Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

À Molsheim, une classe d’enfants autistes exclue de la cantine scolaire

À Molsheim, une classe d’enfants autistes exclue de la cantine scolaire

Depuis le 1er septembre, neuf enfants autistes prenaient leur repas de midi avec les autres élèves de l’école de la Monnaie à Molsheim. Mais le 8 novembre, leur accueil a pris fin et les enfants ont été renvoyés dans une petite salle annexe. La municipalité invoque un « manque de place ». Les parents, choqués, dénoncent une discrimination.

« Comme par hasard, ce sont nos enfants qu’on exclut de la cantine quand il n’y a plus de place ! », « On ne va pas se laisser faire, on ne déplace pas nos enfants comme des pions. » Gulistan et Mina sont en colère. Toutes les deux sont mamans d’enfants autistes, élèves de la classe UEA (Ulis École Autistes) à l’école de la Monnaie de Molsheim.

« C’est une école extraordinaire, qui aide vraiment nos enfants dans leurs apprentissages », avance tout de suite Mina, 44 ans : « Mais dans cette histoire, c’est la municipalité qui a mis fin à l’inclusion de nos enfants à la cantine, et on ne comprend pas pourquoi. »

À la cantine de Metz, pas de menus halal ni casher. (Photo Ville de Metz)
Photo d’illustration. Photo : Ville de Metz / document remis

Les deux mères quadragénaires tiennent d’abord à rappeler à quel point le dispositif scolaire de leurs enfants est satisfaisant. Accueillis au sein de cette classe spécifique UEA depuis 2003, fruit d’un partenariat avec l’association Adapei – Les Papillons Blancs, l’Éducation nationale et la Ville de Molsheim, ils bénéficient d’un enseignement sur mesure. « Nos enfants sont chanceux de ce côté-là, nous le savons », mesure Mina. Elle raconte l’immense atout de cette classe, le fait de proposer, progressivement, l’inclusion de ces élèves atypiques :

« Nous nous battons pour eux, depuis qu’ils sont tout petits, pour cette inclusion. Petit à petit, nos enfants vont vers les autres et vice-versa. »

Deux ans de travail pour inclure ces enfants à la cantine scolaire

La jeune mère de 44 ans raconte comment, dans ce souci d’inclure ces enfants au reste de l’école, l’association de l’Adapei « a fait un énorme travail en amont, depuis deux ans, pour les intégrer, dans le cadre des repas scolaires, avec les autres enfants. »

Gulistan, la maman du jeune Servan, 10 ans, explique en effet qu’avant la rentrée 2022, les enfants de la classe UEA prenaient leur repas à part, dans une petite salle de l’école de la Monnaie, tandis que les autres élèves de l’école sont accueillis dans la Maison des Élèves, située juste en face de l’école. Il a donc fallu apprendre à ces enfants de l’UEA, qui parfois n’utilisent pas la parole pour communiquer, à vivre en collectivité et à prendre leur repas dans le bruit d’une salle commune.

Mina parle de sa joie, lorsqu’en juillet, la Ville de Molsheim leur a fait savoir que le dispositif était lancé : « vos enfants peuvent manger avec les autres élèves à partir de la rentrée 2022. »

« On était ravies, en juillet, quand on nous a demandé d’inscrire nos enfants à la cantine, comme tout le monde ! On l’a fait tout de suite, évidemment ! »

Elle se rappelle des retours des éducateurs et des auxiliaires de vie scolaire (AVS) faits aux parents :

« Tout allait bien, on a cru comprendre que c’était très intéressant pour les enfants, qui se sont retrouvés en immersion totale, à participer à la société en quelque sorte ! »

Mais début novembre, c’est la douche froide.

Fin du dispositif d’accueil le 7 novembre

Gulistan raconte :

« C’est l’association qui nous a appris que le dispositif prenait fin, pendant les vacances de la Toussaint. Ils avaient reçu un courrier de la mairie, leur indiquant que c’était terminé, pour un motif ”d’intérêt général” et de manque de place. »

En effet, dans ce courrier envoyé par la Ville de Molsheim à l’association Adapei, les services municipaux expliquent que la convention d’accueil des enfants de l’Ulis école autisme au sein du service périscolaire de la Ville de Molsheim est résiliée :

« Nous vous informons de la nécessité de résilier la convention pour motif d’intérêt général à partir du 8 novembre 2022. » La municipalité explique ensuite que « le nombre maximum d’enfants pouvant être accueillis à la Maison des Élèves est de 226 » et que depuis la rentrée « celui-ci est quotidiennement atteint, rendant impossible pour certaines familles l’inscription de leur enfant jusqu’à fin décembre 2022 ».

Conclusion : « l’accueil des enfants de l’Ulis autisme, en plus de l’effectif autorisé, n’est malheureusement plus envisageable dans ce contexte. »

« Nos enfants avaient bien leur place à la rentrée ! »

Les deux mères ne croient pas à cette histoire de surnuméraire : « Ce que je ne comprends pas, explique Mina Goullet, c’est pourquoi ce sont uniquement nos enfants qui sont visés ? Juste nos neuf enfants ? » La jeune maman renchérit :

« Si nous n’avions pas inscrit nos enfants en temps et en heure à la cantine, je l’aurais compris, mais là l’inscription s’est faite dans les temps. J’ai inscrit mon fils dès juillet pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre. Et à la rentrée, je l’ai même inscrit jusqu’en juin 2023 ! Et je sais que les neuf familles ont fait de même. Donc pourquoi on va chercher nos enfants pour les retirer du système de cantine ? Ils avaient leur place réservée, comme les autres ! »

La façon de procéder de la mairie a également choqué les familles :

« On ne nous a pas prévenu. Le courrier a été envoyé, pendant les vacances de la Toussaint, à l’association. C’est l’Adapei qui nous a contactés. Il fallait prévenir les enfants, les préparer à ce changement important. Ce sont des enfants qui ont besoin de cadres stables et d’habitudes. C’était un bouleversement important pour eux. »

Pour Mina, la Ville de Molsheim discrimine ces enfants porteurs de handicap. « Un comble pour une municipalité qui a obtenu le label ”Ville Amie des Enfants” de l’Unicef« , lance, ironique, la quadragénaire en colère.

« Nous avons voulu leur épargner un stress supplémentaire » dit la municipalité

Du côté de la Ville de Molsheim, le maire Laurent Furst (Les Républicains) n’ayant pas pu répondre à nos questions, c’est son adjointe chargée des affaires scolaires et périscolaires qui a expliqué la position municipale. Sylvie Teterycz affirme ne pas « trop comprendre » la position des parents, ni leur ressentiment.

cantine scolaire (Photo Bread for the World / FlickR / CC)
Photo d’illustration. Photo : Bread for the World / FlickR / cc

L’élue explique qu’il s’agit au contraire d’un geste censé apporter « une qualité de service » à ces enfants :

« Malheureusement cette année, nous avons dépassé la capacité de la Maison des Élèves, qui est de 226 places. Il nous faudrait 15 places de plus. Donc aujourd’hui, nous avons des enfants qui ne peuvent pas manger tous les jours à la cantine de Molsheim. Et je parle de tous les enfants ! Ce sont des enfants dont les parents vivent des situations de stress, quand, au moment de s’inscrire sur la plateforme de la cantine chaque semaine, ou chaque début de mois, ils reçoivent un refus car le quota de place est atteint. Nous avons voulu épargner ce stress-là et cette angoisse aux parents de la classe Ulis. »

