Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

L’Astus alerte sur un Réseau express métropolitain trop ambitieux et délétère pour les petites gares

L’Astus alerte sur un Réseau express métropolitain trop ambitieux et délétère pour les petites gares

L’Association des usagers des transports en commun de Strasbourg ne croit pas en la capacité de la SNCF d’assurer le cadencement exigé du futur Réseau express métropolitain, une sorte de RER strasbourgeois. Les petites gares du Bas-Rhin pourraient même pâtir d’une concentration des efforts vers l’agglomération.

« On préfère avertir les usagers pour qu’ils ne soient pas déçus. » Le président de l’Association des usagers des transports urbains de Strasbourg (Astus), François Giordani, est amer. Mardi après-midi devant la presse, il a évoqué la gêne de son association, enthousiasmée par l’arrivée le 12 décembre du Réseau express métropolitain (REME, voir tous nos articles), mais certaine que la SNCF n’arrivera pas à fournir le service annoncé :

« Tous les jours, nos membres nous alertent sur des retards et des trains supprimés à la dernière minute. La SNCF n’a pas assez de conducteurs, pas assez de matériel, pas assez de pièces de rechange pour satisfaire aux exigences d’un service déjà “aménagé” à la baisse depuis un an… Et ils devraient être en mesure de faire rouler 800 trains supplémentaires par semaine à partir du 12 décembre ? Nous sommes très inquiets et les assurances, purement déclaratives, de la SNCF ne nous ont pas rassurés. »

Le REME devrait ajouter 800 trains par semaine autour de Strasbourg Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Contactée, la communication de la SNCF n’a pas été en mesure de trouver un interlocuteur pour répondre à cette mise en cause avant la parution de cet article. Mais l’entreprise publique a déjà reconnu elle-même ses difficultés de recrutement, le métier de conducteur de train ayant perdu beaucoup d’intérêt depuis qu’il n’y a plus les avantages du statut de cheminot mais toujours ses contraintes d’horaires et de déplacements…

15 minutes de plus et tout bénéfice est perdu

Autre point d’inquiétude de l’Astus, si le REME parvient à exister selon les cadencements demandés par la Région Grand Est et l’Eurométropole de Strasbourg, ses deux collectivités financeuses, il devrait provoquer une dégradation quasi-automatique du service des TER au-delà de l’étoile strasbourgeoise, comme l’explique André Lott, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) du Grand Est et président de Bruche-Piémont Rail :

« On a regardé en détails les horaires des TER à partir du 12 décembre. Et on remarque que des trains au-delà de Molsheim ou d’Haguenau ont été décalés de 5 à 15 minutes. Ça n’a l’air de rien, mais 15 minutes de plus à attendre devant la porte d’un lycée et 15 minutes sur le quai au retour, chaque jour, ça change tout ! Des parents vont légitimement se demander s’il ne vaut pas mieux conduire leurs enfants… »

La dernière version de Réseau express métropolitain telle que votée à la Région et à l’Eurométropole. Photo : extrait de délibération

Les deux associations d’usagers ont listé plusieurs problèmes très concrets que vont provoquer ces modifications d’horaires, « décidées sans concertation » selon elles. Mais la SNCF n’a guère été à l’écoute selon François Giordani et André Lott.

Ainsi, les deux représentants d’usagers ont constaté que les trains ne seront plus en mesure de desservir aux bonnes heures de début et de fin de service le site industriel de Merck, 2 200 employés et 800 prestataires… « Qui acceptera d’attendre une demi-heure chaque jour pour des trajets aussi courts ? C’est irréaliste, et de nombreux employés habitant dans le Piémont vont opter pour la voiture », se désole André Lott.

Quatre hubs et des connexions ralenties

Selon l'analyse des membres de l'Astus, qui ont épluché les futurs horaires, la SNCF a réorganisé son service dans tout le Bas-Rhin pour l'adapter aux exigences de cadencement du REME. Quatre mini-hubs seront activés dans les gares de Molsheim, Entzheim, Bischwiller et Haguenau. Entre ces gares et Strasbourg, le REME proposera un bien meilleur service de transports en commun qu'actuellement selon leur analyse, mais au-delà, le service va se dégrader selon l'Astus :

"Il y aura des changements de trains systématiques dans ces quatre gares, pour tous les trains qui viennent des petites villes. Auparavant, les gens pouvaient choisir les omnibus, qui étaient plus longs mais directs. Après le REME, ils devront changer de train et attendre parfois 12 minutes, tous les jours, pour des trajets restants de 3 ou 4 minutes !"

François Giordani et André Lott sont d'autant plus tristes de ces constatations qu'ils considèrent le REME comme une avancée majeure dans l'offre de transports en commun. "Devant le silence de la SNCF, on préfère sonner l'alarme, quitte à être démentis par les faits", soupirent-ils.

Manifestation et rassemblement des « inter-humains complotistes » samedi à Strasbourg

Manifestation et rassemblement des « inter-humains complotistes » samedi à Strasbourg

Un collectif de Gilets jaunes et d’opposants au passe sanitaire organisent une manifestation samedi 19 novembre à Strasbourg pour dénoncer les atteintes aux libertés d’une manière générale.

Gilets-jaunes et opposants au passe sanitaire prévoient de manifester à Strasbourg samedi 19 novembre, entre 13h et 18h. L’appel vise à dénoncer la gestion de la crise sanitaire du Covid, la guerre en Ukraine, les atteintes aux libertés et appelle d’une manière générale au rassemblement de tous ceux qui se sentent « bernés par le gouvernement ».

Organisé par « l’inter-QG Gilets jaunes du Bas-Rhin » et les collectifs AntiPass 67 et 68, l’appel donne rendez-vous au parc de l’Orangerie avec une destination place de la République, où des animations et échanges seront proposés. L’appel précise que toute bannière syndicale ou politique est à proscrire, sauf le Gilet jaune.

Qui est complotiste ?

Non sans humour, le tract amalgame plusieurs thèmes prisés des complotistes pour s’en moquer, afin de dénoncer ce qualificatif souvent appliqué aux opposants aux mesures sanitaires… feignant d’ignorer que dans les réseaux antipass ou Gilets jaunes, de nombreux appels de mouvements sectaires et de fausses informations sont diffusés sans aucune modération ni dénonciation (voir notre enquête sur les réseaux antipass et plus récemment au sein du réseau Solaris), quand il ne s’agit pas de tentatives de récupération de l’extrême-droite.

Le tract de la manifestation Photo : doc remis

La marginalisation de cette frange de la population, qui a commencé avec la brutale répression des Gilets jaunes pour se poursuivre avec la stigmatisation des opposants au passe sanitaire par le gouvernement et le président de la République, a produit cette fracture sociétale.

De trop nombreuses personnes sont désormais persuadées que « les médias mentent » systématiquement, et que « la vérité » est plutôt à chercher du côté de chaînes Youtube ou Odysee. À ce jour, aucune politique nationale ne semble avoir pris la mesure du problème…

« Heineken s’est fait des couilles en or sur notre sueur et maintenant ils nous jettent »

« Heineken s’est fait des couilles en or sur notre sueur et maintenant ils nous jettent »

Les ouvriers de l’usine Heineken, choqués par l’annonce de sa fermeture, ont fait grève ce 15 novembre. Devant la brasserie, dans leur diversité d’âge et de profession, beaucoup se sont confiés sur ce qu’ils ressentent alors que leurs emplois vont disparaître. Reportage.

Mora est abattue. Cariste en CDI depuis cinq ans, elle n’en revient toujours pas de la brutalité de l’annonce de la fermeture de la brasserie Heineken et de la suppression de 220 postes à Schiltigheim en 2025. « Je ne m’attendais pas à une décision aussi radicale. Je pensais qu’on aurait juste une baisse de l’activité à la limite », souffle t-elle.

