Depuis 12 ans, la ville de Strasbourg organise un colloque à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette année, il avait pour thème la pornographie. Mais les principales concernées n’étaient pas invitées…
Elles ont bravé le froid, et le vent glacial. Pancartes au cou, ou portées à bout de bras, Beverly, Alix, Cornélia, Prune, Siade… Elles sont une dizaine à protester ce mardi 22 novembre matin, devant les portes du Palais de la Musique et des Congrès. À l’intérieur, depuis 8h, se . . .
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Des infirmières spécialisées des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont manifesté mardi 22 novembre. Le mouvement est né à l’Institut hospitalo-universitaire, où Monique, Barbara et Myriam vivent un sous-effectif inédit qui met en danger les soignants et les patients.
Infirmière de bloc opératoire depuis cinq ans, Barbara Gauthier se félicite face à la cinquantaine de consœurs qui manifestent ce mardi matin. À l’appel du syndicat Force ouvrière (FO), elles sont descendues sous les fenêtres de la direction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) vêtues de leur blouses et de leur charlottes bleues pour dénoncer un sous-effectif toujours plus dangereux, pour les soignants comme pour les patients.
Myriam Sutter, 11 ans d’expérience en tant qu’infirmière de bloc diplômée d’État (Ibode), résume la situation à l’Institut hospitalo-universitaire (IHU), d’où la mobilisation est partie :
« Il y a deux ans, on était 30 infirmières de bloc à l’IHU. Maintenant, nous sommes 14. Nous avons perdu la moitié de nos effectifs mais on continue de faire 100% de l’activité. »
« Il nous arrive de travailler 20 jours d’affilée »
Les soignants subissent ce sous-effectif croissant. Pour Barbara Gauthier, le rythme de travail est devenu intenable : « Il nous arrive de travailler 15 à 20 jours d’affilée, sans coupure, même la nuit et le week-end, ça ne s’arrête pas. » « C’est du jamais-vu », souffle Monique Blum, 28 ans d’expérience comme infirmière de bloc. Il y a peu, elle a travaillé 60 heures en huit jours. La première journée, l’infirmière a passé 16 heures à l’hôpital : « J’ai travaillé de 7 heures à 14h30 puis j’ai repris à 19h30 pour terminer à 4 heures du matin. » À ses côtés, une collègue rappelle : « Et le lendemain, elle est revenue à 12h30… »
Devant la préfecture du Bas-Rhin, où la manifestation a pris fin, les infirmières de bloc comptent les collègues perdues les deux dernières années : deux départs à la retraite, cinq soignantes qui ont rejoint le privé, une autre qui a préféré l’intérim, deux cadres reclassées et d’autres parties en formation… « Le problème, c’est que personne n’est arrivé entretemps », souffle une collègue de Monique, Barbara et Myriam.
« La sécurité du patient est en danger »
Pour Monique, avec ce sous-effectif inédit, « la sécurité du patient est en danger ». Baraba précise :
« Comme on manque de soignants, on est passé de deux infirmières de bloc diplômées d’État par opération, à une seule et un interne en médecine. Nous à la fin de l’opération, on vérifie qu’il n’y a plus rien dans le corps du patient. Un interne n’est pas formé pour ça. »
À partir de 17 heures chaque jour, les infirmières spécialisées de l’IHU doivent rejoindre les blocs opératoires du Nouvel hôpital civil (NHC). Elles assurent alors les opérations d’urgence des spécialités comme « la chirurgie digestive, l’urologie, la chirurgie thoracique, l’ophtalmologie. Normalement il y a une équipe spécialisée dans la cardiologie, mais comme ils manquent de personnel, on se dédouble alors qu’on n’a pas été formées. Ça aussi, c’est risque supplémentaire pour le patient, qui est devenu récurrent. »
Secrétaire général du syndicat FO des HUS, Christian Prud’homme déplore l’absence de solution du côté de la direction d’établissement et de l’Agence régionale de Santé (ARS), malgré une première manifestation sur le même thème le 8 novembre. Infirmier anesthésiste de profession, le syndicaliste rappelle :
« La charge mentale qui pèse sur ces professionnelles est énorme. Elles ont la vie de patients entre leurs mains. Les Ibodes doivent connaître tout le déroulé des opérations, anticiper les complications et les instruments à utiliser. Beaucoup d’entre elles n’en peuvent plus. Elles sont sur le point d’appeler leur médecin qui les mettra en arrêt. »
En 2019, les maisons de santé de Hautepierre, du Neuhof et de la Cité de l’Ill ont interrogé les habitants de ces quartiers sur ce qui les rend malades et ce qui les aide à aller mieux. Les témoignages recueillis révèlent un rapport ambigu au cadre de vie et une conception de la santé plus large que la simple absence de maladie.
« Ce qui me rend malade, c’est quand ma mère est malade et que je ne sais pas quoi faire », Ilham, 10 ans. « J’espère la bonne santé de ma famille pour tenir le coup », Adam. « Je suis stressé angoissé par rapport à ce qui s’est passé dans mon pays. Les mauvais souvenirs du pays reviennent. Le stress des papiers de demande d’asile, l’attente. » « Les conditions de travail de mon emploi me rendent malade », Natacha. « Personnellement, je fume pour rester en forme, no stress avec une cigarette. Je mange des bonbons, du chocolat, je bois du café avec du sucre, du vélo, de la marche, j’écris beaucoup sur la vie du quotidien », Nadia, 44 ans.
Beaucoup de verbatims, quelques noms et des textes d’intention qui expliquent le projet. La santé, ça vous parle ? est un ouvrage publié en octobre 2022 par les maisons de santé de Strasbourg au terme de trois années de travail. En 2019, ces structures ont envoyé des habitants relais et des médiateurs poser deux questions aux résidents des quartiers de Hautepierre, Neuhof et de la Cité de l’Ill : qu’est ce qui vous rend malade et qu’est-ce qui vous aide à aller mieux ? Leurs réponses dessinent une définition très large de la santé et un rapport particulier aux quartiers. Entretien avec Anaïs Cayla, coordinatrice de la maison de santé de Hautepierre, structure porteuse du projet.
Rue89 Strasbourg : Il existe un certain nombre d’outils statistiques qui permettent de dresser un état des lieux de la santé des habitants dans les quartiers prioritaires. Pourquoi avoir choisi de recueillir la parole des résidents sur ce sujet ?
Anaïs Cayla : Des outils existent en effet. Mais je pense que nous avions besoin de les confronter à certaines choses que nous avions pu entendre dans les cabinets de consultation. Des éléments difficilement quantifiables qui ne rentrent pas dans les diagnostics de territoires réalisés par la Ville ou par l’Observatoire régional de santé. Notamment tout ce qui relève de l’environnement de vie, du lien social et familial, des parcours migratoires… Des choses qui participent d’un état général de bien-être ou de mal être, mais que l’on n’associe peut être pas forcément tout de suite à la santé, souvent renvoyée à la présence ou à l’absence de maladie.
Qu’est-ce qu’être en bonne santé ?
Tous ces éléments peuvent sembler être des à-côtés mais ils sont essentiels pour nos patients. En tant que professionnels, nous avons notre propre regard sur ce qu’est la santé. Une approche qui correspond à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social. Nous nous sommes demandé si nos patients la percevaient aussi de cette manière. Qu’est ce que cela signifie pour eux concrètement ?
Vous avez choisi de recueillir la parole des résidents grâce à des binômes composés d’habitants relais et de médiateurs travaillant au sein des maison de santé. Comment avez vous élaboré cette méthodologie ?
Nous nous sommes dit qu’il était important de ne pas se contenter des médiateurs pour aller vers les habitants. Ça nous paraissait faire sens d’être accompagnés d’usagers qui avaient développé des liens de confiance avec nous à mesure des années. Des patients qui pourraient être des facilitateurs, des passeurs, des traducteurs… qui permettent aussi de désintimider les gens à qui nous voulions parler. Nous avons également choisi de sortir de la maison de santé pour aller à la rencontre des habitants, notamment avec du porte-à-porte.
Avez-vous formé les habitants relais à cet exercice ?
