Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Neuf millions d’euros par an, ce que coûte l’Institut de cancérologie à l’hôpital public

Neuf millions d’euros par an, ce que coûte l’Institut de cancérologie à l’hôpital public

Fruit d’un partenariat entre le Centre Paul Strauss et les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, l’Institut de cancérologie de Strasbourg (Icans) réalise des bénéfices tout en faisant perdre près de neuf millions d’euros par an à l’hôpital public strasbourgeois.
Le partenariat entre le Centre Paul Strass et les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) pour créer l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe (Icans) ressemble de plus en plus à un mariage forcé. En 2021, l’Icans était excédentaire de 1,17 million d’euros . . .

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Se délivrer des représentations sinistres de la mort avec Fabienne Verdier au musée Unterlinden

Se délivrer des représentations sinistres de la mort avec Fabienne Verdier au musée Unterlinden

Connue pour son utilisation de gigantesques pinceaux, Fabienne Verdier accroche ses toiles au musée Unterlinden de Colmar jusqu’au 27 mars. Retour sur Le chant des étoiles, une expérience visuelle et émotionnelle hors du commun. 

En ce début d’automne, le musée Unterlinden invite à une balade étonnement méditative. À l’aube d’Halloween et des défilés de squelettes, fantômes et autres créatures macabres, Fabienne Verdier libère des craintes obsédantes de la mort. 

Le chant des étoiles est l’aboutissement de trois ans de travail entre la commissaire de l’exposition Frédérique Goerig-Hergott et l’artiste peintre Fabienne Verdier. Destinée à prendre vie dans la salle de l’Ackerhof, avant d’être déployée dans l’entièreté de l’ancien couvent des Dominicaines, cette exposition est l’occasion de découvrir ou redécouvrir les toiles de la peintre française, entremêlées des chefs d’œuvres de l’Histoire de l’art. On ne sort pas indifférent de ce voyage entre terre et ciel.

Déstabiliser les représentations traditionnelles

Le Chant des étoiles est un cheminement spirituel où dialoguent les toiles de la peintre contemporaine avec les collections permanentes du musée Unterlinden, une grande majorité des œuvres datant des XVe et XVIe siècles. 

Vue d’exposition, Rainbows et Grand Vortex d’Unterlinden Photo : Lucile Pabois

Formée à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, puis, durant une dizaine d’années installée en Chine, Fabienne Verdier a retranscrit son apprentissage dans son ouvrage autobiographique, La Passagère du silence. Un récit qui permet de comprendre pleinement son travail. Cette initiation à l’art traditionnel chinois l’a amené à solliciter la force gravitationnelle, en quittant la peinture sur chevalet pour peindre debout, la toile posée au sol. Réalisées à l’horizontale et à l’aide d’incomparables pinceaux, ses œuvres abstraites et bicolores sont, pour la plupart, de tailles conséquentes. Le geste déployé est énergique, vivant, et n’hésite pas à déborder du cadre. 

Adieu aux danses macabres et faucheuses

Par ce croisement temporel des représentations et des pratiques, Fabienne Verdier interroge le monde dans sa réalité mouvante et changeante. Un croisement, mais aussi un échange. L’artiste française puise notamment son inspiration dans les productions des grands maîtres du passé. Parmi eux, le Christ de douleur (vers 1480) de Simon Marmion, une peinture qui représente le Christ souffrant de ses blessures. À cela, Fabienne Verdier répond : Petit sang du Christ (2011), un petit tableau marqué d’un coup de pinceau rouge vif sur fond doré. Le supplice laisse place à la vitalité. Le sang qui coule n’est plus une annonce de mort, mais un symbole de vie. Adieu aux danses macabres, faucheuses, et autres représentations obscures qui mènent l’être humain à l’inanimé. On se sent vivant en parcourant Le chant des étoiles, une exposition qui questionne la perception occidentale de la mort.

Fabienne Verdier dans son atelier à Chambly Photo : Laura Stevens

La mort à travers le spectre lumineux

Très vite, Fabienne Verdier se passionne pour le panneau Transfiguration / Résurrection / Ascension  de Grünewald sur le Retable d’Issenheim. Happée par l’auréole solaire déployée autour de la figure centrale, la lumière devient son terrain d’expérimentation pour Rainbows. Mais comment saisir les subtilités, la vérité énergétique de ces ondes colorées ? La réponse à ses interrogations réside dans son « choc du jardin ». Un jour, alors qu’elle arrose ce dernier, l’artiste fait face à un merveilleux spectacle. Le soleil  derrière elle embrasse l’eau qui s’échappe du tuyau. De cette rencontre naît un arc-en-ciel.  Dès lors, Fabienne Verdier se captive pour la composition de la lumière. Son ambition ? Travailler les pigments cyan, magenta et jaune comme le spectre lumineux en optique.

Planche de carnet d’atelier 2021-2022, technique mixte sur papier, 30 x 46 cm, Fonds de l’artiste.

Dans la nef contemporaine des architectes Herzog & de Meuron siège Rainbows, une œuvre immersive composée de 76 tableaux. Sur chaque toile, une aura circulaire colorée accompagnée de projections énergiques blanches. Produits à partir de couches successives de peinture acrylique et de glacis, les cercles pigmentés engendrent des « accidents colorés », proches des effets de la persistance rétinienne (illusion du mouvement en regardant un enchaînement d’images non animées). La mise en espace de ces œuvres immobiles à l’apparence mobile ne laisse pas de marbre, capable de procurer une secousse émotionnelle. Un sentiment de submersion surgit, les dents se serrent. On se sent minuscule face à l’univers qui se dresse tout autour.

Vue d’exposition, au premier plan Don Coucoubazar de Jean Dubuffet, au second plan Vide vibration de Fabienne Verdier Photo : Lucile Pabois

« Il n’y a pas de mort réelle des étoiles »

Fabienne Verdier

À travers ses Rainbows, Fabienne Verdier aborde la mort de façon universelle, parle au plus grand nombre. Par l’évaporation symbolique de la lumière, les Rainbows représentent visuellement des étoiles mourantes, allégorie de la mort humaine. Tel l’ADN de l’être humain, les iris circulaires de couleur, différentes de toile en toile, rendent chaque tableau unique. En nommant ses peintures stellaires par des prénoms du monde entier et en lien avec le cosmos (Clara, Layla, Celestino, etc.), l’artiste renforce la personnification.

Et, en associant la fin de vie à celle d’une étoile, Fabienne Verdier s’émancipe des représentations religieuses de la mort souvent violentes, s’affranchit des croyances théologiques. Le recours à ce procédé anthropomorphique lui permet de représenter le passage vers l’au-delà sous un regard nouveau, plus sensible et scintillant, moins lugubre. Sans conteste, cette incomparable production est la plus lumineuse que la peintre ait créée.

Vue d’exposition, pièces de la série Rainbows Photo : Lucile Pabois

Du corps mourant au corps mouvant

Fabienne Verdier imagine le passage de la vie à la mort par le biais du mouvement.

À la mort d’une étoile, des débris jaillissent et flottent, avant d’engendrer un nouvel être. Ces particules d’âmes meurent et renaissent dans un mouvement constant renforcé par le Grand Vortex d’Unterlinden, un polyptyque d’où s’élève une impressionnante spirale bleue. Pour produire cette œuvre, Fabienne Verdier défie les lois de la gravité à l’aide d’un système de travelling érigé aux côtés de ses assistants, et permettant de déplacer les toiles au sol.

