de ce lieu, qui devrait se métamorphoser avec l’arrivée des nouvelles lignes de tramway à destination du nord de la ville.

Anne-Marie Victor, habitante du quartier, est à l’initiative du projet de création d’un « espace détente », place de la Gare, à Strasbourg, financé à hauteur de 25 000 euros par la Ville dans le cadre de la saison 1 du budget participatif : un terrain de pétanque, une table de ping-pong, deux « équipements ludiques » pour les enfants… Plus de trois ans après sa validation par la Ville, mardi 12 juillet, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, a inauguré le projet.

Plusieurs élus étaient présents à l’inauguration mardi 12 juillet. Photo : NC / Rue89 Strasbourg / cc

Pour l’instant, il n’y a qu’un seul petit banc et aucun moyen de se mettre à l’abri du soleil sur cet « espace détente ». Anne-Marie Victor a pu souligner qu’elle souhaite « plus d’ombre et d’endroits pour s’asseoir ». Jeanne Barseghian, a reconnu qu’il restait des ajustements à effectuer : « Des arbustes et de la nouvelle pelouse seront plantés à l’automne 2022. » L’édile a pu évoquer ensuite sa volonté de transformer la place de la Gare :

« Notre souhait, c’est que ce lieu devienne un lieu de rencontre et pas seulement un lieu de passage. […] Cette place, elle va bouger encore dans les prochaines années. Il y a tout un travail à mener dans le cadre du projet d’extension du tram nord autour du réaménagement de cette place en termes de flux de circulation mais aussi en termes de répartition des différents espaces. »

L’espace détente, place de la Gare, pendant l’inauguration, avec la table de ping-pong et le terrain de pétanque en fond. Photo : NC / Rue89 Strasbourg / cc

« Clairement, nous souhaitons revoir le plan de circulation »

La Ville et l’Eurométropole ont en effet tranché, en décembre 2021, en faveur d’un nouveau tracé du réseau de tramway afin de raccorder le centre de Strasbourg à Schiltigheim et Bischheim. À terme, la place de la Gare, pourrait accueillir le terminus de « deux, voire trois nouvelles lignes », peut-on lire dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du projet de prolongement du tramway nord, publié par l’Eurométropole.

Ces nouvelles infrastructures pourraient provoquer une augmentation de « 30 à 40 % de voyageurs […] par rapport à la situation actuelle », prévoient les auteurs du rapport. Et ces derniers de conclure :

« Outre l’évolution de l’offre tramway au niveau de la gare, il convient « d’élargir » le pôle d’échange en améliorant les cheminements piétons à la gare depuis les stations tramway périphériques. Il est ainsi envisagé de limiter la circulation automobile sur la place de la gare aux riverains et aux fonctions d’accès d’entrée et de sortie aux parkings. »

Interrogée sur l’avenir de la place de la Gare, et plus particulièrement sur celui du trafic automobile qui l’entoure, Jeanne Barseghian précise :

« Il ne s’agit pas de piétonniser, mais par contre, clairement, nous souhaitons revoir le plan de circulation. Il y aura toujours la possibilité d’accéder en voiture, mais nous voulons réduire le trafic de transit, c’est-à-dire des personnes qui viennent du nord de l’agglomération, qui contournent la gare et qui continuent. Nous voulons que la gare soit un lieu de destination, et non de passage. »

Des ateliers de concertation à venir

Dans les prochaines années, la place de la Gare devrait connaître sa plus importante métamorphose depuis 2007, date à laquelle des travaux d’envergures avaient été engagés à l’occasion de la mise en service du TGV Est.

Reste à voir comment s’intègreront concrètement les nouvelles infrastructures dans le paysage et participeront à une nouvelle répartition de l’espace public entre les différents usagers. Ces points, notamment le lieu d’implantation de la future station de tramway « Place de la Gare », « feront l’objet d’ateliers de concertation spécifiques », indique le CCTP. Le début des travaux du prolongement du tramway nord doit intervenir en 2024 pour une livraison d’ici 2026.

À l’avant-veille du feu d’artifice, la Ville évacue le camp de l’Étoile

À l’avant-veille du feu d’artifice, la Ville évacue le camp de l’Étoile

Les services de la Ville de Strasbourg ont procédé mardi 12 juillet, sans présence policière, à une mise à l’abri dans un gymnase des demandeurs d’asile installés au campement de la place de l’Étoile depuis le printemps. Les services de l’État examineront les situations administratives des personnes, et proposeront, en fonction, des solutions d’hébergement. Le feu d’artifice du 14 juillet doit être tiré de la place de l’Étoile.

La Ville de Strasbourg n’a pas attendu la décision du tribunal administratif pour amorcer la fin du camp de sans-abris place de l’Étoile ce mardi 12 juillet. Le matin-même, la collectivité demandait en référé au tribunal l’expulsion du camp (lire notre article), qui s’est formé depuis avril.

Environ 70 demandeurs d’asile habitent dans une trentaine de tentes au niveau des espaces verts face au centre administratif.

Sur la place de l’Étoile, seuls des agents de la Ville organisent l’évacuation dans le calme et quelques barrières ont été apposées. Il n’y a pas de policiers en uniforme, ni de personnes se réclamant de la préfecture du Bas-Rhin, en charge de la politique de l’hébergement d’urgence et d’ordinaire de l’évacuation de ce type de camps. Les services sociaux distribuent des feuilles sur lesquelles la démarche est écrite en plusieurs langues, afin de s’assurer que tout le monde comprend. Des enfants courent pour ranger leurs affaires et aident leurs parents, enthousiastes à l’idée de quitter les lieux.

Les personnes sont acheminées vers des bus. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Élues de la Ville et de l’Eurométropole en charge de la Solidarité, Floriane Varieras et Marie-Dominique Dreyssé assistent à l’évacuation du camp. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un feu d’artifice imminent

Le mercredi 13 juillet, les services de la Ville ont prévu d’investir la place pour y installer les préparatifs du feu d’artifice célébrant la Fête nationale. Il sera bien tiré le jeudi 14 juillet dans la soirée, la Ville avait indiqué être prête à y renoncer si le camp n’était pas évacué.

Les occupants de la place de l’Étoile entrent volontiers dans le bus prévu et espèrent enfin bénéficier d’un hébergement d’urgence après avoir passé des semaines dehors. Kamran, jeune afghan, glisse : « C’était très dur ces derniers jours. On espère ne plus jamais vivre ça. » Ils sont en fait déplacés vers le gymnase Branly, utilisé plusieurs fois par la préfecture pour protéger les personnes sans-abri lorsqu’il fait très froid ou après l’évacuation de camps de réfugiés. Les réfugiés sont arrivés sur place en portant leurs affaires aux alentours de 17h30, au nombre de 65. Au moins un père et son fils ont choisi de ne pas entrer dans le bus, car ils ont essuyé plusieurs refus à leurs demandes de titre de séjour.

Des hébergements pour toutes les personnes, selon les situations administratives

Des bénévoles de la Protection civile participent à l’encadrement au gymnase. Floriane Varieras, adjointe à la maire en charge des solidarités, est satisfaite du déroulé des événements :

« On a pu montrer que la police n’est pas forcément nécessaire pour les évacuations. Les dispositifs des forces de l’ordre peuvent être très stressants pour les personnes. Nous allons aider à l’organisation de la vie sur place, mais cela sera temporaire. Les services de l’État proposeront une solution à toutes les personnes suite à des examens des situations administratives. Le gymnase ne sera qu’un sas. »

Les anciens occupants de la place de l’Étoile sont arrivés au gymnase Branly vers 17h30. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Hillary, de Médecins du Monde, association qui a réalisé plusieurs interventions sur le camp, reste inquiète :

« Nous restons très attentifs, pour savoir quelles solutions concrètes seront proposées aux personnes et comment elles seront accompagnées, notamment les personnes qui ont été déboutées du droit d’asile. »

La majorité attendent une réponse après une première ou une deuxième demande d’asile. Suite à l’évacuation du camp de Montagne verte à l’été 2021, de nombreux réfugiés avaient été emmenés dans un centre « d’aide au retour » à Bouxwiller, où ils étaient encouragés à signer un engagement pour être renvoyés dans leur pays d’origine. Gabriel, militant pour les droits des réfugiés, ajoute :

« Dans certaines familles, des personnes ont un titre de séjour et d’autres sont déboutés. Comment ils feront avec eux ? »

La Ville demande l’expulsion des sans-abris du camp de l’Étoile au tribunal et annonce l’ouverture d’un gymnase

La Ville demande l’expulsion des sans-abris du camp de l’Étoile au tribunal et annonce l’ouverture d’un gymnase

Les occupants du camp de l’Étoile étaient assignés à comparaitre au tribunal administratif mardi 12 juillet. La Ville de Strasbourg et l’Eurométropole demandent leur expulsion de la place où doit être tiré le feu d’artifice du 14 juillet, tout en assurant qu’un gymnase a été réservé pour les accueillir afin que leurs situations administratives soient examinées par l’État.

Une partie des 70 sans-abris qui vivent place de l’Étoile attendent devant le tribunal administratif de Strasbourg mardi 12 juillet à 9h. Il viennent soutenir dix d’entre eux qui sont assignés à comparaître. Seda et Sajbe, deux jeunes Macédoniennes, regardent la convocation, le regard paniqué. Marie-Dominique Dreyssé, vice-présidente de l’Eurométropole, se voulait très rassurante la veille, lors d’une manifestation pour l’hébergement de ces personnes devant le centre administratif. Elle déclarait aux intéressés qu’aucune expulsion par la force n’était en discussion.