Oui. Nous nous sommes tournés vers l’association Migration santé Alsace (travaillant sur les discriminations dans l’accès à la santé, NDLR) pour les former à recueillir la parole des résidents. C’était une demande des habitants relais également : certains nous ont dit qu’ils avaient envie de se prêter au jeu, mais qu’en même temps cela les effrayait un peu. On sait qu’il n’est pas anodin de recueillir la parole, que cela peut être difficile à gérer d’entendre des récits de parcours migratoires, d’isolement, de situations de violence…
Habitants – OMS : même combat
L’idée, c’était de leur donner des clés pour savoir comment rester à la juste place, avoir le recul nécessaire pour accepter que, des fois, l’on ne puisse pas répondre à la détresse d’une personne. Il s’agissait également de leur donner des outils pour relancer un échange, parce que l’on sait que l’on va parfois devoir relancer une personne pour qu’elle parvienne finalement à dire ce qu’elle aimerait raconter mais n’ose pas formuler.
Qu’est-ce qui est ressorti de tout ce travail de recueil de la parole ?
La première chose qui est apparue, c’est que même si les habitants ne le savent pas forcément, ils ont la même définition de la santé que l’OMS. Quand ils parlent de ce qui les rend malade, ce qui revient, c’est l’importance de leur cadre de vie, de la relation à l’autre, du lien familial, de la présence d’espaces verts dans leur environnement, d’espaces de socialisation… Cette question des espaces est d’ailleurs ce qui, moi, m’a le plus marquée. On réfléchit beaucoup avec nos partenaires à ce que l’on pourrait proposer comme activités qui accompagnent nos projets. Mais je me souviens d’une personne qui m’a dit : « On manque de lieux pour se rencontrer, il y a trop d’activités. » Cette personne, elle avait juste besoin d’un banc sur lequel s’asseoir pour discuter avec des gens. Pas qu’on lui propose quinze activités tous les jours.
Ce que je trouve intéressant dans ces réponses qui font une large place à l’environnement, c’est que cela pose des défis à des acteurs qui ne sont pas forcément des acteurs de santé. Hautepierre entre dans la phase II de la rénovation urbaine mais ça veut dire quoi rénover un quartier ? Qu’est ce que cela signifie en termes d’espaces pensés pour le collectif ? De parcs ? D’espaces partagés ? De bancs tout simplement. L’urbanisme n’est pas qu’une question de transports et d’accessibilité. Cela interroge finalement l’organisation sociale : qu’est ce que l’on a comme endroit pour sortir de chez soi et créer du lien ?
« Un verre et une cigarette, et ça va bien »
Des questions de santé disons plus classiques ne sont pas apparues dans les réponses ?
Si. On se rend bien compte que les gens entendent les messages de santé publique. Certains enfants interrogés ont d’ailleurs eu un côté bon élève : quand ils ont appris qu’on était la maison de santé ils nous ont parlé des cinq fruits et légumes par jour. Mais une fois que l’on dépasse cela, les discours sont un peu différents. Je me souviens d’une patiente qui m’avait dit: « Oh la la il ne faut pas que je le dise mais moi pour aller bien, mon petit plaisir c’est une cigarette et un verre d’alcool. » Il n’y a pas de souci, on est aussi là pour parler de ces choses et moi aussi ça m’arrive de m’ouvrir une bière en rentrant quand j’ai eu une dure journée. Très spontanément, les gens nous ont répondu sur des choses qui ne concernaient pas la maladie comme, « ce qui me fait du bien, c’est d’aller dans mon jardin », « c’est de rencontrer mes voisins », « c’est d’écrire à ma famille » ou même de se téléphoner pour des personnes qui ont parfois un océan entre elles.
Est-ce l’environnement qui rend malade ou qui aide à aller mieux ?
C’est les deux. Ce qui rend malade, c’est le mal logement, l’indifférence, le racisme, les discriminations subies… et ce qui fait aller mieux c’est la possibilité d’avoir un quartier où l’on se sent bien avec des espaces verts, un jardin, des endroits ou l’on peut se croiser. L’importance du quartier est revenue dans les témoignages récoltés par chaque maison de santé. On a souvent cette image stigmatisée d’un endroit où l’on vivrait mal et dont tout le monde voudrait partir. Mais les gens n’ont pas envie de les quitter, ils s’y sentent bien. Ils souhaitent au contraire les investir davantage, développer ce qui y existe déjà. On peut parler d’amour pour ces lieux de vie, le terme n’est pas trop fort. Alors oui, il y a plein de problèmes par ailleurs, du mal-être par rapport à l’insalubrité de certains logements, le fait qu’ils soient trop petits… mais ce sont aussi des endroits repères, des lieux qui permettent la socialisation, la création de lien… C’est une espèce d’équilibre fragile.
Vous avez choisi de faire un livre avec tous ces témoignages, pourquoi ?
L’avantage du livre, c’est que ça passe de main en mains. Ça s’emprunte, ça se dépose dans une cabane à livres, sur un banc… Ça se corne, ça se plie, ça se souligne. Nous voulions un objet vivant qui s’adresse au plus grand nombre. Quelque chose qui parle aux habitants, un endroit où leur parole serait valorisée. Un outil qui puisse servir aux jeunes professionnels qui viennent se former chez nous aussi. Parce que c’est difficile de rendre compte dans un cours théorique de ce que peut être l’exercice dans un quartier populaire, de l’effet millefeuille de la santé qui s’intrique avec d’autres champs. Nous espérons qu’il pourra servir à d’autres maisons de santé qui auraient besoin de retour d’expérience. Nous espérons, aussi, que le politique va s’en emparer.
Au départ, votre travail visait à interroger ce qui fait santé pour les habitants des quartiers prioritaires. Mais ce qui fait « maladie » ou « mal-être » dépasse de loin ce que les maisons de santé peuvent soigner…
Ce qui peut-être intéressant devant tous ces éléments, c’est de réfléchir à comment l’ensemble d’un territoire répond à ces questions. Pas juste les maisons de santé mais aussi les confrères en exercice isolé, les associations de quartiers, les partenaires… Je pense que la réponse à apporter est globale. En tant que structures, on ne prétend pas sauver nos patients. On fait ce qu’on peut avec les outils que l’on a : à Hautepierre, une médiatrice, deux psychologues, un psychiatre, une travailleuse sociale et un accès aux interprètes. On sait déjà que l’on ne peut pas répondre à tout. Et c’est peut-être ce que l’on dit à travers ce travail collectif, de trois maisons de santé ensemble. À plus forte voix.
Paul loue un appartement à la Krutenau depuis juillet 2020. Jusqu’en mai 2022, il a payé 50 euros de charges fixes par mois, mais n’a jamais reçu de précisions sur ces dernières. Paul a dû insister six mois, de mai à novembre, et a cessé de virer son loyer pendant trois mois, pour apprendre qu’il avait payé 300 euros de trop.
« Pendant deux ans, ils ne m’ont rien envoyé », explique Paul, 26 ans. L’ancien étudiant, diplômé en septembre 2022, a dû se renseigner seul pour connaître ses droits de locataire. Sur son bail, géré par la société Immoval, un montant mensuel est dédié aux charges – 50 euros par mois. Une somme fixe, forfaitaire, qui doit en théorie être régulée chaque année. « J’ai vu le terme “avance sur charge”, ça m’a fait réfléchir », poursuit-il.
Le principe de ce forfait est de couvrir les frais locatifs selon une estimation basée sur les années précédentes. Le décompte annuel des charges, effectué par le gestionnaire, permet au locataire de récupérer ce qu’il a payé en trop, ou au propriétaire de demander un montant plus élevé lorsque les charges prévues ont été dépassées. Mais Paul a réglé les mêmes charges fixes de juillet 2020 à mai 2022, sans recevoir le moindre document lui indiquant s’il a trop ou pas assez payé.
« Si je n’avais rien demandé, ils ne m’auraient rien donné »
Après une première sollicitation d’Immoval par mail fin mai 2022, il lui a fallu relancer cinq fois le bailleur et attendre le 9 novembre pour obtenir les documents de décompte de charge des années 2020 et 2021. Il a alors découvert qu’en deux ans, il avait payé 300 euros de plus que les frais réels. « Ils vont les enlever sur mon prochain loyer, donc ça va, mais si je n’avais rien demandé ils ne m’auraient rien donné », estime Paul, qui est encore engagé à rester dans son logement pour quatre ans. Une somme conséquente, surtout dans un budget étudiant.
