L’Association des usagers des transports en commun de Strasbourg ne croit pas en la capacité de la SNCF d’assurer le cadencement exigé du futur Réseau express métropolitain, une sorte de RER strasbourgeois. Les petites gares du Bas-Rhin pourraient même pâtir d’une concentration des efforts vers l’agglomération.
« On préfère avertir les usagers pour qu’ils ne soient pas déçus. » Le président de l’Association des usagers des transports urbains de Strasbourg (Astus), François Giordani, est amer. Mardi après-midi devant la presse, il a évoqué la gêne de son association, enthousiasmée par l’arrivée le 12 décembre du Réseau express métropolitain (REME, voir tous nos articles), mais certaine que la SNCF n’arrivera pas à fournir le service annoncé :
« Tous les jours, nos membres nous alertent sur des retards et des trains supprimés à la dernière minute. La SNCF n’a pas assez de conducteurs, pas assez de matériel, pas assez de pièces de rechange pour satisfaire aux exigences d’un service déjà “aménagé” à la baisse depuis un an… Et ils devraient être en mesure de faire rouler 800 trains supplémentaires par semaine à partir du 12 décembre ? Nous sommes très inquiets et les assurances, purement déclaratives, de la SNCF ne nous ont pas rassurés. »
Contactée, la communication de la SNCF n’a pas été en mesure de trouver un interlocuteur pour répondre à cette mise en cause avant la parution de cet article. Mais l’entreprise publique a déjà reconnu elle-même ses difficultés de recrutement, le métier de conducteur de train ayant perdu beaucoup d’intérêt depuis qu’il n’y a plus les avantages du statut de cheminot mais toujours ses contraintes d’horaires et de déplacements…
15 minutes de plus et tout bénéfice est perdu
Autre point d’inquiétude de l’Astus, si le REME parvient à exister selon les cadencements demandés par la Région Grand Est et l’Eurométropole de Strasbourg, ses deux collectivités financeuses, il devrait provoquer une dégradation quasi-automatique du service des TER au-delà de l’étoile strasbourgeoise, comme l’explique André Lott, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) du Grand Est et président de Bruche-Piémont Rail :
« On a regardé en détails les horaires des TER à partir du 12 décembre. Et on remarque que des trains au-delà de Molsheim ou d’Haguenau ont été décalés de 5 à 15 minutes. Ça n’a l’air de rien, mais 15 minutes de plus à attendre devant la porte d’un lycée et 15 minutes sur le quai au retour, chaque jour, ça change tout ! Des parents vont légitimement se demander s’il ne vaut pas mieux conduire leurs enfants… »
Les deux associations d’usagers ont listé plusieurs problèmes très concrets que vont provoquer ces modifications d’horaires, « décidées sans concertation » selon elles. Mais la SNCF n’a guère été à l’écoute selon François Giordani et André Lott.
Ainsi, les deux représentants d’usagers ont constaté que les trains ne seront plus en mesure de desservir aux bonnes heures de début et de fin de service le site industriel de Merck, 2 200 employés et 800 prestataires… « Qui acceptera d’attendre une demi-heure chaque jour pour des trajets aussi courts ? C’est irréaliste, et de nombreux employés habitant dans le Piémont vont opter pour la voiture », se désole André Lott.
Quatre hubs et des connexions ralenties
Selon l'analyse des membres de l'Astus, qui ont épluché les futurs horaires, la SNCF a réorganisé son service dans tout le Bas-Rhin pour l'adapter aux exigences de cadencement du REME. Quatre mini-hubs seront activés dans les gares de Molsheim, Entzheim, Bischwiller et Haguenau. Entre ces gares et Strasbourg, le REME proposera un bien meilleur service de transports en commun qu'actuellement selon leur analyse, mais au-delà, le service va se dégrader selon l'Astus :
"Il y aura des changements de trains systématiques dans ces quatre gares, pour tous les trains qui viennent des petites villes. Auparavant, les gens pouvaient choisir les omnibus, qui étaient plus longs mais directs. Après le REME, ils devront changer de train et attendre parfois 12 minutes, tous les jours, pour des trajets restants de 3 ou 4 minutes !"
François Giordani et André Lott sont d'autant plus tristes de ces constatations qu'ils considèrent le REME comme une avancée majeure dans l'offre de transports en commun. "Devant le silence de la SNCF, on préfère sonner l'alarme, quitte à être démentis par les faits", soupirent-ils.