Mais les parents des neuf enfants de la classe Ulis avaient inscrit leurs enfants pour l’année scolaire jusqu’en juin 2023. Ils n’étaient donc pas concernés par ce « stress » de ne pas avoir de place… Un argument que Sylvie Teterycz semble ne pas entendre. Elle insiste et assure que la Ville « ne discrimine pas » et « pensait bien faire. »

L’élue rajoute également, un brin équivoque :

« Il me semblait que c’était un confort et un avantage de leur proposer cette petite salle, mais si c’est pris comme quelque chose de négatif, peut être que Molsheim n’est pas adapté pour ces familles, qui ne sont pas de Molsheim d’ailleurs, je tiens à le préciser ! »

« On pourrait attendre de la municipalité qu’elle accueille à égalité les élèves »

Du côté de l’association APF France Handicap, on explique que juridiquement, la municipalité de Molsheim n’est pas dans l’illégalité, malgré la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes en situation de handicap qui appelle à l’inclusion :

« Isoler un groupe d’élèves autistes, du reste des élèves valides, ça peut être perçu comme une forme de discrimination par les parents et les élèves en question, mais légalement, je ne suis pas sûr qu’on puisse imposer quoi que ce soit à la mairie. Comme la municipalité continue de proposer un accueil et un repas à ces enfants, les parents ne peuvent pas faire grand chose juridiquement. »

Mais ce membre d’APF Handicap, qui préfère rester anonyme, ajoute :

« L’important, c’est de continuer le dialogue, tout en étant ferme. Car dans l’idéal, dans le respect des institutions et de la loi, on pourrait attendre de la municipalité qu’elle accueille à égalité les élèves, qu’ils soient en situation de handicap ou valides. »

« Plus d’inclusion le midi mais les conditions n’étaient pas acceptables »

La Ville de Molsheim a donc bien reculé sur l’inclusion de ces enfants mais ce n’est pas grave selon l’adjointe Sylvie Teterycz :

« Certes, l’inclusion ne se fait plus, mais ça n’empêche pas de le faire le matin et le soir lors de l’accueil périscolaire ! Le midi, on n’a pas des conditions d’accueil acceptables : il y a beaucoup de bruit, beaucoup de mouvement… Alors qu’avec notre solution, nous donnons un environnement calme à ces enfants, et sans stress pour s’inscrire. »

Sauf que les enfants de la classe UEA ne sont pas forcément inscrits au service périscolaire du matin (avant 8h20) ou du soir (après 16h30). Et pour ce qui est du « bruit » et de l’agitation de la cantine, Gulistan et Mina l’assurent : leurs enfants étaient ravis de participer à ces repas pris en collectivité. Elles reconnaissent que « la première semaine, il y a eu quelques petites crises, mais rien d’anormal, c’était le temps de prendre leurs marques ».

Gulistan raconte même à quel point son fils Servan est déçu de ne plus manger avec ses camarades :

« Pour lui, c’était une motivation, il s’était fait des copains au périsco du midi. Maintenant, il est exclu de ce temps-là. Il est triste et me dit qu’il ne veut plus aller à l’école depuis. »

L’association Adapei a refusé de répondre à Rue89 Strasbourg mais attend beaucoup d’un rendez-vous avec Laurent Furst, prévu le 9 janvier à ce sujet.

Quiz : testez vos connaissances de l’actu strasbourgeoise en 2022

Quiz : testez vos connaissances de l’actu strasbourgeoise en 2022

Avez-vous bien lu les quelques 800 articles que Rue89 Strasbourg a publié en 2022 ? Eh bien, c’est ce que nous allons voir tout de suite grâce à notre petit quiz…

Bien que 2022 ait été une année électorale, mais si souvenez-vous, un président, des députés…, l’actualité n’a pas manqué de secouer Strasbourg cette année, sans parler de la géothermie de Fonroche. Alors comme c’est devenu une petite tradition, voici un quiz sur le traitement de l’actualité par Rue89 Strasbourg de janvier à décembre 2022.

En 2022, Rue89 Strasbourg a publié 804 articles et nos pages ont été vues 5,6 millions de fois par 3,2 millions de visiteurs ! C’est pas mal même si on aimerait qu’une part plus importante de cette audience participe à notre financement. Seules 1 700 personnes ont choisi de contribuer financièrement à l’existence d’une presse indépendante à Strasbourg, c’est trop peu ! En 2023, prenez une bonne résolution démocratique et cliquez là.

Photo : Produtora Midtrack / Pexels / cc

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N’hésitez pas à publier votre score en commentaires, même s’il n’est pas au top ! On ne juge pas promis. C’est toujours délicat pour une rédaction de savoir comment une actualité est perçue par son audience. Et d’ailleurs, nous sommes à l’écoute de vos remarques sur le travail de Rue89 Strasbourg en 2022 dans les commentaires. C’est le moment aussi de poster vos questions, demandes, suggestions ou conseils pour 2023 !

Jean Rottner rejoint un groupe immobilier privé

Jean Rottner rejoint un groupe immobilier privé

Il n’y avait pas que des raisons familiales. Une semaine après avoir annoncé sa démission de la présidence de la Région Grand Est, le groupe immobilier privé Réalités annonce que l’ancien urgentiste sera son directeur pour le Grand Est.

Avec sa démission annoncée publiquement mercredi 21 décembre 2022, Jean Rottner a suscité la surprise générale. En invoquant des « impératifs familiaux qui animent cette lourde décision », l’ancien président de la Région Grand Est se donnait un bouclier, rendant son départ plus légitime. Mais ce vendredi 30 décembre, cette décision de l’urgentiste mulhousien prend un autre sens : le groupe immobilier Réalités a annoncé l’ouverture d’une direction régionale Grand Est à l’été 2023 avec à sa tête Jean Rottner, « qui, après avoir quitté la vie publique, rejoint l’aventure entrepreunariale de Réalités », indique le groupe dans un communiqué de presse, qui n’hésite pas à insister lourdement :

« La rencontre entre Jean Rottner et Réalités, entreprise à mission, est apparue comme une évidence. L’un comme l’autre partagent le même sens de l’intérêt général, la vocation d’être utiles aux territoires et à leurs habitants, et des valeurs fortes telles que l’humanisme, l’exigence, l’optimisme. »

Jean Rottner : un carnet d’adresses rentable

Réalités est un groupe privé fondé en 2003 par son P-DG Yoann Choin-Joubert. L’entreprise se définit comme un « un groupe de développement territorial qui, résolument tourné vers l’humain, joue un rôle de passerelle entre des concepts d’usage innovants et des solutions immobilières. » Peut-être que ce charabia a fait sens pour Jean Rottner… Plus concrètement, les passerelles innovantes de Réalités lui ont permis de générer un chiffre d’affaires de 285,7 millions d’euros en 2021, en hausse de 39,5% par rapport à l’année précédente. Réalités se donne pour objectif « de réaliser en 2025 un chiffre d’affaires de 800 M€ avec un taux de résultat opérationnel de 8%. »

Sans doute que Jean Rottner sera un allié de taille pour cette entreprise « cotée sur Euronext Growth Paris depuis 2014 ». L’ancien élu de 55 ans, ex-maire de Mulhouse puis président de la Région Grand Est pendant cinq ans, possède un carnet d’adresses très rentable pour un groupe dont les clients sont souvent des acteurs publics. Le groupe Réalités se félicite aussi d’avoir débauché l’ancien président de la Fédération nationale des agences d’urbanisme depuis 2014.