Les employés ont bloqué l’accès au site de production ce 15 novembre. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Ce mardi 15 novembre, au lendemain de cette annonce, l’usine est à l’arrêt, bloquée par 80 salariés qui tiennent un piquet de grève. La plupart devaient commencer leur service à 5h du matin. D’autres viennent en solidarité, et prendront le relais dans l’après-midi. Mora, 37 ans, commence à réaliser les conséquences de cette décision :

« J’ai été intérimaire pendant 12 ans avant d’obtenir ce poste fixe. Il fallait toujours refaire ses preuves dans les nouvelles entreprises, prendre un nouveau rythme. J’étais souvent stressée, avec la pression de ne pas travailler assez, la peur de ne pas réussir à payer les factures. Là, j’ai enfin une situation plus confortable. J’habite à Cronenbourg, je viens à vélo, j’aime mon équipe, je gagne 1 800 euros nets. C’est dur de se dire que je vais certainement replonger dans ma vie d’avant, et avoir une baisse de revenu. »

Mora a peur de redevenir intérimaire après la fermeture de la brasserie. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

« Charlène de Heineken ne travaille pas la nuit ici »

En passant, des voitures klaxonnent pour montrer leur soutien. Vestes jaunes sur le dos, les ouvriers d’Heineken ont le regard grave aujourd’hui. David s’occupe de la maintenance des machines depuis 32 ans. Comme d’autres de sa génération, il a d’abord vécu la fermeture du site Fisher, qui appartenait aussi au groupe néerlandais Heineken, à quelques centaines de mètres :

« Ils se sont faits des couilles en or grâce à notre sueur. Nous on est presque des machines de l’usine. Charlène de Heineken ne travaille pas la nuit ici, mais elle a 15 milliards sur son compte. Et là, ils considèrent qu’on n’est pas assez rentables, ils nous jettent, parce que le site est vétuste, mais c’est voulu ça, ils n’ont pas investi pour rénover. Il y a de plus en plus de travail dans la maintenance je le vois bien. »

Après plus de trente ans chez Heineken, (de gauche à droite) David, Laurent et Thierry se rappellent avoir beaucoup donné pour leur entreprise. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Laurent a aussi 31 années d’ancienneté : « C’est une grosse partie de ma vie, c’est sûr. » Certains mois, avec les nuits et les jours fériés travaillés, il gagne 2 500 euros nets, à 50 ans passés. Il craint de ne pas réussir à trouver d’emploi ensuite. « Un collègue a démissionné à 55 ans, il n’a plus été pris nulle part jusqu’à la retraite » se rappelle t-il. Pour Thierry, qui s’occupe du conditionnement depuis 30 ans, « ça va faire très bizarre de continuer pendant trois ans, tout en sachant qu’on va fermer ». Tous comptaient sur leur contrat à Heineken pour aller jusqu’à la retraite.

Devant la brasserie, les ouvriers d’Heineken discutent des conséquences de l’annonce de la fermeture de l’usine. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Des conditions de travail difficiles

« Beaucoup d’entre nous ont des familles ou des prêts à payer. Perdre nos CDI, c’est voir arriver la crainte des difficultés financières. Forcément, après une vie de travail, on le prend mal », résume Didier Deregnaucourt. L’ouvrier de 57 ans et délégué du personnel pour la CGT, constate l’anxiété de certains de ces collègues :

« C’est un vrai coup de massue pour les anciens qui se rendent compte qu’ils sont censés continuer à travailler quelques années, et qui n’ont aucune idée de comment ils vont faire. Et on a beaucoup de jeunes qui sont bien dans la boîte aussi, qui se voyaient continuer. Là, on a dû les calmer parce qu’ils partaient sur des actions plus combattives. »

Didier Deregnaucourt de la CGT veut protéger ses collègues, notamment ceux qui approchent de la retraite. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Didier Deregnaucourt espère, dans le meilleur des cas, annuler le processus de fermeture, mais il a peu d’espoir. « On va surtout négocier les indemnités pour qu’il n’y ait pas de problème de retraite », expose t-il. Les quelques gouttes de pluie qui tombent du ciel ne perturbent personne. « On est habitués à des conditions difficiles », lance Laurent. Le cariste alterne depuis des décennies entre les horaires de nuit, les journées qui commencent à 5h ou celles qui finissent à 21h : « C’est pas bon pour la santé, on le sait bien. »

« On donne beaucoup. Quand il y a des problèmes, on va très vite pour les régler. C’est notre conscience professionnelle », témoigne David. Un autre assume d’y aller « moins à fond, pour se préserver ». Les deux constatent qu’à la fin, ils sont dans « la même situation, alors à quoi bon ? »

Le sentiment d’injustice est palpable. Les 3,3 milliards d’euros de bénéfices nets de Heineken en 2021 passent mal. « On leur rapporte de l’argent avec cette usine, c’est un choix d’optimisation, c’est tout », estime David, amer.

Les salariés d’Heineken estiment être trahis par leur direction, qui décide de fermer le site de Schiltigheim malgré de gros bénéfices. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Des jeunes employés très déçus

Valérian, lui, a 25 ans. Il aurait bien signé un CDI dans la brasserie à l’issue de son CDD en juillet 2023. « C’est compromis », reconnaît-il : « J’ai un bac+5 en génie industriel. J’aime travailler ici. Je loue un appartement. Je pensais essayer d’acheter un bien assez tôt, mais là ça ne sera pas possible. »

Manon avait choisi de faire son apprentissage en assurance qualité à Heineken en imaginant être embauchée à l’issue. Quant à Rebecca, elle est passionnée par son boulot à la brasserie. Son CDD court jusqu’à juillet 2023 :

« Je travaille sur le goût et l’odeur de la bière, c’est très intéressant. Dans l’idéal, je veux rester dans ce milieu. Mais pour ma génération, ça ne sera pas comme pour celle de mes parents. C’est un peu décourageant quand on voit que les entreprises pour lesquelles on aimerait bosser ferment les unes après les autres. Je viens de Schiltigheim, la cité des brasseurs. Mais quand Heineken sera fermé, il n’y aura plus aucune brasserie. »

Rebecca souhaite continuer à travailler dans une brasserie après la fermeture de son usine à Schiltigheim. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

De nombreux intérimaires sont présents aussi. Ils soutiennent la mobilisation et regrettent également la décision. Par exemple, Grégory, cariste, aime les missions pour Heineken : « Il y a une bonne ambiance et on est mieux payés que dans beaucoup d’entreprises, souvent plus de 2 300 euros nets. »

Grégory, intérimaire, travaille pour Heineken depuis quatre mois. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Didier Deregnaucourt affirme que des discussions commenceront bientôt entre les représentants du personnel et la direction : « Nous serons exigeants, et nous saurons nous faire entendre si nous ne sommes pas satisfaits », prévient le délégué CGT. La grève doit durer 24h et s’arrêtera donc le 16 novembre à 5h, selon les syndicats.

Vigilance quant à la Nuit de la philosophie à Strasbourg

Vigilance quant à la Nuit de la philosophie à Strasbourg

La Mission de vigilance contre les sectes alerte quant à la présence de la Nouvelle acropole parmi les organisateurs de la Nuit de la philosophie, un festival qui doit se dérouler à Strasbourg du 16 au 19 novembre. La Mission accuse ce mouvement d’emprise mentale, de prosélytisme et de dérives autoritaires.

La Nouvelle acropole participe à l’organisation d’un festival appelé « La Nuit de la philosophie », du 16 au 19 novembre à l’Espace culturel des Bateliers à la Krutenau et au Foyer de l’étudiant catholique (FEC) au centre-ville. Le festival propose trois conférences et une rencontre autour de la philosophie mais, comme l’a détaillé Rue89 Strasbourg dans une enquête en avril, la Nouvelle acropole promet des ateliers pour se transformer en « être éveillé » puis propose de rejoindre d’autres cercles plus restreints, comme les Forces vives avec une forme d’endoctrinement.

Une statue représentant Socrate Photo : Lentina X / FlickR / cc

Dans une note publiée début 2021, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) estimait que les enseignements dispensés par l’organisation (sur la citoyenneté, l’écologie, etc.) conduisaient « vers une idéologie d’extrême droite, à l’opposé de la démocratie ». Pour ces raisons, la Miviludes a alerté sur cette « Nuit de la philosophie » dans deux tweets publiés le 9 novembre. L’organisme attaché au gouvernement explique notamment :

« Ce mouvement a fait l’objet de 27 saisines depuis 2020, en raison d’une organisation extrêmement pyramidale, d’exigences économiques et humaines disproportionnées, et de plusieurs situations d’emprise entretenues sur des personnes fragiles. »

Les Cafés philo restent à distance

À Strasbourg, la Nuit de la philosophie embarque dans son programme les Cafés philo, organisés depuis plus de vingt ans par Bernard Clauss à la Brasserie Michel. Contacté par Rue89 Strasbourg, ce dernier indique n’avoir aucune relation avec la Nouvelle acropole et rappelle que ses ateliers « arment pour lutter contre le dogmatisme ».

Après la mise en garde de la Miviludes, la Ville de Lyon a annulé la location de la salle qui était prévue pour la Nuit de la philosophie dans cette ville.