L’avocat de la Ville annonce qu’un gymnase sera mis à disposition

Même le président du tribunal, Xavier Faessel, semble étonné. Devant une salle comble, il ouvre la séance en s’interrogeant : « J’ai lu dans le journal ce matin que la Ville souhaite que les sans-abris soient hébergés. Mais c’est bien de leur expulsion que nous allons discuter aujourd’hui ? » Me Maetz, qui représente la municipalité, confirme qu’il s’agit de l’évacuation des sans-abris, qui occupent, « sans droit ni titre », un terrain de la Ville , « pour leur sécurité », à cause du feu d’artifice du 14 juillet qui doit être tiré depuis la place. La démarche a été lancée le 8 juillet, lorsque des policiers municipaux sont venus dire aux habitants du camp qu’ils devaient quitter les lieux. Il ajoute :

« D’âpres négociations ont eu lieu avec la préfecture jusque tard dans la nuit. Nous avons acté qu’un gymnase allait être mis à disposition et que les services de l’État pourront examiner individuellement la situation des personnes pour qu’une solution d’hébergement leur soit proposée. […] Une expulsion par la force publique serait vraiment un dernier recours. »

La salle d’audience du tribunal administratif était bien remplie. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Décision du tribunal dans la journée

« Ces personnes ne seraient pas là si on leur avait donné une solution », rétorque Me Schweitzer, avocate des sans-abris. Elle fustige la démarche de la Ville :

« Des huissiers sont venus sans interprète pour distribuer les assignations à comparaître hier. La plupart ne comprennent pas ce qu’il se passe vu les signaux contradictoires. La Ville demande une procédure d’urgence mais ce n’est pas du tout justifié, ces sans-abris sont là depuis trois mois et le feu d’artifice est prévu depuis longtemps. Ils ne cessent de demander à être logés ces dernières semaines. Certes c’est l’État qui a la compétence de l’hébergement d’urgence mais la Ville est une autorité supplétive et peut aussi en proposer. »

« Tous les jours ça change »

Le tribunal doit rendre sa décision en début d’après-midi ce 12 juillet. Me Maetz indique que les services de la Ville vont se tenir à disposition pour emmener les personnes vers la salle de sport. Selon plusieurs militants associatifs, le gymnase Branly est en cours de préparation dans le même temps.

Le gymnase Branly en cours de préparation par les services de la Ville mardi 12 juillet. Photo : remise

Cette issue conviendrait à Kamran, jeune afghan qui vit dans le camp : « Nous voulons juste que tout le monde soit hébergé, mais tous les jours ça change. » Me Schweitzer craint la suite :

« Dans les gymnases ou les dispositifs de ce type, outre les mauvaises conditions de vie qui continuent, il est arrivé plusieurs fois ces derniers mois que la police aux frontières (PAF) vienne délivrer des Obligations de quitter le territoire français (OQTF). La Ville ne prend pas ses responsabilités, cette position est scandaleuse. Il y a des solutions. »

L’hébergement d’urgence, un droit inconditionnel en théorie

Les demandeurs d’asile du camp de l’Étoile sont à des degrés divers de procédure. Certains ont des titres de séjour. Selon le code de l’action sociale et des familles, toute personne qui le demande peut bénéficier d’un hébergement d’urgence de manière inconditionnelle. Floriane Varieras, adjointe à la maire en charge des solidarités, a participé à organiser le dispositif. Elle détaille la démarche :

« Le gymnase sera un sas avant la redirection vers les solutions d’hébergement adaptées. Nous ferons en sorte que l’évacuation se passe le plus calmement possible. Elle aura lieu avant mercredi 13 juillet à 12h. »

Face à l’inflation, des grèves et actions ont débouché sur des hausses de salaire de 3 à 5% en Alsace

Face à l’inflation, des grèves et actions ont débouché sur des hausses de salaire de 3 à 5% en Alsace

Face à la forte inflation, de nombreuses entreprises ont fait face à des mouvements sociaux et autres grèves de salariés défendant leur pouvoir d’achat diminué par l’inflation. À la clé de ces mobilisations, le plus souvent, des augmentations exceptionnelles. Les négociations annuelles obligatoires devraient donner lieu à de fortes demandes salariales compte tenu des perspectives.

Un niveau d’inflation comme la France n’en avait pas connu depuis 1985. En septembre, le coût de la vie en une année aura augmenté de 6,8% d’après les prévisions de l’Insee. Dès le début de l’année 2022, et de la hausse des prix, les entreprises d’Alsace ont connu un nombre impressionnant de mobilisations pour demander des augmentations généralisées.

D’une entreprise à l’autre, le rapport de force est très variable. Il faut parfois passer par des mouvements de grève longs, jusqu’à 10 jours à Kronenbourg. Dans d’autres sociétés, la simple évocation d’un mouvement social a suffi pour que la direction accorde des augmentations. Notre recensement n’est pas exhaustif, mais en règle générale les salariés ont obtenu au printemps des hausses de salaires de 3 à 4%, voire jusqu’à 5%. Dans d’autres cas, plus rares, les actions ont donné des résultats décevants, avec une hausses 1,5%, voire des échecs, notamment quand l’employeur est très éloigné.

Ce mouvement commun à tous les salariés n’est pas prêt de s’arrêter. L’été n’est guère propice à des mouvements sociaux. Mais les syndicats s’attendent à une rentrée placée sous le thème du pouvoir d’achat des salariés. Car l’inflation se poursuit et ne montre pas de signe de ralentissement. Et dans beaucoup d’entreprises s’ouvriront des négociations annuelles obligatoires (NAO). Tous les syndicats s’attendent à ce passage obligé pour « rattraper » un éventuel décalage entre des augmentations obtenues et une inflation plus forte. Même si tout ne se jouera pas dans les entreprises. « Le niveau des revendications devrait aussi dépendre du contenu du plan pouvoir d’achat du gouvernement », estime le secrétaire général de la CGT du Bas-Rhin, Laurent Feisthauer.

Des augmentations jusqu’à 5%

L’augmentation salariale la plus nette se situe à la sucrière Tereos à Marckolsheim. Une grève massivement suivie de quatre jours a débouché sur 5% « pour les plus petits salaires » dixit Jean-Michel Halter de la CFDT, qui avait accompagné le mouvement. Ces revendications ont eu lieu la dernière semaine d’avril. D’autres mouvements sociaux se sont produits plus tôt dans l’année, quand l’inflation cumulée était donc plus faible.

Dans l’entreprise d’emballages métalliques Amcor à Sélestat, les salariés ont obtenu dès le mois de février une hausse de 4% des salaires et une augmentation de l’intéressement sur les bénéfices annuels. Elles ont été accordées par la direction locale de l’usine appartenant à un groupe australien. « Le pouvoir d’achat touche toutes les catégories de métiers. J’ai réussi à mobiliser les cadres », se félicite Olivier Wilm, représentant de la CGT dans l’entreprise. Le jour de l’unique action en janvier, 92% des personnels se sont arrêtés lors d’un débrayage d’environ 1h30.

Une augmentation de même ampleur a été accordée le 3 février à Kronenbourg. Mais dans la brasserie d’Obernai, il a fallu passer par une longue grève de 10 jours. L’usine a tourné au ralenti avec sept à huit groupes d’embouteillages sur dix à l’arrêt et environ 80% des 200 ouvriers mobilisés.

À la CTS, « une augmentation qui suit l’inflation » selon l’Unsa

À la Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS), les salariés ont obtenu le 12 mars une augmentation salariale de tout le personnel de 2,9%. “Si on ajoute cette hausse à celle de 2,54% qui a pris effet au 1er janvier, le pouvoir d’achat des salariés de la CTS a augmenté de 5,5%, ce qui représente 140 euros net par mois, par salarié”, se félicite le délégué syndical Unsa CTS Stéphane Daveluy, “le salaire a donc suivi l’inflation, c’est le minimum qu’on pouvait attendre.”

Le personnel avait démarré un mouvement de grève continu le 4 décembre, avec en particulier deux samedis massivement suivis pendant le marché de Noël, les 4 et 17 décembre. Ces jours-là, 60% des conducteurs s’étaient portés grévistes.

Du court débrayage à la longue grève

Dans l’usine d’enveloppes électriques Sarel (groupe Schneider Electric) à Sarre-Union, les salariés ont aussi observé un débrayage au printemps, d’une durée de 2 heures, mais cela “n’a pas pas abouti à grand chose”, regrette Tony Fiorito, responsable syndical CGT, malgré l’appel des trois organisations syndicales et “80% des ouvriers qui ont suivi”.

Le groupe a consenti pour son usine de Sarre-Union à une hausse de 3,1% de la masse salariale, mais ce pourcentage comprend “des augmentations individuelles, des mesures d’égalité homme-femme et une partie d’augmentation générale”. Ce qui entraine des disparités. ”Certains n’ont eu des augmentations que de 1% et quelques…”, poursuit le syndicaliste. Les salariés ne se sont pas arrêtés davantage, car la suite de la bataille se joue au niveau du comité social et économique (CSE) central du groupe. “On a beaucoup d’attentes pour les négociations annuelles, car les dividendes du groupe n’ont jamais été aussi élevés ».

Pour Force ouvrière, la principale mobilisation s’est déroulée en mars à Flender Graffenstaden, une usine d’Illkirch-Graffenstaden d’engrenages pour le transport de gaz et de pétrole. Pour Eric Krumm, délégué syndical FO, il a fallu opérer en deux temps pour obtenir gain de cause :

« On a débrayé deux heures par jour après la première offre de la direction qui a proposé 1,5% d’augmentation. La semaine suivante on est entré dans une grève dure. Toute la semaine, il n’y a eu que des intérimaires. »

Les salariés ont finalement obtenu 2,4% pour les salaires au-dessus de 2 400 euros net primes comprises, et 3% pour les salaires en dessous de 2400 euros.

Pendant une semaine en mars 2022, les ouvriers de Flender Graffenstaden étaient presque intégralement en grève pour demander une augmentation salariale. Photo : remise

Quand la simple évocation d’une grève suffit

Parfois la simple évocation d’une grève suffit à faire réagir les directions. Chez les cuisines Schmidt, les syndicats ont appelé à la grève fin mars, après des négociations jugées. “Finalement, la menace de grève a suffi, l’augmentation est passée de 2,2 à 3,4%. À cette période l’inflation tournait autour des 3%” souligne Khalid Sarouaou, secrétaire de Sud industrie Alsace.

Pour Olivier Delacourt de la CFDT Métallurgie, des situations identiques se sont produites dans les usines Ricoh, Liebherr et Faurecia avec des augmentation de l’ordre de 4%. Le responsable syndical explique ces rapides réactions par la crainte d’un effet de contagion :

« On était aux portes du conflit et les entreprises ont vu que dans tous les secteurs d’activité des grèves se déclenchaient. Les entreprises ont vu qu’il y avait un problème de rémunération et de pouvoir d’achat. Dès que ça grondait et que les délégués menaçaient, ils étaient plus enclins à négocier. »

Chez le constructeur automobile Dangel, spécialiste de la transformation de véhicules de séries en 4 roues motrices (4×4), la simple évocation d’un arrêt du travail a aussi débouché sur une revalorisation, mais un peu moindre, de l’ordre de 3%. Une situation qui pousse les représentants du personnel à déjà demander une réouverture des négociations.