En mai, son bailleur a plaidé par mail un manque de temps : « Vous recevrez [les documents] dans les meilleurs délais », y lit-on. Rue89 Strasbourg a eu accès à l’échange de d’e-mails. Sans plus de détails, il a décidé de cesser de payer son loyer en juillet, jusqu’à ce que ces documents lui parviennent. « Je ne savais pas quoi faire d’autre », justifie-t-il. Cette fois-ci, la réaction du gestionnaire a été immédiate : un courriel de juillet l’a invité à régulariser sa situation. Il a répondu qu’il attendait toujours la régularisation de ses charges. En l’espace d’une heure, il a obtenu une autre réponse vague : « Les décomptes de charges devraient être établis sous peu. »
Il ne paie pas son loyer en juillet, ni en août, ni en septembre, puis recommence à le virer en octobre et novembre, en gardant trois mois de retard. Ce qui lui vaudra, le 4 novembre, de recevoir une mise en demeure l’invitant à régler sa dette sous huit jours, sous peine de recevoir la visite d’un huissier. « Alors j’ai tout payé le jour même et j’ai envoyé moi aussi une mise en demeure », retrace-t-il. Le 6 novembre, il envoie un courrier avec accusé de réception, demandant, comme depuis mai, d’avoir accès aux documents de décompte des charges locatives pour 2020 et 2021. Finalement, le 9 novembre, il a donc reçu les précieux papiers lui confirmant qu’il avait payé 300 euros en trop.
« On fait au mieux »
Contactée, la société Immoval se défend de toute mauvaise foi : « Effectuer le décompte des charges demande d’avoir accès à beaucoup de documents qui nous sont transmis par les syndics », explique Aline Fougeroux, attachée de direction et responsable du service gestion. Elle justifie donc le délai par la complexité d’accéder à certaines factures : « On est assez vigilants et on fait au mieux, on s’excuse si c’est parfois un peu long. » La société gère environ 1 500 lots locatifs dans l’Eurométropole. Aline Fougeroux poursuit : « Il faut qu’on ait toutes les factures, qu’on remplisse des formulaires, ce n’est pas toujours facile de le faire directement à l’année échue. »
Les charges locatives concernées sont définies exclusivement par décret. Elle englobent par exemple le chauffage lorsqu’il est collectif, l’électricité ou les frais de nettoyage des parties communes.
Si Paul ne l’avait pas contacté, Aline Fougeroux assure que le gestionnaire l’aurait fait de lui-même. Et ce au plus tard lorsque le locataire aurait quitté le logement : « On rembourse par virement », assure t-elle. Selon Aline Fougeroux, l’obligation de régulariser une fois par an est plutôt une indication : « Le législateur prévoit une fois par an, mais maximum tous les trois ans. »
Une obligation… sans sanction
Dans la loi, l’obligation est pourtant claire : le bailleur fait parvenir au locataire un décompte des charges chaque année puis procède, un mois après, à leur régularisation. Celui-ci doit également tenir à disposition du locataire tous les documents justificatifs pour une durée de six mois à compter de la date où le décompte des charges est effectué – pour vérifier qu’elles lui sont bien imputables. Mais c’est au locataire ou au propriétaire d’être vigilant, précise Bintz, une autre agence de gestion, à Rue89 Strasbourg.
Dans le sens inverse, le propriétaire a trois ans pour réclamer à son locataire un complément de charges lorsque la régularisation va dans son sens. Le même délai s’applique pour le locataire – encore faut-il que le locataire sache qu’il peut récupérer une partie de ses charges.
Mais en 2017, la Cour de Cassation a arrêté que « l’obligation de régularisation annuelle des charges n'[est] assortie d’aucune sanction et que le bailleur [peut] en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription ». Trois ans, donc. Sans sanction, difficile de savoir si l’obligation de donner cette information aux locataires est bien respectée par les gestionnaires.
Selon Bintz, la seule instance de vérification est le fisc : « On paye tous des impôts, donc il faut justifier les sommes perçues. » Autre possibilité de contrôle : lorsque le propriétaire est une entreprise qui dispose elle aussi d’un comptable. Du côté d’Immoval, on précise aussi que des exercices comptables sont effectués par le gestionnaire. « On ne peut pas garder de l’argent qui ne nous appartient pas, on rembourse tout le monde », élude Aline Fougeroux.
Samedi 19 novembre, un peu plus de 200 personnes ont défilé entre le Conseil de l’Europe et la place de la République à l’appel de l’inter-QG Gilets jaunes du Bas-Rhin et des collectifs AntiPass 67 et 68. Des « complotistes » autoproclamés, en réaction à toute forme de parole officielle.
Caricatures du couple Macron, croix de Lorraine sur fond tricolore, seringues stylisées, gilets jaunes et symboles « peace » à trois branches. En face du Conseil de l’Europe, ils sont un peu plus de deux cents à attendre le départ du cortège sous le regard des promeneurs de l’Orangerie, en ce début de samedi après-midi. Au sein de ce « Rassemblement InterHumains des complotistes », des membres des collectifs Antipass 67 et 68, de l’inter-QG des Gilets jaunes du Bas-Rhin, des Loups de la liberté de Haguenau et d’Urgence solidarité soignants sacrifiés – collectif de soignants non vaccinés suspendus – de Colmar.
« On est tous complotistes aujourd’hui »
« La plupart des manifestants présents ne croient plus les médias “mainstream”, c’est-à-dire tous les médias, les syndicats et tous les partis », pose en préambule RedBoutchka, co-organisatrice de cet événement revendiqué comme apartisan. Un « rassemblement de complotistes » assumé. « Le titre est provocateur, mais dès qu’on pense différemment de la doxa, dès que l’on remet en question la pensée unique, on est taxé de complotiste », poursuit la jeune femme. « Le complotiste, c’est celui qui remet tout en question, qui doute de toute version officielle, qui utilise son esprit critique, alors oui on est tous complotistes ici aujourd’hui », rebondit El Schnucko, l’organisateur déclarant de la manifestation.
Membre des Gilets jaunes avant d’avoir intégré le mouvement antipass, ce psychomotricien libéral n’a pourtant pas toujours douté de la parole gouvernementale concernant l’épidémie :
« Les trois premiers mois, j’y ai vraiment cru. J’ai enlevé mes enfants de l’école. En vacances, on allait se baigner tôt le matin pour éviter de croiser du monde. Mais ensuite j’ai écouté des économistes alternatifs qui ont démontré qu’il n’y avait pas de surmortalité liée au Covid (ce qui est faux, NDLR) ».
S’il se défend d’être opposé aux vaccins (antivax) de manière générale, l’Alsacien s’oppose à la vaccination contre le Covid en particulier. « Mon corps c’est mon corps. C’est un choix qui ne concerne que moi, car c’est pour se protéger soi qu’on se fait vacciner, pas pour protéger les autres, » dit-il.
Après le passe sanitaire, le crédit social ?
« Il y a des structures qui ont décidé d’arrêter de travailler avec moi à cause de ça, explique t-il. Certains de mes collègues n’ont pas compris et m’ont dit qu’il fallait que je vive avec mon temps. Même avec la famille, ça a parfois été compliqué. » Il reste toutefois mobilisé « pour éviter la mise en place de toute nouvelle forme de passe ou de discrimination entre les Français », craignant l’avènement d’un crédit social à la chinoise dans les mois à venir.
À quelques minutes du départ, les discours s’enchainent depuis le toit du camion de tête. Sont évoquées tour à tour la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, la suspension des soignants non vaccinés et l’augmentation du coût de la vie, mise en relation avec la guerre en Ukraine, « déclenchée par l’Otan ».
« Ça m’est arrivé de diffuser de fausses informations »
14h, le cortège se met en mouvement. Au bout d’une bannière verte mentionnant la 5G, le vaccin contre le Covid et la Dépakine, Gwladys interpelle : « Pourquoi les médias ne jouent pas leur rôle ? Pourquoi ne parlent-ils pas des effets secondaires graves du vaccin contre le Covid ? Votre média dit que les complotistes produisent de fausses informations mais qui les propage vraiment ? » interroge la jeune femme « diplômée de Sciences-Po Lyon » et travaillant dans la réalisation de documentaires et le journalisme citoyen. « Il faudrait fact-checker les fact-checkeurs, juge t-elle. Qui contrôle ce qu’ils disent ? »
De l’autre côté de la banderole, Salvator se fait plus discret sur la question de l’information. « Les résistants ont parfois tendance à croire des choses qui vont dans leur sens même si ce n’est pas vrai », explique t-il au sujet des opposants au passe sanitaire :
« Moi même, il m’est déjà arrivé de diffuser de fausses informations. Ça peut arriver. Mais nous, contrairement aux autres, nous sommes obligés de nous justifier parce que nous sommes dans le combat. Il y a une vraie volonté de ridiculiser les résistants ».