Debout, son imposant pinceau suspendu entre les mains, l’artiste peintre mobilise l’entièreté de son corps pour former des mouvements circulaires tourbillonnants. Le Grand Vortex d’Unterlinden est un combat gagné contre la force gravitationnelle. Il s’érige, telle la vague finale du tsunami affectif qui vient de vous frapper, avant que l’apaisement ne revienne. Positionnée en écho des Rainbows, cette ultime ascension vertigineuse mène les âmes dans l’obscurité finale, pour les faire renaître. La boucle est  bouclée. Le cycle spirituel de la vie et de la mort danse autour de nous. Le Grand Vortex d’Unterlinden matérialise le mouvement circulaire entre la vie et la mort. Le passage à l’au-delà est sublimé. Cette production apaise le cœur, bouleverse l’esprit et le corps.

« Nous avions besoin d’offrir ça à la communauté des Hommes. »

Fabienne Verdier
Fabienne Verdier dans son atelier à Chambly Photo : Laura Stevens

Avec Le chant des étoiles, Fabienne Verdier fait preuve d’une grande justesse intuitive dans sa sublimation des énergies. Son travail réconcilie les croyances et les a priori angoissants de la mort. Par l’intermédiaire de Frédérique Goerig-Hergott, le musée Unterlinden redynamise la lecture de ses collections. Une nouvelle raison de s’y rendre, pour apprécier ce subtil mélange des époques.

Débrayage d’une heure à la Société générale vendredi pour de meilleurs salaires

Débrayage d’une heure à la Société générale vendredi pour de meilleurs salaires

Une partie des salariés de la Société générale ont cessé le travail pendant une heure ce vendredi matin, pour exiger de meilleures rémunérations. À Strasbourg, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées au pied du centre de services de la banque, situé à Cronenbourg.

Les syndicats de salariés et la direction de la banque Société générale sont engagés depuis septembre dans des négociations pour revaloriser les salaires. Vendredi, après des semaines sans avancée et un ultimatum, l’intersyndicale CFDT – CFTC et SNB (Syndicat national de la banque, Unsa) ont appelé les salariés de la Société générale où qu’ils soient à cesser de travailler pendant une heure. À Strasbourg, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées au pied du centre de services de Cronenbourg sur les 170 que compte le site. Selon Muriel Dorffer, déléguée syndicale CFDT à Strasbourg, une centaine de salariés ont fait grève en comptant ceux en télétravail :

« On n’a pas une forte tradition de grève dans la banque… La dernière fois, c’était au moment de l’annonce de la fusion de la Société générale avec le Crédit du Nord fin 2020. On avait aussi débrayé une heure. Mais ça a suffit à alerter la direction ! Là par exemple, la direction a accepté de reprendre les négociations alors qu’elle nous avait indiqué que sa dernière proposition était à prendre ou à laisser… »

Débrayage d’une heure à la Société générale Photo : doc remis

Les syndicats de la Société générale réclament le versement de la prime de partage de valeur, un dispositif exonéré d’impôt mis en place par le gouvernement pour les entreprises excédentaires. Les syndicats demandent 2 000€ pour 2022. Ils réclament également une augmentation générale des salaires de 3%, pour suivre l’inflation a minima.

+54% pour le président, +0,7% pour les salariés

Muriel Dorffer détaille :

« Pendant dix ans, les salaires n’ont pas été revalorisés. Puis l’année dernière, ils n’ont été augmentés que de 0,7% ! La direction nous propose des augmentations de 2 ou 3% selon les tranches et en 2023 seulement ! Notre président, Frédéric Oudéa, s’est lui augmenté de 54% donc il ne devrait pas y avoir de problème ! »

Débrayage d’une heure à la Société générale Photo : doc remis

Muriel Dorffer s’avoue agréablement surprise par l’ampleur de la mobilisation. Elle se dit déterminée à obtenir cette augmentation et cette prime pour 2022, à coup de négociations successives. En cas d’échec de ce nouveau round des négociations, elle donne rendez-vous aux salariés le 10 novembre pour un nouveau débrayage éclair.

À Strasbourg, l’hommage à Lola organisé par le président du groupuscule royaliste Action française

À Strasbourg, l’hommage à Lola organisé par le président du groupuscule royaliste Action française

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Victoire au tribunal administratif pour Eurovia 16, l’entrepôt type Amazon à Ensisheim

Victoire au tribunal administratif pour Eurovia 16, l’entrepôt type Amazon à Ensisheim

Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté vendredi 21 octobre le recours contre le permis de construire d’un immense entrepôt logistique à Ensisheim. Le permis de construire était attaqué par les associations Alsace Nature et Les Amis de la Terre.

L’entrepôt de 189 000 mètres carrés porté par la société Eurovia 16 Project en bordure d’Ensisheim est dimensionné pour accueillir la logistique automatisée de grandes plateformes de commerce en ligne, comme Amazon. En décembre 2020, l’État avait autorisé le projet, malgré des oppositions locales contre cette infrastructure qui n’apporte que peu d’emplois en raison d’une forte automatisation, mais beaucoup de nuisances dues aux ballets incessants des camions. En juillet 2020, la commune d’Ensisheim avait délivré un permis de construire. C’est ce document qui a été attaqué devant le tribunal administratif par les associations environnementalistes Alsace nature et Les Amis de la Terre.

Eurovia 16 by night
Vue de nuit de l’entrepôt. Photo : extrait du rapport de l’autorité environnementale

Dans son jugement, le tribunal administratif de Strasbourg estime que « le permis de construire ne méconnait aucune règle d’urbanisme ». Il détaille :

« Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de construction d’un entrepôt logistique, sur un vaste terrain d’assiette dédié aux activités économiques, éloigné des premières maisons d’habitations, desservi par des axes routiers, présenterait, par lui-même, indépendamment des caractéristiques de son exploitation (…), des risques d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. »

Pas d’obligation de dévoiler le client

Le tribunal n’a pas non plus fait droit aux associations requérantes de révéler le véritable client de ce futur entrepôt, indiquant que la société Eurovia 16 Project était bien titulaire du droit à construire et ue « aucune règle n’impose à l’exploitant d’indiquer à qui il compte louer ses locaux. »

Alsace nature a formé un autre recours devant le tribunal administratif contre Eurovia 16, contre l’arrêté préfectoral d’autorisation environnementale cette fois. Ce recours est toujours en cours d’instruction par le tribunal administratif.

Des dizaines d’arbres du plan canopée sont morts cet été

Des dizaines d’arbres du plan canopée sont morts cet été

La municipalité écologiste de Strasbourg affirme avoir planté 1 932 arbres depuis le début de son mandat. La majorité de ces arbres ont été installés dans des parcs ou des cimetières. Plusieurs dizaines d’entre eux sont morts des suites de la sécheresse de l’été.

Place de la Meinau, une vingtaine d’arbres sont morts, coupés à la base de leurs troncs. Les tuteurs sont encore en place en ce mois d’octobre 2022. Ils avaient été placés ici en mars, dans le cadre du plan canopée, une opération de la municipalité écologiste de Strasbourg visant à planter 10 000 arbres à l’horizon 2030, avec un budget annuel d’un million d’euros. Presque deux ans et demi après le début du mandat, la collectivité revendique 1 932 plantations.

« Pour être transparente, la Ville doit prendre en compte ceux qui n’ont pas tenu et communiquer sur le nombre d’arbres en vie supplémentaires, pas sur le nombre de plantations », considère le conseiller municipal d’opposition Pierre Jakubowicz (Horizons, aile droite de la majorité présidentielle).