Des mobilisations soldées par des échecs

Si ces premiers succès sont divers, et parfois simples à obtenir, d’autres mouvements se sont aussi soldés par des échecs. Gilles Bali, de la CFDT Commerces met par exemple dans cette catégorie la mobilisation dans l’usine d’outillage chez Würth à Erstein. Le syndicat réformiste, minoritaire à Würth et moins enclin à mener de longues grèves, avait pourtant fait fermé l’usine trois jours, avec 80% de participation. Le résultat est d’autant plus décevant au regard de la conjoncture du groupe. « C’est rien du tout pour une entreprise prospère avec 300 millions de dividendes et qui est en train de s’agrandir »

Pire encore selon les syndicalistes, les actions des salariés chez les grands groupes à Marionnaud et Auchan qui n’ont mené à aucune augmentation.

Compte tenu de la mobilisation de 10 jours menée notamment par la CFTC à l’usine de matelas haut de gamme Alsace Bedding (ex-Treca) à Reichshoffen, les résultats semblent en-deçà d’autres entreprises qui ont connu une mobilisation. La grève a mobilisé la quasi-totalité des 68 employés à part 3 personnes et la dizaine d’intérimaires. Les salariés ont obtenu une augmentation de 30 euros en brut pour les salaires supérieurs à 1700 euros par mois (soit 1,76% au maximum) et une augmentation de 38 euros brut pour les salaires inférieurs à 1700 euros par mois (soit 2,3% au maximum). 

Début 2022, les mobilisations pour le pouvoir d’achat des salariés ont souvent fonctionné… à divers degrés. Photo : Pabak Sarkar / Flickr /cc

À l’entreprise d’alimentation animale Mars PF à Ernolsheim-Bruche, l’action mi-mai a été plus courte : deux heures de débrayage mi-mai pour 115 personnes devant l’entreprise de 270 employés. Mais selon la CFTC le fait que des salariés organisent une action avait déjà un caractère historique ! Les retombées ont été moindres, puisqu’il n’y a pas eu d’augmentation générale. Seuls les jeunes payés au SMIC ont bénéficié d’une augmentation de 3%.

Ces échecs ne veulent pas dire que le syndicat n’obtient jamais d’augmentation, explique Christophe Fausser, secrétaire général CFTC dans le Haut-Rhin. L’organisation privilégie les négociations annuelles.

« Dans ce cadre, on arrivé à négocier des augmentations entre 4 et 6 %. Mais quand on lit dans la presse que l’inflation est à 5% et que l’augmentation obtenue n’est que de 4%, il reste des salariés mécontents ».

Devant la mairie, une manifestation pour héberger les sans-abris du camp de l’Étoile

Devant la mairie, une manifestation pour héberger les sans-abris du camp de l’Étoile

Les sans-abris qui occupent les tentes place de l’Étoile se sont rassemblés devant les portes du centre administratif pour demander un entretien avec un élu. Marie-Dominique Dreyssé, vice-présidente de l’Eurométropole, a seulement évoqué des négociations en cours avec la préfecture. Le feu d’artifice du 14 juillet est censé être tiré depuis la place. Reportage.

Une cinquantaine d’habitants du camp de l’Étoile, où vivent près de 70 demandeurs d’asile au total, avancent vers les portes du centre administratif. Ils sont accompagnés de militants du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici. Lundi 11 juillet, aux alentours de 9h30, ils viennent réclamer un hébergement d’urgence devant la mairie. Depuis plus de deux mois, ils dorment sous des tentes sans trouver de logement, alors que certains appellent le 115 tous les jours.

Vers 9h30, les sans-abris se sont avancés en direction des portes du centre administratif. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Des policiers municipaux bloquent le passage. « J’ai pas maison », déclare Kilkhallo, du haut de ses sept ans. Il traduit ce que disent ses parents : « Nous venons de Syrie. Cette situation ne peut plus durer. Nous ne pouvons rien faire, nous ne savons pas ce qui va nous arriver. C’est dangereux dehors. » Les demandeurs d’asile réclament une discussion avec un élu de la Ville.

Kilkhallo et sa famille viennent de Syrie. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Les policiers installent de petites barrières et invitent les manifestants à s’éloigner. L’accès au centre administratif est bloqué au public du fait de leur présence. « De quoi ont-ils peur ? », ironise une militante.

Les policiers municipaux ont installé en urgence un barrage devant le centre administratif, à l’arrivée des manifestants. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous négocions avec la préfecture »

C’est Marie-Dominique Dreyssé (EELV), vice-présidente de l’Eurométropole en charge des solidarités, qui s’y colle. Elle prend d’abord la parole devant le rassemblement :

« Nous sommes en négociation avec la préfecture pour trouver une solution. C’est l’État qui est en charge de l’hébergement d’urgence. »

En effet, c’est l’État qui est en charge de mettre à l’abri, de manière inconditionnelle, toute personne en détresse qui le demande. Mais cette réponse est loin de satisfaire l’auditoire. « Et la réquisition des logements vides ? Ça vous pouvez le faire. Il faut une solution, cette situation est dramatique », lance un militant, qui attend « plus de radicalité » de la part de la Ville. Céline Geissmann, conseillère municipale du parti socialiste, interpelle Marie-Dominique Dreyssé :

« Vous connaissez la situation depuis plusieurs mois et maintenant vous n’avez pas été capable de trouver une solution ! »

Marie-Dominique Dreyssé rappelle que 400 places ont déjà été créées par la Ville, et qu’une centaine le seront encore avant la fin du mandat. Elle promet que les négociations sont vigoureuses avec la préfecture : « Nous voulons que l’État assume sa responsabilité. Nous ne pouvons l’assumer avec notre budget, qui est prévu pour d’autres choses. »

Céline Geissmann (au milieu), élue socialiste, a interpellé Marie-Dominique Dreyssé. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

L’ultimatum du feu d’artifice

Certains voient la présence de Céline Geissmann d’un mauvais œil. Maxime (prénom modifié), souligne : « Quand les socialistes étaient aux manettes lors des mandats précédents, ce n’était pas mieux. » Sur la non-installation de sanitaires et d’un accès à l’eau dédiés, qui relèvent de la municipalité, Marie-Dominique Dreyssé répond qu’il est « complexe de mettre en place ces dispositifs car cela donne l’impression que le camp est pérenne, alors qu’on veut justement que l’État trouve des solutions rapidement ».

Vers 10h, une délégation d’habitants du camp est désignée pour discuter avec la vice-présidente de l’Eurométropole. Il s’agit de Kristina, Tchétchène, Seda et Fikri, Macédoniens, et Kamran, Afghan. Emmanuel Fernandes, nouveau député La France insoumise de la deuxième circonscription du Bas-Rhin, assiste à cette discussion très politique. Il glisse : « Il ne peut pas il y avoir de démantèlement s’il n’y a pas d’hébergement. » La Ville doit composer avec une échéance qui la concerne sur cette place. Le feu d’artifice du 14 juillet doit être tiré depuis la place de l’Étoile et le matériel doit être installé la veille.

Un gymnase dans l’urgence avant une solution plus pérenne ?

La réunion se tient à l’écart du rassemblement, dans le parking du centre administratif. Le reste des manifestants s’éloignent et se dispersent petit à petit aux alentours. Ramdane, habitant sur le camp, s’adresse à Marie-Dominique Dreyssé : « Les policiers municipaux nous ont dit (le 8 juillet, NDLR) qu’on devait dégager avant le 12 juillet sinon ils utiliseraient la force. » « Il y a certainement eu une maladresse, il n’est aucunement question d’une évacuation par la force », rassure la vice-présidente. Elle ajoute : « Si rien ne bouge, il n’y aura pas de feu d’artifice, c’est simple. » « Et que va t-il se passer alors ? », demandent Kamran et Seda. « Je ne sais pas précisément », répète Marie-Dominique Dreyssé.

Kamran demande à Marie-Dominique Dreyssé pourquoi les habitants du camp ont été menacés d’une évacuation par la force par la police municipale. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La discussion avec la vice-présidente en charge des solidarités se termine au bout de dix minutes. Les ambassadeurs du camp rejoignent leurs voisins. « Il est possible que les demandeurs d’asile soient dirigés vers un gymnase le temps de trouver une solution pérenne », concède Marie-Dominique Dreyssé. À quelques mètres, sur le trottoir, Sajbe, 18 ans, est assise entre sa mère et son père. Les yeux rouges à cause de la fatigue et de l’émotion, elle regrette de ne toujours pas savoir ce qui va advenir.

Le professeur de droit Bertrand Pauvert condamné pour violence et harcèlement sexuel et sexiste

Le professeur de droit Bertrand Pauvert condamné pour violence et harcèlement sexuel et sexiste

Lundi 11 juillet, le tribunal correctionnel de Mulhouse a déclaré le professeur en droit de l’Université de Haute Alsace Bertrand Pauvert coupable de violence et de harcèlement sexuel et sexiste. L’ancien directeur du département de droit a été condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et interdit d’exercer pendant trois ans.

« Je suis contente, surtout pour l’interdiction d’exercer. Ca me soulage de savoir qu’on ne le recroisera plus avant la fin de notre scolarité. » Étudiante en première année de master en « Droit et métiers de l’administration », Manon réagit au délibéré du tribunal correctionnel de Mulhouse. Son ancien maître de conférences à l’Université de Haute Alsace (UHA), Bertrand Pauvert, a été déclaré coupable de violence sans incapacité et de harcèlement sexuel et sexiste.

Il est condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et interdit d’exercer la profession d’enseignant pendant trois ans. Lors de l’audience le 9 juin, la vice-procureur Sandra Di Rosa avait requis une peine un peu plus sévère de six mois ferme (aménageable sous forme de détention à domicile) et d’un an de prison avec sursis.

Bertrand Pauvert, maître de conférences en droit public à l’Université de Haute Alsace, a été condamné à 12 mois de prison avec sursis pour harcèlement sexuel et violence. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Si le viol est inévitable, détends-toi et profite »

Bertrand Pauvert était poursuivi pour violence sans incapacité et harcèlement sexuel lié à « des propos à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée entre janvier 2018 et octobre 2021 ». La procédure avait débuté suite aux révélations du journal L’Alsace sur les « brimades » de l’enseignant.

