L’opération d’expulsion des occupants du parc de l’Étoile a débuté lundi 6 décembre aux alentours de 6h. Nos journalistes sont sur place pour rendre compte en direct de la situation.
⋅
6 décembre 2022, 8h40
La préfecture du Bas-Rhin communique avoir recensé 45 personnes. Nos journalistes ne sont pas autorisés à rentrer dans le gymnase. C’est la fin de ce compte-rendu en direct. Merci à tous de l’avoir suivi.
Les occupants ont bien été transférés au gymnase Branly, dans le quartier des Contades.
⋅
6 décembre 2022, 7h42
Alors que le jour se lève, tous les occupants ont été déplacés.
⋅
6 décembre 2022, 7h37
L’opération d’évacuation se termine, deux bus sont partis avec les occupants vers un gymnase de Strasbourg mobilisé pour l’occasion.
⋅
6 décembre 2022, 7h27
Le campement est désormais vidé de ses occupants.
⋅
6 décembre 2022, 7h18
Une famille avec des enfants cherche à récupérer des affaires encore présentes dans le périmètre du campement.
⋅
6 décembre 2022, 7h17
Bien que les occupants restants sont en majorité des hommes isolés, ici un couple avec un bébé était à proximité et cherche à bénéficier du dispositif de mise à l’abri.
⋅
6 décembre 2022, 7h15
Présent également avec une partie de l’équipe strasbourgeoise, Nicolas Fuchs de Médecins du Monde déclare :
« Dans un premier temps, on espère que des évaluations médico-sociales seront effectuées avec des prises en charges adaptées aux besoins. Des personnes ici ont des pathologies lourdes. Lors de deux évaluations, on a constaté des cancers, diabètes, handicaps, des personnes à mobilité réduite et en fauteuil… Cette situation doit permettre à l’ensemble des acteurs, État, Ville, de se rassembler et trouver des solutions de fond. Chaque semaine, près de mille personnes appellent le 115 à Strasbourg, les besoins sont énormes et croissants. »
Une partie de l’équipe de Médecins du monde à Strasbourg.
Puis il précise :
« On ne règle pas le problème de l’hébergement d’urgence aujourd’hui, juste la question sanitaire de la place de l’Étoile. On ne peut que constater que de nombreuses personnes ont quitté le site. Certaines familles sont dans des voitures, des cages d’escaliers… »
Selon Médecins du monde, un tiers des « ménages » présents étaient des familles avec enfants lors d’une évaluation menée le 15 novembre.
⋅
6 décembre 2022, 7h01
Député de la 2e circonscription du Bas-Rhin, Emmanuel Fernandes est présent sur le site.
Présent sur le site, le député (LFI) Emmanuel Fernandes déclare :
« Ces gens ne sont pas là pour s’accaparer des richesses ou je ne sais pas quoi, ils sont dans une grande misère, fuient de graves persécutions. Ce camp est visible mais il ne faut pas oublier les autres. »
D’autres élus étaient présents, les quatre élus du groupe communiste de la Ville de Strasbourg, Hülliya Turan, Joris Castiglione, Yasmina Chadli, Aurélien Bonnarel et une élue communiste de la Collectivité d’Alsace, Fleur Laronze.
⋅
6 décembre 2022, 6h59
Certaines personnes sont âgées et emportent quelques affaires dans un sac…
⋅
6 décembre 2022, 6h53
Les occupants sont en majorité des hommes isolés mais des femmes étaient tout de même présentes.
⋅
6 décembre 2022, 6h50
Selon M. Duhamel, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, l’opération d’évacuation concerne une trentaine de personnes après un premier décompte. Il s’agit à 90% d’hommes isolés qui sont envoyés par bus vers un gymnase mobilisé par la Ville de Strasbourg.
Il s’agit peut-être du gymnase Branly mais cette précision n’est pas confirmée à ce stade.
Les occupants sont évacués en bus.
⋅
6 décembre 2022, 6h34
Une quinzaine de militants de D’ailleurs nous sommes d’ici sont présents.
Tonio Gomez demande un accueil digne des migrants :
« La mairie qui se dit de gauche doit s’allier avec les associations et créer un rapport de force pour loger les gens. Il y a des bâtiments vides. Il y a beaucoup de personnes ici qui pleurent à l’idée de rentrer dans leur pays. Il y a des histoires de mafia, de persécutions. On sait que la responsabilité est énorme du côté de la préfecture, mais en constatant ça, la mairie doit prendre ses responsabilités. »
⋅
6 décembre 2022, 6h33
Les gens ont le temps d’emporter leurs affaires.
⋅
6 décembre 2022, 6h27
Les policiers secouent légèrement les tentes afin de réveiller les occupants qui ne le seraient pas encore.
Un homme a indiqué en sortant de sa tente qu’il n’était pas stressé, étant donné ce qu’il vit depuis des mois au camp de l’Étoile, les conditions de vie étaient devenues trop difficiles.
⋅
6 décembre 2022, 6h23
Une quinzaine de militants de D’ailleurs nous sommes d’ici sont présents et poussés vers l’extérieur du camp
⋅
6 décembre 2022, 6h18
Un périmètre est délimité autour du camp et les policiers se déploient autour.
⋅
6 décembre 2022, 6h16
Un projecteur a été installé sur un camion à côté du camp. Les occupants sortent de leurs tentes.
⋅
6 décembre 2022, 6h12
Une colonne de policiers est en train d’arriver place de l’Étoile, dans une quinzaine de fourgons.
L’eurodéputée La France Insoumise Manon Aubry sera présente pour échanger avec le public de l’avant-première du film de Yannick Kergoat « La (très) grande évasion » au cinéma Star Saint-Exupéry le lundi 12 décembre. Spécialiste de l’évasion fiscale, la chef du groupe de gauche au Parlement européen raconte son combat pour réduire les inégalités à travers la fiscalité.
Pour plus de justice sociale, elle ne lâche pas son combat contre l’évasion fiscale. Eurodéputée de la France insoumise et co-présidente du groupe de la Gauche Unitaire européenne (GUE) au Parlement européen, Manon Aubry a commencé à s’engager sur cette thématique au sein de l’organisation non gouvernementale Oxfam. Membre de la sous-commission dédiée à l’évasion fiscale au Parlement européen, elle sera au cinéma Star Saint-Exupéry lundi 12 décembre après la projection du film de Yannick Kergoat « La (très) grande évasion » à 20 heures. Interview.
Manon Aubry, eurodéputée de la France insoumise et co-présidente du groupe de la Gauche Unitaire européenne (GUE) au Parlement européen. Photo : Document remis
Rue89 Strasbourg : vous vous êtes engagée très tôt contre l’évasion fiscale. D’où vous est venu cet engagement ?
Manon Aubry : Avant Oxfam, j’ai travaillé en République Démocratique du Congo (RDC) sur les pratiques fiscales des entreprises minières. La RDC, c’est un pays riche cobalt. Mais ça reste un pays pauvre, notamment parce que le système fiscal est injuste et qu’il ne permet pas à l’Etat de lever les taxes nécessaires à la redistribution des richesses.
Puis je suis rentrée en France et j’ai travaillé pour Oxfam à l’époque des révélations sur l’évasion fiscale comme les Panama Papers, les LuxLeaks etc. A chaque fois, cette situation est prise comme un fait, un acquis : les milliardaires et les multinationales ne payent pas leurs impôts. Pour moi, c’est un scandale. Vous ne pouvez pas réduire les inégalités sans redistribuer les richesses. Il faut donc s’intéresser à la question fiscale. Quand les plus riches se soustraient à leur obligation de payer des impôts, ça pose la question démocratique du consentement à l’impôt. Pourquoi payons-nous nos impôts alors que les plus riches n’en payent pas ?
Vous avez vu le film de Yannick Kergoat. Qu’en avez-vous pensé ?
Le film montre très bien l’impact de l’évasion fiscale sur notre vie quotidienne. Le braquage de l’hôpital à la fin, c’est une mise en scène d’Oxfam. Quand Total, Google, Amazon ou Bernard Arnault ne payent pas leurs impôts, c’est nos hôpitaux qui se retrouvent à l’agonie. Aujourd’hui, nos hôpitaux sont incapables de gérer la bronchiolite. C’est pourtant une maladie de base qui se gère quand on a le matériel nécessaire.
Le film explique aussi qu’on a volontairement voulu rendre complexe la question fiscale, pour que personne ne comprenne rien. Or, ce n’est pas une question technique, c’est une question politique. Est-ce qu’on met fin aux avantages fiscaux ? La question n’est pas si complexe que ça en réalité. Le problème n’est pas le manque de solution, c’est un problème politique. Et le film le montre bien sur la liste des paradis fiscaux. Comment peut-on dresser une liste tout en permettant à des États comme l’Irlande ou le Luxembourg de participer à la constitution de cette liste ?
Quel sentiment vous a donné ce film ?
Un sentiment de colère légitime, une colère que j’ai depuis des années puisque je travaille sur ce sujet depuis longtemps.
En même temps, j’ai eu le sentiment du chemin parcouru. Il y a une dizaine d’années, nous étions des lanceurs d’alerte sur l’évasion fiscale. En quelques années, c’est devenu une évidence que l’évasion est pratiquée à grande échelle et que nous ne sommes pas égaux face à l’évasion fiscale. C’est bien dit dans le film : l’évasion fiscale est un sport de riches et de multinationales, en particulier des entreprises je dirais.
Il y a enfin l’espoir qu’il y ait une prise de conscience globale sur l’évasion fiscale pour transformer cette prise de conscience en action politique. Concernant la transparence des multinationales, je travaille sur ce dossier depuis que j’ai travaillé chez Oxfam et maintenant en tant que députée européenne au Parlement. Récemment, des négociations au niveau européen ont abouti à une transparence limitée qui ne nous permet pas d’estimer ce que Total ou Google devrait payer comme impôt. On a découvert par la suite que la position de la France avait été rédigé à partir de la position du syndicat patronal Medef (grâce à des révélations du média Contexte, NDLR). C’est assez symptomatique des difficultés qu’on rencontre et de la collusion des intérêts économiques et des régulateurs. C’est comme si on demandait à Monsanto de réguler les OGM.