#Miviludes

Avec Les Amandiers, Valéria Bruni Tedeschi rouvre les portes du théâtre dirigé par Chéreau dans les années 80

Avec Les Amandiers, Valéria Bruni Tedeschi rouvre les portes du théâtre dirigé par Chéreau dans les années 80

Dans son sixième long métrage, Valéria Bruni Tedeschi retrouve la fougue de ses années de formation au théâtre de Nanterre, dirigé alors par Patrice Chéreau. Rencontre avec une réalisatrice à l’image de son film : drôle et intense

Valéria Bruni Tedeschi poursuit sa veine autobiographique en se penchant cette fois sur ses années de formation au théâtre des Amandiers, auprès de Pierre Romans et de Patrice Chéreau, directeur du théâtre de Nanterre de 1982 à 1990. La réalisatrice filme, au plus près des corps et des visages, ces jeunes exaltés par leur amour du jeu, cette excitation de se savoir au bon endroit au bon moment, avec des personnes qui leur ressemblent et qu’ils admirent. Stella (Nadia Tereszkiewicz) et ses camarades ont une rage de vivre et de jouer. Dans cette école hors des codes, ils brûlent les planches et la chandelle par les deux bouts, découvrant l’amour, la drogue, la paternité, le Sida…

Comme elle sait si bien le faire, aidée de ses deux amies Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy, Valéria Bruni-Tedeschi alterne scènes intensément dramatiques et humour noir. Partie de ses souvenirs et de ceux de ses anciens camarades de l’époque – parmi eux Agnès Jaoui, Vincent Pérez, Marianne Denicourt, Bernard Nissille, Thibault de Montalembert ou Bruno Todeschini – elle a recréé une formidable troupe de comédiens, dont il y a fort à parier, comme leurs ainés, que l’on va en entendre beaucoup parler. Rencontre avec l’un deux, Oscar Lesage et Valéria Bruni Tedeschi

Rue89 Strasbourg: Pourquoi raconter cette histoire maintenant ?

Valéria Bruni Tedeschi : Je pense qu’il y a un temps juste pour raconter une histoire autobiographique. On m’a déjà dit, il faut attendre 7 ans, là j’en ai mis 30 ! Mais je n’y serais pas arrivé avant, si c’est trop proche c’est difficile.

Est-ce que vous avez retrouvé les sensations vécues à l’époque?

Je ne me pose pas la question par rapport à l’époque, de savoir si cela reflète ce que j’ai vécu. En revanche, c’était jubilatoire de vivre ce film avec ces acteurs-là, je suis très heureuse de les voir à l’écran et je trouve que c’est déjà pas mal. Je suis très amoureuse de cette bande que nous avons constituée avec Marion Touitou, la directrice de casting. Ils ne sont pas exactement fidèles à l’idée des personnages que nous nous faisions en écrivant le scénario car, en les rencontrant, nous sommes partis sur d’autres choses. Ce qui est important pour moi, c’est d’avoir eu cette énorme envie de les filmer en me levant le matin.

Vous avez répété un mois avant de commencer le tournage. Cela a permis cette liberté de jeu, cette énergie qui émane de ce groupe de comédiens ?

Oui, nous avons pris le temps de nous connaître, il fallait inventer un langage commun. Pendant le casting, nous avions déjà travaillé ensemble, je voulais plus de répétitions encore mais ce n’était pas possible donc j’ai fait un casting très long pour commencer les répétitions secrètement… Ensuite j’ai travaillé pour constituer un groupe, avec à l’intérieur, des méthodes de travail adaptées à chacun d’entre eux. C’est comme dans un pays, avec plusieurs dialectes: il faut trouver un langage commun mais aussi travailler la spécificité de chacun. En Italie, il y a beaucoup de dialectes… C’est bien cette image non ? Je viens de la trouver!

Stella (Nadia Tereszkiewicz) tombe follement amoureuse du toturé Etienne (Sofiane Bennacer) Photo : doc. remis

Comment Valéria a-t-elle travaillé avec vous Oscar ?

Oscar Lesage : On a beaucoup cherché ensemble. Et surtout, elle nous parle constamment pendant les prises, entre deux répliques !

Ah bon, comme Patrice Chéreau, que l’on voit travailler ainsi dans le film ? Mais ce sont des répétitions de théâtre ! Cela a dû être terrible pour l’ingénieur du son et le montage !

Valéria Bruni Tedeschi : François Waledish, le chef opérateur son, était furieux, plus que d’habitude ! Lors de la fête de fin de tournage, il avait une sorte de rage contenue et il m’a dit qu’il ne travaillerais plus jamais avec moi et qu’il n’avait plus envie de faire de cinéma. J’étais absolument désolée. Finalement il est revenu sur cette colère une fois qu’il avait digéré le tournage. Je lui ai dit que de toutes façons, je ne l’aurais jamais laissé faire ! J’aime travailler avec les mêmes personnes, je suis un grande fidèle, dans la vie comme au travail. Un peu comme une araignée qui tisse sa toile, une vieille araignée maintenant, je m’entoure des gens que j’aime, même les gens morts ! C’est pour ça que je travaille avec mon ex, mon actuel… mon futur (rires), ma mère, ma fille, mon amie comédienne Valéria Golino… Ma mère, je ne la vois pas beaucoup, alors j’en profite pour tourner avec elle, j’adore ma mère, je n’ai pas dû passer toutes les étapes psychanalytiques mais c’est comme ça, je l’adore.

Oscar Lesage : Pour revenir à la façon de diriger de Valéria, j’ai le souvenir d’une urgence: chaque scène est cruciale, il n’y a pas de petites scènes et aucune prise n’est pareille. Elle apporte des idées tout le temps. D’ailleurs, il y a d’autres scènes magnifiques qui ont été coupées au montage, c’était très riche. Elle nous pousse à toujours surprendre l’autre. Tu ne joues jamais « assis dans un pouf » si je peux m’exprimer ainsi.

Valéria Bruni Tedeschi : La version longue fait 4h30… Je leur ai promis que je leur montrerai bientôt. Avec Anne Weil, on a sans cesse cherché un équilibre entre l’histoire d’amour et les scènes de groupe. Si on restait trop sur l’histoire d’amour, on se plombait, si on restait trop sur le travail du groupe, on risquait de perdre le spectateur.

Louis Garrel interprète Patrice Chéreau, metteur en scène adulé par ses apprentis comédiens. Photo : doc. remis

En dehors de l’énergie de ce groupe, j’ai été surprise par leur insolence vis à vis de leurs « maîtres » Patrice Chéreau et Pierre Romans. Vous n’étiez pas impressionnés par ces figures tutélaires ?

Je crois qu’on était tous assez courageux oui. Avant tout, Patrice et Pierre cherchaient des personnalités pour leur théâtre. Qu’est-ce qu’une personnalité ? C’est un être humain qui décide d’avoir le courage de ne pas être conventionnel. Pour ce film, j’ai aussi cherché des personnes émouvantes, plus que de bons comédiens. J’ai le goût de la vérité, elle m’excite. Bien sûr, comme tout le monde, parfois je me plie à certaines règles mais quand je le fais, je m’ennuie.

Vous portez un regard qui m’a semblé très juste, sur les comportements toxiques de certains personnages : la drogue, la drague, la violence…

La seule vraie critique que je fais sur ce qu’il s’est passé à l’époque, concerne la drogue. Le fait que ceux que nous admirions tant se droguent devant ou avec nous, qui étions presqu’encore des enfants, je ne pouvais pas ne pas le critiquer. Il y a une responsabilité quand on travaille avec des jeunes. Mais c’était une école extraordinaire et Patrice et Pierre, tous les deux, étaient des génies. En ce qui concerne l’attitude de Patrice avec les jeunes garçons, c’était de la drague, mais, à l’époque, ce n’était pas grave. On n’avait pas les mêmes codes qu’aujourd’hui, il faut absolument remettre les éléments dans leur contexte. Ce n’était pas grave parce qu’il n’a jamais fait de chantage. Il se trouve qu’il aimait les jeunes garçons et plutôt les jeunes garçons hétérosexuels ! »

À la fin de l’entrevue, Valéria Bruni Tedeschi confie qu’elle n’a pas envie que des polémiques ternissent son film ou l’image de Patrice Chéreau, mais le film est suffisamment intelligent pour répondre par lui-même. Toute la beauté de Les Amandiers est justement de ne pas cacher les contradictions et les ambiguïtés de chacun.

Heineken quitte Schiltigheim : 220 postes supprimés

Heineken quitte Schiltigheim : 220 postes supprimés

La direction du groupe Heineken France a annoncé lundi 14 novembre la cession ou la fermeture du site schilikois d’ici trois ans à l’occasion d’un comité d’entreprise extraordinaire. « Un réel choc » pour les salariés et la maire de Schiltigheim, Danièle Dambach, qui compte se battre pour garder une activité économique sur ce site de 12 hectares en plein cœur de la ville.

Lundi 14 novembre à 9 heures, la direction française du groupe néerlandais Heineken a annoncé la fermeture de la dernière brasserie de Schiltigheim, ou sa reprise, d’ici trois ans, devant les représentants du personnel puis l’ensemble des salariés du site. Les 1,7 million d’hectolitres de bière que produisait la brasserie de l’Espérance seront transférés sur les sites de Marseille et Mons-en-Barœul, selon le projet de réorganisation de Heineken.