Après avoir travaillé dans l’intérim, dans l’Éducation nationale en tant que prof de physique-chimie et dans le bâtiment, l’homme a finalement acquis une ferme où il vit en autonomie. Il manifeste aujourd’hui « pour la liberté », s’oppose à la vaccination contre le Covid et le déploiement de la 5G.
« On est des incompris »
Au milieu du cortège, Nine marche tranquillement, non loin d’un petit groupe de percussions. Un t-shirt AntiPass 67 sur les épaules. Présente sur les rassemblements de Gilets jaunes il y a quelques années, la quadragénaire est redescendue dans la rue dès juillet 2021 pour s’opposer à la vaccination contre le Covid.
« Je ne voulais pas me faire injecter un produit expérimental », justifie-t-elle. Membre de différents collectifs, dont Alsace Révoltée, cette habitante de l’Eurométropole pense avoir perdu une possibilité d’emploi à cause de ses convictions :
« J’étais en intérim. Je devais passer en CDI, mais l’entreprise qui voulait m’embaucher est allée faire un tour sur mon profil Facebook et a dit à l’agence que j’étais une rebelle et qu’elle ne voulait finalement pas me prendre. Je me suis dit que ce n’était pas un endroit pour moi et j’ai retrouvé du travail ailleurs. Mais toujours en intérim. »
Si son choix de ne pas se faire vacciner a été plutôt bien accepté par sa famille, il ne l’a pas été par tous ses proches. « J’ai des amis qui m’ont dit que je mettais tout le monde en danger en refusant de me faire vacciner. » « Il y a une forme de rejet, poursuit-elle. Ma fille de onze ans n’est pas vaccinée non plus. Il y a des fêtes chez certaines de ses amies auxquelles elle n’a pas été invitée pour cette raison. » Si elle reconnaît voir « toujours les mêmes » en manifestation, Nine apprécie toutefois de les retrouver :
« Ici, on a l’impression d’être avec des gens qui voient les choses de la même manière que nous. Ailleurs, on est des incompris. »
Venu de Colmar, Marc marche en soutien aux soignants suspendus. « Contre la folie gouvernementale actuelle et tous les mensonges autour de la crise sanitaire. » Ce peintre à la retraite n’a jamais été Gilet jaune, mais bat le pavé depuis le début de la mobilisation contre le passe sanitaire. « La vaccination est une saloperie que l’on veut imposer aux gens » juge-t-il, allant jusqu’à parler « d’une espèce de négationnisme » pour qualifier le « silence autour des effets secondaires des vaccins contre le Covid (des effets qui sont pourtant suivis de près, NDLR). »
Le Colmarien estime le mouvement anti passe « peu compris ». « On se dispute avec les amis, détaille celui qui reconnaît avoir « perdu beaucoup de proches » :
« Pour être amis, il faut avoir des idées communes… donc bon. Alors on vient ici et on rencontre de nouvelles personnes qui deviennent des amis. Les gens ont quand même des idées fixes. On cherche à dénoncer un complot et c’est nous que l’on dit complotiste ».
Le manifestant regrette l’époque où la mobilisation contre le passe pouvait faire descendre plusieurs milliers de personnes dans la rue. « Maintenant, on dirait que tout le monde s’en fout. » Quant à une éventuelle réconciliation entre pro et anti-passe, « elle ne sera possible que le jour où cela deviendra une évidence que l’on a été manipulés. »
« Venir ici, ça me recharge en énergie »
16h, le cortège arrive en vue de la place de la République. Membre du collectif Antipass 68, Gabrielle, enseignante dans l’Éducation nationale, manifeste contre la gestion de la crise sanitaire. Et pour ses élèves :
« Je n’avais jamais manifesté de ma vie, mais quand j’ai vu qu’il voulait vacciner des gamins, alors que ça ne les concerne même pas, ça m’a révoltée. Dès juillet 2021 je suis descendue dans la rue. J’ai des collègues qui m’ont regardée d’une drôle de façon. D’autres, qui ont les mêmes idées que moi, qui m’ont dit qu’ils rasaient les murs. »
Venir en manifestation ?
« Ça me recharge en énergie et me redonne du courage. Ici, les gens ont le même point de vue que moi. Et puis sinon, on est quand même isolés, seuls chez nous. N’empêche, toute cette histoire, ça sépare quand même bien les gens. »
Le 20 juin, un CRS a reçu deux gifles de la part d’un collègue qui lui a lancé « j’aime pas les Arabes » devant témoins, lors d’un pot à la caserne. L’incident a donné lieu à une plainte et une enquête administrative, au ralenti depuis quatre mois.
Le 20 juin 2022, la CRS 60, basée près d’Avignon (Vaucluse), est en déplacement à Strasbourg (Bas-Rhin). Profitant d’un jour de repos dans la caserne qui les accueille, une vingtaine de policiers organisent un pot de départ. Tout . . .
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La société In’li Grand Est a ordonné et obtenu l’expulsion des occupants du squat Bourgogne à la Meinau, qui pourrait intervenir prochainement.
L’expulsion guette les occupants du squat Bourgogne, un immeuble de 54 logements voué à la démolition situé au 23, 25 et 27 rue de Bourgogne à la Meinau (voir tous nos articles). La société propriétaire, In’li Grand Est, ancienne Société immobilière du commerce et de l’industrie, a maintenu sa demande d’expulsion immédiate malgré l’approche de l’hiver lors d’une audience devant le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, mardi 11 octobre. Vendredi 4 novembre, le juge a ordonné l’expulsion immédiate de 22 occupants du squat Bourgogne qui contestaient leur éviction, et de toute autre personne qui s’y trouverait.
L’imposant immeuble est occupé depuis près d’un an Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
L’ordonnance précise qu’In’li, qui a porté plainte pour dégradation dès décembre 2021, peut faire appel à la force publique et à un serrurier le cas échéant. Lors de l’audience, les occupants ont nié avoir commis les dégradations et ont fait valoir leur qualité de demandeurs d’asile pour certains, et les bénéfices que leur procure cette installation débutée en janvier, notamment pour la scolarisation des enfants. Mais le juge des référés n’a pas retenu ces arguments, estimant que le dossier manquait de preuves en ce sens.
Les occupants condamnés à verser 300 euros
En outre, la loi Élan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) de 2018 a supprimé la trêve hivernale pour les occupants sans titre d’un domicile d’autrui. Le juge des référés a retenu cette exception dans son jugement, alors que les squatteurs n’occupent aucun domicile puisque les locataires d’In’li ont tous été relogés.
Les occupants sont souvent des demandeurs d’asile géorgiens Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Le juge des référés n’a toutefois pas accordé d’astreinte journalière à In’li. Les occupants ont été condamnés à verser solidairement 300€ à la société et aux frais d’huissiers qui viendraient à s’ajouter à la procédure. À ce jour, les occupants sont toujours présents au squat Bourgogne. Contactée, In’li Grand Est n’a pas communiqué sur ses intentions.
Le Molodoï accueille jeudi 24 novembre une soirée d’ambient electro avec notamment Ouai Stéphane mais ce sera aussi l’occasion de célébrer la sortie du premier album de Flupke, musicien strasbourgeois à l’univers acidulé et régressif.
Après être apparu comme un ovni sur la scène musicale strasbourgeoise il y a cinq ans, Flupke fait enfin son « coming out » jeudi 24 novembre au Molodoï. Il y présente son premier EP (extended play, un demi-album) lors d’une release party, preuve que cet artiste original peut aussi faire comme tout le monde.
Car à découvrir l’univers de Flupke, entre pop hallucinée et adolescence attardée, on pourrait se le demander. Jérémie Revel a pris le surnom Flupke en référence à la deuxième série d’Hergé, mettant en scène deux gamins habitués aux bourdes et à s’affranchir des limites. Guitariste du fort célèbre groupe de funk / soul Fat Badgers, Jérémie a couvé l’electro de Flupke depuis plus de dix ans.