Le phénomène s’aggrave ou la politique parvient à réduire l’évasion fiscale ?
Dans la course à l’évasion fiscale, les États ont fini par se réveiller. Mais ils se mettent seulement à marcher quand les évadés fiscaux courent, beaucoup plus vite. Donc si vous regardez les actions des États, ils ont entrepris des choses, certes… mais l’écart pour rattraper les évadés fiscaux, lui, il grandit car les méthodes d’évasion se complexifient et se développent toujours plus vite.
La lutte contre l’évasion fiscale se joue avant tout au Parlement européen, selon vous ?
Clairement, l’échelon européen est le plus intéressant sur la fiscalité. Mais sur cette thématique de la fiscalité, il faut un vote unanime de tous les États-membres pour légiférer. Donc avec des États comme le Luxembourg, l’Irlande, Malte ou les Pays-Bas, difficile de faire évoluer le cadre législatif.
Avec la France insoumise et le groupe de la gauche européenne, on a toujours défendu l’idée d’être précurseur avec un impôt universel. Son principe serait de calculer l’impôt que devrait payer l’entreprise au niveau international et de reprendre la part française en fonction du nombre d’employés et du chiffre d’affaire national. L’idée est de le faire de manière unilatéral en tant que Français, pour ensuite inspirer des États voisins comme l’Espagne et l’Italie et pour finir par proposer une régulation européenne. La France est la deuxième économie européenne. Elle peut montrer la voie et aboutir à un changement qui serait acté à Strasbourg. D’autant qu’avec cette course à la concurrence fiscale, le taux d’imposition sera de 0% en 2050 au rythme où on va.
Que peuvent faire celles et ceux qui regarderont ce film ?
On peut agir à tous les niveaux. Ce film sort en partenariat avec Oxfam, Attac, la Ligue des Droits de l’Homme. Ces associations se battent au quotidien pour mettre l’évasion fiscale à l’agenda politique. On peut déjà soutenir ces associations ou s’y engager.
Personnellement, je ne rêvais pas de politique, mais on n’a pas trouvé d’autre manière de changer les règles fiscales que de prendre le pouvoir de changer des lois, pour voter l’impôt universel, il faut changer le code général des impôts… Ceux qui profitent de l’évasion fiscale, il n’attendent que le défaitisme et le renoncement des gens. Mais la Révolution de 1789 est née en partie sur une révolte fiscale, notamment le tiers État qui ne voulait plus payer la dime. L’injustice fiscale, et plus récemment les Giles jaunes, doivent structurer notre révolte et notre mobilisation. On est pas condamné à avoir des Total ou Arnault qui ne payent pas d’impôt. En étant nombreux, et grâce à ce film, je pense qu’on peut inverser la tendance.
La bataille politique entre la maire écologiste de Strasbourg et la très macroniste préfète du Bas-Rhin prend la direction des tribunaux, dans une délétère confusion des rôles.
Cette fois, plus de gants. Le conflit qui oppose la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, à la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, va occuper les juridictions. Une singulière escalade du dialogue institutionnel, alors qu’en 2020, face à la pandémie de covid-19, il était question de l’efficacité du « couple maire-préfet. »
Lundi matin lors . . .
Cet article fait partie de l’édition abonnés.
| Déjà abonné ?
Connectez-vous
Abonnez-vous maintenant pour poursuivre votre lecture
Lors d’une conférence de presse lundi 5 décembre, la maire de Strasbourg a déclaré que la Ville allait attaquer l’État pour sa défaillance à mettre à l’abri les personnes à la rue. La municipalité a dû demander à la préfecture d’expulser le camp de l’Étoile, comme l’a ordonné le tribunal administratif. La préfète a accepté. L’opération devrait avoir lieu lundi ou mardi.
La municipalité a annoncé lundi 5 décembre qu’elle compte intenter « une action en responsabilité contre l’État pour inaction et carence en matière de mise à l’abri de personnes en grande précarité ». Elle appelle les autres communes de France à se joindre à l’action. « Si on avait une solution, de notre côté, on l’aurait mise en place », assure Jeanne Barseghian (EE-LV), maire de Strasbourg.
L’adjointe de la Ville de Strasbourg en charge des solidarités, Floriane Varieras (à gauche) et la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (à droite) déplorent les défaillances de l’État en matière de mise à l’abri. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg
Début décembre, le campement s’est un peu vidé, les conditions de vie sur place sont très difficiles. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg
Une expulsion, et après ?
La Ville s’est conformée à la décision de justice et a sollicité, dans la journée du vendredi 2 décembre, l’aide des services de l’État. Lundi matin, troisième jour après l’ordonnance, Jeanne Barseghian indique que l’heure exacte de l’intervention n’est pas connue : « Nous sommes d’accord sur le fait que c’est problématique de laisser les personnes dans le doute. Mais c’est la préfecture qui va lancer l’opération. » De son côté, la préfète a annoncé lundi matin accorder le concours de la force publique pour l’évacuation de la place de l’Étoile. La préfecture demande à la municipalité de « procéder à l’enlèvement des tentes et au nettoyage de l’espace public » après l’évacuation.
La maire déplore que l’État ne donne pas de solution d’hébergement à ces personnes, quasiment toutes migrantes, alors qu’il y est obligé en théorie : « Un démantèlement sans mise à l’abri ensuite n’est pas souhaitable. C’est l’intérêt des personnes qui nous importe. » La préfecture dit systématiquement « donner des solutions en fonction des situations administratives ».
Plusieurs fois, suite à des expulsions de camp ces derniers mois, les demandeurs d’asile en fin de droit administratif ont été acheminés vers un foyer à Bouxwiller qui vise à les inciter à retourner dans leur pays d’origine. Suite à l’expulsion pour tirer le feu d’artifice du 14 juillet depuis la place, le camp s’était reformé car de nombreux sans-abris avaient quitté ce centre « d’aide au retour » pour retourner à Strasbourg.
Entre 40 et 50 personnes au camp de l’Étoile
Jeanne Barseghian rappelle qu’il y a « des centaines d’autres personnes dans la rue à Strasbourg, moins visibles ». Floriane Varieras, adjointe à la maire en charge de la Solidarité estime que ce lundi, entre 40 et 50 personnes vivent sur le camp. Fin octobre, 200 personnes y étaient installées. La maire expose :
« Emmanuel Macron avait annoncé pendant sa campagne de 2017 qu’il n’y aurait plus de sans-abris en France quelques mois après sa prise de fonction. On s’interroge vraiment sur le décalage entre ces annonces et la réalité du terrain, avec un État qui ne met pas à l’abri de très nombreuses personnes à Strasbourg. »
Le collectif D’ailleurs nous sommes d’ici, qui vient régulièrement en aide aux sans-abris du camp de l’Étoile, demande à la Ville de Strasbourg d’éviter le scénario où les personnes se retrouvent à nouveau dans la rue suite à une expulsion, ou sont envoyées à Bouxwiller : « La Ville devrait trouver un hébergement, même précaire. » Selon Floriane Varieras, la mise à disposition d’un bâtiment municipal pose le même problème : « Il faut que les personnes soient encadrées sur place, et c’est aussi du ressort de la préfecture. Nous lui avons fait des propositions avec des bâtiments et n’avons pas eu de retour pour l’instant. »
Depuis Strasbourg, le Centre européen pour le droit et la justice – ECLJ en anglais – plaide contre l’avortement et l’euthanasie auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme et des Nations unies. Fondée par un télévangéliste et des juristes américains proches de la droite ultraconservatrice, cette association de droit local s’est récemment illustrée dans le débat autour de la constitutionnalisation de l’IVG.
Fin novembre, en pleine semaine d’examen du projet de loi visant à inscrire le droit à l’interruption volontaire de . . .
Jouez un rôle actif dans la préservation de la pluralité médiatiquePlongez en illimité dans nos articles et enquêtes exclusivesParticipez librement à la discussion grâce aux « identités multiples »
Rien de plus déroutant que ce titre d’exposition Les quatre points cardinaux sont trois : le sud et le nord au Centre rhénan d’art contemporain à Altkirch. Comme une ode à la désorientation, le commissaire Amilcar Packer invite à se repérer par rapport au Sud. Visible jusqu’au 15 janvier 2023.
Qu’est-ce qui nous lie, nous européens et même alsaciens, aux peuples d’Amérique du Sud ? Telles sont les interrogations quesous-tendent les recherches d’Amilcar Packer, commissaire de l’exposition Les quatre points cardinaux sont trois : le sud et le nord au Centre rhénan d’art contemporain (Crac) à Altkirch.
Quatorze artistes sud-américains sont réunis afin d’évoquer les multiples points de rencontres, parfois violents, entre les hémisphères nord et sud. En associant des documents d’archives et des œuvres d’art contemporain, l’exposition ouvre des perspectives à la fois historiques, scientifiques, artistiques ou politiques, pour relayer les échos d’outre-Atlantique.
De gauche à droite : Runo Lagomarsino, More delicate than the historians are the Map-Makers colors. Vidéo HD 6’8″. 2012-2013. Courtesy de l’artiste / Moulage en plâtre de la météorite d’Ensisheim. Collection du Musée de la Régence d’Ensisheim. Photo : Caroline Schickelé
1492 : L’onde de choc
Le 7 novembre 1492. Fin de matinée. Une puissante détonation retentit aux abords d’Ensisheim. La coupable de ce vacarme : une météorite de 53 kilos. 500 ans plus tard, sa copie en plâtre, prêtée par le musée de la Régence d’Ensisheim, est exposée au Crac Alsace.
Des croyances datant du Moyen Âge soutiennent que les météorites sont des présages. Celle d’Ensisheim serait l’élément déclencheur de bouleversements de différentes natures, au Nord comme au Sud. Dans l’hémisphère Nord, son crash, perçu comme un signe divin, prophétise la victoire imminente de l’empereur Maximilien d’Autriche contre Charles VIII, roi de France.
Au contraire, cette pierre de tonnerre annonce de mauvaises nouvelles pour le Nouveau Monde, découvert quatre semaines plus tôt par Christophe Colomb. Cette découverte entraînera la colonisation de l’Amérique du Sud.