Heineken prévoit de supprimer 197 postes et d’en transférer 23 vers d’autres sites. Selon Heineken, le site emploie 30% de cadres, 30% d’ouvriers et 40% de techniciens sur une pyramide des âges « équilibrée » selon l’entreprise. Seule serait conservée une production en micro-brasserie pour la marque Fischer.

La direction a justifié ce regroupement par la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières et le vieillissement des équipements de l’usine de Schiltigheim hérités de l’usine Fischer, construite dans les années 30. Des conditions qui augmenteraient les coûts de production de l’usine alsacienne, qui sont en concurrence avec des « mégabrasseries européennes » assure la communication de Heineken France qui précise en outre que « le site en pleine ville ne peut être agrandi » et que « les viviers de futurs clients sont plutôt au sud et à l’ouest » du pays.

« C’est inimaginable »

La décision d’Heineken a fait vivement réagir la maire de la commune, Danièle Dambach (EE-LV), prévenue lundi matin également par le directeur de la brasserie, Stéphane Crépel. « C’est un choc », a-t-elle annoncé lundi en fin d’après midi en conférence de presse. « Le dernier grand site industriel de la ville pourrait fermer ses portes : c’est inimaginable. » L’emprise du site industriel, classé comme « soumis à autorisation« , compte 12 hectares en plein centre de Schiltigheim.

Vue de la brasserie de l’Espérance Photo : Heineken / doc remis

Si des plans de réorganisation avaient déjà été évoqués en 2020 et 2021 suite à la crise sanitaire, la production de bière était toutefois repartie à la hausse à Schiltigheim selon Patrick Maciejewski, le premier adjoint : « Un permis de construire pour un hall de stockage a été déposé en septembre. Rien ne permettait d’envisager une décision de fermeture. »

« Il n’y aura pas de nouveau projet Fischer »

La maire a annoncé son intention de « se battre pour défendre coûte que coûte une activité économique sur ce site. » « Il n’est pas question de créer une nouvelle friche au cœur de la ville. Pas question de construire de nouveaux logements. Il n’y aura pas de nouveau projet Fischer », a t-elle insisté, faisant référence au projet immobilier qui a remplacé une autre brasserie schilikoise après sa fermeture en 2009. « La commune a déjà dû absorber 2 000 habitants supplémentaires et doit en absorber 2 000 de plus d’ici la fin du mandat, il n’est pas envisageable de construire des logements supplémentaires. »

Danièle Dambach doit rencontrer la direction d’Heineken France ce mardi. Elle espère obtenir des précisions quant au projet de microbrasserie Fischer et s’assurer de la volonté du groupe de trouver un repreneur pour le site. En attendant, un appel à la grève a été lancé pour 24 heures, à partir de mardi 15 novembre à 5h, pour l’ensemble des salariés du site schilikois.

Le groupe Heineken a terminé l’année 2021 avec un chiffre d’affaires à 26,6 milliards d’euros, en hausse de 11,8 %, pour un bénéfice net de 3,3 milliards d’euros.

Solaris, une discrète structuration du mouvement anti-vax, bien ancrée à Strasbourg

Solaris, une discrète structuration du mouvement anti-vax, bien ancrée à Strasbourg

Initié par un relai de la théorie Qanon, Solaris est un réseau créé à partir des chaînes de solidarité apparues parmi les opposants aux vaccins et au passe sanitaire. Dans le Bas-Rhin, une trentaine de "cellules locales" sont actives, dont au moins deux à Strasbourg. Ses membres organisent des ateliers d'entraide pour s'autonomiser et faire face à "l'effondrement qui arrive".

"C'est dans pas longtemps. Les gros problèmes, moi je pense qu'ils vont arriver en automne. […] C'est l'heure du choix. Soit on part vers le . . .

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Surprenant Stéphane Belzère au musée d’Art Moderne : à la découverte des Mondes Flottants

Surprenant Stéphane Belzère au musée d’Art Moderne : à la découverte des Mondes Flottants

Lumière, couleur et transparence sont les maîtres-mots de l’exposition des Mondes Flottants présentée au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg jusqu’au 27 août. Fasciné par le motif du bocal, le peintre Stéphane Belzère emmène dans un univers peuplé d’étranges spécimens.

Des mammifères, des reptiles, des amphibiens, des poissons conservés en fluide ont étonnamment investi le premier étage du musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS) pour une exposition où se mêlent patrimoine scientifique et art contemporain, en association avec le musée zoologique actuellement fermé pour travaux. Au-delà d’une exposition collaborative, les Mondes Flottants célèbre le travail de Stéphane Belzère dont les peintures exposées couvrent la période de 2000 à aujourd’hui. 

Une passion insolite

La Salle des pièces molles-nocturne, une œuvre significative du travail de Stéphane Belzère inaugure le parcours. Au centre de la toile, un impressionnant cœlacanthe (un poisson des profondeurs qui existe depuis des millénaires), attire le regard. Conservés dans le formol, des spécimens de toutes sortes envahissent les étagères. L’intensité des touches bleutées contraste avec l’ambiance lugubre de la pièce.

L’artiste dépeint ici les réserves du muséum national d’Histoire naturelle de Paris où il installe son chevalet au milieu des années 1990. Entre ces murs, une véritable passion naît chez l’artiste, malgré l’atmosphère inquiétante qui inonde l’espace et la répulsion que produisent ces objets. Une fascination qui, rapidement, se transforme en obsession, jusqu’à devenir le sujet principal de ses peintures. 

Stéphane Belzère, La Salle des pièces molles-nocturne, 2000 Photo : M. Bertola / Musées de Strasbourg

Au détour d’un couloir, accrochées l’une face à l’autre, les Immersions. Deux tableaux monumentaux qui apportent un point de vue original : d’observateur à modèle, le visiteur est plongé dans le liquide de conservation d’un bocal. Dans ce milieu aquatique, des courbes révèlent un monde déformé. En écho à La Salle des pièces molles-nocturne, une fenêtre est visible en arrière-plan. Imprégnées de bleu, ces œuvres rappellent l’Intérieur, bocal de poissons rouges de Henri Matisse, d’où émerge une tension entre intérieur et extérieur à travers la fenêtre d’une chambre. Un regret cependant : la distance entre les peintures ne permet pas une totale immersion dans cet univers outremer.

Bousculer les frontières entre art et science

Issus des collections du musée zoologique de Strasbourg, plus de 200 spécimens conservés en fluide sont rangés sur des étagères spécialement conçues par l’artiste pour l’exposition. Au centre, prend place une œuvre déconcertante de Stéphane Belzère, Les Mains des Anges. Cette installation, la seule parmi les peintures exposées, donne à voir des bocaux dans lesquels flottent étrangement des mains en moulage de cire réalisés par l’artiste et des plaques de verre colorées. La rencontre singulière entre les collections du musée zoologique et l’installation de Belzère génère une résonance entre passé et présent.

Les Mains des Anges est une œuvre évolutive et participative. Proposés par le MAMCS, des ateliers pédagogiques à destination de jeunes visiteurs enrichissent l’installation au fur et à mesure que de nouveaux moulages de mains remplissent les bocaux vides. 

Stéphane Belzère, Les Mains des Anges, depuis 2020 Photo : Sophie Blanchard

Mais pourquoi les mains ? Si la volonté d’une conservation en bocaux est compréhensible, le recours à la figure des mains est, a priori, moins évident. Il faut alors se référer à l’histoire personnelle et familiale du peintre. Tandis que les plaques de verre colorées font office de vestige des vitraux réalisés par Belzère pour la cathédrale de Rodez, les mains rappellent la collection de statues religieuses de son père. Avec Les Mains des Anges, l’artiste engage un formidable travail sur la lumière et la couleur. Les reflets chatoyants des cylindres passent du vert à l’or, du bleu au rouge sombre.

Le bocal dans tous ses états

Afin de maîtriser son sujet de prédilection, Stéphane Belzère étudie le motif du bocal dans ses moindres détails. Des tableaux ovales, rectangulaires, verticaux et horizontaux défilent sur les murs.

« Mes tableaux naissent d’un sujet qui me possède. Ce sujet me préoccupe pendant longtemps, il ne me lâche plus, me tourmente même parfois, et me poursuit jusque dans mes rêves »

Stéphane Belzère

Les peintures de Stéphane Belzère, subjugué par l’aspect ondoyant du verre, du liquide et de la lumière, sont une ode à la matière vivante. Plus qu’un objet de conservation, le bocal devient une source d’inspiration déployée à l’infini. En regard des Mains des Anges, une succession de peintures figure des étagères sur lesquelles sont posés des bocaux. À la manière d’un inventaire, le peintre recense un à un les spécimens conservés dans les réserves muséum national d’Histoire naturelle de Paris.