Je ne pas possible rappelle les sonorités des premières consoles de jeu.
Sa page Bandcamp ne propose pourtant qu’une demi-douzaine de morceaux mais tous témoignent de créativité débridée et d’une inventivité positive qui chatouillent les neurones en cette période morose.
Interrogé sur son univers, Jérémie Revel évacue en répondant qu’en tant que musicien, il « teste plein de trucs » et que l’objectif est d’arriver à proposer une musique « ambient avec des sons jolis et rigolos ». En plein dans le mille. Quant à la présence de sa tête hallucinée dans ses clips et en couverture d’une bonne partie de ses morceaux, Jérémie l’explique par un pied-de-nez à une époque qu’il juge « individualiste et égocentrée ».
Propulsion de Flupke dans 3, 2, 1…
Individualiste, peut-être, en tout cas Jérémie Revel peut survivre dans ce monde puisqu’outre les compositions et l’interprétation des titres de Flupke, c’est également lui qui réalise les clips et même le jeu vidéo qui accompagne Je ne pas possible !
La soirée au Molodoï célèbrera également le nouvel album de Difracto, producteur de musique électronique plus classique mais bien planant tout de même. Autre artiste présent jeudi soir, l’inclassable Ouai Stéphane qui outrepasse volontiers les limites également, mais avec moins d’attention à l’esthétique et à la mélodie que Flupke.
« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Huitième épisode avec Romain Lory, éducateur sportif au FC Kronenbourg.
À l’âge de six ans, Romain Lory découvre le football dans le club du quartier de Cronenbourg. Après avoir fait carrière dans différentes équipes de la région, il revient au Football club Kronenbourg en 2007 avec deux amis et le projet de rendre au club sa splendeur passée.
Créé en 1908, le FCK est une des associations sportives historiques de la ville et les résultats de ses équipes ont fait la fierté de ce quartier populaire. Pourtant, au début des années 2000, le club est presqu’à l’abandon. Ses équipes ont mauvaise réputation et l’image de « club de quartier difficile » leur colle au maillot. C’est dans ces conditions que Romain Lory et ses amis s’attèlent à redresser le club. Quinze ans plus tard, ses jeunes joueurs amateurs sont au top et évoluent aux meilleurs niveaux régionaux.
Depuis cette année, le FC Kronenbourg a retrouvé son terrain d’entrainement au cœur du quartier. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc
Pour Romain Lory, animer des équipes de jeunes dans un club de quartier comme le FCK, c’est bien plus que chercher la performance. « On n’est pas juste là pour leur donner un ballon et les faire courir autour du terrain » indique l’éducateur sportif. « Je veux leur faire découvrir une multitude de choses à travers le football. »
Ainsi, le club propose aux jeunes de nombreuses activités, des sorties hors du cadre du football et de l’aide aux devoirs. « C’est la mission d’un club de quartier », précise l’entraineur qui n’hésite pas non plus à s’investir directement quand un enfant rencontre des difficultés scolaires. « On est le relais des parents qui sont à la maison. »
Romain Lory, 36 ans, éducateur sportif au FC Kronenbourg. Photo : AL / Rue89 Strasbourg
Plusieurs associations appellent à un rassemblement dimanche 20 novembre à Strasbourg, à l’occasion de la journée internationale de la mémoire transgenre.
Support Transgenre Strasbourg, le Bloc révolutionnaire insurrectionnel féministe, Arc en Ci.elles et les Collages féministes Strasbourg appellent à un rassemblement dimanche 20 novembre à 15h place Kléber à Strasbourg.
Ces associations, qui placent leur mobilisation dans le cadre de la 24eJournée internationale de la mémoire transgenre, relèvent « au moins 390 assassinats, directs ou indirects par l’exclusion sociale et le suicide, de personnes transgenres, ou de personnes simplement non-conformes à la norme de genre. (…) Et ces morts ne représentent qu’une partie du total des crimes de haine transphobes. »
Un drapeau transgenre Photo : DR
Les quatre associations remarquent en outre que « partout dans le monde des gouvernements réactionnaires, voire ouvertement fascistes, répriment de plus en plus violemment les personnes qui n’expriment pas un genre [jugé] conforme, » ce qui laisse craindre une détérioration du nombre constaté de ces crimes de haine.
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
Le gouvernement veut réformer l’enseignement en lycée professionnel, en doublant le temps de stage en entreprise. Une intersyndicale d’enseignants s’est réunie devant le rectorat de l’académie de Strasbourg jeudi. Reportage.
« Je ne veux pas former des esclaves », « Les enfants qu’on a en classe ont droit à une formation, ils ne sont pas une main d’œuvre exploitable, corvéable à merci », « Nos jeunes ne sont pas de la chair à canon »… Les formulations choisies par les enseignants présents devant le rectorat de l’académie de Strasbourg jeudi 17 novembre sont fortes. Ils sont une cinquantaine à manifester contre une réforme des lycées professionnels, dans le cadre d’une journée de grève nationale.
Une cinquantaine de professeurs se sont rassemblés devant le rectorat ce 17 novembre, contre la réforme des lycées professionnels. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
L’un des principaux points de tension est la volonté du gouvernement de doubler le temps de stage en entreprise et donc de diminuer d’autant le temps en classe. En tout, les élèves passeraient alors un tiers de leur formation en apprentissage.
Laurent Feisthauer, de la CGT, indique que cette diminution du nombre d’heures de cours menace l’équivalent de 8 000 postes d’enseignants. Ce projet intervient alors que la Région Grand Est envisage de fermer le lycée polyvalent de Pulversheim en 2025, et une dizaine d’autres établissements ces prochaines années. Giulia Vinci enseigne la matière prévention santé environnement au lycée professionnel Haute-Bruche à Schirmeck et craint des conséquences néfastes pour les élèves :
« Moi je leur apprends quels sont leurs droits, qu’est ce qu’un contrat, qu’est ce que la sécurité au travail… C’est là qu’on leur tient un discours différent de celui qu’ils entendent dans les entreprises. On ne forme pas juste des futurs travailleurs corvéables à merci, mais des citoyens. C’est le rôle de l’école en théorie. D’où la présence de matières générales dans le cursus. On leur apprend à bien s’exprimer, à rédiger des lettres de motivation, des CV, il y a des enseignements culturels, c’est indispensable. »
Giulia Vinci craint des conséquences néfastes pour les élèves. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
« Notre métier ne s’improvise pas, je le fais depuis 35 ans »
Une dizaine de professeurs du lycée Schweisguth de Sélestat, spécialisé dans le secteur tertiaire, sont présents. Ils ont crée le collectif « Touche pas à mon LEP (Lycée d’enseignement professionnel, NDLR) » spécialement pour lutter contre la réforme. Parmi eux, Sandrine Legrand, professeure d’économie, de gestion et de vente, estime qu’il n’est pas souhaitable que la formation repose plus sur les entreprises :
« Déjà, les boîtes avec lesquelles nous sommes en contact ne le veulent pas. C’est un métier d’être enseignant. Le gouvernement pense que les jeunes doivent apprendre directement sur le tas, dans l’environnement professionnel. C’est complètement déconnecté de la réalité. Nous avons des jeunes qui ont parfois de grosses difficultés, des problèmes de comportement, que des entreprises nous renvoient parce qu’elles n’arrivent pas à les gérer ou parce qu’ils sont largués et ne comprennent pas ce qu’ils doivent faire.