Validé avec réserve par l’autorité de transparence

Saisie dès juillet, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a rendu un avis en septembre sur ce passage au privé de Jean Rottner. Elle estime que ses anciennes et nouvelles fonctions sont compatibles avec une réserve (voir l’avis complet) :

« Monsieur Rottner devra s’abstenir, dans le cadre de son activité privée, d’accomplir toute démarche, y compris de représentation d’intérêts, auprès des élus et des agents de la région Grand Est et des établissements publics qui en relèvent. En application des dispositions de l’article 23 de la loi du 11 octobre 2013, cette réserve, dont les effets s’imposent à Monsieur Rottner pendant trois ans à compter de la cessation de ses fonctions exécutives locales, fera l’objet d’un suivi régulier par la Haute Autorité. »

Pour les proches, « un changement de vie tout à fait respectable »

Parmi ses alliés, l’ancien président de la Région trouve des soutiens inconditionnels. L’ex vice-président en charge des transports et actuel député apparenté Renaissance David Valence ne souhaite pas commenter ce pantouflage :

« Pour Jean, la vie publique est un engagement, pas un métier. Il a pris sa décision et elle doit nous faire réfléchir sur ce que sont les contraintes et exigences des mandats électoraux : le fait d’être exposé en permanence, le fait d’avoir très peu de temps pour ses proches, c’est plus exigeant que beaucoup de postes à responsabilités et beaucoup de citoyens le comprennent mal. »

Le discours est similaire du côté de l’actuel vice-président en charge des transports et maire d’Illkirch-Graffenstaden, Thibaud Philipps (Les Républicains), qui parle d’un « changement de vie tout à fait respectable ». L’élu local n’est pas surpris de cette décision de Jean Rottner :

« La carrière d’urgentiste et la carrière politique comportaient toutes les deux des rythmes compliqués. Aller dans un groupe privé peut permettre de se dégager du temps et de respecter un meilleur équilibre avec la vie privée. »

« Ça s’appelle du pantouflage et c’est décevant »

Du côté de l’opposition au conseil régional, la présidente du groupe écologiste Éliane Romani (EELV) se montre plus critique :

« Jean Rottner intègre le privé en utilisant les réseaux qu’il a développé dans le cadre de ses fonctions de président de région. J’imagine qu’il le fait pour une rémunération importante et pour une fonction qui s’apparente à du lobbying. Ça s’appelle du pantouflage et c’est décevant. Ça ne fait pas du bien à la démocratie. Les gens élisent des politiques pour qu’ils aillent au bout du mandat. Ce type de choix alimente la défiance des citoyens… »

Les cadres socialistes bas-rhinois prêts à débarquer Olivier Faure

Les cadres socialistes bas-rhinois prêts à débarquer Olivier Faure

Les socialistes sont appelés à choisir l’orientation politique de leur parti en janvier. Trois textes sollicitent l’approbation des militants mais c’est surtout les relations avec La France insoumise qui sont en débat. Revue des positions des élus et des cadres socialistes alsaciens.

Jeudi 12 janvier, les quelque 20 000 militants socialistes français, dont environ 300 alsaciens, vont devoir choisir entre trois « textes d’orientation politique ». Si les écarts programmatiques ne sont pas très profonds,

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Rassemblement vendredi en hommage à Mohammad Moradi, iranien de Lyon mort pour un sursaut

Rassemblement vendredi en hommage à Mohammad Moradi, iranien de Lyon mort pour un sursaut

Alors que les nouvelles de la révolte et de sa répression en Iran sont terribles, le Collectif de soutien strasbourgeois appelle à un rassemblement en hommage à Mohammad Moradi, qui s’est suicidé à Lyon pour que l’attention médiatique ne retombe pas.

Le Collectif de soutien au peuple iranien de Strasbourg (Csapi) appelle à un rassemblement vendredi 30 décembre à 15h place de Bordeaux à Strasbourg, en hommage à Mohammad Moradi. Cet Iranien de 38 ans s’est suicidé lundi à Lyon, en se jetant d’un pont sur le Rhône. Il voulait attirer l’attention sur la révolte en cours en Iran, brutalement réprimée par la dictature religieuse.

« Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort, » a prononcé Mohammad Moradi en persan et en français dans une vidéo de deux minutes, postée sur plusieurs réseaux sociaux quelques instants avant de passer à l’acte.

Photo : doc remis

En Iran, la répression s’en prend désormais à tous les artistes et les figures publiques qui pourraient soutenir le mouvement débuté mi-septembre après l’assassinat par la police religieuse de Masha Jina Amini parce qu’elle refusait d’ajuster son voile. Dans des tribunaux révolutionnaires, des condamnations à mort sont prononcés pour « offense contre Dieu » ou « corruption sur la terre » alors que les avocats qui s’y présentent pour défendre les manifestants sont arrêtés à leur tour et détenus au secret…

Chaque jour qui passe apporte son lot d’horreurs et de crimes contre l’Humanité. Dans ces conditions, le silence de la communauté internationale, et de la France en particulier, révolte les Iraniens en exil.

Couvre-feu et réseau CTS interrompu pendant la nuit du Nouvel an

Couvre-feu et réseau CTS interrompu pendant la nuit du Nouvel an

La préfecture du Bas-Rhin, la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg ainsi que la CTS ont mis en place une série de dispositifs spécifiques pour la nuit du Nouvel an.

C’est la fête mais Strasbourg se claquemure lors de la nuit du Nouvel an. La préfecture du Bas-Rhin a reconduit son arrêté interdisant aux mineurs de moins de 16 ans non accompagnés de circuler du samedi 31 octobre à 22h au dimanche 1er janvier 6h à Strasbourg, Hoenheim, Bischheim, Schiltigheim, Illkirch-Graffenstaden, Lingolsheim et Ostwald.

Mais la nouveauté 2022, c’est l’annonce par la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) d’interrompre totalement le trafic à partir du samedi 22h jusqu’au dimanche à 2h30, soit plus de quatre heures pendant lesquelles les Strasbourgeois sont priés de trouver un autre moyen de transport… Rappelons que plusieurs zones des quartiers périphériques de Strasbourg et dans certaines communes de l’Eurométropole doivent en outre être débarrassées de leurs véhicules à ces mêmes horaires (voir l’article dédié).

Une dizaine de lignes sont prévues pour fonctionner durant la nuit mais pas entre 22h et 2h30. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Pour justifier cette interruption totale, la CTS indique à France 3 Alsace que « les difficultés de sécurité et de sécurisation du réseau cette nuit-là ont conduit à cette modification, la nuit de la Saint-Sylvestre étant régulièrement le théâtre d’incendies et de jets de projectiles. »

Pétards et alcool interdits

En outre, il est interdit de transporter ou d’utiliser des feux d’artifices partout en Alsace en décembre et particulièrement le 31, la consommation d’alcool sur la voie publique est également interdite du samedi midi au dimanche midi. Enfin, ne profitez pas de cette période pour aérer votre bidon d’essence, c’est aussi interdit par les préfectures du Bas-Rhin et du Haut-Rhin jusqu’au mardi 3 janvier.