Stéphane Belzère, série Les Étagères Photo : Sophie Blanchard

Mais du figuratif à l’abstraction, la frontière est infime. Stéphane Belzère s’intéresse-t-il à la représentation des espèces ou aux effets de composition, de texture et de flou ? Au fil des séries, les spécimens disparaissent et laissent place à des formes indéfinies. Dans Les Grands bocaux, quatre spectaculaires peintures verticales, des organes effrayants surgissent de bocaux. Par un incroyable travail de la perspective, les œuvres figurent des cylindres emplis d’étrangeté et offrent une plongée surdimensionnée dans des vues sous-marines. La toile devient le bocal. Une transfiguration accentuée par Les Tableaux Ovales qui revêtent les contours arrondis du bocal jusqu’à l’apparition de paysages maritimes. La variété des tableaux constitue autant de regards portés sur le bocal transformé en de somptueux panoramas.

Vue d’exposition, à gauche, Les Mains des Anges, au centre série des Grands Bocaux, à droite, série des Tableaux Ovales Photo : Sophie Blanchard

Une passerelle vers l’imaginaire

L’apparition de petits paysages aquatiques introduit à la perfection les trois Tableaux longs. Constitués de panneaux horizontaux démesurés, ces toiles représentent le fond d’un bocal où se mélangent du liquide et du verre. De cet assemblage émerge un motif linéaire qui, une fois immensément agrandi par l’artiste, se métamorphose en de sublimes paysages abstraits. La forme se dissout dans de grandes vues panoramiques qui laissent planer le doute sur leur symbole. Révèlent-elles le cosmos ? Ou un paysage d’eau et de glace ? Au spectateur de choisir et d’embarquer pour de lointaines contrées !

Les nuances de bleu, de vert et de blanc contrastent avec les dominantes de gris, de vert et de marron des œuvres précédentes. L’émergence de la clarté est la bienvenue après l’accumulation de formes étranges et sombres. Un retour au calme, un moment de parenthèse presque méditatif. 

Vue d’exposition, série Les Tableaux longs Photo : Sophie Blanchard

Avec ses Mondes Flottants, Stéphane Belzère confronte l’univers de la science et de l’art. Non pas comme deux entités distinctes, mais comme une rencontre. Représenté sous tous ses angles, le bocal constitue le point de basculement entre réalisme et abstraction, entre objet scientifique et création artistique.

Le musée des Beaux-Arts rend hommage à la résistante qui a permis le retour de plus de 45 000 œuvres spoliées

Le musée des Beaux-Arts rend hommage à la résistante qui a permis le retour de plus de 45 000 œuvres spoliées

Jusqu’au 15 mai 2023, le musée des Beaux-Arts de Strasbourg expose vingt tableaux et sept objets spoliés pendant la Seconde guerre mondiale. L’occasion de découvrir le courage de Rose Vallant, commissaire du musée du Jeu de Paume à Paris, qui a soigneusement répertorié les œuvres volées par les nazis pendant l’Occupation.

Sauver des œuvres de Matisse, Vermeer, Van Eyck ou Rembrandt, au péril de sa propre vie. C’est l’incroyable destin de la résistante Rose Valland, sans qui l’exposition en cours au musée des Beaux-Arts de Strasbourg n’aurait jamais eu lieu. Jusqu’au 15 mai 2023, le palais Rohan présente vingt tableaux et sept objets spoliés pendant la Seconde guerre mondiale par les nazis. Lorsque ces œuvres n’ont pas retrouvé leur propriétaire, elles sont inscrites dans une catégorie juridique particulière, les MNR, pour Musées Nationaux Récupération. Afin que leur restitution soit toujours possible, elles figurent ainsi sur un inventaire provisoire sans être propriété des collections nationales.

« Les Coteaux de la Celle, vue de Saint- Mammès », Alfred SISLEY.

Derrière le tableau, l’Histoire

L’entrée dans la galerie Heitz du palais Rohan permet de plonger le regard dans des tableaux MNR des musées de Strasbourg. Un paysage de Théodore Rousseau, un autre de l’impressionniste Alfred Sisley ou un bouquet de fleurs réalisé par un imitateur du célèbre peintre flamand Brueghel…

Ce n’est pas tant le prestige des œuvres qui bouleverse le spectateur, mais leur parcours. On imagine les militaires nazis qui les saisissent dans des collections de particuliers, juifs pour la plupart. On se représente le numéro 2 du IIIe Reich, Hermann Goering, profitant de la spoliation pour alimenter sa gigantesque collection (il s’est rendu 21 fois au musée du Jeu de Paume en moins de quatre ans). On ressentirait presque le froid des mines de sel en Autriche, où certaines œuvres ont été stockées pour bénéficier de la faible humidité des lieux.

« Venus couchée », d’après Titien, école de Fontainebleau.

Au fond de la galerie, le portrait de Rose Valland apparaît sur le mur de droite. L’exposition prend ainsi une toute autre signification. « Attachée bénévole » au musée du Jeu de Paume dès 1932, Rose Valland reste en poste sous l’Occupation. Chargée de la maintenance du bâtiment, elle espionne discrètement la cinquantaine d’Allemands venus pour cataloguer les œuvres saisies et organiser leur transfert en Allemagne. L’intrépide passionnée d’art prend le risque d’être découverte en écoutant les conversations des militaires. Le soir, elle récupère des notes dans la corbeille de l’homme de confiance d’Hermann Goering, recopie les informations sur les tableaux volés et replace le tout dans la poubelle le lendemain matin.

« Les fiancés », par Lucas de Leyde.

Plus de 45 000 œuvres retrouvées grâce à Rose Valland

À la fin de la guerre, Rose Valland est ainsi parvenue à constituer un inventaire unique. Dans un documentaire projeté dans la dernière salle de l’exposition, un historien de l’art affirme que le régime nazi lui-même n’avait pas une connaissance si fine des œuvres saisies. Consciente des capacités limitées d’une France défaite par la guerre, l’espionne du Jeu de Paume transmet ces informations aux alliés américains. Devenue capitaine de l’armée française, elle parcourt les ruines du Troisième Reich jusqu’en 1954 pour retrouver les œuvres d’arts emportées par les Allemands. Selon l’historienne de l’art Emmanuelle Polack, Rose Valland a permis la retour en France de plus de 45 000 œuvres.

« La Brioche », de Manet.

C’est la force de cette exposition intitulée « Passé, Présent, Avenir d’oeuvres récupérées en Allemagne en 1945 – Les MNR des musées de Strasbourg ». À travers une exposition artistique, le spectateur plonge dans l’histoire de la Seconde guerre mondiale et de l’Occupation pour découvrir ce personnage historique, hélas encore méconnue, de Rose Valland. C’est pourtant une figure inspirante d’idéalisme et de courage mis en pratique pour un objectif qu’elle résumait ainsi : « Sauver un peu la beauté du monde ».

Une formation de l’Université de Strasbourg pointée dans le rapport de lutte contre les sectes

Une formation de l’Université de Strasbourg pointée dans le rapport de lutte contre les sectes

La Mission de vigilance et de lutte contre les sectes (Miviludes) dénonce dans son dernier rapport les dérives de l’anthroposophie dans l’éducation et la médecine. L’Université de Strasbourg proposant une formation à la médecine anthroposophique, la Mission y voit un résultat de l’entrisme de ce courant de pensée.

L’Université de Strasbourg aime se démarquer. La voici mentionnée dans le dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) pour proposer une formation à la médecine anthroposophique. Dans ce rapport d’activités pour l’année 2021, la Miviludes indique avoir été saisie 31 fois sur des dérives du mouvement anthroposophique, un courant de pensée issu du romantisme allemand, dans le domaine de l’éducation des jeunes et de la médecine.

La maladie comme conséquence karmique

Dans la médecine anthroposophique, relate le rapport, « la maladie découle d’une destinée karmique, indissociable des erreurs et des péchés commis par le patient dans l’une de ses vies antérieures. » Les membres de la Miviludes détaillent ensuite nombre d’errements commis par des médecins anthroposophes : traitement de la bipolarité par de l’homéopathie, du cancer par des injections d’extraits de gui, etc.