Face à ce fragment cosmique, une performance filmée réalisée en 2013 par l’artiste pluridisciplinaire Runo Lagomarsino, dans laquelle on le voit jeter des œufs importés illégalement de Buenos Aires aux côtés de son père. Leur cible : une sculpture de 32 mètres implantée à Séville en Espagne et représentant Christophe Colomb. Accusé d’avoir alimenté le colonialisme en Amérique du Sud, la figure triomphante du navigateur est tournée en dérision. Ce geste semble risible face à cette sculpture monumentale.
Pourtant, lourd de symbolique, ce lancé fait allusion à l’anecdote de l’ « Œuf de Colomb » attribuée au navigateur. À l’occasion d’un repas, celui-ci propose à ses convives de faire tenir un œuf à la verticale. Personne n’y parvient, à l’exception de Christophe Colomb, qui, en brisant l’une des extrémités de la coque, réussit le défi. À cela, il ajoute que trouver la voie vers l’Amérique fut aussi simple que sa prouesse, parce qu’il « suffisait d’y penser ». L’acte désespéré et plein de rage de l’artiste argentin s’inscrit dans une contestation des hommages rendus à Colomb, dont la notoriété fut bâtie sur un cataclysme pour les populations natives d’Amérique.
Runo Lagomarsino, More delicate than the historians are the Map-Makers colors. Vidéo HD 6’8″. 2012-2013. Courtesy de l’artiste.
Au premier abord, le lien entre la météorite et la vidéo de Runo Lagomarsino ne semble pas évident. Les choix scénographiques et les nombreux allers-retours entre passé et futur mènent à la désorientation, mais servent à mieux comprendre le présent. Si les effets des premiers contacts violents entre l’hémisphère nord et sud se ressentent encore aujourd’hui, la vision donnée par cette exposition est loin d’être manichéenne. Plutôt que d’intensifier les fractures, il s’agit de comprendre ce qui nous relie par-delà l’Atlantique.
De haut en bas : Dessins de la collection de Claudia Andujar / Blocs de sel de potasse. Musée de la Mine et de la Potasse de Wittelsheim. Photo : de Caroline Schickelé
Les échos dépassent les frontières
Des blocs de sels de Potasse trônent au centre de la pièce.Extraits jusqu’au XXe siècle dans les sous-sols alsaciens qui en abondent, ce minerai rose sert d’engrais pour l’agriculture. Une exploitation abrégée puisque ce minerai fertilisant a contaminé les nappes phréatiques. Élevés comme des trophées, ces blocs zébrés de gris et de rose-orangé symbolisent la surexploitation des ressources naturelles qui ne connaît pas de frontières.
L’une des forces de cette exposition réside dans la tension induite par les faces à faces entre les œuvres et les documents d’archives. Les blocs de potassium dialoguent avec une série de dessins réalisés par des indigènes Yanomami, habitants de la forêt amazonienne. En vivant en osmose avec leur environnement, ce peuple est le premier témoin de l’équilibre vacillant des écosystèmes et de la pollution de leurs rivières due à l’exploitation de l’or. À partir des années 1970, la photojournaliste Claudia Andujar s’intéresse à ce peuple invisible, en récoltant les dessins des indigènes Yanomamis. Sur des feuilles de papier blanc, ils représentent au feutre des scènes rituelles et des visions chamaniques. Des documents qui témoignent de la façon dont ils perçoivent le monde.
Pendant que l’Amazonie brûle, l’exposition fascine avec ces fragments historiques d’où jaillit la réalité d’un autre monde. De bouleversantes archives qui connectent à ces cultures, des dessins qui valent mille mots.
Dessins de la collection Claudia Andujar (issus de la rencontre de l’artiste brésilienne d’origine suisse et hongroise et des groupes Yanomami dans l’État de Roraima, au Brésil, initiée en 1971). Photographie d’Aurélien Mole.
Parsemées tout au long de l’exposition, d’autres peintures attestent du rapport harmonieux et symbiotique que certains peuples entretiennent avec la forêt amazonienne. Dessinées par l’artiste indigène Sheroanawe Hakihiiwe, de délicates lignes pointillées et autres formes géométriques répétitives figurent la forêt tropicale. Par un minimalisme assumé, ces œuvres éloignent du fantasme occidental d’une Amazonie luxuriante, à l’image de la jungle exubérante intitulée Le Rêve (1910), peinte par le Douanier Rousseau. Les illustrations de Sheroanawe Hakihiiwe chatouillent la curiosité et donnent envie de décrypter son langage iconographique. Des écorces ? Des flèches ? Des champignons ? Gardez l’œil ouvert !
De gauche à droite : Sheroanawe Hakihiiwe, Sikomi asiki [Champignon comestible], 2022. | Hii riye riye puriwahi [Esprit du poteau vert], 2022. Acrylique sur papier de coton. 42,6 x 57,2 cm. Courtesy de l’artiste et Galerie ABRA Caracas. Photo : d’Aurélien Mole Douanier Rousseau, Le rêve, 1910. Huile sur toile, 298,5 x 204,5 cm. Museum of Modern Art, New-York Photo : États-Unis
L’art comme résistance identitaire
Posée au sol, la Carta de Chile (2022) de la plasticienne Emma Malig s’étend de tout son long. Élaborée à partir de papier japonais, cette carte du Chili, d’où est originaire l’artiste, prend l’aspect d’uncuirfatigué. La vie antérieure et mouvementée du territoire sud-américain a laissé son empreinte sur ce papier scarifié. De ces fragiles lambeaux émane un sentiment de quiétude, face à l’absence d’indications topographiques. La carte d’Emma Malig n’appelle ni à se situer, ni à se repérer, mais à contempler ces reliefs qui rappellent les Andes escarpées du Chili.
Plus qu’une ode à la résilience, c’est une douce résistance identitaire, une contestation subtile où la cartographie affirme sa subjectivité, délaissant son statut d’outil de pouvoir et de domination. Pour saisir toutes les nuances colorées du papier, il faut s’en approcher, tout en retenant sa respiration, puisqu’un souffle peut détruire l’équilibre fragile de l’œuvre.De plus près, la carte donne l’impression d’observer le Chili vu du ciel.
Emma Malig, Carta de Chile [La carte du Chili], 2015. Peinture à l’huile, pigments sur papier, bois. 1500 x 50 cm. Courtesy de l’artiste. Photo : Caroline Schickelé
Dans le ciel, l’artiste chilien Raùl Zurita a écrit en 1982 quinze vers de son recueil Anteparaiso (Antéparadis). Depuis toujours, les humains tournent leur regard vers le ciel pour y entrevoir des signes du destin. Parfois, une météorite tombe. Mais ici, le poème de l’artiste apparaît. Réalisés par cinq avions, ces mots deviennent autrement présents. Si l’on repassera en matière d’écologie, cet acte gigantesque et poétique s’ouvre à la lecture collective pour les habitantes et les habitants hispanophones de New York. Une manière d’inscrire l’art dans la vie de millions de personnes. Le poète s’adresse aux plus démunis en évoquant Dieu dans ses vers comme un symbole d’espérance déchue. Raùl Zurita compare la poésie à l’hydrogène du ciel, source de toute forme de vie : à la fois essentielle mais éphémère.
Raùl Zurita, La Vida Nueva, Anteparaìso [La Vie Nouvelle, Antéparadis]. 1982. Série photographique en couleur. Courtesy de l’artiste. Photographie de Caroline Schickelé.
Prendre le temps
Différentes temporalités se juxtaposent dans cette exposition. Amilcar Packer, le commissaire de l’exposition, fait voyager son public à travers le temps. L’imposante fresque murale d’inspiration pré-coloniale de l’artiste Anita Ekman évoque les peintures rupestres. Plus loin, les visiteurs sont volontairement projetés vers le futur avec une œuvre en cours de création. Actuellement, un échange sur la mémoire et les récits de montagne forme une leçon pour la classe de CM2 B de l’école élémentaire Les Tuileries à Altkirch, par le collectif Radio Apu et l’artiste-chercheuse Arely Amaut. En attendant de découvrir le fruit de leur collaboration, un cartel et une affiche se substituent à l’œuvre.
Dans Les quatre points cardinaux sont trois : le nord et le sud, certaines œuvres requièrent de la patience et du temps. Grâce à de confortables poufs, il est possible de visionner trois moyens-métrages réalisés par Denise Ferreira da Silva et Arjuna Neuman. Tous deux sont animés par le désir ambitieux de réaliser des films sans temporalité, alors même que le format vidéographique s’inscrit dans une durée.Curieusement, au premier visionnage, le temps semble plus présent que jamais. La patience est mise à rude épreuve. Au fur et à mesure, cette lenteur devient un rythme entraînant. Un lâcher-prise se produit pour se prêter au jeu de la méditation contemplative.
Anita Ekman, Ochre – A mancha da vida [Ocre – L’empreinte de la vie], 2022. Peinture corporelle et murale, et pigments d’ocres minéraux de France. Photo : d’Aurélien Mole
À rebours des chemins habituels des expositions, guidés par une chronologie ou une thématique très cadrée, Les quatre points cardinaux sont trois : le nord et le sud désoriente en invitant à prendre quelques hors-pistes. Toutefois, les œuvres et les objets présentés restent documentés avec précision, pour permettre de naviguer plus aisément au sein de l’exposition. Les visiteurs deviennent des archéologues apprenant à composer avec cette densité et ces différentes strates temporelles. Il est plaisant de s’y perdre et d’y revenir. Dorénavant, au Crac Alsace, les boussoles pointent vers le sud.
Les Percussions de Strasbourg bouclent un cycle de célébration de leur soixantième anniversaire jeudi 8 décembre avec un concert présentant trois de leurs meilleures œuvres, ainsi qu’une nouvelle création. L’occasion de se connecter avec cette formation d’excellence mondiale et toujours installée à Hautepierre.