« La végétation qui n’existe plus n’a aucun effet écologique. Elle ne rafraîchira pas l’atmosphère à Strasbourg », poursuit-il, avant d’énumérer les sites où il a observé le phénomène : les abords de la place de l’Île de France à la Meinau, la place d’Austerlitz à la Krutenau, devant le Parlement européen ou encore l’allée Reuss au Neuhof, où « 12 arbres sur 13 sont morts ».

Des pertes liées à la sécheresse

Au printemps 2021, la Ville avait mené une grande campagne de communication sur le plan canopée, avec notamment des affiches publicitaires. Contactée par Rue89 Strasbourg, elle refuse aujourd’hui de donner la proportion d’arbres morts, prétextant que le chiffre « n’est pas stabilisé » et que « certains pourraient encore se revitaliser ». Mais ceux qui ont été coupés ne vont pas ressusciter subitement.

Un agent du service des espaces verts indique que « les nombreuses pertes sont surtout liées à la sécheresse de l’été et aux interdictions d’arroser ». La municipalité précise qu’elle a bénéficié d’une exception aux restrictions d’usage pour les jeunes plantations de moins de trois ans.

La Ville de Strasbourg a financé une importante campagne d’affichage sur le plan canopée en avril 2021. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Des essences particulièrement concernées

Mais le tableau n’est pas tout noir. Aux parcs des Contades et de la Bergerie par exemple, aucun arbre coupé n’est visible. Dans Strasbourg, la plupart des végétaux plantés sont bien vivants. Mises à part les zones citées par Pierre Jakubowicz, il y a quelques arbres coupés ici où là, comme avenue du Rhin près de la station de lavage de voiture Eléphant Bleu, ou au pied de la tour Elithis dans le quartier Danube.

Dans cette rue de l’Elsau, des arbres d’alignement ont été introduits récemment. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Le plan canopée est censé fournir à la capitale alsacienne une surface végétale de 30% vue du ciel en 2050. Pour cela, il faut aussi que les arbustes poussent bien, ce qui n’est pas assuré. Place de la Meinau justement, 48 chênes des marais ont été mis en place il y a une dizaine d’années et ces derniers n’ont quasiment pas grandi avant d’être enlevés. Sur les trois espèces replantées au printemps dernier, une autre sorte de chêne constitue la majorité des plants qui n’ont pas résisté.

Pierre Jakubowicz interroge : « Est-ce que la municipalité prend toutes ces incertitudes en compte et prévoit de planter davantage pour arriver à un résultat de 10 000 arbres nets supplémentaires ? » Le conseiller municipal d’opposition insiste aussi sur l’impact du plan canopée sur les îlots de chaleur. D’après lui, la majorité des arbres ont été installés sur des espaces verts et ne vont donc pas rafraîchir les zones les plus minérales de Strasbourg.

Une grosse partie des arbres plantés dans des espaces verts

La collectivité a tout de même planté des arbres quartier Danube, place Kléber ou dans des rues plutôt dépourvues de végétation comme à la cité de l’Ill et à l’Elsau. Selon les chiffres de la Ville, sur les 1 932 arbres installés au total, 1 085 l’ont été sur des espaces verts ou au niveau d’équipements publics, soit plus de la moitié. 468, soit 24%, sont des arbres d’alignement, au bord des routes, donc dans des zones plus minérales. Les 19% restants ont été plantés dans le cadre d’opérations d’aménagement et sur des espaces privés.

Une part non négligeable des arbres du plan canopée se trouvent sur des sites déjà verts, et ne viennent pas changer le paysage de secteurs bétonnés. Végétaliser des rues très minérales peut nécessiter d’importants travaux d’aménagement comme la suppression de places de parking, ou le rétrécissement de la chaussée.

À la fin du mandat, le plan canopée sera l’un des éléments visibles et symboliques sur lequel les Strasbourgeois pourront évaluer la transformation de la ville annoncée par la municipalité écologiste.

#plan canopée

Subvention pour la mosquée Eyyub Sultan : l’annulation de la délibération proposée au tribunal administratif

Subvention pour la mosquée Eyyub Sultan : l’annulation de la délibération proposée au tribunal administratif

La préfecture du Bas-Rhin demande l’annulation de la délibération subventionnant la construction de la mosquée Eyyub Sultan. Une requête soutenue par la rapporteure publique lors d’une audience au tribunal administratif ce jeudi 20 octobre.

Jeudi 20 octobre, le tribunal administratif de Strasbourg tenait une audience à l’initiative de la préfecture du Bas-Rhin, soutenue par cinq membres de l’opposition municipale Les Républicains (LR). Leur requête vise l’annulation de la délibération ouvrant la possibilité d’une subvention à hauteur de 2,5 millions d’euros pour la construction de la nouvelle mosquée Eyyub Sultan du mouvement d’origine turc Millî Görüs. La rapporteure publique Léa Bonnet a conclu à l’annulation de la délibération votée en conseil municipal de la Ville de Strasbourg le 22 mars 2021 pour « des raisons de forme et de fond ». L’avis du rapporteur public, un magistrat chargé de proposer une solution, est souvent suivi par le tribunal.

La mosquée Eyyub Sultan, située plaine des bouchers. Photo prise en septembre 2021. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Les imprécisions fautives de la Ville

Selon la rapporteure publique, la municipalité écologiste a tout d’abord manqué de précision dans l’information des conseillers municipaux concernant la délibération. « La note explicative transmise ne présentait aucun élément sur le financement du projet ni sur les raisons de l’arrêt du chantier en 2019″, a estimé Léa Bonnet, qui regrette que la Ville de Strasbourg n’ait transmis aucun contre-argument à ce sujet dans le cadre de cette procédure.

La rapporteure publique a aussi déploré une autre imprécision commise par la Ville de Strasbourg, concernant cette fois l’intérêt général du projet de l’association de Milli Görüs. Léa Bonnet a alors repris l’argumentaire de la préfecture du Bas-Rhin, qui estime que la mosquée Eyyub Sultan ne répond pas à un besoin local des fidèles musulmans :

« L’Eurométropole de Strasbourg accueille déjà 19 mosquées susceptibles d’accueillir plus de 10 000 fidèles. Or le besoin local est estimé par la préfecture à 7 500 personnes et la Ville de Strasbourg ne fait pas de démonstration d’un besoin local supérieur. Elle avance seulement la demande de l’association. »

Opposition sur la validité de la délibération

Globalement satisfait des conclusions de la rapporteure publique, l’agent de la préfecture a simplement rappelé que « le courrier de renonciation provisoire à la subvention rédigée par le président de la branche locale de Milli Görüs ne signifie pas un renoncement définitif. » De même, le représentant de la préfecture a invoqué le « parallélisme des formes » pour justifier qu’une annulation de délibération doit passer par le même processus que celui qui a permis à la délibération d’être approuvée, soit un vote majoritaire du conseil municipal : « La communication orale de la maire n’a pas de valeur juridique. »

Du côté de la défense, l’avocat de la Ville de Strasbourg, Gilles Le Chatelier, a affirmé que la délibération attaquée ne faisait qu’énumérer les conditions à remplir pour que la branche locale de Milli Görüs puisse obtenir un financement municipal :

« Si les conditions ne sont pas remplies, alors la décision ne peut être exécutée et n’a pas besoin d’une intervention de la municipalité pour être caduque. De plus, la maire de Strasbourg a communiqué sans ambiguïté sur le fait que la délibération est devenue sans objet. »