Le rapport d’activité de la Miviludes relate également les dénonciations de l’ex-anthroposophe Grégoire Perra (sur lequel Rue89 Strasbourg a déjà écrit ici et ), lequel explique que nombre de médecins anthroposophes s’appuient sur leurs connaissances en médecine pour mieux masquer leurs opinions, pas toujours en faveur du patient selon le lanceur d’alerte. C’est cette stratégie d’entrisme qui inquiète la Miviludes, laquelle relève à ce sujet :

« L’Université de Strasbourg a intégré la médecine anthroposophique au sein de son offre de formation continue. Il est ainsi possible d’y suivre des cours de médecine anthroposophique, notamment appliquée à l’oncologie et à la rhumatologie. Le site de la faculté vante la médecine anthroposophique au motif qu’elle “propose un élargissement de la médecine universitaire sur laquelle elle se fonde, en intégrant dans sa démarche les niveaux biologiques, psychologiques et spirituels de l’homme”. »

Conséquences visibles durant la crise sanitaire

Les conséquences de ces croyances ne sont pas sans conséquence, poursuit le rapport :

« La Miviludes a pu constater la prolifération de propos de la part de médecins anthroposophes particulièrement virulents durant la crise sanitaire. Opposés à toute campagne de vaccination, des médecins anthroposophes se sont effectivement illustrés pendant cette crise en expliquant que la Covid-19 était le résultat, non pas d’un virus, mais d’une “électrification de la Terre” causée par le déploiement de la 5G. Dans certaines cliniques allemandes, des médecins anthroposophes ont prescrit de la poussière de météorite pour guérir de la Covid-19. »

La faculté de médecine abrite l'Institut de médecine légale (Photo Google Maps)
La faculté de médecine abrite l’Institut de médecine légale Photo : Google Maps

Dans un entretien aux DNA, le Pr Fabrice Berna des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, membre du Collège universitaire des médecines intégratives et complémentaires, estime que la Miviludes commet un amalgame :

« Pointer du doigt la médecine anthroposophique en disant que c’est une “médecine à risque de dérive sectaire”, c’est faire des amalgames. C’est comme si on disait que l’application médicale de la méditation présentait un risque de recrutement ou de déviance bouddhistes ! »

Pour Fabrice Berna, « c’est le rôle de l’université d’enseigner de manière critique les médecines complémentaires, » tout en déplorant que ces formations ne sont pas beaucoup fréquentées depuis qu’elles ont été retirées du catalogue de la formation professionnelle. En 2018, la faculté de médecine de Strasbourg avait choisi de continuer à enseigner l’homéopathie malgré les critiques sur ses résultats pour la même raison.

Des places pour Nos Frangins au cinéma Star

Des places pour Nos Frangins au cinéma Star

Le cinéma Star propose vendredi 25 novembre une avant-première de Nos Frangins, un film sur la mort de Malik Oussekine en décembre 1986, en présence du réalisateur Rachid Bouchareb. Des places sont à gagner sur Rue89 Strasbourg.

Vendredi 25 novembre à 20h, soirée spéciale au cinéma Star avec la projection en avant-première de Nos Frangins, un film revenant sur la mort de Malik Oussekine et les tentatives du gouvernement pour cacher ce décès. Le réalisateur Rachib Bouchareb sera présent pour échanger avec la salle.

Le pitch

La nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine est mort à la suite d’une intervention de la police, alors que Paris était secoué par des manifestations estudiantines contre une nouvelle réforme de l’éducation. Le ministère de l’intérieur est d’autant plus enclin à étouffer cette affaire, qu’un autre français d’origine algérienne a été tué la même nuit par un officier de police.

La bande annonce

Bande annonce Nos Frangins.

Le concours

Tirage au sort le vendredi 17 novembre à 17h.

Assises de la protection de l’enfance : « Il faut que ça bouge, et vite, on est au bord de la rupture »

Assises de la protection de l’enfance : « Il faut que ça bouge, et vite, on est au bord de la rupture »

La Collectivité d’Alsace a organisé, mercredi et jeudi, les Assises de la protection de l’enfance, un secteur social en pleine crise. Au programme : des réflexions sur l’intervention auprès des jeunes et des ateliers pour que les professionnelles proposent des solutions. Après cette opération, elles attendent des améliorations concrètes.

« Ceux qui me connaissent le savent, la protection de l’enfance a toujours eu une place à part dans mon engagement politique », déclare Frédéric Bierry (LR). Le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) a ouvert les Assises alsaciennes de la protection de l’enfance mercredi 9 novembre, au Palais de la musique et des congrès de Strasbourg. Pas sûr que l’intégralité des 900 professionnelles du domaine devant lesquelles il prononce ces mots le croient sur parole, tant le secteur est sous tension. Frédéric Bierry le reconnait d’ailleurs lui-même. Ce sont les Départements qui ont la charge et le budget dédié pour la protection de l’enfance, soit dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, la Collectivité d’Alsace.

Frédéric Bierry, président de la CeA, a lancé les Assises. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

L’événement, sur une journée et demi, cherche comment améliorer le soutien aux jeunes concernés, qui sont 10 600 en Alsace d’après la collectivité. Plusieurs professionnels se succèdent lors de tables rondes et évoquent les actions de leurs institutions ou associations. Ainsi, Guy Hardy, assistant social belge, explique que les pratiques sont devenues trop protocolaires et manquent de spontanéité. Il attire l’attention sur le fait que, quand c’est possible, le suivi des familles par des éducateurs est préférable au placement de l’enfant dans un foyer, vu le traumatisme que cela peut engendrer.

« La fin de la prise en charge est compliquée »

Une table ronde retient particulièrement l’attention. Maël, Mali et Luna, trois jeunes majeurs et anciens enfants placés, livrent leur témoignage avec clarté et émotion. Maël estime que les délais avant les prises en charge ont été trop longs, et qu’il a été contraint de vivre avec son père qui ne lui faisait plus à manger pendant plusieurs mois alors qu’il souhaitait partir vivre chez sa tante. Luna et Mali insistent toutes les deux sur la fin du parcours en protection de l’enfance et l’importance de mieux préparer les jeunes à la vie d’adulte, de ne pas les abandonner, notamment grâce aux contrats jeunes majeurs.

Ces derniers permettent aux jeunes confiés à l’Aide sociale à l’enfance (Ase) de prolonger les aides (soutient éducatif, hébergement, soutien psychologique, allocation financière) dont ils bénéficient pendant leur minorité. « 25% des sans-abris (avec papiers français) viennent de l’Ase. C’est insupportable », considère Frédéric Bierry. Luna abonde :

« Quand je me promène au centre-ville de Strasbourg, je vois toujours, dans la rue, deux trois jeunes qui étaient avec moi au foyer et qui sont SDF aujourd’hui. La fin de la prise en charge est compliquée. Il faut continuer à les suivre, surtout à 18 ans, qui peut être une période difficile. Sinon beaucoup se retrouvent à la rue, c’est normal, ils n’ont pas d’autre soutien. Moi j’ai bénéficié de l’aide d’associations comme la passerelle d’azur qui a continué à m’aider. »

De gauche à droite, Maël, Luna et Mali, anciens enfants placés, ont pu participer à une table ronde. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Crise du recrutement des travailleurs sociaux

Des éducatrices présentes trouvent l’opération intéressante. « C’est sûr que ce n’est pas là qu’on va parler des problèmes les plus trash », dit tout de même l’une d’elles et souffle : « Tout ça c’est bien beau, mais il faut que ça bouge vraiment, et vite, parce qu’on est au bord de la rupture ». Personne n’évoquera publiquement les suicides successifs d’une adolescente et de son éducateur de l’Arsea en surmenage en 2021. Pas un mot non plus sur le Foyer de l’enfance et son déficit d’encadrement.

Plutôt qu’à des éducateurs de structures alsaciennes en difficulté, les Assises ont préféré donner la parole à des personnes qui viennent de loin ou à des cadres au cours de cette première journée. Moment de réflexion générale, l’événement a permis à Frédéric Bierry de communiquer sur l’action de la Collectivité d’Alsace :

« Nous fléchons 16 millions d’euros de plus cette année sur la protection de l’enfance, pour financer 60 postes d’éducateurs et d’assistants familiaux supplémentaires. Nous créons 108 places d’accueil et nous continuerons dans la même lignée en 2023 (le budget sera voté dans quelques mois, NDLR). »

Pas de représentants du personnel invités à s’exprimer

Le président de la CeA estime que la source des nombreuses difficultés est le recrutement des éducateurs spécialisés. « Faute de personnel, une structure accueillant 12 enfants a fermé en début d’année à Guebwiller. Les mineurs ont été répartis dans d’autres foyers », expose Paul Geoffroy, directeur général adjoint de la CeA, en charge de la solidarité. « Donc on essaye de recruter mais on manque de candidats. On aimerait embaucher entre 100 et 200 assistants familiaux par exemple », poursuit-il.

Après la revalorisation de 183 euros liée au Ségur de la santé, les éducateurs spécialisés gagnent entre 1 400 et 1 500 euros nets en début de carrière. Les assistants familiaux gagnent 1 700 euros nets pour l’accueil d’un enfant, 2 400 euros nets pour deux mineurs.