Le concert de clôture du festival célébrant les 60 ans des Percussions de Strasbourg était prévu en mars et n’a pu être reporté que jeudi 8 décembre. C’est dire la difficulté pour réunir une partie des musiciens qui composent cette formation, à la fois ensemble d’excellence et centre de recherche. Bien qu’installés depuis 40 ans à côté du théâtre de Hautepierre, leurs concerts sont rares à Strasbourg. Puisqu’ils proposent une sorte de « Best of » jeudi soir, l’occasion est donc belle de se confronter à l’univers historique des Percus.
Les Percussions de Strasbourg répétant Pléiades, de Iannis Xenakis sur les Sixxens Photo : doc remis
Formé à la suite d’une visite de Pierre Boulez à Strasbourg en 1959, les Percussions de Strasbourg ont diffusé leur premier concert le 17 janvier 1962 sur l’unique chaîne de télévision alors disponible. Soixante ans plus tard, l’ensemble a permis la création de plus de 400 œuvres de musique contemporaine. L’originalité de cet ensemble est d’avoir très tôt pensé les percussions comme des instruments principaux et non plus seulement d’accompagnement ou de mesure. Ses premiers membres mettront d’ailleurs au point leur propre système d’écriture de partitions, adaptée aux percussions.
Extrait de « La Percussion », Les Percussions de Strasbourg et Percustra (1974)
De ces travaux exploratoires naissent parfois de nouveaux instruments, comme les sixxens, inventés par Iannis Xenakis et utilisés dans Métal de Philippe Manoury,une pièce composée en 1995 et qui sera jouée jeudi soir. Le programme propose également Huit inventions, op. 45, une pièce intimiste de Miloslav Kabeláč, l’un des premiers membres de l’ensemble composée en 1965 et Quatre études chorégraphiques, composée en 1962 par Maurice Ohana, également parmi les premiers musiciens des Percussions de Strasbourg, alors que le groupe devait servir d’appui musical à la danse.
La soirée de jeudi présentera aussi la toute dernière création des Percussions, Corale de Maurilio Cacciatore.
Dans une ordonnance rendue ce vendredi, le tribunal administratif de Strasbourg enjoint la maire de Strasbourg de procéder à l’évacuation du campement du parc de l’Étoile. Le juge a estimé que c’était bien à la maire de Strasbourg de saisir la préfète du Bas-Rhin.
Le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg n’a pas trainé ! Lors de l’audience mercredi 30 novembre, il avait promis une décision « courant de la semaine prochaine ». Deux jours plus tard, il ordonne à la maire de Strasbourg de faire procéder à l’évacuation du campement du parc de l’Étoile.
Jusqu’à présent, Jeanne Barseghian considérait qu’il n’était pas de son ressort de faire procéder à l’évacuation des quelques 80 personnes sans-abris, en majorité des demandeurs d’asile parfois en fin de droits, du parc de l’Étoile. La Ville avait tout de même procédé à un « diagnostic social », apporté de l’eau courante, proposé l’accès à des sanitaires et mis à l’abri les volontaires au gymnase du Heyritz puis dans un autre gymnase à la Meinau. L’hébergement d’urgence est pourtant à la charge de l’État, qui a l’obligation légale de proposer une solution aux étrangers, même sans titre de séjour.
Dans une décision du 21 septembre, la maire avait refusé de procéder à l’évacuation du campement, cette décision de la Ville est suspendue. La municipalité déclare qu’elle se conformera à la décision de justice qui lui ordonne de faire évacuer le campement et de saisir les services de l’État pour obtenir son concours.
De son côté, la préfecture du Bas-Rhin refusait de procéder à cette expulsion, considérant que le terrain communal sur lequel sont installées ces personnes relevait du domaine exclusif de police administrative de la commune. Le juge des référés lui a donné raison vendredi, en faisant droit à l’argument selon lequel le code général des collectivités territoriales « ne donne pas compétence à la préfète du Bas-Rhin pour décider d’évacuer le campement en cause ». Le fait que la préfète ait pu, seule, procéder à l’évacuation d’autres campements sur l’espace public en 2021 est « sans incidence sur la détermination de l’autorité compétente qui ne se déduit pas de précédents mais des textes en vigueur », selon le juge des référés.
Trois jours de délai
Le tribunal ajoute que « compte tenu du fait que la carence de la maire de Strasbourg porte une atteinte grave à la dignité humaine, le juge des référés lui enjoint de faire évacuer le campement dans le délai de trois jours à compter de la notification de son ordonnance, en coopérant, en tant que de besoin, avec les services de l’État ». Autrement dit, une expulsion du campement doit intervenir lundi 5 décembre au plus tard et la Ville peut demander l’aide de la police nationale.
Le tribunal administratif n’a cependant pas fait droit à une autre demande de la préfecture, qui demandait que la Ville empêche le retour des occupants après une évacuation. Dans une réaction envoyée à la presse, la municipalité relève que le « jugement ne statue pas sur la mise à l’abri des hommes, femmes et enfants présents sur le site du parc de l’Étoile, question pourtant essentielle à la dignité humaine ».
Le collectif D’ailleurs nous sommes d’ici, qui vient régulièrement en aide aux sans-abris du camp de l’Étoile, demande à la maire de Strasbourg de les « mettre à l’abri pour les protéger de toute forme de répression », en trouvant « rapidement un lieu d’hébergement, même précaire, pour assurer la sécurité de ces personnes ».
Dans la seule école de la commune, la classe bilingue de CE1-CE2 n’a plus d’institutrice en français depuis la fin des vacances de la Toussaint. En cause : la démission de l’enseignante contractuelle deux mois après sa prise de poste. Les enfants restent chez eux ou sont répartis dans les autres classes, tandis que les parents d’élèves sont inquiets quant aux apprentissages.
Au retour des vacances de la Toussaint, lundi 7 novembre, une enseignante manquait à l’appel à l’école élémentaire des tilleuls d’Eckbolsheim. Recrutée en tant que contractuelle, donc sans diplôme de professeur, elle débutait alors un arrêt maladie de deux semaines avant de démissionner le 18 novembre.
Sa classe bilingue de CE1-CE2 est toujours sans enseignant en français début décembre, soit sans encadrant le mardi et le vendredi. Ces jours-là, les enfants restent donc chez leurs parents ou sont répartis dans les autres classes. Lundi et jeudi, ils sont pris en charge par l’institutrice qui leur fait cours en allemand. Le fils d’Aline Le Nestour, représentante des parents d’élèves de La Parent’aise, est dans cette section. Elle raconte :
« La classe concernée compte 25 élèves, qui sont donc répartis dans les huit autres sections. Ils se retrouvent à 28, avec des enfants d’autres niveaux. L’école leur donne du travail qui correspond à leur autonomie. Mais mon fils ne veut plus y aller à cause de ce fonctionnement. Beaucoup de parents gardent leurs enfants à la maison. J’ai déjà pris deux jours de congés pour garder mon fils et un de ses camarades. Cette situation commence à être particulièrement inquiétante quant aux impacts sur l’apprentissage des enfants, et la répartition dans les classes met à mal le fonctionnement global de l’école. »
L’école élémentaire des tilleuls est la seule de la commune d’Eckbolsheim. Photo : Google Street View
Manque de personnel
L’association de parents d’élèves a envoyé un courrier à l’inspectrice académique de la circonscription de l’école le 21 novembre pour demander un remplaçant. Cette dernière a répondu le lendemain qu’aucun « remplaçant n’a été envoyé par manque de personnel disponible ».
Interrogée par Rue89 Strasbourg, l’académie indique qu’un « recrutement est en cours de finalisation » et que « la situation va rapidement trouver sa solution ». Les membres de La Parent’aise s’interrogent plus généralement sur le recours aux enseignants contractuels, comme l’explique Aline Le Nestour :
« La rentrée de septembre avait déjà été chaotique : elle a été assurée par un premier enseignant contractuel qui n’est pas resté à l’issue de la première journée. La nouvelle enseignante contractuelle a ensuite débuté le 9 septembre pour arrêter à son tour deux mois plus tard. Ces démissions prennent effet immédiatement, impossible pour le rectorat d’anticiper et de trouver une solution. Là, il faut une personne motivée pour faire un mi-temps, donc avec un très bas salaire. Le rectorat risque d’avoir du mal à trouver quelqu’un. »
L’allemand, discipline particulièrement touchée
Aline Le Nestour évoque aussi la classe bilingue de grande section de maternelle, dont « la maîtresse qui faisait la partie allemande est en arrêt depuis plusieurs semaines ». Selon la représentante des parents d’élèves, cette dernière a été remplacée par un enseignant qui fait le cours en français, faute de candidat germanophone.
« On ne veut pas incriminer l’inspectrice, ou le rectorat, on imagine bien que s’ils pouvaient, ils affecteraient quelqu’un. Mais ce qui est sûr, c’est que cette situation ne peut plus durer », observe Aline Le Nestour : « Pourquoi on en arrive là ? S’il y a une telle pénurie, c’est que ces métiers ne sont pas assez reconnus. »
Les professeurs pour les classes bilingues manquent particulièrement. Au Capes en 2022, en Alsace, pour 215 postes à pourvoir en allemand, seulement 83 personnes étaient admissibles. Le job dating organisé par le rectorat en juin dernier, spécialement pour recruter des enseignants pour les classes bilingues sans formation et diplôme spécifique, n’a visiblement pas suffi.
Dans l’académie de Strasbourg, environ 20% des enseignants sont contractuels et ont eu très peu, voire pas du tout de formation avant leur embauche. Face à l’immense charge de travail et à la difficulté du métier, beaucoup sont en souffrance et craignent que les élèves subissent leur manque d’expérience.
« J’ai peur de ne pas être au niveau, et que les enfants en pâtissent. » Célia (prénom modifié) est institutrice en maternelle à Strasbourg. Elle a été embauchée sans concours ni formation d’enseignant, en tant que contractuelle, c’est-à-dire avec un CDD reconductible. En raison d’une sévère pénurie de personnel, partout en France, l’Éducation nationale est contrainte de recourir massivement à des non-titulaires.