En audience, la présidente du tribunal avait longuement rappelé les faits, accablants, rapportés par des enregistrements vocaux réalisés pendant les cours de l’enseignant de droit : « Si le viol est inévitable, détends-toi et profite », « Tu vas trop vite, ta copine me l’a encore dit hier soir » ou « J’ai la braguette ouverte, je viens de me faire sucer entre midi et deux ».

Le fait de violence remonte à 2018 : dans un amphithéâtre, Bertrand Pauvert appelle un étudiant à le rejoindre. L’universitaire se place derrière le jeune et mime une sodomie, sans le toucher. Appelé à s’expliquer sur ce comportement, l’enseignant avait tenté d’expliquer ce geste par l’illustration de la suprématie du droit européen sur le droit national. Bertrand Pauvert est aussi connu pour un engament politique en tant que coordinateur local de la campagne présidentielle d’Éric Zemmour.

L’avocat de Bertrand Pauvert « envisage très sérieusement de faire appel »

Ce jugement pourrait avoir des conséquences intéressantes pour tous les élèves qui s’estiment victimes de propos sexistes ou à connotation sexuelle de la part de leur professeur. Les victimes de tels propos ne sont pas seulement celles et ceux auxquels le maître de conférences s’est adressé directement. Dans son délibéré, le tribunal a estimé que les propos à caractère sexuels et sexistes ont été tenus à l’égard de l’ensemble des étudiants présents et reçus par chacun à titre personnel, chacun en ayant souffert.

Avocat de Bertrand Pauvert, Maître Jonathan Muré se dit « surpris par les motivations du tribunal. Nous ne partageons pas la qualification de harcèlement et de violence. » Le défenseur de l’enseignant en droit public indique qu’il « envisage très sérieusement de faire appel », notamment du fait de la « peine complémentaire (l’interdiction d’exercer ndlr)), que mon client vit extrêmement difficilement. Enseigner était sa vocation, c’est un coup très important qui lui est porté… »

« C’est une décision qui me semble signifier une sanction assez ferme, que je trouve à titre personnel juste et équilibrée », se félicite Jean-François Havard, directeur de la faculté de sciences économiques, sociales et juridiques de 2013 à 2018. L’enseignant-chercheur estime que l’Université de Haute Alsace « a pris ses responsabilités face à des faits très graves remontés par des étudiants. Dans ce type de situation, l’université a obligation de signifier aux étudiants qu’ils peuvent engager une procédure et que l’Université peut se constituer partie civile. Mais ce type de procédure n’existe que si les étudiants se mobilisent. »

Au 5 rue d’Anjou, à la Meinau : « Mes enfants respirent des moisissures »

Au 5 rue d’Anjou, à la Meinau : « Mes enfants respirent des moisissures »

Dans l’appartement de Safia, habitante d’un immeuble HLM de la Meinau géré par le bailleur social Alsace Habitat, d’impressionnantes moisissures persistent. Selon l’association CLCV, le phénomène empire ces dernières années, à cause de la dégradation des vieux bâtiments et de l’augmentation du prix du chauffage. Reportage.

Dans la salle de bain, une odeur de moisissure coupe le souffle. « Mes enfants respirent ça », s’inquiète Safia (prénom modifié). Au-dessus d’une petite fenêtre, le mur s’écaille, attaqué par les champignons. La mère de famille, aide-soignante, enceinte de cinq mois, habite dans un trois pièces au 5 rue d’Anjou, quartier de la Meinau, avec son mari, chauffeur-livreur, et ses trois enfants. « On sera bientôt six dans l’appartement, ça ne peut plus durer », commente-t-elle.

Safia désigne aussi une grande trace d’humidité près de la baignoire. « Pourtant, on aère tout le temps », assure-t-elle. En avril 2018, lorsqu’elle est rentrée dans cet appartement dont le loyer est de 600 euros avec les charges, Alsace Habitat, son bailleur social, « ne lui a pas signalé de problème de moisissures » selon elle :

« Le logement était clairement en mauvais état. On a du repeindre et bien laver des zones, mais on pensait que ça se limiterait à ça. Au bout de quelques semaines, nous avons remarqué des soucis d’humidité dans plusieurs pièces. »

« Si je ne frottais pas régulièrement, je ne sais pas à quoi ça ressemblerait »

Les traces d’humidité près de la baignoire. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

De juillet 2018 à l’hiver 2020, Safia a eu des cafards. « Ils allaient jusque dans les lits », s’écrie-t-elle : « Après plusieurs traitements, ils sont partis. » Mais ce sont les problèmes d’humidité qui ont empiré. Elle décrit une lutte quotidienne contre les moisissures :

« Je dois nettoyer très régulièrement avec des produits spéciaux. Je dois toujours y penser. Si je ne frottais pas très régulièrement, je ne sais pas à quoi ça ressemblerait. »

Sur le mur de la cuisine, il ne reste plus que les chevilles. « Les meubles sont tombés à cause de l’humidité. Il y a de l’eau dans les murs », affirme Safia, en tapotant sur les parois. Dans sa chambre à coucher, où un bébé dort aussi, et dans la chambre de ses deux autres enfants, de petites traces de moisissures résident malgré ses efforts.

Les meubles de la cuisine de Safia sont tombés à cause de l’humidité. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« J’ai harcelé Alsace Habitat »

La mère de famille explique avoir envoyé de nombreux mails et avoir « harcelé Alsace Habitat au téléphone », pour qu’ils arrangent la situation. Selon elle, le bailleur social a fait intervenir un peintre à trois reprises. Elle se rappelle :

« Il venait nettoyer et peindre aux endroits où il y avait des moisissures. Lui-même me disait que ça ne servait à rien, et que la solution était de détruire les murs, de traiter et de reconstruire. Ce qu’il faisait servait juste à cacher la misère pour un temps. Systématiquement, au bout de quelques semaines les moisissures revenaient. »

Interrogé sur la gestion des problèmes de moisissure et sur le nombre de personnes touchées par cette nuisance dans son parc locatif, le bailleur social Alsace Habitat n’a pas répondu aux questions de Rue89 Strasbourg. L’association territoriale des organismes HLM d’Alsace (Areal) et l’agence d’urbanisme de Strasbourg (Adeus) n’ont pas pu fournir de statistiques pour donner une vision d’ensemble du phénomène.

Safia pointe du doigt Alsace Habitat, son bailleur social. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Pour la CLCV 67, le phénomène des moisissures empire à Strasbourg

Mais pour Daniel Bonnot, président de l’association Consommation logement cadre de vie 67 (CLCV 67), il ne fait aucun doute que les moisissures dans les logements sont très répandues :

« Tous les mois, une dizaine de nouvelles personnes viennent nous voir pour des problèmes de moisissures. Le problème s’amplifie. Il y a quatre ans, c’était seulement trois à quatre personnes qui venaient mensuellement. Les deux raisons principales sont les problèmes d’isolation, avec la dégradation des bâtiments, et l’impossibilité pour les personnes de mettre le chauffage parce que les prix de l’énergie augmentent.

La plupart du temps, nous leur conseillons de faire une demande de changement de logement social. Certaines ont des attestations médicales qui affirment qu’il est dangereux pour leur état de santé de rester dans leur appartement. »

Autour des fenêtres, partout dans l’appartement, des moisissures apparaissent. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Le président de CLCV 67 évoque, pour donner un exemple, l’accompagnement, en mars, d’une femme habitant à Montagne Verte, dans sa demande de mutation de logement. Celle-ci a emmené « plusieurs fois son fils aux urgences pour de l’asthme et des problèmes respiratoires, liés à l’humidité de son appartement ».

Les moisissures ont des impacts sur la santé

Les vieux blocs HLM de la rue d’Anjou sont en mauvais état. Safia affirme que beaucoup d’autres habitants du quartier rencontrent des problématiques similaires. Elle signale que ses enfants sont « tout le temps malades et toussent beaucoup ». Dans les logements humides ou comportant des moisissures, on trouve des micropolluants comme des bactéries et des mycotoxines, des molécules émises par les champignons. Elles causent des symptômes oto-rhino-laryngologiques et bronchiques, de l’asthme ou encore des pneumopathies. Les moisissures représentent des risques plus ou moins importants selon la vulnérabilité des personnes, mais leurs impacts à long terme sont mal connus. Les symptômes sont souvent plus visibles chez les enfants.

Safia a formulé, au début de l’année 2022, une demande de changement d’appartement à cause de ces moisissures. Elle a bon espoir de se voir proposer une solution : « De toute façon, on est déjà serrés maintenant, alors avec un bébé en plus, c’est impossible de faire autrement », dit-elle, en se touchant le ventre.

Safia est obligée de lutter en permanence contre les moisissures, comme ici, dans la chambre de ses enfants. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Avec « La nuit du 12 », Dominik Moll scrute les relations hommes-femmes dans un polar glaçant

Avec « La nuit du 12 », Dominik Moll scrute les relations hommes-femmes dans un polar glaçant

Pour son septième long-métrage, Dominik Moll se penche sur un féminicide non résolu et livre un polar implacable et existentiel sur les violences faites aux femmes. Rencontre avec le réalisateur et Bastien Bouillon, enquêteur sensible hanté par ce crime

La nuit du 12 octobre 2016, Clara, jolie blonde de 20 ans, rentre chez elle après une soirée entre copines. Au matin, elle est retrouvée morte brulée vive dans son lotissement, à deux pas de chez ses parents. Début de polar classique : une femme, morte. Mais Dominik Moll annonce dès le départ que cette affaire ne sera pas résolue : un cold case qui va rester froid. Malgré cela, ou grâce à cette idée originale, le spectateur est embarqué dans une enquête à flux tendu. Plongée dans des relations hommes-femmes glauques, violentes et toxiques, l’affaire devient l’obsession du nouveau capitaine de la police judiciaire (PJ), incroyable Bastien Bouillon.

Bastien Bouillon, un enquêteur troublé dans « La nuit du 12 » Photo : Haut et Court

Dominik Moll réalise le premier polar féministe post-Metoo: la victime n’est plus un prétexte pour faire un film de flics mais pose une question et la décortique : pourquoi les femmes sont-elles des proies aux yeux de certains hommes dans notre société ? Rencontre avec le réalisateur et son acteur, Bastien Bouillon, pour son premier rôle en tête d’affiche.