L’avocat du cabinet Selas Adamas a avancé un autre argument pour obtenir un non-lieu présent dans la délibération votée le 26 septembre 2022 par la Ville de Strasbourg :

« L’un des derniers paragraphes de cette délibération indique qu’elle annule et remplace la délibération antérieure. Elle fixe un plafond d’un million d’euros pour la subvention, qui est largement dépassé par la délibération attaquée. Ainsi la délibération du 26 septembre prive de tout effet juridique la délibération du 22 mars 2021. »

« Une gestion colonialiste de la communauté musulmane »

Avocate de l’association locale de Milli Görüs, Me Nohra Boukara a d’abord contesté l’argumentaire préfectoral sur l’absence de besoin de lieu de culte musulman supplémentaire au niveau local :

« Dans les quartiers populaires, comme l’Elsau ou Koenigshoffen, le besoin n’est pas satisfait et il n’est pas rare de voir des fidèles prier dans les couloirs ou sur le parvis d’un lieu de culte les jours de forte affluence, comme le vendredi ou les jours de fête. »

Me Nohra Boukara a aussi contesté un argument de la préfecture s’appuyant sur le refus initial des dirigeants français de Milli Görüs de signer la charte de respect des principes de la République. L’avocate a d’abord rappelé les bonnes relations entre les pouvoirs publics et l’association cultuelle depuis 40 ans, « puis du jour au lendemain, s’écrie-t-elle, pour un refus de signer une charte présentée sans discussion ni changement possible, la préfète se fend d’un communiqué qui diffame ses administrés. » Et Me Nohra Boukara de déplorer « une gestion colonialiste de la communauté musulmane, dans une logique aux allures d’Ancien Régime. »

Le tribunal administratif, présidé par Xavier Faessel, doit rendre sa décision le jeudi 10 novembre 2022.

La Ville de Strasbourg ne diffuse plus de pub vidéo, l’Eurométropole et les annonceurs privés continuent

La Ville de Strasbourg ne diffuse plus de pub vidéo, l’Eurométropole et les annonceurs privés continuent

Conformément à un engagement pris fin septembre, il n’y a plus de publicités de la municipalité envoyées sur les panneaux vidéo dans l’espace public. Mais cela ne change absolument rien à la consommation énergétique de ces panneaux, qui sont encore utilisés par des annonceurs privés et… l’Eurométropole.

Fin septembre, la Ville de Strasbourg annonçait retirer ses pubs des panneaux publicitaires vid . . .

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La hausse du coût de l’énergie provoque une poussée écologiste à la Collectivité d’Alsace

La hausse du coût de l’énergie provoque une poussée écologiste à la Collectivité d’Alsace

Lors de la séance plénière de la Collectivité européenne d’Alsace jeudi 20 octobre, les élus de l’assemblée départementale doivent approuver une série d’engagements afin d’opérer une transition écologique à l’horizon 2030.

La Collectivité européenne d’Alsace (CeA) va devenir écologiste ! Mais attention, « pas une écologie dogmatique », prévient tout de suite son président, Frédéric Bierry (Les Républicains) mardi 18 octobre lors d’une présentation à la presse d’une série de 30 engagements en faveur de la transition énergétique et écologique :

« Il ne s’agit pas d’imposer des comportements par des grands schémas mais plutôt de favoriser les initiatives locales, comme des réseaux de chaleur à partir des ressources des territoires. Je crois à la force des colibris. »

Parmi ces 30 engagements censés être approuvés le 20 octobre en séance plénière : baisser de 40% la consommation d’énergie des bâtiments de la collectivité et atteindre 50% d’énergie renouvelable pour les besoins restants. C’est ambitieux, mais la CeA n’a pas le choix : les trois-quarts de ses dépenses d’énergie proviennent des 147 collèges alsaciens et 66% sont chauffés au gaz, dont le prix va augmenter de 465%. « Il faut qu’on prenne ce qu’il se passe avec le gaz et l’électricité comme un coup de semonce », a averti Frédéric Bierry.

Lara Million (à gauche) et Catherine Graef-Eckert (à droite), vice-présidentes de la Collectivité européenne d’Alsace. Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

La CeA promet aussi de planter un million d’arbres, avec les accompagnements nécessaires sur les essences adaptées, les chemins coupe-feu, etc. Les autres engagements ne sont pas chiffrés de manière aussi précise. Il s’agit par exemple de « poursuivre le plan photovoltaïque », de créer des « pépinières de biodiversité », de promouvoir les énergies renouvelables, de rénover les logements pour mieux les isoler, d’accompagner les projets de géothermie profonde, l’agriculture locale ou encore les circuits courts.

Des mesures « dynamiques et positives »

Vice-présidente en charge de la transition énergétique et climatique, Catherine Graef-Eckert précise :

« On a tous beaucoup entendu parler de “plans de sobriété” mais je préfère parler d’efficacité énergétique. Car interdire, taxer, sobriété, ça n’arrange rien à la situation. Bien sûr, il faut faire face à la crise, mais avec ce plan de 30 engagements, nous nous engageons dans le temps long avec des mesures dynamiques et positives. »

Les quelques 6 000 fonctionnaires de la Collectivité d’Alsace sont mis à contribution dès novembre, qui sera un « mois vert » au cours duquel ils seront invités à indiquer quelles sont les mesures d’économies personnelles qu’ils sont prêts à prendre dans leur vie professionnelle. Dans les collèges, une prime sera accordée en bonus de la dotation de fonctionnement aux établissements qui auront réussi à faire baisser leur consommation d’énergie.

Pas très convaincant selon l’opposition écologiste

Florian Kobryn, conseiller d’Alsace d’opposition (EE-LV), salue la prise de conscience de la collectivité mais déplore encore trop d’engagements contraires à l’écologie :

« Les objectifs de plantation d’arbres et envers les forêts sont bienvenus, mais des projets inutiles et écocides (stade de biathlon au Champ du Feu, téléphérique au mont Sainte-Odile, etc.) restent programmés. En outre, l’ancien Département du Haut-Rhin avait comme objectif 100% d’énergie renouvelable avant la création de la CeA… Avoir 50% en Alsace, ce serait bien mais j’ai du mal à y voir une avancée. De même pour la ressource en eau, que le président dit vouloir préserver, mais sans remettre en cause le modèle agricole industriel. Sans volonté politique forte, les “bonnes pratiques” citées dans les 30 engagements ne suffiront pas. »

Ces 30 engagements pour 2030 doivent encore être précisés lors de travaux en commission, et, détaille Catherine Graef-Eckert, ils ont vocation à être adaptés par rapport aux capacités de la collectivité et à l’évolution de la situation climatique et environnementale.

Le lycée polyvalent de Pulversheim menacé de fermeture en 2025

Le lycée polyvalent de Pulversheim menacé de fermeture en 2025
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#Pulversheim

L’Eurométropole déploie les bacs de récupération de déchets alimentaires dans l’ouest strasbourgeois

L’Eurométropole déploie les bacs de récupération de déchets alimentaires dans l’ouest strasbourgeois

L’Eurométropole de Strasbourg a précisé le calendrier de déploiement des bacs collecteurs de déchets alimentaires : les plus petites communes ont été équipées tandis qu’il faudra attendre 2024 voire 2025 pour les quartiers centraux et sud de Strasbourg.