Le but de nos enseignements, c’est aussi leur apprendre à être autonomes. Cela ne s’improvise pas, moi je le fais depuis 35 ans. Dans la profession, nous sommes donc massivement opposés à cette réforme. Il faut une part d’immersion dans l’entreprise évidemment, mais elle ne peut pas remplacer les cours. »
Raphaël Dargent, professeur de Lettres et d’Histoire au lycée Schweisguth, fait partie du collectif Touche pas à mon LEP. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
Le ministère de l’Éducation nationale a créé des groupes de travail avec notamment des syndicats pour orienter la réforme, même si ses grandes lignes sont déjà écrites. Elle devrait être présentée en 2023. « On mobilise très en amont parce que nos métiers, l’idée du lycée professionnel, est en train de mourir », considère Pascal Thil, représentant syndical de FSU. Les représentants de la CGT, de Solidaires, de l’Unsa, du Snalc, du Snetaa et du Snuep-FSU prennent la parole successivement et sont applaudis par l’assemblée. Sandrine Legrand insiste : « On parle de la jeunesse populaire évidemment. Ce ne sont pas les enfants des politiciens et des patrons qu’on a en lycée professionnel. »
Une carte de formation adaptée au bassin d’emploi
Raphaël Dargent, du syndicat Snalc, est professeur de Lettres et d’Histoire au lycée de Sélestat. Il dénonce d’autres éléments de la réforme :
« Le plan, c’est aussi que la carte des formations soit davantage dessinée par la Région, en fonction du bassin d’emploi. Nous pensons que les jeunes doivent avoir le choix, et ne pas dépendre des industries présentes. On veut également qu’ils aient la possibilité de continuer les études, par exemple en BTS. »
Une intersyndicale appelait au rassemblement. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
« Même pour l’apprentissage des métiers c’est problématique, parce que les professionnels des entreprises ne sont pas habitués à montrer les gestes. Être professeur d’usinage demande des compétences particulières », ajoute un militant. Les syndicats préviennent qu’ils seront mobilisés dans la durée, toute l’année, avec des actions variées dans les lycées et dans la rue.
Le président du syndicat de défense des consommateurs et des salariés CGT Indecosa dénonce la passivité de l’exécutif strasbourgeois et eurométropolitain quant à l’incinérateur de Strasbourg. Les salariés de l’usine et d’entreprises sous-traitantes sont exposées à des cendres hautement cancérigènes depuis plusieurs années.
« Madame Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Madame Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg,
La colère, car l’article ne reprend rien de plus que ce que nous vous avions signalé il y a un an déjà. En octobre 2021, nous vous avons adressé un courrier (ainsi qu’au groupe Séché et à l’usine Senerval – du nom de l’incinérateur) portant sur les très inquiétants témoignages que nous avions reçus. Votre réponse nous est revenue deux mois plus tard : « Nous nous en remettons aux autorités de contrôle (l’inspection du travail et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement -Dreal).
Dans la soirée du dimanche 23 octobre, le syndicaliste a alerté la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) sur la présence de CMR à l’air libre et en grandes quantités dans l’installation. Photo : Documents remis
Alerte d’une association, des réponses condescendantes
Nos questions étaient claires, ouvertes, courtoises. Elles se voulaient le reflet de l’activité d’une association de consommateurs portant la spécificité de s’intéresser tout particulièrement au cadre social et environnemental des produits que nous consommons. Ces notions s’appliquent également aux services mis à disposition des usagers, que ce soit dans le domaine marchand ou dans le domaine public. Notre alerte entrait dans le cadre des actions menées par ces associations de bénévoles qui ne comptent pas leur temps et s’impliquent dans la vie citoyenne de leur territoire.
En retour, nous n’avons reçu que des réponses condescendantes, la vôtre comme celle du prestataire se résumant par cette phrase de conclusion : « Soyez assurés que Senerval s’inscrit dans une démarche de progrès continu, qui vise à analyser les retours d’expérience et mettre en place les actions correctives chaque fois que cela est nécessaire. » À la lecture des récents développements de ce dossier, on pourrait presque en rire, si cela n’était pas aussi tragique.
Une découverte tardive des substances cancérigènes
Malgré nos alertes, les « autorités de contrôle » auxquelles vous vous en remettiez semblent aujourd’hui s’apercevoir de la présence de ces sacs un peu partout dans l’usine. Ils contiennent des Refiom (Résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères, classés substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques – CMR). On parle ici de plusieurs tonnes de cette substance.
Notre courrier vous indiquait clairement que des témoignages attestaient de leur présence, même après que 220 millions d’argent public aient été engloutis dans cette unité. Nous vous indiquions qu’on en trouvait à même le sol, en tas, au contact des eaux de pluie et exposés aux vents. Et nous n’avons obtenu, pour toute réponse, qu’un renvoi à un document semi publicitaire vantant la gestion des déchets par l’Eurométropole de Strasbourg.
Nos questions sans réponse
Oui, nous sommes profondément en colère, car si brusquement il s’avère que ces sacs de Refiom entreposés partout dans l’usine, et pouvant se répandre à l’extérieur (pluie et vent), existent bel et bien et ne sont pas le fruit de notre trop grande écoute de rumeurs alarmistes, alors qu’en est-il de nos autres questions ?
Rappelons ici les questions que nous posions dans notre courrier de 2021, en dehors de cette seule alerte sur le stockage de ces résidus, pourtant déjà bien calamiteux :
Est-il vrai que la délégation de service public signée par l’Eurométropole implique que les travaux lourds soient laissés à la charge de la communauté, incitant par là même le délégataire (quel qu’il soit) à ne pas effectuer de travaux sur les problèmes légers, pour ne pas avoir à en supporter le coût ?Est-on vraiment certain que les riverains et les salariés ne s’exposent à aucun risque de type CMR lié à l’activité de l’usine ? Comment le garantir si des Refiom traînent un peu partout au gré du vent et des eaux de pluie ?
Un recours à des explosifs sans arrêter les fours ?
Est-il seulement possible qu’il soit de façon récurrente, bien plus fréquemment que d’ordinaire, fait recours à des explosifs dans les fours pour libérer les canalisations des poussières accumulées, et ce alors que le four n’est pas à l’arrêt ?Qu’y a-t-il de vrai dans l’affirmation que, faute de moyens, la quasi totalité des camions de déchets ne font pas l’objet de contrôles, ce qui fait qu’on retrouve régulièrement des substances interdites voire dangereuses dans les fosses d’incinération ?Est-il possible que des conduites aient été « réparées » avec ce qui ressemble à s’y méprendre à du gros scotch plastique, qui n’a bien évidemment pas résisté aux pressions ni aux poussières ?Pourquoi a-t-on ignoré ces images des moniteurs de contrôle des fours indiquant clairement de larges périodes de surpression ? Interrogé à ce sujet, un spécialiste de la question nous a assuré que cette situation pourrait mener à l’explosion du four, menaçant la survie de tout ce qui se trouverait dans les 15 mètres autour, assortie de larges projections de poussières CMR.Est-il vrai que certains couloirs se retrouvent littéralement noyés par des nuages de Refiom fuyant des joints de tuyauterie ?
Une année s’est écoulée, inutile et toxique
Est-ce un embarras politique qui cherche à poser un voile opaque sur un tel scandale sanitaire ? Ou s’agit-il d’une mauvaise évaluation de vos services de l’ampleur du désastre écologique, sanitaire et financier que représente ce dossier ?
Quoi qu’il en soit, une année s’est écoulée. Une année inutile. Une année toxique pour toutes celles et ceux qui y auront été exposés. Une année dont ils seront en droit de réclamer des comptes auprès des responsables.
Nous attendons, cette fois, des réponses précises et circonstanciées de votre part.
Le président du syndicat Indecosa CGT du Bas-Rhin,
Alors que la révolution iranienne entre dans son troisième mois, le collectif de soutien strasbourgeois appelle à continuer les manifestations en solidarité.
Le Collectif de solidarité avec le peuple iranien (CSAPI) organise une nouvelle manifestation, samedi 19 novembre de 15h à 17h, place Kléber à Strasbourg. Après des chaînes humaines, des concerts et des performances, le CSAPI maintient ces rendez-vous pratiquement chaque semaine alors qu’en Iran, la révolution ne faiblit pas malgré une répression qui aurait fait plus de 300 morts, essentiellement des étudiants selon une estimation de l’ONU.
Chaîne humaine en solidarité avec les Iraniens en lutte, dimanche 30 octobre Photo : Mahdi Pourarab / doc remis
Débutée mi-septembre en réaction à l’assassinat par la police des mœurs de Mahsa Amini, une jeune fille qui avait refusé de réajuster son voile, la révolution en cours en Iran est brutalement réprimée par le régime des mollahs. Plus de 14 000 personnes ont été arrêtées et mercredi, trois nouvelles condamnations à mort ont été prononcées contre des manifestants.