Rue89 Strasbourg: Quelle idée première a motivé le film: explorer un féminicide ou mettre en scène un polar sans résolution?

Dominik Moll : Quand je cherche une nouvelle idée, je ne me dis pas que je veux faire une enquête policière ou un film d’amour, je me nourris de lectures jusqu’à ce que j’ai un déclic. Cette fois, cela s’est produit avec la quatrième de couverture du livre de Pauline Guéna : « 18.3 – une année à la PJ », qui parlait d’une affaire irrésolue au point de hanter un enquêteur. Le livre, qui retrace son immersion dans les services de la police judiciaire de Versailles, est passionnant : jusqu’à présent je n’avais jamais eu envie de raconter une histoire du côté des flics, mais là, des personnages très intéressants émergeaient. Dans cette affaire non résolue, ce qui m’a plu c’est de raconter comment une enquête peut toucher très intimement des policiers. Ensuite, en échangeant avec mon co-scénariste Gilles Marchand, on s’est rendu compte que le féminicide n’était pas anodin et que les rapports hommes-femmes allaient devenir un fil rouge du scénario. Dans le livre de Pauline Guéna, la thématique n’était pas explicite mais cela transpirait entre les mots.

Comme le crime est irrésolu, on ne peut pas savoir ce qu’il s’est réellement passé, ni à quoi ressemble le meurtrier, pourtant vous avez quand même montré le meurtre, pourquoi ?

DM: Cela a donné lieu à des discussions avec les productrices qui craignaient le côté voyeur, complaisant de la scène de crime. Mais avec Gilles Marchand, nous étions convaincu qu’il ne fallait pas cacher la violence de l’acte. Je pense que nous avons réussi à montrer le crime avec une certaine pudeur, une distance, en allant vers quelque chose de stylisé, notamment avec les gros plans sur les yeux, la musique qui désamorce l’aspect dramatique et le son direct qui disparait. J’avais fait un premier montage avec les cris de la victime mais tout à coup c’était indécent.

Toute une palette d’hommes assez différents entourent Clara, comment avez-vous construit ses fréquentations masculines ?

DM: Ces hommes existaient dans le livre et nous les avons retravaillés à notre sauce. Ce sont des ex de Clara, des connaissances, des vantards… qui offraient un éventail de comportements : la lâcheté, l’indifférence, la violence… Cela construit un discours de certains hommes sur les femmes qui nous semblait intéressant.

Strasbourg, 4 juillet 2022. Dominik Moll Photo : Pascal Bastien / Divergence

Le fond et la forme donnent à voir un film à l’os : on reste focalisé sur cette enquête jusqu’à se sentir oppressé comme les deux personnages de la police judiciaire. Comment avez-vous pensé cette mise en scène ?

DM: Pendant l’écriture du scénario, j’ai découvert le travail du réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen (El Reino, Madre, NDLR) qui utilise des focales très courtes ce qui crée une grande profondeur de champ: cela ancre ses personnages dans leur environnement. J’ai travaillé dans ce sens avec le chef opérateur Patrick Ghiringhelli. Dans les scènes d’interrogatoires, on est dans des endroits exigus. Souvent au cinéma ou à la télévision, on filme des open spaces avec baies vitrées pour créer de belles images mais cela ne correspond pas à la réalité des commissariats. Je n’ai pas voulu non plus de gros plans, la mise en scène est claire et simple, ce qui permet, à mon sens, de rendre plus visibles les conflits internes, ce qui reste sous la surface des choses. Ensuite, il y a l’idée d’enfermement, reprise avec la présence de la montagne qui entoure Grenoble, à la fois belle et menaçante. Les personnages tournent en rond, encerclés par les Alpes, comme l’inspecteur dans son vélodrome, mais les hauteurs sont aussi la promesse d’un ailleurs…

Cette femme blonde entourée par des hommes malsains, l’atmosphère de cette petite ville de montagne… On pense à Twin Peaks !

DM: Gilles Marchand et moi adorons l’univers de Lynch ! Nous avions évoqué Laura Palmer (la jeune femme morte au début de Twin Peaks, NDLR), le fait qu’on la voit à peine durant la série mais qu’elle plane sur toute l’histoire. On voulait recréer ça avec Clara. D’ailleurs Clara est seule sur l’affiche du film, alors qu’elle n’apparait que quelques minutes, parce qu’on voulait donner toute sa place à la victime, c’est un choix militant.

Strasbourg, 4 juillet 2022. Bastien Bouillon Photo : Pascal Bastien / Divergence

Quel conseil vous a donné Dominik Moll pour incarner Yohan, cet enquêteur ultra sensible ?

Bastien Bouillon: Il ne m’a dit qu’une seule chose : « Sois droit comme le samouraï de Melville » (film sorti en 1968, avec Alain Delon et François Périer, NDLR). Le scénario est très solide et Dominik fait un énorme travail de préparation et sur le casting. Plus le film est écrit et juste, plus c’est facile d’incarner le personnage et d’être généreux sans avoir à prouver quelque chose. Mais les mots clés étaient effectivement : concentré, droit… C’est aussi un rôle où il fallait laisser de la place, à ses partenaires : mon personnage est à l’écoute, il se laisse guider.

Votre façon de parler est particulière, sensible, presque envoutante.

BB: Oui, Yohan s’exprime d’une façon articulée, littéraire parfois. Il y avait certaine phases que je voulais mettre en exergue comme quand je raconte à la juge d’instruction : « À la PJ on raconte que chaque enquêteur tombe sur un crime qui le hante, il se met à vous tourner dans la tête, jusqu’à l’obsession ». Par rapport aux autres personnages, que ce soit ses collègues ou les suspects, il est dans la retenue, la douceur.

Est-ce qu’une scène a été plus difficile à jouer ?

BB: Oui, mais elle a été coupée au montage ! Dans une scène Yohan s’effondrait en larmes. On l’a shootée deux fois et c’était pas simple pour moi. Mais ils ne l’ont pas gardée. Dans le scénario, il y avait plus d’indications sur le personnage, son background, mais les réalisateurs ont décidé de rester concentré sur l’intrigue, ce qui est une bonne chose car cela laisse plus de place aux spectateurs.

GCO : l’effet « aspirateur à camions » déjà au-delà des prévisions

GCO : l’effet « aspirateur à camions » déjà au-delà des prévisions

Six mois après l’ouverture du GCO, la fréquentation totale n’est pas au niveau des projections. En revanche, le trafic attendu au niveau des poids-lourds a déjà été dépassé. Le tribunal administratif doit encore statuer sur la légalité des arrêtés qui ont autorisé les travaux, alors que les opposants documentent les nouvelles nuisances, en particulier le bruit, engendrées par l’autoroute payante.

En service depuis le 21 décembre 2021, le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg n’a toujours pas été autorisé par la justice. Le . . .

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Avec Thomas Wender, Strasbourgeois engagé pour les jeunes migrants isolés

Avec Thomas Wender, Strasbourgeois engagé pour les jeunes migrants isolés

« Strasbourgeois·es engagé·es », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Cinquième épisode avec Thomas Wender, le directeur du centre Bernanos et curé de la paroisse universitaire.

En novembre 2016, un jeune homme se présente au Centre Bernanos à Strasbourg. Âgé d’une quinzaine d’années, sans papiers, il dort dans la rue depuis des jours. Le Père Thomas fait alors le choix de l’héberger au sein de l’aumônerie universitaire et découvre la situation de nombreux mineurs non accompagnés, livrés à eux-mêmes sur le sol français. Arrivés en France sans parents, ces derniers devraient être pris en charge par l’Aide Sociale à l’enfance du fait de leur âge. Pourtant, le département ne les reconnaît pas comme mineurs et les tient à l’écart des dispositifs d’aide. S’ils peuvent contester en justice cette décision, dans l’attente d’un jugement, la rue est souvent leur seul horizon.

Le centre Bernanos accompagne une trentaine de jeunes réfugiés

Titulaire d’une formation en chimie, Thomas Wender a travaillé aux Mines de potasse d’Alsace avant d’entrer dans les ordres. C’est fort d’une certaine idée de la foi et de la solidarité qu’il organise l’accueil des jeunes au centre Bernanos. Ils y sont logés, nourris, scolarisés et soutenus dans leurs démarches administratives. Depuis 2016, ce sont ainsi 150 jeunes migrants qui ont été accompagnés jusqu’à la reconnaissance de leurs droits. Il revient aujourd’hui sur son engagement pour Rue89 Strasbourg.

Thomas Wender, curé de la paroisse universitaire et directeur du centre Barnanos

Pas de toilettes et d’accès à l’eau dédiés, passage de la police… Les conditions indignes du camp de l’Étoile

Pas de toilettes et d’accès à l’eau dédiés, passage de la police… Les conditions indignes du camp de l’Étoile

Depuis le mois d’avril, des sans-abris vivent place de l’Étoile dans des tentes, sans toilettes sèches et sans accès à l’eau suffisant. Vendredi 8 juillet, la police municipale a sommé ces 70 personnes de partir sous quatre jours, parce que le feu d’artifice du 14 juillet doit être tiré de la place. Reportage.

La réponse automatique du 115, le numéro à appeler pour demander un hébergement d’urgence, tourne en boucle depuis cinq minutes. Fikri a enclenché le haut-parleur et posé son téléphone sur la table. « C’est toujours comme ça, parfois il n’y a aucune réponse, et quand il y en a une, elle est négative. On appelle tous les jours », assure Seda, sa fille de 14 ans, ce jeudi 7 juillet. La famille originaire de Macédoine dort place de l’Étoile, à quatre dans une tente, depuis deux mois.

Près de 70 sans-abris dans 33 tentes

Rue89 Strasbourg avait déjà publié un reportage sur le campement le 30 mai, constatant la présence d’une quarantaine de personnes. Quarante jours plus tard, ils sont près de 70 sans-abris dans 33 tentes, selon un bilan réalisé par Médecins du monde le 7 juillet. Seda traverse la place de l’Étoile, le centre administratif de la Ville de Strasbourg en arrière plan.

L’adolescente montre le point d’eau et les deux toilettes publics accessibles après 21 heures, en très mauvais état selon elle. Les portes ne s’ouvrent pas encore, il est 19h : « Je n’ose pas y aller la nuit. C’est trop loin et il y a des personnes bizarres autour », explique t-elle en anglais. Juste à côté des WC, six personnes, visiblement en état d’ébriété, semblent avoir élu domicile ici. En journée, d’autres sanitaires, plus propres, sont disponibles à quelques mètres.