Chaque foyer produit en moyenne 50 kg de déchets alimentaire par an. Or, ces déchets peuvent être valorisés pour produire de la chaleur, sous forme de biogaz, et de l’engrais. En mars 2022, l’Eurométropole de Strasbourg a débuté l’implantation de collecteurs de biodéchets dans les plus petites communes de l’agglomération.

Lundi 17 octobre, la collectivité a précisé le calendrier de déploiement de ces conteneurs : les habitants de Cronenbourg peuvent déjà en bénéficier, il faudra attendre 2023 à Schiltigheim, Reichstett et dans les quartiers nord urbains de Strasbourg, 2024 à la Robertsau, Neudorf et au centre-ville ainsi qu’à Bischheim et Hoenheim, 2025 pour le sud de Strasbourg ainsi qu’Illkirch-Graffenstaden, Ostwald et Lingolsheim (voir la carte ci-dessous).

Carte du déploiement des collecteurs de biodéchets Photo : doc Eurométropole

L’objectif est toujours d’installer un collecteur pour 300 habitants, à moins de 250 m de chaque habitation. La priorité a été donnée aux quartiers les moins pavillonnaires, dont les habitants ont le
moins accès à un jardin pour composter leurs déchets alimentaires. Les bornes sont collectées deux fois par semaine par Suez. Les déchets collectés servent à produire de l’engrais naturel et de l’énergie, via une usine de méthanisation opérée par Lingenheld à Oberschaeffolsheim, au nord-ouest de Strasbourg.

Bac de collecte de biodéchets Photo : Evan Lemoine / Archives Rue89 Strasbourg / cc

L’Eurométropole précise que cette nouvelle collecte intervient en complément du compostage et encourage les habitants qui trient leurs déchets verts à continuer à le faire. La collecte des biodéchets accepte tous les résidus de nourriture, ainsi que les filtres à café, les sachets de thé, les essuie-tout en papier, les ongles, cheveux et les fleurs fanées.

Le budget de cette opération est estimé à 10,4 millions d’euros d’investissement (dont 55% de l’Agence pour la maîtrise de l’énergie) avec un coût de fonctionnement à terme de 3,7 millions d’euros par an.

La marginalisation des sciences humaines à l’Unistra révélée par un ancien vice-président

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Alors vice-président délégué à la recherche à l’Université de Strasbourg, Jay Rowell a enquêté à couvert pendant trois ans sur l’impact de la loi d’autonomie des universités en 2008. Le sociologue révèle les coulisses d’une marginalisation des sciences humaines et sociales au profit des sciences naturelles.

Un vice-président délégué à la recherche enquête pendant plus de trois ans, à couvert, sur sa propre université. C’est l’étonnante histoire derrière une enquête publiée dans la revue Sociologie fin septembre 2022. Son auteur . . .

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2 000 manifestants à Strasbourg : « Sans mobilisation, on n’aura jamais d’amélioration »

2 000 manifestants à Strasbourg : « Sans mobilisation, on n’aura jamais d’amélioration »

En Alsace, des syndicats essayent d’amplifier le mouvement social dans tous les secteurs. Ils insistent auprès des leurs collègues sur le fait qu’il s’agit d’un passage nécessaire pour obtenir des améliorations des salaires dans le contexte d’inflation. Mais ils se heurtent souvent à des discours fatalistes ou la peur d’être mal vu.

« C’est bien de voir du monde mais ça devrait être encore plus gros », lance Marie, retraitée. Vers 11h30, 2 000 personnes partent de la place Kléber, derrière les banderoles CGT, FO, FSU et Solidaires, pour revendiquer des augmentations de salaires au vu de l’inflation et soutenir les grévistes des raffineries. Le gouvernement redoute une contagion de la mobilisation et la formation d’un mouvement social cet automne. Dans l’Académie de Strasbourg, entre 2 et 4% des personnels de l’éducation n’ont pas travaillé mardi 18 octobre. Les lycées professionnels enregistrent le plus fort taux de participation avec 17%.

« Ils ont peur d’être catalogués »

Les représentants syndicaux sont satisfaits de l’affluence du jour, mais beaucoup reconnaissent aussi qu’il est difficile de convaincre massivement leurs collègues. Francis, de la CGT Auchan Neudorf, a tracté sur son lieu de travail samedi. « Les autres soutiennent, ils nous tapent dans le dos et nous disent que c’est bien, mais ils ne sont pas là aujourd’hui », note t-il. Après 32 ans de carrière, il gagne 1 500 euros net par mois en s’occupant du rayon poisson :

« Beaucoup de collègues ne peuvent pas se permettre de faire grève et de perdre une journée de paie. Ils ont peur d’être catalogués par les patrons. Ils pensent qu’ils vont se faire virer. Notre boulot maintenant, c’est de leur montrer que le syndicalisme les protège justement. »

Francis dialogue régulièrement avec ses collègues pour les convaincre de venir en manifestation. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Non-syndiqué, Sébastien, qui a pris part au mouvement des Gilets jaunes à Molsheim, fait aussi le constat d’un certain fatalisme dans son entreprise du bâtiment :

« Quand j’essayais de les faire venir à nos rassemblements sur les ronds points, ils répondaient : « Qu’est ce que ça va changer ? » Mais parfois les mêmes font des posts Facebook pour dire qu’il faudrait tout faire péter. On manque de vision commune… C’est aussi à cause du gouvernement et des médias qui diabolisent toutes les contestations. »

« Les congés payés, la sécu, c’est grâce aux luttes »

Des passants regardent, étonnés, le cortège avancer sous le soleil matinal. « Rejoignez-nous », incite un homme. Ces derniers restent immobiles et répondent par un sourire en coin. Pour Marie, « il faut rappeler aux gens que s’ils ont des congés payés ou la sécu, c’est grâce à des luttes ». Selon la retraitée, la culture militante se perd :

« On n’enseigne plus suffisamment à l’école comment on a obtenu nos acquis sociaux. Sans mobilisation, on n’aura jamais d’amélioration, ça c’est une certitude. Les choses ne peuvent qu’empirer. Par exemple, les entreprises où il y a de bonnes augmentations de salaires, souvent, ce sont celles où il y a des syndicats forts. Et parfois, ça nécessite une grève. »

Les rassemblements militants sont aussi des temps d’échange. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Clément (prénom modifié), surveillant au collège Lezay Marnésia, a réussi à convaincre les huit autres assistants d’éducation qui devaient travailler ce mardi dans son établissement à se mettre en grève. C’est un décret du ministère qui vise à diminuer de 2 000 euros par an la prime des surveillants des établissements classés REP+ qui a motivé tout le monde selon lui : « Ils veulent nous voler plus d’un mois de salaire. Forcément, tout le monde a trouvé ça injuste. »

Le déclic pour s’engager dans un syndicat

Plus généralement, les difficultés personnelles peuvent constituer des déclencheurs. Christophe, de la CGT à l’hypermarché d’Illkirch, a adhéré à son syndicat parce qu’il avait été mis à pied il y a quelques années :

« J’étais harcelé par ma hiérarchie parce que je n’étais pas d’accord avec un nouveau fonctionnement. Je me suis rapproché de la CGT qui m’a soutenu et protégé. C’est souvent une porte d’entrée dans le militantisme syndical. On vit une expérience personnelle, on comprend l’intérêt, et on s’engage. Les nouveaux adhérents chez nous, même s’ils sont rares, sont souvent dans cette situation. »