Seule devant 25 enfants, sans aucune expérience
Dans l’académie de Strasbourg, à peu près 20% des enseignants sont contractuels selon le syndicat FSU. Sur le terrain, ils se heurtent à la difficulté du métier, largement exacerbée par le manque de préparation, comme en témoigne Célia, recrutée à la fin de l’année scolaire 2021-2022 :
« J’étais censée avoir quatre jours d’observation dans une autre classe mais à cause de l’urgence, je n’ai pas eu cette chance. Je me suis retrouvée devant 25 enfants, sans la moindre expérience. Évidemment, il y a des choses que j’ai mal faites. C’est un métier difficile qui demande beaucoup de compétences.
Je n’ai pas mis de cadre suffisamment strict au départ, alors que c’est un moment clé, donc c’était souvent très chaotique dans ma salle de classe, avec pleins d’enfants qui faisaient n’importe quoi en même temps. Les gestes à transmettre pour le début de l’écriture sont fondamentaux pour qu’ils n’aient pas de mauvais réflexes, mais je ne le savais pas non plus. Tout doit être extrêmement précis et encadré constamment, ça ne s’improvise pas. J’apprends tout ça sur le tas, en ce moment, grâce à des bouquins que j’ai achetés et les conseils de mes collègues. »
Une formation express ou rien du tout
Sur le site de l’académie de Strasbourg, pas moins de seize postes d’enseignant non-titulaire sont à pourvoir en urgence début décembre. Le rectorat est allé jusqu’à organiser un job dating pour trouver des professeurs d’allemand l’été dernier. Les dizaines d’embauchés à l’issue de cette journée ont bénéficié de trois jours de formation.
Selon le dispositif de recrutement et l’urgence, les contractuels ont droit ou non à un petit temps d’apprentissage ou d’observation dans une classe. « C’est rageant », souffle Célia :
« Je me dis qu’ils nous auraient fait gagner beaucoup de temps en nous formant plus. Je ne savais pas construire une séance. Tout apprendre avec des tutos sur le coup, c’est extrêmement épuisant. »
Louise, également enseignante en maternelle à Strasbourg, a été recrutée pendant l’été 2021. Elle devait bénéficier au départ d’une semaine de formation, mais elle a dû se contenter de trois heures seulement :
« J’attendais qu’ils nous donnent un guide de survie, qu’ils nous pointent les choses indispensables comme le fait de commencer les journées par un rituel pour créer un cadre que les enfants identifient. »
L’enseignante affirme qu’elle a presque oublié le contenu de sa micro-formation. Elle se remémore vaguement avoir appris un jeu à faire avec les enfants, et avoir chanté avec les autres futurs enseignants.
De nombreux professeurs contractuels démissionnent quelques semaines après leur embauche / PF / Rue89 Strasbourg.
Bouche-trous dans les établissements
Emmanuelle Haffner, professeure d’espagnol contractuelle, est chargée de cette question pour le syndicat FSU. « Cela fait longtemps que le rectorat emploie des non-titulaires. Le phénomène progresse doucement, avec la crise d’attractivité des métiers de l’enseignement, et le fait qu’il y ait de moins en moins de candidats aux concours. Et maintenant, les contractuels aussi, ils ont du mal à en trouver, d’où le job dating », explique t-elle.
Selon Emmanuelle Haffner, les non-titulaires sont « les dernières roues du carrosse de l’éducation nationale » :
« D’abord, le rectorat mute les enseignants titulaires avec le mouvement inter-académique, puis vient le mouvement intra-académique. Ensuite, les professeurs remplaçants sont affectés dans leurs établissements. Les derniers trous sont bouchés avec les contractuels, qui peuvent être appelés le jour de la rentrée. Les plannings ne sont donc pas toujours arrangeants, parfois sur plusieurs écoles avec peu d’heures et donc peu de rémunération. »
« C’est violent »
Même discours pour Laurent Feisthauer de la CGT : « Les contractuels sont envoyés au casse-pipe, alors qu’ils manquent d’expérience. J’ai déjà vu un enseignant non-titulaire qui voulait être prof d’anglais parce qu’il parlait bien cette langue, et qui s’est finalement retrouvé en allemand. Cela n’a aucun sens, et cause du tort aux élèves. »
Elsa (prénom modifié) est contractuelle dans un lycée professionnel rural en Alsace. Elle observe une vraie souffrance psychologique chez des collègues non-titulaires :
« J’en vois qui pleurent dans leur voiture à la fin de la journée. Ils ne savent plus quoi faire, se sentent entièrement dépassés. Dans mon établissement, un contractuel qui avait été embauché à la rentrée a démissionné quelques semaines après. C’est violent de mettre des personnes devant une classe du jour au lendemain, surtout dans un établissement difficile. Moi, avant de commencer, je ne savais même pas ce que c’était un lycée professionnel. »
« Madame, on ne dirait pas que vous êtes prof »
Elsa parle aussi des conséquences indirectes de ces prises de poste non maîtrisées et sans formation. Notamment lorsqu’en tant qu’enseignant contractuel, on se retrouve face à une classe parfois difficile, sans avoir appris à gérer la discipline et l’autorité :
« Il peut arriver que les élèves nous provoquent collectivement. Par exemple, certains peuvent répéter la même phrase très fort des dizaines de fois pendant le cours, ou siffler dans un capuchon de stylo juste pour perturber l’activité et on ne peut pas savoir qui c’est. Il faut du courage certains matins pour faire face à la classe, il faut savoir prendre du recul, et c’est d’autant plus difficile quand on ne sait pas créer une complicité et un respect avec les élèves, à cause du déficit de formation. Les jeunes le sentent et le montrent. Au départ, parfois ils me disaient : “Madame on ne dirait pas que vous êtes prof”. »
Une grande charge de travail, et des abandons de poste rapides
D’après la FSU et la CGT, de nombreux contractuels abandonnent quelques semaines seulement après leur prise de fonction. Mais ils sont incapables de donner des chiffres précis. Même chose du côté du rectorat, qui n’a pas donné suite à nos questions sur la formation des non-titulaires, ou sur ces démissions.
Arnaud Sigrist, représentant de FSU pour le second degré, cite une personne qui l’a sollicité après une semaine pour lui demander comment démissionner. Léo (prénom modifié), embauché pour enseigner la technologie au printemps dernier et appelé dans deux établissements le jour de la rentrée 2022, a décidé de mettre un terme à l’un des contrats avec un collège où il était professeur principal d’une classe.
« J’étais très étonné qu’ils me proposent ça vu mon arrivée récente dans le métier », se rappelle t-il. Pour lui, c’était trop de responsabilité, et 18h de cours par semaine ne lui laissaient pas le temps d’encadrer chaque élève, notamment ceux qui ont des difficultés. Léo estime avoir eu du mal à canaliser la violence dans sa classe, « peut-être par manque de recul ». Il se souvient de scènes d’insultes, et même d’un élève qui en a frappé un autre pendant son cours.
« Si on en arrive là, c’est forcément qu’il y a un problème quelque part », considère t-il, avant d’ajouter : « Quitte à prendre des intervenants extérieurs, cela pourrait se faire différemment, avec des choses qui parlent aux élèves. Par exemple, ils pourraient solliciter des professionnels du Racing club de Strasbourg ou de marques de voiture. Mais ce qui est certain, c’est que ce n’est pas viable de cette manière. Il faut au moins une formation et un volume horaire faible afin de pouvoir réfléchir aux problématiques rencontrées et prendre le temps avec les élèves. »
La charge de travail revient régulièrement dans les récits des personnels interrogés, qui constatent souvent avoir travaillé pendant plusieurs mois non-stop après leur embauche, les week-ends, jours fériés, vacances, et parfois tard le soir en rentrant, avec la sensation d’avoir un grand retard à rattraper.
Encadrer des enfants ne s’improvise pas / PF / Rue89 Strasbourg.
« Je donnais l’impression que j’avais la maîtrise »
Surtout, plusieurs contractuels évoquent une peur de ne pas être à la hauteur qui les ronge. Célia dit avoir l’impression de représenter « une anomalie générée par le système ». Elle a aussi dû faire face au mépris de certains collègues titulaires :
« Pendant des mois, je me suis demandé si je n’étais pas en train de faire n’importe quoi, j’avais peur que les élèves aient de graves lacunes à cause de moi, et même des problèmes dans leur vie après. Surtout que personne ne vient dans notre classe pour valider ce qu’on fait. »
Louise raconte comment elle a fait semblant d’être une enseignante expérimentée à une réunion de rentrée, quelques jours après avoir pris sa fonction :
« Il y avait eu beaucoup d’absences et d’enseignants différents l’année précédente. Les parents étaient venus le couteau entre les dents, ils étaient très énervés. Dans ces moments-là, je ne dis surtout pas aux parents que je suis contractuelle, cela pourrait les énerver. Moi, j’essaie juste de donner l’impression que j’ai une parfaite maîtrise de la situation. Je fais semblant de garder la face, malgré ma détresse. »
Le syndrome de l’imposteur
Si c’était à refaire, Célia « ne sait pas si elle se lancerait à nouveau dans cette aventure difficile ». Mais elle assure : « Aujourd’hui, je vais mieux car j’ai plus l’habitude et j’ai moins de temps de préparation, mais il y a eu des moments où j’étais vraiment au bord du burn-out. »
Particulièrement passionnée, elle a fait le choix de s’accrocher. Et elle a bénéficié de l’aide d’amis professeurs et de ses collègues :
« D’autres n’ont pas la chance d’être accompagnés comme je l’ai été. Pour moi c’était indispensable, et pourtant j’étais particulièrement déterminée ! Vu notre salaire, ce n’est pas étonnant que des contractuels arrêtent. En tout cas, le système tel qu’il est aujourd’hui n’est ni bon pour les professeurs, ni bon pour les élèves. »
Pap Ndiaye, le ministre de l’éducation, a annoncé à plusieurs reprises sa volonté de mieux rémunérer les professeurs dès 2023, pour qu’aucun ne gagne moins de 2 000 euros nets par mois. Il concède cependant que cette revalorisation ne va pas brutalement régler la crise d’attractivité du métier, liée selon lui à de nombreux paramètres, comme le sentiment général de déclassement de la place symbolique des enseignants dans la société.