Les toilettes accessibles la nuit pour les sans-abris du camp, à l’autre bout de la place de l’Étoile. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

L’installation de toilettes et d’un accès à l’eau, un engagement de campagne

L’installation rapide de points d’eau et de sanitaires faisait pourtant partie des engagements de campagne de Jeanne Barseghian (EELV), la maire de Strasbourg. Nicolas Fuchs, coordinateur régional de Médecins du monde, dénonce cette situation :

« Au regard du code de l’action sociale et des familles, ces personnes devraient bénéficier d’un hébergement d’urgence octroyé par l’État. À défaut d’une mise à l’abri, nous demandons les installations nécessaires aux besoins fondamentaux, à savoir des sanitaires et des arrivées d’eau, ainsi qu’un suivi social pour permettre aux personnes d’accéder à leurs droits. »

Selon la municipalité, ce point d’eau est suffisant pour le camp place de l’Étoile qui regroupe 70 personnes. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Seize associations et collectifs, dont Médecins du monde, Abribus, La Cimade, Le Secours populaire et Les Petites Roues, ont envoyé un communiqué vendredi 8 juillet, demandant à la municipalité et à la préfecture de loger les sans-abris du camp, et d’installer des toilettes et un accès à l’eau avant leur hébergement.

Pour ne rien arranger, selon Actu Strasbourg, dans la matinée du 8 juillet, la police municipale est passée pour dire aux personnes de quitter les lieux avant le 12 juillet car le feu d’artifice de la fête nationale doit être tiré de la place de l’Étoile. « On ne sait pas encore ce qu’on va faire, c’est une catastrophe. Les policiers nous on dit que si on ne part pas, on sera évacué par la force », relate Seda, le regard inquiet.

Des personnes de plusieurs nationalités, en demande d’asile

En sortant de sa tente, Sajbe indique que sa famille, aussi macédonienne, est là depuis le mois d’avril. Son père, atteint de troubles respiratoires, ne parle pas français. « Menacés de mort » en Macédoine, ils ont été contraints de venir d’après elle. « Même pour des personnes malades et en détresse comme nous, il n’y a pas de places au 115 », constate la jeune fille de 18 ans. Certains ont essuyé des refus après leur demande d’asile dans sa famille, d’autres viennent de faire leur première demande.

Originaires de Géorgie, de Bulgarie, de Macédoine ou encore d’Albanie, les personnes sont à des degrés divers de procédure de demande d’asile. Kamran est afghan. Sa famille, réfugiée en Iran pendant plusieurs années, a obtenu un titre de séjour en France. Maria, la mère, montre une notification indiquant que leur prise en charge dans un hébergement d’urgence aux alentours de Toulouse a été arrêtée fin juin, après quelques mois.

À Strasbourg depuis dix jours, à six dans deux tentes place de l’Étoile, le 115 n’a pas de solution pour eux. Elle ne comprend pas : « Si on retourne en Afghanistan, on est menacés par les Talibans. On est là à vivre dans des tentes avec nos enfants. C’est dangereux. Combien de temps ça va durer ? » Contactées, la préfecture et la Ville de Strasbourg n’ont pas répondu à nos questions.

À Gresswiller, la fête de la Bretzel resserre les liens : « L’ambiance est magique, tout le monde revit ! »

À Gresswiller, la fête de la Bretzel resserre les liens : « L’ambiance est magique, tout le monde revit ! »

« Fêtes d’Alsace », épisode 2 – Petit bourg de la vallée de la Bruche, Gresswiller s’anime chaque année à l’occasion de la fête de la Bretzel. Un temps fort qui fédère toutes les générations autour d’un certain art de vivre à l’alsacienne et d’une envie de se voir. Reportage à la soirée dansante du samedi 25 juin.

L’odeur du pain tout juste sorti du four flotte sur la place centrale de Gresswiller. Dix-huit heures sonnent au clocher de ce village de la vallée de la Bruche, à une demi-heure de route de Strasbourg. Entre l’église, la mairie et les maisons à colombages de la rue principale, une tonnelle et un parquet de danse ont été dressés. Les musiciens font leurs balances en jouant du Clara Luciani sur fond de cris d’enfants heureux de sauter dans les structures gonflables installées dans la cour de l’école.

À une heure du début des festivités de ce samedi 25 juin, tout est presque prêt. Les premiers visiteurs ont déjà leur verre de bière à la main et les bretzels s’amoncellent sur les stands. Mais pendant que certains hésitent entre une version sucrée, salée, ou gratinée, les bénévoles de Gresswiller en fête courent dans tous les sens avec leurs t-shirts bleus pour régler les derniers préparatifs. Talkie-walkie à la ceinture, Julien Muller fait partie des plus sollicités.

Julien Muller, 38 ans, est le président de Gresswiller en fête, l’association qui organise la fête de la Bretzel. Photo : Danae Corté / Rue89 Strasbourg / cc

À 38 ans, ce pompier professionnel et Gresswillerois de naissance est le président de l’association et l’un de ses fondateurs :

« Tout a commencé quand la fête du village est tombée à l’eau. Plus personne ne voulait s’en occuper. Alors on s’est rassemblés avec quelques présidents d’associations et des copains qui avaient la même énergie pour créer un comité des fêtes en 2015. On cherchait un concept et on s’est dit : quoi de mieux que la bretzel pour rassembler tout le monde ? Si vous appelez ça un messti, ça n’attire qu’une poignée de gens… »

Maintenir « le vivre ensemble »

Après deux ans de pause liés à la pandémie, la fête de la Bretzel a vu les choses en grand pour sa sixième édition. Trois jours de festivités portés par 140 bénévoles. Village des brasseurs le vendredi, kermesse et petit marché artisanal le dimanche. Et au milieu, ce samedi : soirée dansante avec orchestre. Le président de Gresswiller en fête se réjouit :

« Maintenant, la mayonnaise prend vraiment. On a réussi à créer une dynamique : c’est essentiel. Sur une fête de village comme celle-ci, si vous n’attirez pas du monde, les gens du coin ne se déplacent pas non plus. »

Or c’est là tout l’enjeu. L’objectif même de Gresswiller en fêtes lors de sa création : maintenir « le vivre ensemble » au sein de la bourgade. « À Gresswiller, on est situé tout près de la voie rapide, et du chemin de fer, pas très loin de Strasbourg. Sans vie locale, on peut vite devenir une commune dortoir », poursuit Julien Muller : « Si on fait tout ça, c’est pour transmettre l’âme du village à nos enfants. » Comprendre, un endroit où l’on se connaît entre voisins, entre habitants, et où l’on aime se retrouver plusieurs fois dans l’année, au gré des événements de la commune.

Au stand de bretzels près de l’école, ils sont d’ailleurs trois jeunes adolescents bénévoles à s’activer avec enthousiasme, plus rapides que leurs aînés lorsqu’il s’agit de tendre aux visiteurs leurs petits nœuds briochés dans une serviette en papier. Il est 19h et la file d’attente pour acheter les tickets boissons et nourriture s’allonge jusqu’à l’entrée de la place.

Une odeur de steaks saisis sur le grill et de frites chaudes taquine les papilles. Les premiers bretzels burgers apparaissent entre les mains des visiteurs et les bières se multiplient sur les petites tables rondes disposées près d’une des deux buvettes. Céline Weiss et Davy Lescornez sont posés avec leurs mousses.

Céline Weiss et Davy Lescornez. Photo : Danae Corté / Rue89 Strasbourg / cc

Faire découvrir l’Alsace

Originaire de Valross, dans le sud de la France, Davy a rejoint Céline à Schirmeck deux jours avant le début du premier confinement. « Je lui avais vendu l’Alsace avec plein de fêtes un peu partout en lui disant que ça bougeait bien l’été, mais la pandémie a tout foutu en l’air », explique celle qui avait l’habitude de retrouver des amis dans les messtis des alentours.

C’est en passant dans le coin en voiture que le couple a eu vent de l’événement, grâce aux banderoles suspendues au dessus de la route. « On vient pour la convivialité, l’ambiance générale. La bretzel, le rock’n roll et la bière ça nous correspond bien », poursuit cette quadragénaire travaillant dans la fonction publique. « Ça permet de prendre l’air après une semaine de boulot, enchaîne Davy, ça fait du bien ! »

À une table voisine, un autre couple sirote une bière. Pour Diane-Claire Hildwein, 30 ans et son compagnon Jonathan Jullien, 29 ans, c’est aussi la première fête de la Bretzel à Gresswiller. Strasbourgeoise d’origine, la jeune femme est revenue s’installer au sein de la capitale européenne il y a un an après avoir vécu quelques années à Paris :

« Mon amoureux est parisien. Depuis qu’on a emménagé à Strasbourg, je me suis donné pour mission de lui faire découvrir l’Alsace, alors on fait pas mal de fêtes de village. C’est sympa et l’ambiance est inclusive : il y a des anciens, des jeunes, des familles… Ici les gens se parlent vachement ».

« Ce n’est pas comme à Paris ou il faut faire la queue pour aller boire une bière et où personne ne vous parle quand vous vous asseyez », renchérit Jonathan. « On en avait marre de la hype parisienne, conclut Diane-Claire. Ici c’est plus cool, on peut venir sapé comme on veut ». Conquis par l’ambiance des fêtes alsaciennes, le couple joue même les ambassadeurs. « De temps en temps, j’envoie des photos à mes parents et ils trouvent ça trop bien, sourit la jeune femme. Ils commencent à se dire qu’ils aimeraient bien venir avec nous à l’occasion ».

« Vous avez vu l’ambiance? »

20h30. Quelques danseurs se balancent doucement devant la scène en écoutant l’orchestre jouer Sur la route de Memphis tandis que les files d’attente aux tickets se sont encore allongées. Il faut compter près d’une demi-heure pour obtenir les précieux sésames et attendre à nouveau pour repartir avec son burger ou sa tarte flambée mais personne ne bronche.

Au contraire, ça discute gaiement dans la file et ça s’organise stratégiquement : pendant que l’un ou l’autre fait la queue, d’autres vont réserver une place à table. Ces dernières se font rares. Et pour la première fois, des tréteaux supplémentaires sont même rajoutés à la hâte au bord de la route principale, où la circulation a été coupée.