Le premier jour, les Assises ont accueilli des centaines de personnes. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Les organisations représentatives du personnel, en Alsace comme ailleurs, se mobilisent régulièrement pour demander, au gouvernement et aux Départements, davantage de moyens pour le secteur. Selon les syndicats, de nombreuses structures locales sont concernées par le sous-effectif, les restrictions budgétaires et des organisations managériales verticales et autoritaires. Les représentants du personnel n’ont pas été invités à prendre la parole aujourd’hui.

Sous-effectif à l’Arsea

Jeudi 10 novembre, l’événement se poursuit à l’Hôtel du département, dans le quartier de la Petite-France à Strasbourg. Sur le parvis, des travailleuses sociales ne se satisfont pas de ces Assises. Employées par l’Arsea, elles distribuent des tracts et appellent à un rassemblement des acteurs de la protection de l’enfance lundi 28 novembre, de 12 à 14h devant la CeA :

« Aujourd’hui, nous courrons d’une famille à l’autre, d’un enfant à l’autre, d’un partenaire à l’autre. […] Cette course effrénée dans laquelle nous sommes plongées depuis quelques temps ne nous laisse pas indemnes. […] Elle nous invite sournoisement à accepter ces situations. »

Les éducatrices dénoncent devoir suivre 31 à 32 enfants chacune au sein de l’association, la norme étant à 25 selon un rapport de l’Inspection générale de la justice de 2018. Elles considèrent que les Assises auraient été plus pertinentes si les cas concrets alsaciens qui font souffrir les travailleurs sociaux locaux avaient été mis en avant. L’une d’elles lance : « Leur excuse, c’est toujours de dire qu’ils n’arrivent pas à recruter. » À l’intérieur, une autre travailleuse sociale analyse :

« Il y a des solutions, par exemple augmenter les salaires, tout faire pour réduire au maximum le sous-effectif. On n’a plus le temps de faire notre travail, c’est aussi pour ça qu’il y a de moins en moins de candidats. »

Discussions entre acteurs et responsables de la CeA

Olivier Simon, de l’association Le Lieu, affirme que dans sa structure, le taux d’encadrement est bien meilleur que dans beaucoup d’établissements : un éducateur pour deux à trois jeunes. Les mineurs accueillis sont notamment invités à participer à des activités artistiques. « Nous sommes des militants, nous demandons les financements nécessaires », ajoute Olivier Simon, sous entendu : certaines directions d’associations visent plutôt la rentabilité et l’efficacité. Le Lieu fait figure d’exception dans le paysage, mais il a été mis à l’honneur au cours de ces Assises, notamment avec une pièce de théâtre interprétée par des adolescents de la structure.

Olivier (à droite), éducateur pour l’association Le Lieu, avec Hugo, un jeune qu’il suit (à gauche). Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Jeudi, les professionnelles concernées par la protection de l’enfance ont été invitées à proposer des solutions, devant un parterre de chefs de service ou de responsables de la CeA. Ces derniers ont noté leurs doléances pour les restituer et mettre en place des mesures d’amélioration. « Le but est vraiment qu’il y ait des retombées concrètes », promet Magalie Desbois, organisatrice des Assises.

L’une des réunions s’intitule « Comment renforcer la prévention en faveur des enfants de 0 à 6 ans ? ». Une directrice de crèche raconte qu’elle se sent perdue dans le cas où elle doit signaler quelque chose car il y a de nombreux intervenants potentiels. Une éducatrice propose de former le personnel de la petite enfance pour leur indiquer qui sont les partenaires à alerter. L’idée est notée par une responsable de la protection maternelle infantile. À voir dans les prochains mois si les ajustements et l’augmentation des dotations pour la protection de l’enfance auront un effet perceptible pour les mineurs et leurs encadrants.

Des travailleuses sociales ont pu proposer des pistes d’adaptation aux responsables. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Avant l’entrée en vigueur de la ZFE, des exceptions pour les « petits rouleurs »

Avant l’entrée en vigueur de la ZFE, des exceptions pour les « petits rouleurs »

À quelques semaines de l’entrée en vigueur des Zones à faibles émissions (ZFE) partout en France, l’Eurométropole de Strasbourg a prévu des « pass ZFE » qui permettent de déroger aux vignettes Crit’air 24 fois par an. En outre, la collectivité reporte à plus tard les contrôles systématisés par vidéo.

La loi Climat et résilience prévoit de généraliser les interdictions des vieux véhicules, souvent les plus polluants, dans 40 agglomérations de France le 1er janvier 2023. Certaines villes comme Paris ou Grenoble ont déjà une Zone à faibles émissions (ZFE). L’Eurométropole de Strasbourg, après plusieurs tergiversations et calendriers successifs, a pour l’instant choisi de se conformer au rythme imposé par la loi pour les premières années, jusqu’en 2025.

À partir du 1er janvier 2023, les véhicules trop vieux pour arborer une vignette ou classés Crit’air 5 n’auront plus le droit de circuler sur le territoire des 33 communes de l’Eurométropole, sauf sur l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) et la rocade sud vers l’Allemagne. Cette classification concerne les véhicules diesel immatriculés avant 2001 et les essence d’avant 1997.

24 « pass ZFE » par an

Lors de son vote le 15 octobre 2021, l’Eurométropole avait déjà prévu 17 exceptions, en plus des 5 accordées par la loi française. À quelques semaines de l’entrée en vigueur de la ZFE, elle vient de préciser dans son arrêté le nombre de journées dérogatoires accordées aux habitants de l’Eurométropole et aux visiteurs extérieurs.

Ces « pass ZFE » permettront d’accéder ponctuellement avec un véhicule interdit. Le nombre de journées autorisées sera de 24 par an, contre 12 prévues initialement. Le dispositif vise les « petits rouleurs », afin qu’ils n’aient pas à changer de véhicule pour des déplacements occasionnels. Les professionnels pourront également s’en servir pour des livraisons ponctuelles.

Un allègement pour les poids lourds

Par ailleurs, les poids lourds les plus récents et véhicules utilitaires légers immatriculés après le 1er janvier 2022 ne seront pas concernés par l’interdiction des Crit’air 2 le jour où elle entrera à vigueur. À ce jour, cette interdiction n’est pas prévue par la loi mais elle est programmée dans quatre communes volontaires (Strasbourg, Schiltigheim, Ostwald et Holtzheim) pour 2028, soit après les élections municipales de 2026. Mais ce calendrier peut changer selon le résultat d’analyses de qualité de l’air et l’évolution des seuils fixés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en passe d’être abaissés.

L’Eurométropole va également procéder à la mise en place d’une plateforme pour s’informer et faire ses demandes de « pass ZFE ». Elle sera en ligne vers le début du mois de décembre. Un numéro vert sera aussi mis en service.

Les interdictions s’appliqueront à toute heure de la journée et tout le territoire de l’Eurométropole. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Des aides locales avec l’Agence du Climat

L’Eurométropole rappelle qu’elle a créé une Agence du Climat pour permettre aux particuliers de cumuler les aides nationales et locales pour changer de véhicule. Cet organisme a traité plus de 660 demandes d’aide à l’achat pour les particuliers, ainsi que 16 aides à la conversion pour des professionnels, et 55 demandes de Compte Mobilité depuis sa mise en œuvre en octobre 2022. Fin 2021, près de 10 000 véhicules seraient concernés dans l’Eurométropole par les interdictions Crit’air 5 ou sans vignette.

Peu de contrôles au début

La présidente de l’Eurométropole Pia Imbs (sans étiquette) indique par ailleurs que « dans le contexte d’inflation et de crise de l’énergie », sa majorité planche sur un projet de délibération à voter en février 2023 pour renforcer le montant des aides de l’Eurométropole aux ménages, en particulier les plus modestes.

Les contrôles de vignettes à partir du 1er janvier 2023 devraient être très limités au début. Ils incombent aux forces de l’ordre dirigées par l’État. Et les contrôles automatisés par lecture de plaque ne seront pas disponibles avant la mi-2024 au plus tôt, selon l’annonce faite par le ministre de l’Écologie, Christophe Béchu. Même si les policiers municipaux ont la capacité d’assurer ces contrôles, cette mission n’est pas jugée prioritaire, selon la présidente.

Pour s’y retrouver dans les vignettes et les véhicules Photo : document ministère

Le tribunal administratif annule la délibération de subvention à la mosquée Eyyub Sultan

Le tribunal administratif annule la délibération de subvention à la mosquée Eyyub Sultan

Dans sa décision du jeudi 10 novembre, le tribunal administratif de Strasbourg donne raison à la préfecture du Bas-Rhin et à plusieurs élus Les Républicains. Ces derniers ont attaqué la délibération fixant les conditions d’une subvention à la mosquée Eyyub Sultan.