Samedi à partir de 19h30 et jusqu’à 22h30, puis le dimanche de 2h à 4h30, la CTS propose une offre de transports adaptée à la nuit de la Saint-Sylvestre. Les trams ne circuleront que toutes les 30 minutes avec une fusion des lignes E et F. Une dizaine de lignes de bus circuleront toutes les heures, avec des itinéraires modifiés pour les lignes L6, 2 et 17/19. La station souterraine de la Gare de Strasbourg n’est pas desservie durant ce dispositif spécial.

Le dispositif spécial de la CTS durant la nuit du Nouvel an – cliquez pour l’agrandir Photo : document CTS

« À la fin de ma détention, sans logement, on m’a dit d’appeler le 115 »

« À la fin de ma détention, sans logement, on m’a dit d’appeler le 115 »

« Parole aux taulards » – Épisode 7. Une fois libérés, les détenus de la maison d’arrêt doivent retrouver un travail et parfois un logement. Mais le manque de moyens des services pénitentiaires complique souvent la sortie de prison.

Six mois avant la fin de sa détention, Valentin (les prénom des détenus ont été modifiés) commence à préparer sa sortie de la maison d’arrêt de Strasbourg. Son principal souci : trouver un toit. Le prisonnier s’adresse donc au Service de probation et d’insertion professionnel (Spip) pour obtenir de l’aide. Mais la réponse se fait attendre. « En fait, le Spip c’est un sketch. Pendant six mois j’ai attendu et à la fin de la détention, ils m’ont écrit pour me dire d’aller au 115 (numéro d’appel pour l’hébergement d’urgence, NDLR). » Pour éviter de dormir dehors, Valentin sera contraint de revenir vivre chez sa mère.

Le personnel d’insertion toujours moins disponible

Valentin en veut au Spip, qu’il juge de moins en moins efficace. « Lors de mes précédentes détentions, j’arrivais à voir mon conseiller toutes les deux semaines ou tous les mois. Maintenant, celui qui t’aide à préparer la sortie, tu le vois à peine tous les trois mois… » Même sentiment du côté d’Achraf :

« Quand j’étais à l’Elsau en 2017, le Spip me convoquait pour savoir ce que je voulais faire. Cette année, ça fait 19 mois que je suis là. J’ai dû écrire à ma conseillère pour la voir en mars. J’attends toujours le rendez-vous Pôle emploi que la conseillère m’a promis… »

Entre recherche de travail ou de logement, la sortie de prison est souvent complexe. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Sorti de prison en octobre 2022, Mohamed s’estime chanceux : « Je fais clairement partie de l’exception », indique-t-il avant de préciser sa pensée : contrairement à beaucoup de détenus, sa famille l’a toujours soutenu et il a bénéficié d’un accompagnement précieux avant sa libération. L’ancien prisonnier de 50 ans évoque tout d’abord son addiction à la méthadone : « Toutes les semaines, j’allais voir la psychiatre. Ça m’a d’abord permis de passer à une dose quotidienne inférieure à 10 milligrammes. Aujourd’hui, je suis très fier de ne plus toucher aucun traitement de substitution depuis un an. »

Un permis cariste et de l’aide de sa fille

Père de trois enfants et grand-père depuis peu, Mohamed voulait s’en sortir. Après avoir travaillé trente ans dans la livraison, son dos ne supportait plus le port de charges lourdes. Il était aussi fatigué du stress lié à des tournées toujours plus chargées. Alors le détenu envoie une requête à la direction d’établissement pour suivre une formation de magasinier-cariste. La première demande est refusée, une sanction pour avoir tenté de faire passer un téléphone au parloir. La seconde requête est la bonne. Du 6 au 9 septembre, Mohamed apprend à conduire l’engin utilisé pour charger et décharger les poids lourds :

« C’était vraiment quatre jours agréables. Le responsable formation nous accompagnait à Illkirch. Là-bas, on était vus comme des gens normaux. »

En sortie de détention, la recherche d’un travail est l’un des défis qui s’imposent aux anciens prisonniers. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Fin septembre, Mohamed obtient son permis cariste. Il le transmet rapidement à sa fille. « Elle m’a créé des comptes dans plusieurs agences d’intérim », raconte le Strasbourgeois, le sourire aux lèvres :

« Quand je suis sorti de prison, je croulais sous les propositions de travail. J’ai fait encore deux semaines de livraison mais j’ai pas tenu. J’ai terminé la livraison le vendredi et le lundi je commençais un nouveau travail. »

« Ils sont tous obligés de faire avec les moyens du bord »

« Je n’ai aucun regret quant à ma peine à la maison d’arrêt de Strasbourg », assure l’ancien détenu avant de raconter la zone scolaire, ses cours d’anglais et d’information, un séminaire de 15 jours sur les religions et une visite de la cathédrale. Mais Mohamed est conscient de la chance qu’il a eue :

« La zone scolaire et le Spip n’ont pas les moyens d’accueillir tout le monde. C’est comme la psychiatre qui me disait qu’elle aimerait voir plus de monde, mais qu’elle n’a pas le temps. Ils sont tous obligés de faire avec les moyens du bord. Il faut être patient. Personnellement, j’ai envoyé une trentaine de requêtes pour travailler à l’atelier. Je n’ai jamais obtenu de réponse. »

Sur un mur de la maison d’arrêt de Strasbourg : « La prison c’est dur. La sortie c’est sur Inchalah » Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

De son bâtiment à la maison d’arrêt, Mohamed a vu les difficultés de nombreux détenus :

« Il y en a qui sortent sans travail, sans appartement, avec 20 euros en poche. D’autres ont un problème d’addiction et vous le disent : en sortant la première chose qu’ils feront, c’est acheter un gramme de coke ou d’héro. »

Lors de sa détention, l’ancien prisonnier a vu ces codétenus sortir… puis revenir après un vol à l’arrachée. « Pour aller chercher de la drogue en sortant de la maison d’arrêt, il suffit de traverser la rue à l’Elsau… », dit-il.

« On recommence constamment le suivi des détenus »

Sous couvert d’anonymat, un salarié du Spip a accepté de répondre à Rue89 Strasbourg à propos du manque de moyens dénoncés par les détenus. Camille (le prénom a été modifié) commence par répondre sur la problématique de l’hébergement. « Beaucoup de détenus sortent sans logement. C’est un problème qu’on avait beaucoup moins avant », reconnaît-il. Et le travailleur social d’évoquer la pénurie de places en hébergement d’urgence :

« Avant, on était en contact avec le centre d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale. On appelait le chef de l’établissement et ça permettait à leurs travailleurs sociaux de reprendre le travail d’accompagnement engagé. Aujourd’hui, il y a une rupture systématique de l’accompagnement à cause du manque de logement. Donc on a de plus en plus recours au 115 et il faut sans cesse recommencer le suivi des détenus. »

Le salarié du Spip de Strasbourg ne s’étonne pas des critiques des détenus. Il explique la situation par « un sous-effectif constant notamment lié à des arrêts maladies pour surmenage ». Le résultat : « Normalement, un conseiller Spip doit suivre 60 détenus. Aujourd’hui, on doit plutôt suivre 100 à 115 personnes », regrette Camille :

« Puisqu’on ne répond pas à certaines de leurs demandes, les détenus sentent bien qu’on n’est pas assez disponible pour construire une relation de confiance et éviter la récidive. Et on ne parle pas de ceux qui n’ont aucun suivi parce qu’ils ne font aucune requête… »

Las face à une telle situation, Camille dénonce avec amertume l’inefficacité du système carcéral :

« On est tellement englué dans notre quotidien de pénurie qu’on ne règle rien. La prison ne devient qu’un coût pour la société. »

Contactée, la direction régionale de l’administration pénitentiaire a refusé de répondre à Rue89 Strasbourg.