En cuisine, les bénévoles mettent les bouchées doubles pour servir tout le monde. Ce qui n’empêche pas le maître du grill et celui des grillades de s’apostropher pour savoir qui travaille le plus, le mieux, et le plus rapidement. Grand gaillard de 33 ans, Yannick, dit Yax, brandit sa spatule en direction d’Arnaud Chabal en riant.

Une heure plus tard, tandis que certains profitent de ce que le coup de feu soit passé pour diner à leur tour, les deux hommes se taquinent toujours. « Y a pas une seule tâche sur ton tablier ! » « Mais c’est parce que nous on sait travailler proprement ! » Yax estime avoir servi près de mille burgers pendant la soirée pour un nombre de visiteurs évalués aux alentours de 1 500. Un record. S’il donne un coup de main, c’est en raison de la convivialité de l’événement. « Ça fait bouger le village. Vous avez vu l’ambiance un peu ? »

Retrouver les copains

De l’autre côté de la place, Ces années là retentit sur la scène. Le volume de la musique a pris quelques décibels et le parquet de danse est désormais si bien rempli que certains se trémoussent devant. Suivent Tal et le célèbre Envole-moi de Jean-Jacques Goldman. Un peu à l’écart, à mi-chemin entre le stand des bretzels et celui des bières mais « loin des épouses », trois amis de longue date discutent autour d’un verre. Laurent, Joël Burger et Didier Hochwenker étaient à l’école ensemble et ont toujours vécu à Gresswiller.

Passé de 1 200 à 1 700 habitants en une dizaine d’années, la commune a « pas mal changé », selon Joël :

« Aujourd’hui, c’est l’école le cœur du village. Une fête comme celle-ci, ce sont les parents d’élèves qui la portent. Beaucoup de gens sont arrivés de la ville ces dernières années et se sont engagés dans la vie du village. C’est une bonne chose. »

Mais du côté des anciens, « le covid a un peu cassé toutes les ambiances », note aussi Laurent et certains sortent moins. Les quinquagénaires se souviennent d’une époque où les bals champêtres et les fêtes de village étaient plus nombreux. « Aujourd’hui vous allez où si vous voulez sortir ? En ville », appuie-t-il.

21h45. Un jeune couple regarde la scène et les danseurs de tous les âges en souriant. Enfant du village, David Fieng, 21 ans, vient tout juste d’arriver avec sa copine Caroline Kibort, même âge et parisienne d’origine. Étudiant à Strasbourg, le jeune homme essaie autant que possible de revenir à chaque fête du village :

« C’est le moment où l’on se retrouve entre jeunes, parce qu’on est beaucoup à s’être perdus de vue avec les études. C’est aussi là que l’on croise des gens du village que l’on ne voit pas ailleurs, des anciens qui nous ont vu tout petits et qui s’étonnent de voir qu’on a grandi. C’est convivial : tout le monde se connait. »

Caroline, de son côté, découvre les fêtes de village. « C’est cool, juge t-elle. Hier soir, il y avait du rock des années 70 : tout le monde peut s’ambiancer là-dessus. Et à côté de ça, tout le monde discute facilement ».

Caroline Kibort et David Fieng.
Photo : Danae Corté / Rue89 Strasbourg / cc

« J’ai jamais vu autant de monde »

22h45. Les rires se font entendre un peu plus fort sur la place. Moins de convives, mais plus de bouteilles vides sur les tables. Guillaume Bernhard est en pleine discussion, derrière la tonnelle. « Je n’ai jamais vu autant de monde que cette année, s’étonne le quadragénaire de Mutzig. Je dirais qu’il y a une fois et demi ce qu’il y avait avant le covid ». L’ambiance ? « Magique ! Tout le monde revit ! » « Ça fait du bien de sortir de chez soi, de voir des gens », abonde David Fluck.

Le groupe d’amis – 22 personnes autour de la table au plus fort de la soirée – a l’habitude de fréquenter les fêtes de village du coin. « On y croise forcément quelqu’un avec qui on peut prendre une bière », ajoute Guillaume.

Un peu plus loin, « Hby », de son surnom, et sa compagne Valérie profitent également de la fin de la soirée avec leur ami Christophe. Originaire de Moselle, ce militaire a découvert les fêtes de village en venant s’installer en Alsace pour le boulot. « C’est vraiment génial ! Malheureusement, ailleurs ça se fait de moins en moins », explique t-il. Et la vie locale s’en ressent. « Dans mon village d’origine, ce n’est pas la même ambiance », glisse t-il en faisant la moue.

De gauche à droite, Christophe, « Hby » et Valérie.
Photo : Danae Corté / Rue89 Strasbourg / cc

23h30. C’est désormais Laisse moi t’aimer qui fait tanguer les danseurs, devant une tonnelle à moitié vide. Les enfants ont déserté. Mais leurs parents et des anciens poursuivent la soirée. Dans les rues, quelques jeunes se promènent encore en direction de la place. Les parfums de cuisine ont laissé place à ceux des jardins en fleurs, capiteux dans la nuit, au pied des maisons à colombages.

#fête de la bretzel#gresswiller

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Dans les maternelles prioritaires, le dédoublement des classes se fait au détriment des autres élèves

Dans les maternelles prioritaires, le dédoublement des classes se fait au détriment des autres élèves

À la rentrée 2022, les maternelles en réseau d’éducation prioritaire doivent dédoubler leurs grandes sections pour n’accueillir que 12 élèves par classe. Mais les moyens manquent pour appliquer cette réforme, les équipes pédagogiques se préparent à une rentrée surchargée dans les autres classes.

En cette fin juin, Marie (tous les prénoms des enseignants ont été modifiés) se prépare à accueillir les futures Petites sections et leurs parents. Au programme de la matinée : rencontre avec l’équipe pédagogique et visite de l’école. Ce moment est source d’excitation pour tous, mais, cette année, cette directrice d’une maternelle de l’Eurométropole l’aborde la gorge un peu serrée. 

Elle va prévenir les parents que leurs enfants pourraient se retrouver dans un double niveau, Petites et Moyennes sections mélangées, les classes ne compteront plus 20 à 24 élèves mais 28, sous réserve de nouvelles inscriptions à la rentrée.

Le dédoublement imposé des classes de grande section provoque une série de problèmes aux enseignants en réseau d’éducation prioritaire. Photo : Aline Fontaine / Rue89 Strasbourg / cc

L’origine de cette surcharge : une réforme initiée par Jean-Michel Blanquer, l’ancien ministre de l’Éducation nationale. Depuis la rentrée 2017, les CP, CE1 et en 2022 les Grandes sections (GS) des écoles en Réseau d’éducation prioritaire (REP) doivent dédoubler leurs classes, afin d’obtenir un maximum de 12 élèves par classe.

Marie sait déjà que cet objectif ne pourra pas être tenu :

« Nous serons plutôt à 15 et 17 en Grandes sections. Et comme l’Académie ne nous a pas fourni le nombre d’enseignants suffisant pour assurer ce dédoublement, nous devrons piocher parmi les enseignants des Petites et Moyennes Sections, c’est pourquoi, les plus petits seront concentrés dans moins de classes. »

Le système-D comme solution

Cette situation est loin d’être inédite. Dans le Bas-Rhin, 17 écoles maternelles REP sont concernées par ce dédoublement des Grandes sections à la rentrée. Pas de problème selon le directeur académique des services de l’Éducation nationale du département, Jean-Pierre Geneviève :

« 22 emplois ont été prévus pour couvrir les 54 nouvelles classes. Comme certaines classes comptaient déjà des effectifs un peu réduits, des classes à 16 ou 17 élèves, nous sommes dans une situation arithmétiquement favorable. »

À ce jour, 404 classes dédoublées de GS, CP et CE1 existent dans les établissements classés REP et REP+ du Bas-Rhin. Photo : Aline Fontaine / Rue89 Strasbourg / cc

Ce n’est pas l’avis du secrétaire général départemental du syndicat des enseignants (Unsa) du Bas-Rhin, Didier Charrie :

« Dans plusieurs cas, les écoles passent de deux à quatre classes, mais le rectorat n’a créé qu’un seul poste. Résultat, les classes des autres niveaux débordent. Au comité technique du 21 juin, nous avons fait remonter les besoins de chaque école afin d’éviter cette surcharge, mais le rectorat ne nous a pas écoutés. L’objectif est de faire remonter au ministère que tout est dédoublé, peu importe le prix à payer par les élèves, les enseignants et les parents. »

Pour limiter la surcharge, certaines équipes pédagogiques craignent de devoir rogner l’effectif enseignant des Toutes petites sections (TPS), des classes spécialement créées en REP pour les enfants de deux ans. Sylvie, enseignante strasbourgeoise en TPS, s’en inquiète :

« Ces classes ont fait leurs preuves et sont si essentielles dans nos quartiers. Elles nous permettent de poser les fondations d’une bonne scolarité et de fidéliser des enfants qui n’ont parfois jamais été séparés de leurs mères. En plus, comme beaucoup ne parlent pas français, nous mettons l’accent sur le langage pour qu’ils soient prêts à démarrer la Petite section. »

À la rentrée 2022,17 écoles maternelles du Bas-Rhin dédoubleront leurs classes de Grande section. Photo : Aline Fontaine / Rue89 Strasbourg / cc

Certaines écoles ont déjà dû faire des choix drastiques, et déplaisants, comme l’explique Anne, directrice d’une école qui propose la filière bilingue :

« J’ai dû refuser deux-tiers des demandes de dérogation pour le bilingue. Sans le dédoublement des GS, j’aurais pu les absorber sur les trois niveaux de maternelle. Ça m’embête vraiment, car refuser des dérogations, c’est refuser des projets d’avenir que des parents avaient pour leurs enfants. »

Des classes nouvelles à créer soudainement

Aux manques de moyens humains, s’ajoute le manque d’espace pour accueillir les classes dédoublées. A leur grand désespoir, certaines équipes envisagent de sacrifier des salles de jeu ou la bibliothèque pour les transformer en salle de classe. Mais, dans au moins un quart des maternelles REP de l’Académie, aucune pièce supplémentaire ne permet d’accueillir les nouvelles classes. Les enseignants imaginent alors être deux dans une salle. Il y aura bien deux classes de douze élèves mais toujours 24 élèves dans une salle !