« Parole aux taulards » – Épisode 1. La majorité des 655 détenus de la maison d’arrêt de Strasbourg passent plus de 22 heures par jour dans des cellules vétustes aux équipements souvent dysfonctionnels. Leurs conditions de détention dépendent beaucoup du bon vouloir des surveillants.
« La direction vous a fait visiter les cellules des mineurs, parce que c’est propre, c’est pareil chez les femmes. » Lorsque Valentin (tous les prénoms des détenus ont été modifiés) a contacté Rue89 Strasbourg en juin, l’ancien détenu tenait à apporter « quelques détails » sur les conditions de détention qu’il avait connues à la maison d’arrêt de Strasbourg. À la lecture de notre reportage en compagnie du sénateur Jacques Fernique (EE-LV) sur la prison strasbourgeoise, Valentin a dû esquisser un sourire narquois, de ceux à qui on ne la fait pas : « Ils vous ont montré l’Unité des détenus violents (UDV) et l’étage 1 parce que ça a été refait à neuf. Mais les autres cellules, ça n’a rien à voir, c’est catastrophique. »
Entrée du quartier pour femmes de la maison d’arrêt de Strasbourg. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg Les toilettes d’une cellule du quartier femmes de la prison strasbourgeoise.
« Tu marches trois pas et t’as des staphylocoques »
« Nous sommes obligés de faire les travaux là où c’est le plus urgent », avait indiqué le directeur de la maison d’arrêt de Strasbourg, Said Kaba, lors de la visite du parlementaire en juin 2022. Mais la réalité se fait plus crue avec le récit des détenus. Tous évoquent ces pannes qui durent dans cette prison construite au milieu des années 80. « J’ai eu deux fois des problèmes de chasse d’eau (qui se trouve dans la cellule de neuf mètres carrés, sans porte, NDLR) raconte Valentin, je chiais dans un sachet et je le jetais par la fenêtre, pendant un mois et demi. » Kader évoque un lavabo cassé pendant deux mois, « un plombier venu à l’arrache et un lavabo qui ne fonctionne toujours pas. »
Saïd Kaba, directeur de la maison d’arrêt de Strasbourg, rencontre le sénateur écologiste Jacques Fernique à l’entrée de la maison d’arrêt de Strasbourg le 16 juin 2022. En arrière-plan, Florian Kobryn conseiller départemental écologiste à Strasbourg. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
La saleté répugnante des douches est une autre constante. Bertrand décrit des douches « horribles » où le sol est « plein de champignons et les évacuations d’eau bouchées ». Kader renchérit : « Tu marches trois pas et t’as des staphylocoques. » D’autres décrivent des douches cassées, où le bouton pressoir ne fonctionne plus. Et malgré tout, les détenus déplorent de ne pas pouvoir se laver plus souvent. « Avant, on avait douche après le sport, mais ça a été supprimé il y a deux trois ans, regrette Sofiane, c’est pareil pour le parloir, avant on avait le droit à une douche avant de voir nos proches. »
Dépendre du bon vouloir des surveillants
Autre source de mécontentement de plusieurs détenus : le rationnement des cantines. Pour des tarifs bien plus élevés qu’à l’extérieur, les prisonniers peuvent acheter une sélection limitée de produits, de la nourriture à l’eau en passant par le tabac. Ferat se plaint ainsi des restrictions sur l’eau : « T’as le droit à 12 bouteilles par semaine seulement. Pendant la canicule, en trois jours c’est terminé. Dans d’autres prisons, tu peux commander autant d’eau que tu veux. » La qualité des produits laisse aussi à désirer, comme le raconte Kader : « Ça m’est déjà arrivé de recevoir de la viande périmée ou un pot de mayonnaise qui périmait quatre jours plus tard. En plus, les frigos qu’on a sont pourris. Ça m’est déjà arrivé de jeter la moitié de ce que j’avais parce que le frigo avait lâché. »
Dans une cellule de la prison strasbourgeoise. Photo : Abdesslam Mirdass Les tarifs des cantines à la maison d’arrêt de Strasbourg. Photo : Document remis Les tarifs de la cantine pour les détenus tout juste arrivés à la maison d’arrêt de Strasbourg.
« Ce qui rend fou en maison d’arrêt, résume Valentin, c’est de passer 22 heures 30 en cellule à dépendre du bon vouloir des surveillants, à sortir dans une cour sale et d’avoir des douches non fonctionnelles. » Après avoir passé plusieurs années en détention à l’Elsau, Valentin décrit cette dépendance vis-à-vis des employés de la maison pénitentiaire avec nuance : « La moitié des surveillants sont très humanistes, ils sont là pour toi. Mais t’as aussi des gens pas professionnels… »
Violence sur détenu, plainte et représailles
Cette enquête, réalisée sur une période de six mois, a permis d’établir deux situations, l’une de violence, l’autre d’abus de pouvoir, qui révèlent un sentiment d’impunité chez certains surveillants. Un avocat, un détenu et l’un de ses proches ont confié l’histoire de Grégory. Selon les récits recueillis, un technicien intervenait dans sa cellule pour une réparation quand le jeune homme a été agressé par un gardien de prison estimant que le détenu lui avait manqué de respect. Rue89 Strasbourg a pu consulter un certificat médical datant de mai 2021 indiquant que le jeune homme « déclare avoir été agressé ce jour vers 14h00 ». Selon l’examen d’un médecin de la prison, Grégory présentait des ecchymoses sur le cou, les épaules et les avant-bras.
Le père de Grégory ne comprend pas cette violence, gratuite selon lui. Il dénonce aussi les représailles subies après un dépôt de plainte par son fils :
« Ils ont commencé à le fouiller tous les jours, à le fouiller à nu pour chaque parloir… On a voulu le transférer dans un autre établissement, parce qu’on le privait de presque tout, mais la direction refusait. C’est comme s’il devait payer une autre fois. Moi j’avais peur. Il disait qu’il n’en pouvait plus… »
Un encadrement du personnel jugé « défaillant »
Dans la cellule, le détenu dépend de la bonne volonté du surveillant pour chacune de ses sorties. Jacques l’a appris à ses dépens. Il souhaitait se rendre en zone scolaire lorsqu’un surveillant l’insulte et lui bloque la porte avant de rappeler qu’il est le seul à décider si le prisonnier peut aller en classe ou non. C’est finalement l’intervention d’un collègue qui permettra à Jacques d’étudier. Ce dernier a porté plainte pour cet abus de pouvoir. La direction de l’administration pénitentiaire a répondu en promettant un « examen attentif de la situation évoquée ».
Des fenêtres tombent de longues bandes de plastiques ou de draps. Elles sont utilisées pour passer des objets d’une cellule à l’autre. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
Dans ses deux derniers rapports d’inspection à la maison d’arrêt de Strasbourg, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a taclé l’encadrement du personnel de surveillance « jugé défaillant » avec le « constat d’une détention livrée à elle-même » en 2015. Suite à plusieurs préconisations urgentes, une nouvelle visite deux ans plus tard avait permis de constater que « l’organisation du service et de l’encadrement de la détention est restée inchangée par rapport au précédent contrôle ». Le dernier rapport sur la prison strasbourgeoise restait très critique :
« Les surveillants se montrent globalement passifs dans leurs rapports avec la population détenue, notamment lors des mouvements, attendant que les personnes détenues se manifestent. Ces dernières ont d’ailleurs déploré auprès des contrôleurs leur faible disponibilité et l’absence de suivi de leurs sollicitations. Ce manque de vigilance est particulièrement préoccupant s’agissant des violences dont peuvent être victimes des personnes détenues, les contrôleurs ayant été à même de constater que leur repérage n’était pas toujours réalisé avec la perspicacité et la promptitude voulues. »
Le paradoxe d’une prison qui enfreint la loi
C’est tout le paradoxe des prisons, qui doivent permettre de remettre des délinquants sur le droit chemin. Pourtant, ces établissements sont eux-mêmes en infraction avec la législation française et internationale. Comme l’indiquait sur le ton de l’évidence un officier de la maison d’arrêt lors de la visite du sénateur Jacques Fernique en juin 2022 : « En Europe, on est censé avoir des cellules individuelles, mais ça n’existe nulle part. »
C’est le paradoxe d’une institution qui punit les délinquants tout en enfreignant la loi. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
« Certains détenus cherchent à fuir les addictions et / ou une partie de leurs fréquentations de l’extérieur, synonymes de risque accru de récidive. Le cadre imposé par la prison peut parfois répondre à ces attentes. Mais la grande majorité des prisonniers souffrent des conditions de détention qui les isolent du reste de la société », constate un membre du personnel soignant de la maison d’arrêt de Strasbourg. Ce dernier rapporte les souffrances exprimées par les détenus, « les neuf mètres carrés partagés avec quelqu’un et les problèmes qui vont avec, les conditions d’hygiène dégradantes, le fait de devoir attendre des jours voire des semaines pour la moindre demande… »
« Le détenu peut se suicider sans qu’on le voie »
De l’extérieur, pour les surveillants, les cellules de la maison d’arrêt de Strasbourg ont un défaut. Leur configuration ne permet pas aux gardiens d’avoir une vue sur la fenêtre et les lits superposés. « Le détenu peut se suicider sans qu’on le voie par une pendaison en position assise sur les toilettes », avait expliqué un officier pendant notre reportage dans la prison strasbourgeoise. Dans la nuit du 21 au 22 juin 2022, un détenu s’est pendu dans sa cellule dans le quartier des arrivants de la prison de l’Elsau.