« Parole aux taulards » – Épisode 3. Lieu de retrouvailles, le parloir reste éprouvant. Certains prisonniers parlent de fouilles systématiques humiliantes. Leurs proches décrivent le manque de respect récurrent de certains surveillants, dans un lieu exigu et sans intimité, où les enfants n’ont pas leur place.
« Il n’y a pas eu une fois où je n’ai pas été fouillé, se plaint Achraf (tous les prénoms des détenus ont été modifiés), les surveillants te mettent tout nu, te demandent de faire des flexions et de tousser. Mais chez moi ils n’ont jamais rien trouvé… » Lorsqu’il est question de parloir avec les détenus de la prison de Strasbourg, c’est le premier sujet abordé : les fouilles systématiques et cette humiliation par la nudité imposée et l’observation, jusqu’à l’anus du prisonnier, pour trouver du stupéfiant ou tout autre objet interdit en détention. Mais au-delà de la honte, il y a le temps perdu. Lorsque la fouille a lieu avant le parloir, ce sont de précieuses minutes qui ne sont pas passées avec une compagne, une mère ou un père. Achraf s’en plaint : « Moi, je n’ai qu’un parloir par semaine. À chaque fois je suis fouillé avant, du coup mon parloir passe de 45 à 30 minutes… »
Le parloir n’a pas été ouvert lors de la visite parlementaire du sénateur écologiste Jacques Fernique. Photo : Abdesslam Mirdass
« Je ne peux pas voir mes deux enfants »
« La plupart du temps, on a juste une palpation. Ce sont souvent les mêmes qui sont fouillés », commente Jacques, en détention à Strasbourg, pour qui le problème est ailleurs puisqu’il n’est jamais fouillé avant ou après le parloir. Mais depuis plusieurs années, le détenu ne peut pas voir ses deux enfants en même temps. Il explique :
« Mes enfants sont placés en famille d’accueil. Le juge a demandé des parloirs dans des salles aménagées pour les enfants, afin qu’ils puissent venir à plusieurs car les autres parloirs sont trop petits. Mais depuis la pandémie, ces salles ne sont plus ouvertes. Je ne peux pas voir mes deux enfants en même temps, chacun est toujours accompagné d’un éducateur. »
Kader s’estime chanceux, il n’a été fouillé qu’une seule fois après le parloir. Mais le jeune détenu raconte une autre humiliation, plus insidieuse :
« Mon père, ma mère et ma sœur me l’ont dit : au parloir, les surveillants traitent les familles comme les détenus. Ils les tutoient et leur parlent en criant limite : ”Avancez ! Dépêchez-vous !”. Sous prétexte qu’on a fait une connerie, on est tous des moins que rien, famille compris… »
« Ça m’a toujours donné l’impression qu’on était un troupeau »
« Mère d’adoption » d’un ancien détenu de la maison d’arrêt de Strasbourg, Claudia décrit aussi le parloir comme une épreuve, même si elle n’accuse pas les surveillants : « C’est sûr que certains gardiens sont très froids. Mais je suis aussi tombée sur des personnes sympas. » Pour cette habitante de Brumath, c’est le fonctionnement même du parloir qui est dégradant :
« On doit se présenter 45 minutes avant l’heure du rendez-vous pris sur internet. Puis on est appelé au mégaphone avec le nom de famille du détenu à qui l’on rend visite. Ça m’a toujours donné l’impression qu’on était un troupeau de moutons qu’on allait enfermer dans une cave. »
Anna (le prénom a été modifié) a rendu visite à son mari à plusieurs reprises en 2007 et en 2012 à la prison de Strasbourg. Elle a connu de nombreuses autres maisons d’arrêt françaises. Elle estime ainsi que l’établissement strasbourgeois se distingue par « ses surveillants pas très humains, même si j’imagine qu’ils répondent ainsi à des comportements à leur encontre » :
« J’ai vu des femmes passer le portique de détecteur de métaux et sonner trois fois. Elles n’ont pas pu aller au parloir, sans explication. Je me souviens d’une femme qui s’est fait refuser le parloir pour moins de cinq minutes de retard, alors qu’elle venait de loin. On lui a fermé la porte au nez. Elle est restée devant, en pleurs. Un dernier exemple qui me vient : le goûter. Dans toutes les maisons d’arrêt, sauf celle de Nancy et Strasbourg, on m’a toujours laissé emmener le goûter pour les enfants… »
L’épouse d’un détenu menottée au parloir
Épouse d’un détenu de la maison d’arrêt de Strasbourg, Mélanie (le prénom a été modifié) aborde très vite l’impact de cette détention et des visites sur son fils, traumatisé par l’incarcération de son père et la violence des parloirs :
« Je me suis déjà fait engueuler pour un sachet de bonbons que j’avais laissé à mon fils pendant le parloir. Le surveillant lui avait arraché le sachet des mains. Ils auraient pu me parler tranquillement, je leur aurais donné les bonbons. Mais ils n’ont pas de respect, ni pour les détenus, ni pour leur famille. »
Autre scène sans aucun doute traumatisante pour cet enfant, vécue à la fin des années 2010 au parloir de la maison d’arrêt de Strasbourg : Mélanie s’apprête à quitter la prison lorsqu’elle est menottée et placée avec son fils en garde à vue au commissariat de Strasbourg.
« On m’a prise pour m’entendre dans le cadre d’une enquête sur mon mari. Mais pourquoi ne pas m’avoir convoquée ? Je serais venue. Là c’était humiliant pour une mère d’être menottée devant son fils. »
Un parloir « sale », « sans intimité », « beaucoup trop petit »
Plus généralement, tous les proches de détenus se plaignent d’un parloir « sale », « sans intimité » ou « beaucoup trop petit ». « On parle tout doucement, comme on sait que tout est entendu, on ne va pas crier “je t’aime” devant les surveillants et les autres visiteurs », raconte Mélanie. « Le parloir fait moins de deux mètres sur deux mètres, affirme Claudia, il y a à peine de la place pour deux chaises. Quelqu’un de claustrophobe ne tiendrait jamais dans cet endroit. » Pour Anna, ce sont les passages réguliers des surveillants dans chaque parloir qui sont éprouvants :
« J’ai connu des maisons d’arrêt où on nous laissait notre intimité. Ici, les surveillants sont à l’affût de la moindre chose illégale. Ils vous épient, pour voir si vous essayez de passer du stup’ ou si vous avez des relations sexuelles. »
Constatant encore à ce jour les difficultés des détenus et de leurs proches face au parloir de la prison strasbourgeoise, Anna songe à créer un collectif strasbourgeois. Cette structure serait notamment dédiée à l’information des prisonniers et de leurs familles sur leurs droits :
« Ce type de collectif existe ailleurs en France. Quand je vois ma méconnaissance sur nos droits au début de la détention de mon mari, je me dis qu’il faudrait en lancer un similaire à Strasbourg. »
Sollicitée, la communication de la direction interrégionale pénitentiaire n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
Audience inhabituelle au tribunal administratif mercredi, où la Ville de Strasbourg était enjointe par la préfecture du Bas-Rhin de saisir… la préfecture du Bas-Rhin, afin de procéder à l’évacuation du campement de l’Étoile. Un nouvel épisode de la guéguerre entre la Ville et la préfecture sur ce dossier.
« On ne comprend pas ce que la préfecture nous demande. » Ainsi s’exprime Michaël Gompel, directeur des services juridiques de la Ville de Strasbourg, avant une audience devant le tribunal administratif mercredi 30 novembre. En résumé, la préfecture demande au tribunal « d’ordonner l’évacuation du campement » de la place de l’Étoile, et de « requérir la préfète à cette fin ».
Autrement dit, la préfète Josiane Chevalier veut en finir avec les quelques 80 à 100 personnes sans-domicile qui s’abritent sous des tentes au milieu du parc de l’Étoile, mais elle veut aussi que ce soit demandé par la Ville de Strasbourg. Car, selon un argument soulevé par la préfecture du Bas-Rhin lors de l’audience, un article du droit local alsacien – mosellan du Code des collectivités locales restreint les pouvoirs de police administrative aux seules communes sur les terrains qui leur appartiennent. Selon le responsable du service juridique de la préfecture, « il y a un trouble à l’ordre public à partir de ce terrain et l’absence d’action de la Ville de Strasbourg constitue une carence de la collectivité ».
Me Olivier Maetz intervenait pour la Ville de Strasbourg Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Un argument largement contesté mardi par la Ville de Strasbourg. Conseil de la collectivité, maître Olivier Maetz n’a pas boudé son plaisir pour dénoncer des incohérences de la préfecture du Bas-Rhin qui rendent son déféré irrecevable selon lui :
« En septembre et en octobre 2021, la préfecture a évacué deux campements, à la Montagne Verte et devant l’église Saint-Maurice, de plus d’une centaine de tentes chacun, en utilisant des policiers, sans demander ni même prévenir la Ville de Strasbourg. Elle s’en est même vantée par des communiqués de presse et il s’agissait de terrains du domaine public communal. Donc on ne comprend pas pourquoi la préfète nous demande aujourd’hui de la saisir, elle n’en a pas besoin, elle demande au tribunal de l’autoriser à faire ce qu’elle peut faire. »
En outre, « ce n’est pas la Ville de Strasbourg qui occupe ce terrain », a rappelé Me Maetz, et ce n’est donc pas à elle que devrait s’adresser cette injonction mais aux occupants. « Et d’ailleurs, la Ville de Strasbourg a envoyé un référé mesures utiles aux occupants en juillet, » a-t-il précisé.
Attention médiatique et pirouettes légales
Me Maetz a rappelé « l’attention médiatique » dont bénéficie le camp de la place de l’Étoile et sa charge symbolique, étant directement sous les fenêtres du centre administratif. Des militants de l’association D’ailleurs nous sommes d’ici, qui interviennent régulièrement auprès des personnes du camp, étaient présents à l’audience. Il est clair que l’autorité qui ordonnera l’évacuation de ce camp devra en payer un coût politique, alors que ces personnes, demandeurs d’asile pour la plupart, cherchent d’abord une protection. Un coût politique que ni la maire de Strasbourg ni la préfète ne veulent payer.