Où planquer sa voiture le soir du Nouvel an à Strasbourg ?

Où planquer sa voiture le soir du Nouvel an à Strasbourg ?

Certaines rues dans les quartiers excentrés de Strasbourg seront interdites au stationnement le samedi 31 décembre tandis qu’une dizaine de parkings surveillés sont proposés aux habitants pour protéger leurs véhicules.

Comme chaque année à la Saint-Sylvestre, quelques personnes ne vont pas manquer de tenter d’incendier des véhicules garés dehors dans les quartiers périphériques de Strasbourg. Afin de protéger les véhicules de cette triste manie, et d’éviter aux habitants de débuter la nouvelle année par une déclaration de sinistre, l’Eurométropole de Strasbourg propose aux riverains des zones habituellement choisies par les incendiaires de mettre à l’abri leurs voitures dans une quinzaine de parkings dédiés, gratuits et gardiennés à partir du samedi 31 décembre à 15h.

À la Cité de l’Ill, plusieurs voitures ont été la cible des incendiaires en décembre 2020 (doc remis)Photo : doc remis
    Cité de l’Ill : Parking du centre funéraire du cimetière nord, rue de l’Ill à Strasbourg, Cronenbourg / Hautepierre : Parking relais-tram Ducs d’Alsace, rue des Ducs à Strasbourg, Elsau : Parking relais-tram Elsau, 22 rue Eugène Delacroix à Strasbourg, Esplanade / quartier des XV : Parking du Parc de la Citadelle, rue de Boston à Strasbourg, Gare / Koenigshoffen / Montagne Verte : Parking relais-tram des Romains, 2 route des Romains à Strasbourg, Meinau : Stade de la Canardière, rue du Baggersee à Strasbourg, et le parking relais-tram Baggersee, 10 rue de Cannes à Illkirch-Graffenstaden, Musau : Parking du centre de formation de conduite, rue Ampère à Strasbourg, Neuhof : Piscine de la Kibitzenau, 1 rue de la Kibitzenau à Strasbourg, Port du Rhin : Parking jardin des Deux-Rives, rue des Cavaliers à Strasbourg, Poteries-Hohberg : Parking relais-tram poteries, avenue François-Mitterrand à Strasbourg.
Plan des zones interdites au stationnement et des parkings mis à disposition Photo : document EMS

En outre, certaines rues seront vidées de leurs véhicules, et probablement remplies de forces de l’ordre, histoire de mettre une bonne ambiance de fête. Voici la liste des rues où tout stationnement est interdit, sur arrêté municipal, à partir du samedi 31 décembre à 8h et jusqu’au dimanche 1er janvier, voire lundi 2 janvier selon les cas, à 8h. Des panneaux précisent ces interdictions sur les sites concernés.

Grâce à vos abonnements, 10 articles ont changé les choses dans le logement, l’éducation ou la santé de Strasbourgeois…

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Des locataires aidés gratuitement par un cabinet d’avocats. Une directrice d’école qui obtient enfin un professeur remplaçant. Une usine sanctionnée pour son incurie ou une enquête ouverte sur un décès suspect à l’hôpital. Grâce à vos abonnements, Rue89 Strasbourg peut changer les choses. Sélection de notre impact en 2022.

S’abonner à Rue89 Strasbourg ne permet pas seulement de découvrir chaque semaine des informations exclusives, issues d’enquêtes au long-court. Verser cinq euros par mois, ou cinquante euros par an, à un média local et indépendant, c’est donner la parole à celles et ceux qui l’ont rarement. Car la rédaction est extrêmement attentive à vos messages, par mail ou par téléphone, sur les réseaux sociaux ou au détour d’une conversation. Soutenir Rue89 Strasbourg par l’abonnement, c’est permettre aux lanceurs d’alerte alsaciens d’être écoutés et de bénéficier d’un journalisme qui prend le temps d’enquêter et d’assurer la protection de ses sources. Concernant votre média d’investigation local à Strasbourg et en Alsace, c’est aussi l’assurance d’une couverture des manifestations et autres mobilisations sociales.

Les impacts de vos alertes et de nos enquêtes

C’est ainsi que chaque année, notre petite équipe d’une douzaine de « journalistes engagés pour la justice sociale, le respect des minorités ou la protection de l’environnement », parvient à changer les choses localement. Ainsi en août, un article a raconté les souffrances de locataires face à un nouveau propriétaire aux méthodes oppressantes. La publication de leur nouveau quotidien a permis à ces habitants de bénéficier d’une aide gratuite de plusieurs avocats.

En mai, notre couverture d’une mobilisation de parents d’élèves à l’école maternelle de la Musau a donné l’écho nécessaire auprès des décideurs pour que la directrice d’établissement obtienne une professeure remplaçante. En septembre, c’est une alerte déposée sur notre plateforme anonyme et sécurisée qui a permis de dénoncer une arnaque en ligne ciblant les acheteurs de vélos

Puis il y a nos enquêtes, qui peuvent prendre plusieurs mois et qu’on poursuit parfois sur plusieurs années. Citons par exemple notre suivi des hooligans néonazis de Strasbourg Offender, une dénonciation qui date de 2019 sur Rue89 Strasbourg et qui en 2022 se retrouve dans médias pour des perquisitions pour trafic d’armes, menaces contre l’un de nos journalistes et alerte des services de renseignements en marge du match France – Maroc.

Le temps long indispensable pour agir

Autre obsession de Rue89 Strasbourg : l’incinérateur des déchets de Strasbourg, sur lequel nous alertons depuis son redémarrage en 2019. Le premier article concernant l’exposition des ouvriers aux cendres hautement cancérigènes date de 2014 ! Après plusieurs articles publiés sur ce sujet entre 2020 et 2022, l’État a décidé d’obliger l’exploitant à payer une amende de 10 000 euros pour son incurie. Pas sûr que le groupe Séché, côté à la Bourse de Paris, change ses pratiques après cet avertissement, mais nous serons là pour le vérifier, aux côtés des ouvriers exposés ! Si cette mission vous semble importante, abonnez-vous pour nous encourager à suivre ce dossier.

La protection de l’enfance est une autre thématique d’investigation pour Rue89 Strasbourg. Elle épouse notre ligne éditoriale puisqu’elle est souvent alimentée par des alertes de terrain (travailleurs sociaux ou parents), qui suscitent des enquêtes au long-cours (voir les investigations de Thibault Vetter ou Maud de Carpentier) et entrainent parfois des changements concrets. C’est le cas ici puisque le budget alloué à la protection de l’enfance par la Collectivité d’Alsace a récemment augmenté. Les impacts sont rarement suffisants mais ils apportent parfois une dynamique après des mois ou des années d’immobilisme.