Sollicitée, la direction de la maison d’arrêt de Strasbourg n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.
La préfète du Bas-Rhin et la maire de Strasbourg ont dévoilé un dispositif de sécurité quasi-inchangé pour l’édition 2022 du marché de Noël, sans fouille systématique des sacs à l’entrée de la Grande-Île et avec un espacement des chalets.
« Nous souhaitons un dispositif à la fois plus efficace et moins anxiogène », résume Jeanne Barseghian (EE-LV), la maire de Strasbourg, à la conférence de presse sur la sécurisation du marché de Noël 2022 ce mercredi 16 novembre. Pendant quelques années avant 2020, de 11h à 20h, toute personne qui rentrait sur la Grande-Île de Strasbourg était contrôlée. Nombre de Strasbourgeois étaient agacés par cette pratique, qui n’avait d’ailleurs pas empêché l’attentat du 11 décembre 2018.
Des agents de la police municipale participeront au dispositif de sécurité, notamment pour les contrôles de véhicules à l’entrée de l’hypercentre. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
En 2022, le dispositif de sécurité sera en grande partie similaire à l’année précédente : espacement des chalets pour permettre une surveillance accrue des allée du marché et absence de vérification systématique des sacs. Les fouilles seront aléatoires et concerneront les piétons et cyclistes aux points d’accès à la Grand-Île et à l’intérieur du marché. Les personnes avec des objets volumineux comme des valises, des grands sacs à dos ou des vélos-cargos seront particulièrement ciblées. Tout le marché se déroulera sur la Grande-Île, il n’y aura plus de chalet place du Corbeau contrairement à l’édition 2021.
1 000 personnes mobilisées à chaque instant pour la sécurité du marché de Noël
La police municipale contrôlera aussi les véhicules qui entreront dans l’hypercentre. Le stationnement sera interdit en permanence dans la Grande-Île du 24 novembre à 11h au 24 décembre à 18h. La circulation y sera interdite de 11h à 20h (sauf autorisation) à partir du 24 novembre jusqu’au dernier jour, le 24 décembre, à 18h. Josiane Chevalier, la préfète du Bas-Rhin, détaille :
« En tout, en prenant les unités de police nationale, les agents municipaux, les patrouilles sentinelles, les entreprises de sécurité privé et les pompiers, 1 000 personnes seront mobilisées chaque jour pour la protection de l’événement. (…) La présence de forces de l’ordre sera aussi accrue dans les autres quartiers de la ville. (…) La menace terroriste est toujours importante à Strasbourg comme ailleurs dans le pays. Il y aura aussi des patrouilles allemandes comme d’habitude. »
L’arrêt de tram Broglie n’était pas desservi pendant toute la durée du marché de 2021. Ça sera à nouveau le cas en 2022. De plus, les trams ne s’arrêteront pas aux arrêts Langstross Grand’Rue et Alt Winmärik pendant les heures d’ouverture du Marché de Noël, de 11h à 20h. Dominique Rodriguez, directeur départemental adjoint de la sécurité publique du Bas-Rhin, explique que ces deux arrêts du centre-ville n’étaient pas adaptés à une sécurisation à cause de l’étroitesse de la rue. Le seul arrêt de tram où il sera possible de descendre à l’intérieur de la Grande-Île sera donc Homme de Fer, avec des contrôles aléatoires.
Le 16 décembre, la préfète du Bas-Rhin et la maire de Strasbourg ont présenté le dispositif de sécurité du marché de Noël 2022. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
Un million d’euros pour la Ville de Strasbourg
Des unités d’intervention formées aux tueries de masse seront prêtes à intervenir. Les équipes mobiles de police quadrilleront stratégiquement l’hypercentre pour « un temps d’intervention théorique de moins d’une minute en cas d’incident », estime Dominique Rodriguez. Il ajoute que des policiers seront chargés de lutter spécifiquement contre les vols à la tire. Enfin, pour chaque intervention des secours, deux équipes des pompiers de deux casernes différentes s’élanceront simultanément pour garantir une intervention la plus rapide possible.
Sans donner de chiffre précis, car « le calcul est compliqué », Josiane Chevalier affirme que le coût du dispositif est très conséquent pour l’État avec « 350 membres des forces de l’ordre mobilisées à chaque instant » et leur hébergement à prendre en charge. Avec la mobilisation de ses agents et de ses moyens, la Ville dépensera un million d’euros pour la sécurisation du marché de Noël, annonce Jeanne Barseghian.
Sept détenus ou ex-prisonniers racontent leurs conditions de détention à la maison d’arrêt de Strasbourg. Leurs descriptions offrent une contre-visite de la prison, de la cellule à la sortie de l’établissement pénitentiaire, en passant par la cour de promenade, l’atelier et le parloir.
« Bonjour, je suis un ancien détenu de la maison d’arrêt de Strasbourg (…) je voudrais vous apporter quelques détails sur les conditions de détention déplorables de cette prison. » La série « Parole aux taulards » est née grâce à un ancien détenu. Après avoir lu notre reportage sur la prison strasbourgeoise, Valentin (tous les prénoms des détenus ont été modifiés) a souhaité témoigner de sa propre expérience.
La visite surprise initiée par le sénateur écologiste Jacques Fernique le 16 juin 2022 a certes permis une incursion précieuse dans la maison d’arrêt. Mais la visite guidée par la direction et le peu de temps laissé pour s’entretenir avec les prisonniers ont empêché de prendre conscience de la réalité quotidienne d’un détenu strasbourgeois.
Photo prise lors de la visite de la maison d’arrêt de Strasbourg par le sénateur Jacques Fernique, en juin 2022. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
Au total, Rue89 Strasbourg a pu recueillir les témoignages de sept personnes, certaines au cours de leur incarcération, d’autres une fois libérées. Sur la vétusté des cellules, l’accès restreint à un emploi, le manque de personnel de réinsertion ou la violence du parloir pour les proches, leurs histoires se répètent et détaillent la violence des conditions de détention : la chaleur et le manque d’eau pendant les canicules, la perte de confiance en soi jusqu’à la dépression, l’enfermement 22 heures sur 24 ou encore l’incompréhension face aux signaux parfois contradictoires envoyés par la direction d’un côté et les surveillants de l’autre.
Une « contre-visite » des cellules, du parloir, de la cour…
Cette série d’investigation se décline en six épisodes publiés chaque jeudi. Elle prend la forme d’une « contre-visite » après celle menée par Jacques Fernique. En prenant les témoignages de détenus et ex-prisonniers ces six derniers mois, Rue89 Strasbourg peut dresser un portrait plus précis de la prison. Des professionnels du milieu carcéral ont aussi été sollicités pour obtenir leurs points de vue. Des avocats ont également accepté de fournir les documents permettant d’étayer des informations obtenues des prisonniers.
Cette description de la maison d’arrêt de Strasbourg commencera par la pièce où le détenu passe la quasi-totalité de son incarcération : la cellule. Le deuxième épisode portera sur la promenade et la réduction du temps extérieur depuis la pandémie de covid. Le troisième article décrira le parloir, ses fouilles et ces mères, pères, frères et sœurs parfois traités comme le détenu qu’ils viennent voir.