Le camp de l’Étoile est occupé par près d’une centaine de personnes Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
Les deux institutions publiques ne sont pas non plus d’accord sur les suites apportées aux occupants après une évacuation : la Ville de Strasbourg demande une mise à l’abri tandis que la préfecture propose un logement en attendant, pour ceux dont les titres de séjour sont échus, un retour vers leurs pays d’origine. Me Maetz a rappelé à l’audience que Josiane Chevalier avait déclaré sur BFM Alsace réserver l’hébergement d’urgence par l’État aux personnes en possession d’un titre de séjour. Une affirmation qui ne correspond pas à la loi, qui garantit l’hébergement d’urgence à toute personne présente sur le territoire français, comme Rue89 Strasbourg l’avait écrit alors.
Le retour de la solution grillage
En troisième point, la préfecture du Bas-Rhin demande au tribunal administratif d’ordonner à la Ville de Strasbourg de « prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’un campement se réinstalle sur le parc de l’Étoile, soit en clôturant le site, soit en y installant des dispositifs matériels utiles à éviter l’installation de tentes ».
Me Maetz a précisé devant le tribunal qu’aucun grillage n’empêcherait les personnes suffisamment désespérées pour s’installer sous des tentes de les planter dans ce parc, ou qu’elles iraient simplement s’installer quelques mètres plus loin, et on imagine mal la Ville de Strasbourg installer du mobilier anti-SDF. Rappelons qu’en 2017, des grillages ont cependant été installés par la Ville de Strasbourg rue du Rempart, afin d’éviter justement l’installation de tentes, privant du même coup tous les Strasbourgeois de l’accès à ces espaces verts.
Le président du tribunal, Stéphane Dhers, a promis une décision dans le courant de la semaine du 5 décembre.
Le cabinet d’avocats Soler-Couteaux a assigné en justice le propriétaire et agent immobilier Mathieu Deiber. La défense des habitants de la rue du Hohneck demande plus de 60 000 euros au titre du préjudice moral et du trouble de jouissance subis.
Pour le « négociateur immobilier indépendant » Mathieu Deiber, la belle affaire vire aux poursuites judiciaires. En août 2022, Rue89 Strasbourg publiait un reportage sur le quotidien infernal de quatre habitants d’une maison du Neudorf. Depuis le rachat du bâtiment en août 2021, Sonia Weyl, Françoise Heitz, Richard Benz et Fabienne Mathis ont subi des pannes à répétition, entre coupures d’eau de plusieurs jours et arrêt du chauffage pendant plusieurs semaines. Ils ont aussi perdu l’usage de leur jardin, transformé en parking, ou du grenier.
De gauche à droite : Sonia Weyl, 67 ans, Fabienne Mathis, 62 ans, Françoise Heitz, 64 ans. Au centre : Richard Benz, 76 ans. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Cette situation a décidé le cabinet d’avocats Soler-Couteaux à offrir leur aide à trois des quatre locataires. Signataire d’un contrat de location plus récent et moins protecteur, Sonia Weyl n’a pas bénéficié de cette aide gracieuse. « La situation de Madame Weyl relève aussi du pénal (elle a porté plainte contre Mathieu Deiber pour violences suivie d’incapacité supérieure à huit jours, NDLR), or nous ne sommes pas spécialisés dans ce domaine », justifie l’avocat David Gillig qui estime que l’audience ne devrait pas avoir lieu avant la fin de l’année 2023.
Mise en demeure par les avocats des locataires le 9 septembre 2022, la SCI du Hohneck a réfuté l’ensemble des allégations à son encontre. D’où la procédure initiée par David Gillig et Louise Ramenah auprès du tribunal judiciaire de Strasbourg. « Pour obtenir réparation des préjudices de mes clients, nous avons assigné la SCI du Hohneck devant le tribunal judiciaire en matière civile », explique David Gillig.
Une plainte pour harcèlement
« La liste des griefs (…) est très longue », comme le résume sur son site le cabinet d’avocats strasbourgeois. Les demandes de David Gillig et Louise Ramenah le sont tout autant. Ils affirment tout d’abord que l’augmentation des charges « de 150 à 230 euros est abusive » : « La SCI du Hohneck n’était pas en droit d’établir une modification des charges locatives pour l’année sans produire un décompte de charges de l’année N-1. À ce jour, aucun décompte de charges de l’année 2021 n’a été produit. » Les avocats demandent ainsi au juge des contentieux de la protection de fixer la provision de charges à 150 euros dès le 1er janvier 2022.
Maîtres Gillig et Ramenah estiment aussi le préjudice moral subi par Françoise Heitz, Richard Benz et Fabienne Mathis à 28 000 euros. « Les demandeurs sont angoissés à l’idée de rentrer chez eux, de croiser monsieur Deiber », rappellent les avocats, qui insistent sur « la vulnérabilité des demandeurs convaincus que la société bailleresse a eu l’intention malveillante de leur faire quitter le logement qu’ils occupent, chacun depuis plus de trente ans ».
« Une telle incurie constitue une mise en danger »
Le cabinet Soler-Couteaux exige notamment 12 600 euros en « réparation de trouble de jouissance due à l’absence de chauffage entre le 29 septembre et le 14 décembre 2021 ». Pour Françoise Heitz, qui a vécu sans chauffe-eau du 12 juin au 31 août 2022, le cabinet demande 2 000 euros « au titre du trouble de jouissance subi ». Selon les avocats des locataires, « une telle incurie constitue une mise en danger de la santé des locataires qui sont des personnes vulnérables », du fait de leur âge.
Au total, les demandes des avocats atteignent plus de 61 000 euros. Contacté, Mathieu Deiber n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
Léna était journaliste en Géorgie. Elle affirme avoir été « menacée par le gouvernement pro-russe » et demande l’asile en France. Léna raconte les raisons politiques qui poussent ses compatriotes à migrer. Entretien.
Les Géorgiens sont nombreux à demander des titres de séjour à Strasbourg. Ils sont aussi nombreux dans des situations de précarité extrême, au camp de l’Étoile ou dans des squats de la capitale alsacienne. La Géorgie est pourtant sur la liste des pays « sûrs » selon la France. « Cela signifie que les procédures administratives peuvent être accélérées et c’est un argument pour refuser l’obtention de titres de séjour aux Géorgiens », explique Christiane Horvat, coordinatrice à l’association d’aide aux demandeurs d’asile Casas Strasbourg.
Ces trois femmes sont Géorgiennes, et n’avaient pas d’autre solution que d’occuper le squat Bourgogne pour se loger. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Amnesty International repère des atteintes aux droits humains en Géorgie
Dans son rapport sur les droits humains en Géorgie, Amnesty International évoque « des actes d’intimidation, des mises sur écoute téléphonique, des attaques » ou encore un « manque d’indépendance de la magistrature ». Selon Christiane Horvat, les Géorgiens sont parmi les plus nombreux à migrer vers Strasbourg : « En 2021, nous avons accompagné 80 Géorgiens dans des recours suite à des rejets de demande d’asile par la France. La majorité vient pour des problèmes de santé », expose t-elle.
La camp place de l’Étoile regroupe 200 personnes dont de nombreux Géorgiens. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Ancienne journaliste géorgienne, Léna (prénom modifié) tient à ne pas divulguer trop de détails sur elle-même, afin de préserver son anonymat, tant elle craint des représailles à cause de son opposition au gouvernement de ce pays « pro-russe » à ses yeux. Elle raconte les raisons qui poussent ses compatriotes à quitter leur pays.
Rue89 Strasbourg : Pourquoi avez-vous quitté la Géorgie ?
Léna : J’ai écrit des articles contre Rêve Géorgien, le parti du chef du gouvernement, Irakli Garibachvili. Nous étions beaucoup de journalistes et de militants des droits de l’Homme à dénoncer la ligne violente et autoritaire du pouvoir, qui emprisonne ses opposants. Moi je suis plutôt favorable à l’ancien président et chef de l’opposition, Mikhaïl Saakachvili, (qui a une ligne pro-europe, NDLR). Il est aujourd’hui en prison.
Beaucoup de personnes viennent pour des raisons médicales
Un jour, j’ai retrouvé ma voiture criblée de balles devant chez moi (elle montre une douille de cartouche d’arme à feu qu’elle a gardée suite à cet épisode, NDLR). C’était une menace, pour me montrer que j’étais vulnérable. Parfois c’est la police, parfois ce sont des partisans du pouvoir qui attaquent les gens comme moi. J’ai aussi été arrêtée dans la rue par des hommes qui m’ont dit qu’ils allaient me tuer. Après ça, j’ai décidé de quitter le pays, comme le font d’autres journalistes, militants et opposants politiques.
Pendant la conversation, Léna sort une douille de cartouche d’arme à feu qu’elle a retrouvée à proximité de sa voiture selon elle. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Quelle est la raison principale pour laquelle les Géorgiens viennent en France ?
La majorité des personnes viennent pour des raisons médicales. La plupart des traitements sont disponibles en Géorgie, sauf pour le cancer, les problèmes rénaux ou le diabète. Le souci principal, c’est qu’il n’y a pas de sécurité sociale comme en France. Seuls les soins basiques sont remboursés, et sinon il faut souscrire à des assurances privées et onéreuses pour se soigner. Tout le monde ne peut pas le faire. Donc, si beaucoup de Géorgiens viennent en France, à Strasbourg, et essayent d’obtenir un titre de séjour pour raison de santé, c’est tout simplement pour ne pas mourir. Ce sont parfois des médecins qui leur conseillent de partir.
Connaissez-vous d’autres situations ?
Il faut comprendre qu’en Géorgie, il y a des groupes de militants liés au pouvoir qui sont très violents. Donc il peut y avoir des problèmes de sécurité pour plein de personnes. Par exemple, les homosexuels peuvent être en danger (le gouvernement est accusé de tolérer des violences contre les LGBT, NDLR). Il y a aussi des femmes battues qui viennent, car il n’y a pas de dispositif pour les défendre et elles peuvent être en danger de mort si elles fuient leur mari.