Christophe a adhéré à la CGT après une mise à pied. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Simon, professeur d’Histoire-Géographie et représentant SUD éducation Alsace au collège Jacques Twinger à Koenigshoffen, estime que les contextes de mobilisation nationale sont des « fenêtres de tir » pour convaincre localement : « En salle de repos, ces derniers jours, quand d’autres évoquent la pénurie d’essence, c’est l’occasion pour moi de parler de l’importance des grèves et des manifestations. »

2 000 personnes ont manifesté à Strasbourg mardi 18 octobre au matin. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Des mobilisations qui provoquent des adhésions

Nelly (prénom modifié), représentante de la CGT dans une structure médico-sociale a constaté une forte augmentation du nombre d’adhérents depuis la mobilisation pour la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de l’hiver dernier. « On n’a pas eu tout ce qu’on voulait mais les éducateurs ont été augmenté de 183 euros net », abonde Nelly :

« Il y avait à la fois une exposition nationale et un ras-le-bol des bas salaires. Ce contexte était propice à l’adhésion. On est passé de 4 à 30 syndiqués à la CGT dans ma structure. C’est important aussi de communiquer sur les victoires. Ce qu’on fait a un impact, ce n’est pas si rare. »

Même situation à la CGT assurances du Crédit Mutuel, où Leatitia est déléguée du personnel : « On est passé de 2 à 30 adhérents en deux ans. C’est l’arrivée de beaucoup de jeunes qui a changé les choses. Il veulent que ça bouge. On essaye de communiquer en envoyant nos tracts par mails à tous les salariés. Il faut communiquer sur ce qu’on fait et sur l’importance d’être nombreux. À force de le marteler, de nouvelles personnes viennent petit à petit, même si c’est lent. »

Leatitia a observé une très forte augmentation du nombre d’adhérents à la CGT dans son entreprise ces dernières années. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Les mouvements sociaux, des phénomènes incertains

Les organisations de jeunes Fidl, MNL, Unef et la Vie lycéenne prennent aussi part à la mobilisation et sont positionnées en tête de cortège. Des militants allument des fumigènes noirs et rouges. Margo, en deuxième année à Sciences Po Strasbourg, explique qu’elle a choisi de venir aujourd’hui car la mobilisation prend de l’ampleur :

« Quand on vient, on loupe un cours. Certains de mes camarades sont convaincus mais ils ne sont pas venus à cause de ça. Il faut leur dire que c’est fondamental de se mobiliser pour notre vie future. Même moi j’avoue que j’évite de me mobiliser quand je sais qu’il n’y aura pas beaucoup de monde et que j’ai l’impression qu’il n’y aura aucun impact. C’est décourageant. »

Margo a choisi de louper des cours ce matin pour manifester. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Sébastien Mas, ex-candidat LFI aux élections législatives pour la troisième circonscription du Bas-Rhin, remarque que « le succès des mouvement sociaux est toujours très incertain » :

« Peut-être que ça va prendre cet hiver mais je trouve ça très difficile à pronostiquer… La force des idées d’extrême-droite chez les classes populaires peut aussi démobiliser. On n’avait pas vu venir les Gilets jaunes ou les grèves de cet été en Angleterre. Avec le projet de réforme des retraites, la potentielle utilisation du 49.3, le gouvernement va peut-être créer l’étincelle. »

De nombreux militants ont affiché leur détermination à poursuivre le mouvement et à tenter de l’amplifier. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Vers 12h30, la manifestation arrive place de la République et se disperse rapidement. Dans le cortège à Paris, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a assuré qu’il y aurait « des suites ». Il considère que ce mouvement doit s’inscrire dans le temps parce que « pour l’instant, il n’y a pas assez de réponses aux revendications ». Pour obtenir des avancées, les syndicats auront besoin d’un soutien encore plus large, afin de ne pas tomber dans un « essoufflement ».

Grève contre une énième réforme du lycée pro : « Je n’ai pas envie de travailler pour le Medef »

Grève contre une énième réforme du lycée pro : « Je n’ai pas envie de travailler pour le Medef »

La mobilisation autour de la grève du 18 octobre s’étend aux lycées professionnels. Au sein de l’établissement à René Cassin à Strasbourg, les enseignants s’opposent à l’augmentation de 50% du temps passé par les lycéens en entreprise à partir de la rentrée 2023.

Lundi 17 octobre à 17 heures, veille de grève au lycée professionnel René Cassin, rue du Dragon à Strasbourg. La salle des profs bruisse d’une agitation inhabituelle. Des lettres en capitales sortent de l’imprimante pour être bientôt scotchées aux fenêtres : « Non à la réforme – Lycée pro en grève ».

Professeur d’histoire et de français et représentant syndical du Sneta-FO, Paul Nemet annonce une mobilisation historique avec la participation de 50% de ses collègues. Elles sont trois à avoir accepté de répondre à Rue89 Strasbourg, ainsi que le conseiller principal d’éducation (CPE) de l’établissement, pour dénoncer une énième réforme du lycée professionnel qui acte d’un nouveau recul de la part dédiée à l’enseignement, au profit du travail en entreprise.

Sur la façade du lycée René Cassin, la veille de la grève du 18 octobre. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On sacrifie l’enseignement général »

Joudia El Karoui est professeure en gestion administration. Elle déplore l’augmentation des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) pour ses élèves à partir de la rentrée 2023. De 8 semaines en entreprise, les lycéens passeront à 12 semaines de travail par an. « On sacrifie l’enseignement général au profit du professionnel », regrette Joudia El Karoui face à cette réforme menée par Caroline Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels.

Les trois professeures interviewées décrivent une réforme aussi hors-sol qu’à contretemps. L’une s’inquiète : « Ce qui me fait peur, c’est l’opacité. On ne sait même pas s’il y a eu un état des lieux pour améliorer la dernière réforme. » Une autre enseignante en économie-gestion critique une méthode gouvernementale inchangée depuis le début de sa carrière dans les années 90 :

« On ne nous demande jamais notre avis. C’est la réalité du terrain qui n’est pas prise en compte. Des fois, je me demande s’ils ont déjà vu un élève. »

« En français-histoire, on a déjà perdu deux heures »

Car la dernière transformation du lycée professionnel a été menée par l’ancien ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Le professeur et syndicaliste Paul Nemet décrit une « réforme en profondeur » :

« Les emplois du temps des élèves ont été modifiés avec l’apparition de nouvelles matières, des interventions avec des collègues en formation professionnelle et une discipline intitulée “chef d’œuvre”. En français-histoire, on avait cinq heures trente et on a perdu deux heures. Cette réforme avait déjà été mal accueillie par le corps enseignant. »

Professeur en histoire et en français et représentant syndical du Sneta-FO, Paul Nemet annonce une mobilisation historique avec la participation de 90% de ses collègues. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Installé dans une belle bâtisse du XIXe siècle, le lycée René Cassin a la particularité de ne proposer que des baccalauréats professionnels dans le domaine tertiaire. Ce sont de futurs salariés en comptabilité, en logistique ou en secrétariat. Des métiers qui nécessitent une maîtrise du français à l’écrit et à l’oral. Or d’après Joudia El Karoui, un quart des classes est constitué d’élèves dont la langue maternelle est une langue étrangère. Une autre professeure décrit plus généralement d’importantes difficultés en français, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit.