Ces conditions permettront-elles d’atteindre l’objectif « 100 % de réussite » prévu par la réforme ? Fanny, enseignante en Grande section dédoublée, s’est retrouvée en situation de co-intervention. Elle raconte son année de galère :

« Nous avons décidé de nous répartir les domaines d’apprentissage avec l’autre enseignante. Les élèves ont réussi à décoller car ils ont bénéficié de deux fois plus de temps avec un adulte. Mais ce n’était pas toujours facile de s’entendre en binôme, de devoir se consulter sur tout, alors que nous sommes habitués à mener une classe seule. Pareil pour le bruit, parfois nous étions quatre adultes dans la même salle, avec l’Atsem, et l’AESH, nous peinions à nous concentrer, alors imaginez les enfants ! Dans une autre classe où l’enseignante était seule avec les élèves, 5 sur 12 savaient lire à la fin de l’année, nous n’avons pas atteint ce résultat. »

Martine, directrice d’une école maternelle REP + de Strasbourg, est encore plus inquiète quant aux effets néfastes de la réforme sur les plus petites classes :

« En 2021 / 2022, à cause de la mise en place du dédoublement des GS dans les écoles en REP +, nous avions deux classes de Petite section à 29 et 28 élèves. Tout a été plus difficile. D’habitude, nous consacrons un mois pour rendre les enfants propres avant de commencer les apprentissages scolaires. Là, ça a trainé jusqu’aux vacances de la Toussaint.

À la fin de l’année, le niveau était moins élevé qu’auparavant, et les enseignants n’ont pas pu faire tout ce qu’ils ont voulu. Par exemple, en fin de PS, les enfants sont censés reconnaître quelques lettres ainsi que leur prénom. Cet objectif n’était pas atteint. Sans compter le manque de tables dans les salles de classe, les enfants étaient serrés comme des sardines… »

Parfois les effets positifs de la réforme sont annulés à cause des inscrits supplémentaires en cours d’année. (Photo Aline Fontaine / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : Aline Fontaine / Rue89 Strasbourg / cc)

En outre, Martine a dû gérer une nouvelle source d’irritation entre enseignants :

« Certains devaient gérer des classes surchargées, d’autres n’avaient que douze enfants… Une forme de jalousie s’est invitée au sein de l’équipe pédagogique, d’autant plus compréhensible que les grands sont plus autonomes que les petits. »

Pourtant, les effets positifs de classes à douze élèves maximum sont nombreux. Sophia, une directrice d’école REP de l’Eurométropole, dont l’établissement a eu suffisamment de profs et de place pour appliquer la réforme du dédoublement dès la rentrée 2020, note :

« Pour les élèves, c’est du travail quasiment individualisé, finis les enfants-fantômes. J’ai vu des élèves que j’avais en TPS, assez passifs et introvertis, s’ouvrir et prendre confiance en eux en GS. D’un point de vue collectif, les enfants ont beaucoup plus de respect les uns envers les autres. Cette réforme devrait être poursuivie jusqu’aux TPS, car les difficultés, nous les recensons dès ce niveau. »

Les parents d’élèves au créneau

Quand ils ont appris le dédoublement des Grandes sections de l’école maternelle Rodolphe Reuss au Neuhof à Strasbourg, les parents d’élèves se sont réjouis. Mais quand ils ont compris que, par ricochet, les effectifs seraient de 33 élèves dans les autres niveaux, la joie est vite retombée et a laissé place à la mobilisation. Plus de 200 parents d’élèves ont signé une pétition exigeant la création d’un poste d’enseignant supplémentaire.

Parmi les initiatrices de la pétition, Nour, dont la fille entrera en Moyenne section. La mère de famille estime qu’un seul enseignant pour 33 élèves est insuffisant et risque de mettre les enfants en danger, alors que l’établissement comprend suffisamment de salles pour former une nouvelle classe. Cathia craint une perte des relations humaines entre parents, enseignants et les enfants :

« L’école propose un temps d’adaptation en demi-groupe, sur deux semaines, à la rentrée, comme à la crèche, c’est rassurant pour nous. Entre 8h20 et 8h40, les enseignantes prennent le temps d’accueillir en classe chaque enfant, accompagné de son parent, pour savoir comme ça va. Pourront-elles continuer ? »

Le directeur académique, Jean-Pierre Geneviève, renvoie à la rentrée les arbitrages :

« À la rentrée, une fois que les migrations scolaires de l’été auront eu lieu, nous réétudierons les demandes au cas par cas, et nous ferons les ajustements nécessaires. »

Devant cette réforme menée sans considération pour les situations des établissements, Claire, enseignante en CE2 dans une école strasbourgeoise, soupire :

« Cette réforme est louable à condition de pouvoir respecter ses principes. Sans quoi, il ne sert à rien d’imposer aux écoles tel ou tel dispositif. Mieux vaudrait laisser les écoles s’organiser en fonction de leurs possibilités ou homogénéiser les classes à 20 élèves partout pour ne pas faire de jaloux. Car ce qu’on donne aux classes dédoublées, on le prend ailleurs, or partout, certains enfants ont des besoins particuliers. » 

Les eurodéputés incluent gaz et nucléaire dans les énergies « durables », des manifestations devant le Parlement

Les eurodéputés incluent gaz et nucléaire dans les énergies « durables », des manifestations devant le Parlement

Les députés européens ont tranché ce mercredi 6 juillet : le gaz et le nucléaire sont considérés comme des énergies nécessaires pour la transition vers la neutralité carbone. Ils bénéficient ainsi d’une nouvelle classification, et s’ajoutent aux « activités économiques durables » de l’Union européenne. Des pros et des anti-nucléaires ont essayé d’interpeller les députés devant le Parlement. Reportage.

Les eurodéputés ont voté mercredi 6 juillet à midi pour l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la classification des énergies considérées comme nécessaires pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone de l’Union européenne, parce qu’elles émettent moins de CO2 que la production d’énergie à l’aide du pétrole ou du charbon.

Une décision polémique. Désormais, les centrales nucléaires et à gaz, ainsi que les infrastructures nécessaires pour la production de ces énergies devraient bénéficier plus facilement de financements dédiés à la transition écologique, notamment des investisseurs privés, car elles seront classées comme bénéfiques dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les eurodéputés français ont voté majoritairement pour cette inclusion, les Allemands ont fait l’inverse.

Deux manifs devant le Parlement

Dès 8h du matin devant le Parlement européen à Strasbourg, des militants climatiques avec des objectifs bien différents se tiennent en face-à-face. D’un côté, une trentaine de personnes pour l’inclusion du nucléaire en tant « qu’activité économique durable », de l’autre environ 80 personnes se positionnent contre. Pourtant, les deux camps prétendent lutter contre le réchauffement climatique. 

Les Voix du nucléaire face à la coalition anti-nucléaire devant le Parlement européen ce matin. Photo : Lucie Lefebvre / Rue89 Strasbourg

Les anti-nucléaires regroupent une coalition d’associations. On y retrouve Extinction Rebellion, Green Peace ou encore Réseau sortir du nucléaire. Italiens, Polonais, Suédois et Français commencent à former une chaîne humaine à partir de 8h30 sur tout le pont Joseph Bech. Sourire aux lèvres, ils interpellent les députés qui arrivent au compte-gouttes en criant « Chaud chaud, on est plus chaud que le climat ». 

La chaîne humaine formée par les anti-nucléaires devant le Parlement européen, à Strasbourg. Photo : Lucie Lefebvre / Rue89 Strasbourg

Simone Fest, militante anti-nucléaire depuis trente ans, soutient que le nucléaire ne sera jamais la solution :

« Tout cet argent qui sera mis dans le gaz et le nucléaire le sera d’autant moins dans les énergies renouvelables, et pour l’instant, on n’a pas vraiment de solutions pour les déchets nucléaires. Cela aura des conséquences pour les générations futures. »

Simone Fest, militante anti-nucléaire
Simone Fest, membre du Réseau sortir du nucléaire, devant les militants anti-nucléaire. Photo : Lucie Lefebvre / Rue89 Strasbourg

« Etre anti-nucléaire, ce n’est pas être écolo »

De l’autre côté de la route, la présidente des Voix du nucléaire, Myrto Tripathi tente pourtant de convaincre les opposants. Elle prend la parole au micro à plusieurs reprises malgré les « Mensonges » et les « C’est faux » rétorqués par la partie adverse. La fondatrice de l’association pro-nucléaire se dit « compréhensive » de leur position au vu « des discours véhiculés depuis des années ». Mais pour elle, le constat est sans appel :

« Aujourd’hui il y a un consensus scientifique extrêmement fort, démontré par des décennies de pratique et de mise en œuvre, qui montre que l’énergie d’origine nucléaire répond à tous les critères qui aujourd’hui qualifient la soutenabilité des investissements durables.  

Est ce que vous voulez combattre le réchauffement climatique ou vous voulez combattre le nucléaire ? Etre anti-nucléaire ce n’est pas être environnementaliste, ce n’est pas être écolo. »

Myrto Tripathi, fondatrice de l’association Les Voix du nucléaire
Myrto Tripathi, fondatrice de l’association les Voix du nucléaire fait un discours devant les militants. Photo : Lucie Lefebvre / Rue89 Strasbourg

Les partisans des Voix du nucléaire, venus aussi de toute l’Europe, regrettent cependant un point du texte : la présence du gaz dans cette classification.

« La présence du gaz dans l’acte délégué sera un frein pour beaucoup de parlementaires, c’est un frein pour nous aussi. »

Myrto Tripathi, fondatrice de l’association Les Voix du nucléaire

Un face-à-face pacifique

Malgré leurs oppositions, l’ambiance est plutôt conviviale et pacifique. Trois activistes déguisés en ours polaires pro-nucléaires se dandinent sur la musique qui sort des hauts-parleurs. Vers 9h30, les jeunes militants anti-nucléaires prennent le contrôle de l’enceinte du trottoir d’en face. Myrto Tripathi leur répond : « N’hésitez pas à vous amuser et à danser avec notre enceinte, vous allez adorer notre climat, vous allez adorer le monde qu’on propose. » 

Les partisans des « Voix du nucléaire » devant le Parlement européen, à Strasbourg Photo : Lucie Lefebvre / Rue89 Strasbourg

L’heure est même au débat et à la pédagogie. Un militant anti-nucléaire traverse la route sur son vélo et veut comprendre les arguments de l’autre partie. Une discussion passionnée se déclenche alors entre les deux militants. Finalement, leur conviction est la même : ils veulent toutes et tous sauver la planète.