Objectif : 3 000 abonnés

Fin 2022, Rue89 Strasbourg a passé la barre des 1 700 abonnées et abonnés, soit 200 soutiens réguliers de plus que l’année dernière. Grâce à ce soutien direct et renouvelé, ainsi qu’à travers du financement participatif lancé pour notre dixième anniversaire, nous avons pu accroître nos effectifs en embauchant Thibault Vetter. Nous espérons poursuivre cette dynamique jusqu’à obtenir 3 000 abonnés directs, ce qui nous permettra d’être rentable tout en rémunérant nos journalistes salariés à un niveau plus en accord avec leurs qualifications et leur engagement.

Vous en voyez d’autres ? Nombre de nos impacts ne sont pas connus de la rédaction, n’hésitez pas à indiquer les effets de nos articles que vous auriez constaté autour de vous en commentaires.

Les bailleurs sociaux sont parvenus à se débarrasser d’Alis, association de locataires indépendante

Les bailleurs sociaux sont parvenus à se débarrasser d’Alis, association de locataires indépendante

L'Association des locataires indépendants de Strasbourg (Alis) n'a pas été en mesure de présenter des candidats aux élections des représentants des locataires des bailleurs sociaux. Les bailleurs se sont unis pour leur barrer l'accès, suite aux méthodes violentes et radicales d'Alis, considérées comme des intimidations par les bailleurs.

Aucun candidat de l'Association des locataires indépendants de Strasbourg (Alis) n'a pu se présenter aux élections des représentants de locataires auprès des bailleurs sociaux strasbourgeois, qui ont eu . . .

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Démocratie participative : les habitantes de la cité du Neuhof conservent un précieux bus

Démocratie participative : les habitantes de la cité du Neuhof conservent un précieux bus

Dans le plan initial de réorganisation des transports publics de la zone Neuhof-Meinau, l’Eurométropole et la CTS ont envisagé de supprimer la desserte de la cité du Neuhof à la rentrée 2023. La concertation a permis d’infléchir ce plan, au bénéfice des femmes, premières usagères.

Il n’est pas encore 6h et la nuit enveloppe l’arrêt Kiefer, sur la ligne du bus 14, qui emmène les habitants du Neuhof vers le centre-ville. La journée s’annonce pluvieuse. Comme chaque matin, aux pieds des barres d’immeubles, en plein cœur de la cité, Danijela attend de s’embarquer pour un trajet de près d’une heure jusqu’à Illkirch-Graffenstaden, où elle travaille comme couturière aux ateliers du théâtre national de Strasbourg. La jeune femme vient d’emménager dans le quartier et se veut enthousiaste :

« J’habite à deux minutes de mon arrêt, c’est très pratique. »

À 5h30, les premiers usagers prennent le chemin de leur lieu de travail. Parmi eux ce jour-là, on ne compte pratiquement que des femmes au départ de l’arrêt Kiefer. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Elle et les autres usagères de ce petit matin ont pourtant bien failli perdre leur précieuse station desservie toutes les quinze minutes. En septembre 2023, le plan de circulation des bus de la zone Meinau-Neuhof va connaître une réorganisation d’ampleur. En mars dernier, lors d’un atelier de démocratie participative au Stockfeld, l’Eurométropole avait présenté le projet de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) de supprimer la ligne 14 au profit de lignes de bus renforcées desservant les bords de la cité. Avec seulement 1 250 montées et descentes quotidiennes selon une enquête de mobilité réalisée en 2019, le bus 14 n’était pas assez fréquenté pour la CTS.

L’idée était de renvoyer les usagers des actuels arrêts Saint-Christophe, Hautefort et Kiefer à la marche ou au vélo pour rejoindre les arrêts Rodolphe Reuss du tram C et de la future ligne de bus renforcée L8, ex-ligne 24 reliant le quartier du Stockfeld au centre-ville, ou alors la future ligne renforcée L7 reliant le Port du Rhin au Baggersee.

L’arrêt Kiefer est celui par lequel le bus entre au centre de la cité du Neuhof. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Compliqué avec les tout petits

Zdenka habite juste à côté de l’arrêt Kiefer. Elle doit prendre son poste tout à l’heure à la Kibitzenau :

« J’ai une fille de trois ans. Maintenant que je travaille tôt le matin, c’est ma mère qui l’emmène à l’école Reuss, à dix minutes à pieds ou trois arrêts d’ici. Sans bus, avec des tout petits, c’est très compliqué à pied. »

Zdenka n’était pas informée de la tenue des ateliers de démocratie participative. Mais elle était présente cet été quand des élus et des sondeurs de la CTS sont venus demander aux habitants des environs leurs avis sur une possible suppression de l’arrêt Kiefer. L’arrêt de tram Rodolphe Reuss est certes à 5 minutes à pieds de celui-ci, mais à plus de 10 minutes des habitations les plus éloignées :

« On a tous répondu que ce serait compliqué. Mais on ne peut rien faire de plus de toute façon. »

Zdenka rappelle que le bus est essentiel pour les mamans avec de jeunes enfants. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Les inquiétudes des usagers ont cette fois été prises en compte. Pendant l’atelier de quartier au Stockfeld en mars dernier, des associations ont identifié le problème. Deux mois plus tard, fin avril, une assemblée de quartier au sud du Neuhof, confirmait aux habitants présents le projet de suppression de la desserte au cœur de la cité. L’Association des résidents du grand Neuhof a alors lancé une pétition et rassemblé plus de 1 000 signatures contre la suppression de la ligne de bus 14. D’autres associations ont cherché un scénario alternatif aux côtés des élus de quartier en concentrant leur attention sur Kiefer, le point annoncé par les habitants en colère comme le plus essentiel.

Visites de terrain

Suite à cette assemblée de quartier virulente, les deux élus de quartier des parties nord et sud du Neuhof ont réalisé une tournée à vélo pour tester le scénario d’une suppression des dessertes au centre de la cité. Au début de l’été, élus, représentants de la CTS et associations ont réalisé ensemble une visite sur site, qui a démontré l’importance de maintenir l’arrêt Kiefer. Lucette Tisserand, conseillère municipale référente du nord du Neuhof raconte :

« Cette visite sur le terrain a permis de lever les doutes qu’avait encore la CTS sur le maintien de Kiefer. Nous avons réalisé notre propre comptage pour voir d’où venaient les gens qui prenaient le bus et évaluer le temps de trajet des personnes. Il en ressortait bien que Kiefer était essentiel. Prolonger une déviation de la L7 jusqu’à l’arrêt Hautefort aurait demandé de détruire des immeubles, c’était impossible. Mais c’est sûr que si il n’avait pas été décidé de maintenir Kiefer, il y aurait eu une levée de boucliers. »

Lors d’un atelier de quartier du Stockfeld fin juin, l’Eurométropole a finalement communiqué aux habitants que le décrochage jusqu’à l’arrêt Kiefer de la future ligne renforcée L7, qui passera toutes les 8 minutes, est acté. Le cœur de la cité sera toujours desservi en 2023.