Des réformes et un nivellement des exigences par le bas

Enseignante en économie-gestion, Nadia (le prénom a été modifié) décrit une succession de réformes et un nivellement par le bas des exigences d’enseignement. En 2008, le baccalauréat professionnel passait de quatre à trois ans de lycée. Puis les spécialités secrétariat et comptabilité ont fusionné dès la classe de Seconde en 2016, occasionnant ainsi une baisse de niveau en comptabilité selon Nadia :

« Avant, les élèves faisaient vraiment de la compta. Ils pouvaient même pour certains continuer des études et devenir assistant de comptable. Maintenant quand on fait les visites de stage, les employeurs nous disent qu’ils sont inemployables dans ce domaine. »

« On amène le privé dans le public »

La réforme à venir pose encore deux problèmes selon les professeurs interrogés. Le premier concerne la régionalisation de l’offre de formation des lycées professionnels en fonction des besoins locaux des entreprises en emploi. Le représentant du syndicat Sneta-FO s’inquiète : « C’est la fin d’un service public avec un diplôme national équivalent à Brest, Strasbourg et à Marseille. Ça interroge : l’avenir d’un adolescent doit-il dépendre des entreprises de son lieu de résidence ? »

Joudia El Karoui, professeure de gestion administration au lycée René Cassin. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Joudia El Karoui évoque aussi la problématique des patrons qui pourraient siéger dans les conseils d’administration des établissements : « On amène le privé dans le public. Mais moi je travaille pour l’État, je n’ai pas envie de travailler pour le Medef. »

Au centre, le CPE de l’établissement Rémi Guillot qui rappelle que « 40% des élèves de l’établissement sont boursiers. Ce sont souvent des élèves en difficultés. Ils ont besoin d’un lieu comme le lycée professionnel.

À ses côtés, le CPE de l’établissement Rémi Guillot rappelle :

« 40% des élèves de l’établissement sont boursiers. Ce sont souvent des élèves en difficultés. Ils ont besoin d’un lieu comme le lycée professionnel. En privilégiant l’emploi à la scolarité, cette réforme met en péril l’accompagnement social et la construction de l’autonomie des élèves. »

#Lycée René Cassin

Les agents surveillant la voie publique de Strasbourg en grève

Les agents surveillant la voie publique de Strasbourg en grève

Les Agents de surveillance de la voie publique de Strasbourg sont en grève lundi 17 et mardi 18 octobre. N’ayant plus accès à la cantine suite à de nouvelles missions auprès des écoles, ils demandent une aide pour payer leurs repas.

La quasi-totalité des 37 agents de surveillance de la voie publique (ASVP) de Strasbourg sont en grève depuis lundi et jusqu’au soir du mardi 18 octobre. N’ayant plus accès à la cantine de l’administration municipale, ils réclament une prime pour payer leurs déjeuners en ville comme l’explique Cyril Mamonoff, représentant syndical Force ouvrière :

« Nous avions une pause de deux heures entre midi et 14h que nous ne pouvons plus prendre parce que nous devons désormais assurer les sorties d’écoles à ces horaires. Nous pouvons désormais manger soit à 10h15 soit à 14h30 mais à ces horaires, la cantine est fermée et on n’aurait pas le temps de s’y rendre de toutes façons. Vu le coût de la vie, on demande une aide pour payer les sandwichs qu’on doit prendre en ville. »

Agents de surveillance de la voie publique à Strasbourg en 2014 Photo : Paralacre / Wikimedia commons / cc

L’administration de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg précise que les nouveaux horaires ont fait l’objet d’un accord avec les ASVP, et qu’ils datent de la mise du stationnement payant entre midi et deux heures. L’administration refuse cette prime, qu’elle a octroyée récemment aux éboueurs et aux agents de propreté. « On nous a dit que contrairement à eux, si on se mettait en grève, les gens n’en auraient rien à faire, » souffle Cyril Mamonoff…

Lors d’une réunion lundi, l’administration a proposé que les agents achètent des paniers-repas auprès du Ciarus, qui dispose d’un partenariat avec la Ville de Strasbourg. Mais les agents doivent commander 72 heures à l’avance ces repas et ils restent trop chers pour eux, selon Cyril Mamonoff (plat et dessert à 12€90, entrée, plat et dessert à 13€90). L’administration répond que la participation forfaitaire de l’employeur est la même pour tous les agents, quel que soit leur lieu de restauration, et qu’elle est de 4€35.

D’autres revendications concernant les horaires de travail et certaines missions (comme l’occupation du domaine public et les brigades éco-citoyennes) n’ont pu être réglées, indique en outre M. Mamonoff qui indique que les agents resteront en grève mardi 18 octobre et qu’un nouveau préavis de grève sera déposé après les vacances scolaires, voire pendant le Marché de Noël. De son côté, l’administration indique que « 90% des anciennes revendications des ASVP ont été adressées favorablement depuis le début du mandat » et que « le travail de concertation continue… »

À la Meinau, des rats et des cafards profitent du désengagement d’un bailleur pour prospérer

À la Meinau, des rats et des cafards profitent du désengagement d’un bailleur pour prospérer

Rue de la Canardière à la Meinau, des habitants subissent les intrusions de rats et de cafards dans leurs logements. En attendant d’être entièrement refaite, la zone est devenue un paradis pour les rongeurs et les cafards. Reportage.

Au pied de cet immeuble de la Meinau, une quinzaine de locataires attendent dans le froid, une matinée brumeuse du mois d’octobre. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de vie dans le vétuste bâtiment du 50 au 60 rue de la Canardière, infesté, jusque dans leurs appartements, de rats et de cafards. In’li Grand Est, propriétaire de cet édifice et d’autres aux alentours, projette de les démolir pour les remplacer par des ensembles neufs.

Le bailleur a initié des démarches de relogement auprès des habitants depuis 2019. La quarantaine de personnes qui restent craignent d’être contraintes de vivre encore plusieurs années dans un environnement qui se dégrade.

Daniel, résident de longue date, pointe un grand terrain vague derrière le bâtiment. Les rongeurs y ont creusé des dizaines, peut-être des centaines de terriers, protégés par une haute végétation qui constitue un écosystème favorable à de nombreuses espèces… comme les rats. Le Meinauvien constate leur prolifération en l’absence d’entretien de la zone :

« Si on me disait qu’il y en a 400, je ne serais pas étonné. Ils sont bien ici… Surtout que des habitants jettent les poubelles par la fenêtre. »

Dans la cave, les rats grouillent

Des fenêtres qui mènent à la cave de l’immeuble sont presque collées au sol, parfois ouvertes, d’autres ont des vitres cassées. Les grilles censées empêcher l’intrusion des rats leur laissent largement la place de se faufiler en réalité.

Des trous et fissures au bas des murs font aussi probablement office de passages. Ils ont alors accès à leur garde manger favori : les poubelles. Plusieurs d’entre elles n’ont même plus de couvercle, d’autres sont endommagées à leur base, laissant une entrée vers la nourriture.

Les poubelles ne sont pas étanches aux rats. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« On ose à peine entrer dans la cave pour jeter les poubelles, ça fait peur », lance une femme âgée. Dans le sous-sol, une très forte odeur d’urine et d’excréments de rats coupe le souffle. À l’approche du local poubelles, leurs déplacements bruissent. Ça grouille. Quelques petits animaux se laissent apercevoir en traversant furtivement le couloir. L’un d’entre eux, pas peureux, se cache à peine dans la poubelle. Un autre entre dans ce qui est censé être un piège, et en ressort aussitôt.

La faute aux squatteurs d’en face ?