Une affaire mal gérée, jusqu’au bout. La délibération pour une subvention de près de 2,5 millions d’euros pour la construction de la mosquée Eyyub Sultan aura été un boulet pour la municipalité écologiste. Pour rappel, le soutien à ce chantier mené par la communauté musulmane Milli Görüs avait suscité un scandale national, alimenté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Ce jeudi 10 novembre, le tribunal administratif de Strasbourg a décidé d’annuler le texte adopté par le conseil municipal le 22 mars 2021. Le président du tribunal suit ainsi les conclusions de la rapporteure publique lors de l’audience du 20 octobre.

Le tribunal administratif annule la délibération de subvention à la mosquée Eyyub Sultan. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Une renonciation « seulement temporaire » de l’association

Dans sa décision, le tribunal administratif liste les nombreuses irrégularités commises par la mairie de Strasbourg. Il rejette tout d’abord l’argument de la municipalité écologiste qui estime que la délibération du 22 mars est désormais sans objet, puisque l’association de la mosquée Eyyub Sultan a retiré sa demande. Ainsi, il est rappelé que « si l’association fait valoir qu’elle a entendu renoncer au bénéfice de la subvention, il ressort des termes de son courrier en date du 15 avril 2021, sans que cela soit sérieusement contesté, que cette renonciation est seulement temporaire. »

Le tribunal administratif reprend aussi l’un des arguments des cinq conseillers municipaux Les Républicains ayant attaqué cette délibération. Ces élus reprochent une information insuffisante en amont du vote, lors du conseil municipal du 22 mars 2021. Pour le président de l’audience Xavier Fassel, l’absence de précisions sur les difficultés de financement des constructeurs est « de nature à priver les membres du conseil municipal d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ». En effet, Rue89 Strasbourg avait alors révélé que le plan de financement de l’association Milli Görüs reposait notamment sur des aides du département et de la région.

La commune a méconnu son propre cadre réglementaire

La municipalité écologiste n’a pas convaincu sur sa conception du cadre réglementaire local pour le soutien à la construction d’édifices religieux. Pour la mairie de Jeanne Barseghian, la délibération du 22 mars 2021 applique la même philosophie que celle de Fabienne Keller lors de la construction de la Grande Mosquée de Strasbourg au début des années 2000. Or le président du tribunal rappelle que « la demande de subvention de la Grande Mosquée Eyyub Sultan a été déposée postérieurement au démarrage de la construction et que l’association n’a, à aucun moment, présenté un plan de financement. » Ainsi le tribunal estime que « la commune de Strasbourg a méconnu le cadre réglementaire qu’elle s’était fixé elle-même pour l’examen des demandes de subventions au bénéfice d’associations cultuelles. »

L’un des derniers arguments du tribunal administratif porte sur le besoin local d’un édifice religieux tel que la mosquée Eyyub Sultan. La préfète du Bas-Rhin affirme que les capacités existantes pour l’accueil des fidèles musulmans sont suffisantes sur le territoire strasbourgeois. Or, comme l’indique le président du tribunal, la commune de Strasbourg n’apporte aucune preuve de tels besoins locaux en édifice religieux. « Dans ces conditions, l’existence d’un intérêt public local n’est pas établi », conclut-il.

La décision du tribunal administratif peut faire l’objet d’un appel jusqu’au 10 janvier 2023.

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Plus de bruit et de stationnement sauvage : des voisins de la Meinau inquiets face à l’extension du stade

Plus de bruit et de stationnement sauvage : des voisins de la Meinau inquiets face à l’extension du stade

Le collectif des riverains du stade de la Meinau s’inquiète de l’agrandissement de l’arène du football strasbourgeois. Selon ces habitants, la Ville de Strasbourg manque de solution pour limiter les nuisances à venir, notamment liées à la future fan zone.

« La concertation a permis de modifier des micro-détails, comme le nombre d’arceaux à vélo… » Comme ses voisins Isabelle et Romaric, Jean est déçu de la concertation mise en place par la Ville de Strasbourg à propos de l’extension du stade de la Meinau. Le projet doit permettre à la cathédrale du football local d’atteindre 32 037 places, contre 26 000 aujourd’hui. Une fan zone doit aussi être construite à l’extérieur.

Cette nouvelle aire offrira un espace de réunion et de consommation utilisable en dehors des matchs à domicile pour le Racing Club de Strasbourg Alsace (RCSA). Certains matchs à l’extérieur devraient y être diffusés, et la Ville de Strasbourg ou des associations pourront y organiser des événements. Autant de changements qui inquiètent Isabelle, Romaric et Jean. Ils estiment que leurs remarques et propositions n’ont pas été prises en compte par la municipalité.

Une vue de la future tribune Sud (Populous / doc remis)Photo : Document remis / Populous

Le collectif demande de verbaliser le stationnement sauvage

Pour ces habitants de la Meinau, le stationnement pose problème depuis de nombreuses années, déjà sous le dernier mandat de l’ex-maire socialiste Roland Ries. Les abords du stade se transforment systématiquement en vaste zone de stationnement sauvage lors des matchs à domicile du RCSA. « On s’est battu pour qu’il y ait des verbalisations, regrette Romaric, mais elles ne sont toujours pas appliquées. » Et l’ingénieur informatique de craindre le pire avec l’afflux de milliers de supporters supplémentaires :

« Avec cette extension de stade prévue pour 6 000 personnes supplémentaires, il faut éduquer tout de suite les fans pour qu’ils s’habituent à prendre le tram ou le train. Mais aujourd’hui, le moyen de transport majoritaire reste la voiture, et une des raisons, c’est qu’on peut se garer gratuitement sans se faire verbaliser… »

Adjoint et référent du quartier Meinau, Abdelkarim Ramdane admet un manque de personnel au sein de la police municipale pour verbaliser partout autour du stade : « On est obligé de sectoriser nos interventions. » L’élu écologiste rappelle aussi le travail sur « l’augmentation du cadencement du tram les soirs de match ». Il évoque enfin « l’optimisation des offres de stationnement dans les parkings relais » lors des rencontres à domicile du RCSA.

Romaric s’inquiète aussi de l’impact de la fan zone pour les voisins du stade : « Quand on habite la Meinau, on sait qu’on va être dérangés une vingtaine de soirées par an. Or, avec la fan zone, on va avoir des animations supplémentaires au même endroit. » Le membre du collectif de riverains déplore le flou de l’Eurométropole concernant le nombre d’animations annuelles dans la fan zone : « On nous a dit qu’il y aurait entre 10 et 20 animations par an… La moitié serait liée aux matchs à l’extérieur, l’autre moitié serait organisée par la Ville et les associations. » Un chiffre que précise Abdelkarim Ramdane : « On sera sur 20 animations au total, pas une de plus. Nous nous sommes engagés sur ce point avec la maire de Strasbourg. »

« Il n’y a pas d’instance de gouvernance de cette fan zone »

Sans réponse de la municipalité depuis plusieurs semaines, Romaric perd peu à peu confiance dans les promesses de l’Eurométropole : « Il n’y a pas d’instance de gouvernance de cette fan zone. Si nous nous rendions compte qu’il y a eu 21 animations en une année, on s’adresse à qui ? » Plus généralement, l’ingénieur informatique décrit l’impression d’un « projet sans gouvernance politique, porté par les équipes techniques qui mènent les équipes politiques par le bout du nez. Rien n’empêche la majorité du mandat suivant d’augmenter le nombre d’animations par an… »

Pour Isabelle, professeure de mathématiques en lycée, la modification du plan de circulation autour du stade pose un troisième problème. L’Eurométropole envisage de fermer les rues de l’Extenwoerth et Maria Montessori à la circulation automobile. Isabelle explique :

« La municipalité présente cela comme un projet de circulation apaisée. Mais si ce projet est mis en place, la seule entrée possible dans notre quartier sera le carrefour où se situe le garage Citroen. Or ce carrefour est déjà très bouché, notamment le week-end. »

« Cette décision fait partie d’un projet plus large, explique le référent du quartier, le parking du McDonald n’existera plus. Une école est prévue dans le secteur, donc la suppression de la circulation dans cette rue permettra d’installer une aire de jeu. C’est clair que certains riverains perdront quelques minutes pour rentrer chez eux. Mais l’apaisement de cette zone fait partie de nos engagements clairs. »

Au-delà d’une concertation qui n’a pas permis de résoudre ces problématiques, les trois habitants du collectif (qui revendique une trentaine de membres) regrettent notamment que l’Eurométropole n’a pas tenu sa promesse d’organiser une réunion fin octobre 2022.