« Quitter son pays, c’est énormément de souffrance »
Au nord, les régions de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud sont particulièrement sous tension parce qu’occupées militairement par les Russes (Amnesty International signale des cas récents de torture dans ces régions, NDLR). Beaucoup de Géorgiens fuient ces zones devenues très dangereuses. Et plus généralement, la Géorgie est pauvre, il y a du chômage, et beaucoup de jeunes n’ont aucun avenir là-bas. Les raisons économiques peuvent aussi être un motif, même si c’est plus rare.
Léna (prénom modifié), ne veut pas être identifiable mais tient tout de même à livrer son témoignage. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Quelle est votre situation maintenant ?
Malheureusement, la France a refusé ma première demande d’asile. J’ai fait un recours pour une deuxième demande, et si elle est à nouveau refusée, j’aimerais que ma situation soit examinée par la Cour nationale du droit d’asile. De toute façon je ne retournerai pas en Géorgie avec cette situation politique, ce serait trop dangereux. Le jour où ça ira mieux, je le ferai. De manière générale, il ne faut pas croire que les Géorgiens viennent en France pour le plaisir, quitter son pays, c’est énormément de souffrance.
En octobre, la Chambre régionale des comptes du Grand Est a rendu un rapport sur la situation du Groupe hospitalier Mulhouse sud Alsace (GHRMSA). Les magistrats financiers doutent des capacités des hôpitaux à redresser la situation.
La Chambre régionale des comptes du Grand Est a émis six rappels au droit et six recommandations à l’attention du Groupe hospitalier Mulhouse sud Alsace (GHRMSA) dans un rapport publié en octobre. Le document fait ressortir une situation financière très délicate des hôpitaux publics mulhousiens :
« La chambre relève l’inquiétante dégradation financière du GHRMSA dans un contexte de crise sanitaire qui amplifie ses difficultés. Elle demande à l’établissement de s’inscrire dans une stratégie visant à restructurer son offre de soins, favoriser l’attractivité médicale et améliorer sa performance de gestion. »
Le GHRMSA compte 2 578 lits, 6 222 agents dont 901 personnels médicaux. Il doit répondre aux besoins d’un bassin de population de 475 000 personnes entre Mulhouse et Saint-Louis. La fusion qui a concerné au cours des dernières années neufs établissements a augmenté ses capacités de 29% mais a fragilisé l’ensemble financièrement selon les magistrats financiers.
L’hôpital Femme mère enfant entré en fonction en 2018 Photo : GHRMSA / doc remis
Le déficit cumulé créé par deux processus de fusion successifs (2015 et 2017) s’élève à 62,7 millions d’euros et le GHRMSA ne parvient pas à le réduire. Ces rapprochements décidés devaient permettre une meilleure logique de l’offre de soin : éviter les doublons, regrouper les pôles techniques et les spécialités lourdes sans entamer la proximité. En bref une restructuration de l’ensemble de l’offre de santé sur le bassin concerné, qui suit aussi les tendances lourdes nationales : plus d’ambulatoire et moins de lits hospitaliers.
Absence de choix stratégiques clairs
« Depuis,le GHRMSA dispose d’orientations sans que des choix stratégiques clairs ne soient arrêtés », estime la chambre. Dans les faits, ils impliquent par exemple la fermeture des services d’urgences à Thann et Altkirch, de même que la transformation de maternités en « centres de périnatalité de proximité. » En d’autres termes, l’offre de soins se réduit.
Le rapport s’intéresse aux comptes de 2016 à 2019, mais la chambre note l’impact du Covid sur le groupe hospitalier : « la crise sanitaire amplifie les difficultés. » À la date du rapport, 20% des postes de médecins seniors étaient vacants. Comme ailleurs en France certaines spécialités sont en tension (réanimation, anesthésie, radiologie etc…) mais le contexte local joue aussi selon les conclusions :
« Les difficultés d’attractivité médicale et paramédicale se traduisent par l’augmentation de près de 5% du poste rémunération extérieure (intérim médical et remplacements). La grave crise des urgences traversée par l’établissement en 2018 et 2019 n’a fait qu’amplifier la hausse de ces dépenses. »
Une vue de l’hôpital Emile Müller à Mulhouse Photo : GHRMSA / doc remis
La crise est aggravée aussi par les refus de vaccination qui ont concerné 170 personnes au GHRMSA, le recours à du personnel pour les remplacer a fortement pesé sur les finances du groupe qui, contacté par Rue89 Strasbourg, n’a pas souhaité répondre sur ce point. La concurrence de la médecine privée que représente les établissements du Diaconat pèse aussi dans les performances du groupe public comme le note la juridiction :
« Son activité s’effrite progressivement. [Le GHRMSA] perd des parts de marché en médecine et en chirurgie malgré le virage ambulatoire pris et ne bénéficie pas des effets de l’élargissement de son périmètre. Seule son activité d’obstétrique est dynamique et atteste d’un positionnement favorable dans l’offre de soins. »
Appui de l’État insuffisant
Dans sa réponse envoyée en janvier 2022, la directrice du Groupe, Corinne Krencker, reconnaît les difficultés, elle souligne toutefois que des chantiers « permettant optimisation des recettes et des dépenses sont lancés pour améliorer la performance globale de l’établissement » mais plaide :
« La multiplicité des sites, l’éclatement des activités à différents endroits du territoire dans un objectif bien compris d’un accès de la population à une offre de soins de proximité, ajouté au passif financier antérieur rendent les perspectives de retour à l’équilibre financier difficiles sans accompagnement financier conséquent. (…) L’enveloppe allouée par l’État dans le cadre de reprise de dette ne suffira pas. »
Des Ehpads délaissés
Plus loin, la Chambre s’intéresse aussi à la situation de deux Ehpad du GHRMSA à Mulhouse (Émile Muller avec 77 places et Haserein avec 80 places). Ils accueillent les populations les plus précaires de la zone, des personnes âgées dont les familles ne peuvent suive les prix pratiqués dans le secteur privé. Le rapport tient d’abord à mettre en évidence l’anticipation dont les établissements ont fait preuve face à l’épidémie de Covid-19, particulièrement violente dans le département. Résultat : « Dans les EHPAD de Mulhouse, le taux de cas Covid-19 confirmés des résidents est faible (3,4 % des lits ouverts) tout comme le taux de décès (5,1 %) » sans qu’il soit possible de tous les lier à l’épidémie.
Le reste du constat est glaçant. Les conditions d’accueil et de travail des personnels apparaissent extrêmement dégradées, et ce depuis plusieurs années, le projet de remise en état ayant été repoussé à plusieurs reprises. Les évaluations obligatoires (internes et externes) n’ont pas été réalisées depuis 2013 et 2014. Elles doivent pourtant intervenir tous les cinq ans pour l’obtention de l’autorisation d’activité. La Chambre régionale des comptes émet d’ailleurs un rappel au droit à ce propos.
La reconstruction des Ehpad mulhousiens étaient prévus dans le plan de développement adopté en 2010. La vétusté des locaux a obligé l’établissement à fermer 40 lits. En 2018, comme le rappelle la Chambre régionale des comptes, l’Agence régionale de santé (ARS) effectue une visite et remarque à cette occasion :
« (…) une dégradation très importante des conditions d’accueil et d’hébergement ainsi qu’une altération manifeste des règles de sécurité des soins. Les trois pavillons de ce site sont distants de plusieurs mètres et demandent au personnel soignant un passage systématique avec les chariots de soins par l’extérieur, quelles que soient les conditions climatiques. »
Les temporisations de l’ARS
L’Agence régionale de santé note aussi à l’issue de cette visite la difficulté d’accès des brancards-douche et lève-malade dans les chambres mais, s’étonne la Chambre « sans pour autant inviter l’établissement à accélérer l’élaboration d’un projet de reconstruction. »
Contactée par Rue89 Strasbourg, l’ARS n’a pas répondu aux questions sur la situation des Ehpad mulhousien et produit une réponse écrite, globale et non chiffrée sur la restructuration et la fusion des offres de soins entreprise il y a plusieurs années :
« Le travail doit être poursuivi, avec le soutien de l’ARS, pour consolider ces opérations et garantir une structuration de l’offre cohérente et soutenable. Ce soutien de l’ARS se manifeste notamment, au plan des investissements, par des aides significatives à la reconstruction des urgences – réanimations et des Ehpad du site mulhousien du GHRMSA. »
Vue de l’hôpital Emile Müller à Mulhouse Photo : GHRMSA / doc remis
Sollicité par Rue89 Strasbourg, le GHRSMA répond avoir adopté un plan d’actions suite à ce rapport de la Chambre régionale des comptes avec plusieurs mesures :
« (…) nombre d’entre elles sont formalisées déjà dans le projet d’établissement 2021-2025, comme la reconstruction de l’Ehpad mulhousien et la réalisation des évaluations internes et externes dans le secteur médico-social. »
Destinataire comme l’ARS d’un rapport sur la situation des Ehpad du groupe, la Collectivité européenne d’Alsace n’a pas répondu à nos questions.
La polyclinique des Trois frontières
Le rapport de la juridiction financière souligne aussi le dispositif problématique mis en place dès 2013 avec la polyclinique des Trois frontières à Saint-Louis. Lorsque poussé par l’ARS, le GHRMSA se rapproche de cette structure privée en difficulté, pour y développer ses activités afin de répondre aux besoins d’un bassin de population 92 000 personnes, il acquiert 80% des parts sociales, et assume les charges et les dettes de la structure d’ensemble à 95%. La Chambre régionale des comptes relève :
« Ces engagements au sein de cette structure présentent des risques financiers et la chambre relève en outre une complexité juridique, un manque de transparence, ainsi qu’une irrégularité financière entre les deux structures. »
Grâce à cette opération, la polyclinique des Trois frontières a échappé à la liquidation financière, et en vertu d’un jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 10 novembre, a été cédée au GHRMSA. Mais le plan de reprise prévoit que 30% du personnel sera licencié. Sur place, beaucoup s’alarment de la disparition de services essentiels (endoscopie, chirurgie par exemple), comme rapporte L’Alsace.
Sollicité, le GHRSMA renvoie à un communiqué de presse diffusé au début du mois où il met en avant le maintien des urgences 24h/24, des « consultations de médecine de spécialités et de chirurgie » et l’installation prochaine d’une « unité de psychiatrie de l’adulte et de l’enfant ».