Véronique s’apprête à monter dans le bus 14 pour rejoindre son poste de monteuse-câbleuse en électronique à Illkirch. « Sans bus, les personnes comme moi, à mobilité réduite, comment elles font ? », interroge-t-elle en s’appuyant sur sa canne. (Photo Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg)Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Compromis trouvé avec les associations

Il aura tout de même fallu le concours actif de plusieurs associations particulièrement vigilantes pour parvenir à modifier le tracé de la future ligne. L’association des usagers des transports urbains de Strasbourg (Astus) s’était invitée au fameux atelier de quartier sur les mobilités constitué au Stockfeld, le vieux Neuhof. De là, elle a demandé à prendre part à la réflexion concernant le nord du Neuhof, qui, lui, ne dispose pas d’atelier de quartier pour l’heure, et invité l’association Agate Neuhof, qui représente des habitants de la cité en question, à se joindre à elle. En parallèle de contacts directs avec les services de l’Eurométropole, les deux associations ont étayé leurs arguments sur le terrain. François Giordani, président d’ASTUS, salue la concertation :

« Nous avons été associés par la nouvelle municipalité à notre demande en tant qu’experts mobilité et avons accéléré l’entrée dans la boucle de l’association d’habitants du secteur. Nous ne sommes pas encore partout. Mais sur ce cas, nous avons pu réagir en amont, en co-construction, avant que le projet ne soit bouclé. Les représentants des habitants ont été entendus. »

La L7 devrait circuler de 5h à minuit

Il se satisfait aujourd’hui du compromis trouvé, même si la cité ne bénéficiera plus d’un accès direct au centre-ville :

« Au niveau de la cité du Neuhof, nous avons attiré l’attention de l’EMS sur le problème que posait la disparition des arrêts Kiefer et Hautefort. La zone de pertinence pour qu’un arrêt soit accessible à tous est d’un rayon de 400 mètres. On n’y était pas. De là, nous avons rencontré les services de l’EMS qui ont proposé une déviation de la L7 jusqu’à Kiefer. L’arrêt Hautefort entrait alors dans la zone de pertinence, à équidistance de trois arrêts.

Astus et Agate ont fait une première tournée dans le quartier pour interroger les gens. Il en ressortait que beaucoup étaient ouverts à une solution intermédiaire. Certes la zone n’est plus reliée directement au centre-ville mais elle gagne en fréquence et en amplitude de desserte, et on l’espère en temps de trajet, puisque l’objectif est aussi que les lignes aient à terme la priorité aux feux rouges. La nouvelle L7 circulera de 5h à minuit. Cela nous paraît équilibré. Bien sûr, nous restons vigilants sur tout nouveau changement dans le projet d’ici la rentrée 2023. »

Sans voiture ou sans permis, au cœur du Neuhof, les femmes comptent sur leur bus pour aller travailler. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

« Même en étant prévoyante, il m’arrive d’être en retard »

Pour Danijela, le chemin jusqu’à Illkirch-Graffenstaden sera plus court puisque la future L7 la conduira directement au Baggersee, lui évitant un détour chronophage jusqu’à la Kibitzenau, où elle fait pour le moment un changement. Le trajet d’une heure d’Hatice, auxiliaire de puériculture à Schiltigheim, sera par contre toujours aussi long. Un premier changement à Rodolphe Reuss s’ajoutera même à ceux d’Étoile Bourse et Homme de Fer.

Aujourd’hui, la mère de famille ne rentrera pas avant 20h chez elle, après sa journée de travail, ses courses, et son cours de conduite. Elle espère avoir son permis et en attendant, elle a abandonné l’idée d’utiliser le vélo, trop fatiguant. Sans compter qu’elle s’en est déjà fait voler trois dans son quartier. Pourtant, prendre le bus ne lui facilite pas la vie et la perspective qu’une nouvelle ligne prenne le relai de la 14 en empruntant le trajet de l’actuelle ligne 27 la laisse méfiante :

« Déjà comme ça, les horaires ne sont pas fiables. C’est à prendre en compte dans son temps de trajet et même en étant prévoyante, il m’arrive d’être en retard à mon travail quand même. »

Une question de sécurité

Pour Hatice comme pour les autres usagères de ce petit matin, la proximité du bus est avant tout une affaire de sécurité, et donc de liberté de mouvement, surtout à la nuit tombée :

« Pour une femme, circuler seule dans le quartier n’est pas sûre quand il fait nuit. Quand je rentre le soir, j’appelle toujours mon mari. Il surveille à la fenêtre. Si je devais rentrer à pied depuis la station de tram, à dix minutes de marche de chez moi, je lui demanderais de venir me chercher, c’est sûr. Je ne veux pas croiser de bandes de jeunes seule. »

Pour Hatice, entre deux changements, le trajet matinale en bus est aussi un moment privilégié. En ce moment, elle en profite pour lire un livre sur son portable. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Marina, agent de production à Lingolsheim, à une heure de bus, confirme :

« Je n’ai pas de voiture. Je n’ai que les transports en commun. Comment je ferais sans cet arrêt quand je travaille d’après-midi ? Il n’y a pas de sécurité ici ! » 

Les élus de quartier assurent que l’expérimentation en cours d’arrêts à la demande en soirée sur l’actuelle ligne 14/24 va être reconduite à la fois sur la future L8, qui remplacera la ligne 24 et sur la future L7 qui pénètrera la cité au point de l’arrêt Kiefer. Selon eux, le dispositif n’a été jusque-là que très peu mis à profit et il demande encore des améliorations pour inspirer confiance aux femmes, premières concernées. Le Neuhof est l’un des derniers quartiers de Strasbourg à ne pas bénéficier de bus de nuit.

Marina utilise le bus pour aller travailler mais aussi pour sortir en centre-ville. Comme tous les matins, le trajet vers Lingolsheim sera son « temps calme » de la journée, pour écouter de la musique. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Il est déjà 7h30. À l’arrêt Kieffer, les travailleuses ont laissé place aux lycéennes et aux étudiantes. Dans le bus 14 qui s’arrête en sens inverse, des groupes d’hommes en gilets jaunes se dirigent vers les usines du Port du Rhin.

Dix enquêtes et témoignages exclusifs sur Rue89 Strasbourg en 2022

Dix enquêtes et témoignages exclusifs sur Rue89 Strasbourg en 2022

Cette année encore, Rue89 Strasbourg a pris le temps d’enquêter, pour donner la parole à celles et ceux qui ne l’ont pas, aux personnes discriminées, victimes d’injustices, ou à des membres d’organisations absentes des médias traditionnels. Sélection.

Des prostituées nigérianes, des détenus de la maison d’arrêt de l’Elsau, des étudiants travailleurs du sexe… En 2022, Rue89 Strasbourg a encore donné la parole à des personnes qui l’ont peu. Étudier notre société sous toutes ses coutures, y compris dans ses marges, mettre un coup de projecteur sur la réalité de ce que vivent des individus ou des groupes sociaux discriminés, démontrer des injustices… C’est aussi le rôle de Rue89 Strasbourg, pour alimenter la réflexion de nos lecteurs et lectrices sur ces sujets peu abordés, clivants ou tabou.

Prendre le temps, la différence Rue89 Strasbourg

Ces personnes sont parfois très éloignées des institutions et méfiantes des journalistes. Il nous faut prendre le temps de les mettre en confiance, de travailler nos textes pour les préserver. Ainsi, Guillaume Krempp a pu raconter le quotidien de Mohamed Khelif, qui vit dans sa voiture sur un parking d’Obernai tout en cumulant deux emplois. Inès Guiza a livré les témoignages d’étudiants qui combinent le travail du sexe et les cours. Maud de Carpentier a relaté le parcours de prostituées nigérianes victimes de réseaux de proxénétisme.