Contacté à propos de cette situation, In’li répond que cette prolifération s’explique notamment par « un dernier hiver doux, la présence massive de sacs poubelles à l’extérieur des bâtiments, l’incivilité de certains habitants qui jettent leurs détritus et de la nourriture n’importe où ». Le bailleur accuse les occupants du squat Bourgogne, un autre bloc en instance de démolition situé à quelques dizaines de mètres de l’autre côté du terrain vague et investi par des sans-abris :

« Ils se débarrassent au même titre que des habitants indélicats, de leurs déchets aussi bien à même le sol des parties communes de l’immeuble qu’à l’extérieur du site malgré la mise en place d’une benne à ordures et d’une campagne de sensibilisation réalisée récemment par la collectivité. »

De la nourriture accessible pour les rongeurs

Mardi 4 octobre 2022 vers 10h, aucun sac poubelle n’est entreposé dehors autour de l’immeuble, pas d’ordure à l’horizon sur la pelouse abandonnée. Une femme jette de petits bouts de pain depuis sa fenêtre pour nourrir des pigeons, ce qui agace Daniel : « Les rats en profitent aussi ! » Le bailleur indique que « des dispositifs anti-rats (pièges, grilles aux fenêtres, NDLR) ont été mis en place et plusieurs campagnes de dératisation ont été réalisées conjointement avec la collectivité ».

Un îlot à poubelle étanche aux rats à la Meinau. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Mais sans poubelles enterrées ni d’îlots étanches, impossible de lutter efficacement contre le phénomène, les dératisations ponctuelles étant des solutions à court terme. Ophéa a récemment embauché des gardiens d’immeubles qui rappellent que les ordures doivent être jetées dans les poubelles et ramassent les déchets au cours de leurs tournées. Avec ces solutions cumulées, la situation a bien évolué allée Reuss ou rue Lavoisier.

En l’état, rue de la Canardière, même si les locataires mettaient tous sans exception leurs ordures au bon endroit, vu l’état des poubelles, les rats auraient toujours accès aux déchets et continueraient à proliférer.

Fatima a été mordue par un rongeur un matin. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Dans le placard de son entrée, Fatima montre les vestiges d’un ancien trou qu’empruntaient les rats pour rentrer chez elle. Jawad, son fils, avait déjà envoyé un mail à In’li le 24 mars 2020, bien avant l’existence du squat Bourgogne dont l’occupation a commencé fin 2021 :

« Nous avons constaté, dans la nuit du vendredi 20 mars, l’intrusion de trois rats dans notre appartement. Nous en avons tué un, les deux autres ont été chassés avec beaucoup de difficultés puisqu’ils étaient dans notre placard où toutes nos provisions ont été rongées. »

Un rat tué dés mars 2020 dans l’appartement de Fatima. Photo : remise

« C’est usant de vivre avec ça »

Fatima se rappelle aussi avoir été mordue par « un rat ou une souris » un matin alors qu’elle se réveillait. Son médecin traitant lui avait alors « prescrit des antibiotiques ». Elle expose des couvertures détériorées par les rongeurs :

« C’est vraiment dégradant et usant psychologiquement de vivre avec ça. In’li n’a rien fait à part venir une fois pour constater les potentielles entrées. Mais nous les avons bouchées nous-mêmes. Depuis il y a moins de rats mais le problème n’est pas résolu. J’ai trouvé une souris morte dans le lave-vaisselle. D’après un plombier que j’ai fait venir, il est probable qu’elles passent par les canalisations. »

Des rongeurs ont endommagé des couvertures de Fatima. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Tous les locataires présents évoquent des rencontres régulières avec des rats, « qui peuvent faire jusqu’à 15 ou 20 centimètres », dans la cage d’escalier. Et certains subissent aussi la présence d’autres nuisibles, les cafards. Marie-Christine se bat contre ces insectes avec notamment des autocollants empoisonnés :

« C’est apparu en juillet chez plusieurs personnes. J’ai d’abord appelé deux ou trois fois In’li. Ils m’ont juste dis “on prend note”. Une semaine plus tard, je me suis rendue chez eux parce que j’étais énervée et suite à ça, ils m’ont installé ces autocollants, mais ça ne suffit pas du tout. Quatre mois plus tard, j’ai toujours des cafards. Je ne sais pas pourquoi je paye des charges de 170 euros. J’ai dû payer un surplus de 2 000 euros pour l’année écoulée. C’est insultant. »

Marie-Christine récupère quelques cafards morts tous les jours, mais ces derniers se reproduisent vite. Elle subit leur présence quotidienne. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

In’li n’entretient plus le terrain vague en raison des « agressions »

Concernant l’absence d’entretien du terrain vague, In’li invoque « des difficultés à trouver des entreprises qui veulent encore intervenir sur le site, car les espaces verts sont jonchés de seringues, de nombreux détritus de toute nature, de pneus et autres pièces détachées de voitures enlevées à grands frais. À cela, s’ajoute un sentiment d’insécurité lié à de nombreux actes d’agressions dont ont été victimes des locataires, des collaborateurs d’In’li ainsi que les gérants des commerces et autres habitants du quartier ».

Les effractions en question seraient « en lien direct » avec l’occupation clandestine de l’immeuble du 23 au 27 rue de Bourgogne selon des plaintes déposées par des prestataires d’In’li. Le bailleur a cependant refusé de les détailler. Interrogés sur ces plaintes, le parquet de Strasbourg et la police nationale n’ont pas donné suite à nos demandes.

Du côté de la Ville, aucune intervention de la police municipale à signaler en lien avec le squat. Marie-Christine voit, dans la désignation du bâtiment occupé, une manière de se dédouaner pour le propriétaire : « Je n’ai jamais été agressée… Le squat, c’est leur truc en ce moment, ils jouent là-dessus. »

Le squat Bourgogne occupé majoritairement par des familles

Hillary Contreras de Médecins du Monde rappelle que lors de ses maraudes régulières dans le squat, l’association a rencontré une centaine de personnes, dont 70 qui vivent en famille, et 30 hommes et femmes isolées ou en couple :

« En général, l’ambiance est très résidentielle dans le bâtiment. Ce que nous constatons régulièrement sur place, ce sont en majorité des appartements propres et en bon état. Des seringues ont été retrouvées dans les espaces communs. Quelques personnes présentent des problèmes d’addiction, et l’association de prévention et de soins Ithaque s’est rendue sur place. Nous n’avons aucun élément sur des agressions. »

Des habitantes du squat Bourgogne en janvier 2022. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un relogement hypothétique

Outre des mesures radicales contre les rats et les cafards, les habitants du 52 rue de la Canardière attendent surtout d’être relogés. In’li explique le processus :

« Il a été mis en place, en partenariat avec l’association Amli, un accompagnement personnalisé et financier, pour le relogement de nos locataires […] qui seraient légitimes à disposer d’un logement social. […] Le processus est long en temps normal et plus encore dans le contexte actuel […] en raison des squats qui s’organisent à Strasbourg. »

Une partie des locataires devraient donc, à terme, être relogés chez des bailleurs sociaux et non In’li. Les personnes âgées de plus de 65 ans ou handicapées, pourraient être accueillies dans le bâtiment qui sera construit à la place du squat Bourgogne, après sa démolition.

Piégée avec les cafards et les rats, Marie-Christine se dit fatiguée d’attendre :

« Ils nous disent de prendre notre mal en patience, mais ils sont censés nous reloger depuis 2019. Notre immeuble se dégrade, cela ne peut plus durer. »

Marie-Christine est fatiguée de vivre avec des rats et des cafards. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
#rue de la Canardière