L’équipe de Rue89 Strasbourg. Photos : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Des articles sur des organisations militantes discrètes

Nous avons décidé d’enquêter à long-terme sur les réseaux anti-passe, pour comprendre pourquoi certains d’entre eux rejettent tous les discours officiels ou s’isolent. Thibault Vetter a investigué sur la Nouvelle Acropole, une « école de philosophie » active à Strasbourg citée dans un rapport récent de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Rue89 Strasbourg s’intéresse également de près aux mouvements sociaux, y compris des combats sous-médiatisés. Des membres du Strass, le syndicat du travail sexuel, n’étaient pas invités à un colloque sur le porno organisé par la Ville de Strasbourg. Maud de Carpentier les a suivi une journée pour raconter leurs revendications. Thibault Vetter a aussi interviewé des membres strasbourgeois de la Jeune garde et de l’Action antifasciste, des organisations discrètes qui luttent contre l’extrême droite. Camille Balzinger s’est entretenue avec Stanne, prof des écoles et sexagénaire non-binaire, qui lui a expliqué pourquoi iel veut être désigné par le pronom « iel ». Thibault Vetter a mis en évidence la grande précarité des créateurs des lieux alternatifs strasbourgeois.

Média indépendant, si nous pouvons faire cet effort et sortir ces articles originaux, c’est avant tout grâce à nos abonnés, qui sont plus de 1 700 fin décembre 2022. Pour continuer, nous avons besoin que le soutien financier de nos lecteurs augmente. Notre objectif est d’atteindre 3 000 abonnés afin d’être à l’équilibre et de respirer économiquement. C’est ce principe de l’abonnement qui nous permet de choisir nos sujets et de les traiter sans aucune influence extérieure, de prendre le temps de leur réalisation pour vous proposer ces contenus.

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« Il y a une force inarrêtable » : la démission de Jean Rottner donne des ailes aux partisans d’une région Alsace

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Des locataires sidérés par de grosses augmentations de charges malgré un chauffage défaillant

Des locataires sidérés par de grosses augmentations de charges malgré un chauffage défaillant

Malgré des dysfonctionnements réguliers, des locataires d’Habitation moderne à Oberhausbergen ont vu leur facture de chauffage exploser dès 2021. La chaleur vient pourtant d’une pompe géothermique, théoriquement préservée des aléas du prix de l’énergie. Certains refusent de payer.

« On n’arrive pas à comprendre pourquoi on paye autant », résume Claire Gajac. Son loyer est de 440 euros avec plus de 200 euros de charges pour un logement social d’Habitation moderne, qu’elle habite avec son jeune fils, dans un ensemble rue du Général-de-Gaulle à Oberhausbergen. Début octobre 2022, les locataires des 39 appartements de l’immeuble ont reçu des « avis de régularisation de charges » pour l’année 2021 dans leurs boites aux lettres leur demandant de 60 à 886 euros supplémentaires.

Claire Gajac ne comprend pas ses factures. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Tous témoignent d’une grande incompréhension, notamment au vu de nombreuses défaillances de leur système de chauffage et d’eau chaude qui fonctionne grâce à une pompe géothermique. Ce système consiste à injecter un fluide dans un circuit qui passe par le sous-sol pour y capter la chaleur avant de la remonter vers les logements.

Bouillir de l’eau pour prendre sa douche

La construction du bâtiment date de 2011. En novembre 2021, le chauffage et l’eau chaude ont dysfonctionné plusieurs semaines dans tout l’immeuble à cause d’une panne générale, et le problème s’est reposé fin septembre 2022. Une amélioration de la situation est survenue depuis mi-octobre mais l’eau chaude devient tiède et le chauffage s’éteint régulièrement selon plusieurs habitants.

Parallèlement, au cours des deux dernières années, de nombreuses coupures d’eau chaude et de chauffage ont touché certains locataires sans concerner tout l’immeuble. Claire Gajac témoigne :

« Je dois parfois faire bouillir de l’eau à la casserole pour que mon fils se lave dans le bain et j’ai déjà utilisé un petit radiateur électrique. On est aussi allé chez mes parents qui n’habitent pas loin. Qu’il y ait des problèmes, je peux le comprendre, mais là ils sont répétés, et en plus on paye. »

L’ensemble date de 2011. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg

Christelle Charvet, responsable communication d’Habitation moderne, explique :

« Les deux pannes générales sont liées à des problèmes techniques au niveau de la pompe à chaleur. Pour ce qui est des autres défaillances isolées, il s’agit d’électrovannes au niveau des appartements qui étaient cassées individuellement. Mais elles ont été systématiquement remises en état. À ce jour, la pompe est partiellement réparée. Pour qu’elle soit parfaitement fonctionnelle, nous sommes en attente d’un compresseur de remplacement qui devrait arriver d’ici quelques semaines. »

« On fait attention, donc là on est étonné »

Les systèmes de chauffage géothermiques nécessitent une installation complexe. De nombreux cas de dysfonctionnement sont recensés, par exemple à cause de fuites sur les réseaux enterrés ou d’erreurs d’implantation et de dimensionnement. Habitation moderne espère donc que le chauffage et l’eau chaude fonctionneront correctement une fois les dernières réparations terminées. Mais le bailleur a ulcéré les habitants en envoyant ses avis de régularisation de charges début octobre 2022, soit en plein pendant une panne de tout le système de chauffage.

« Les années précédentes, on nous rendait de l’argent. On est beaucoup à faire très attention. Donc là on est particulièrement étonné, surtout qu’on a des charges importantes », observe Claire Gajac. Elle avait reçu un remboursement de 289 euros suite à la régularisation de l’année 2020. L’année suivante, Habitation moderne lui a demandé 193 euros. Yves Picou avait été remboursé de 273 euros pour 2020. Il doit verser 432 euros au bailleur pour 2021. Joseph Mandala a reçu 85 euros pour 2020. Il a dû payer 612 euros pour 2021. La quasi-totalité des locataires sont censés verser de l’argent supplémentaire en 2022.

Christophe Meinecke (à gauche) et Claire Gajac (à droite), comme de nombreux autres locataires, attendent des clarifications concernant leurs avis de régularisation de charges. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg

Des poêles à pétrole, et tout de même du chauffage à rembourser

Solange et Christophe Meinecke assurent ne pas avoir allumé le chauffage pendant l’hiver 2020-2021 car ils avaient acheté des poêles à pétrole, suite aux défaillances du système de l’immeuble. « Ils nous ont quand même demandé 230 euros alors que l’année précédente, ils nous avaient rendu 230 euros », relate Christophe. Dans son appartement, le fusible du chauffage est désactivé, « pour être sûr de ne pas consommer » : « Là, on a vraiment l’impression qu’il y a un problème dans leur calcul, ce n’est pas possible. »

Dans une lettre datée du 27 octobre et adressée à la directrice générale d’Habitation moderne, les locataires se défendent :

« Nous sommes tous convaincus que les dysfonctionnements à répétition du système de chauffe ces trois dernières années ont impacté nos factures alors que contrairement à ce que vous essayez de nous faire croire, nos consommations n’ont pas changé, elles ont même diminué car nous faisons tous attention ! Chauffés au sol par géothermie, la taxe carbone est de ce fait très limitée […] et l’augmentation du prix de l’énergie n’est effective que depuis cette année. »

Un hiver rude… selon Habitation moderne

Habitation moderne met cette augmentation des charges sur le compte de l’hiver 2020-2021 :

« Les mois de janvier, février et mars ont été rudes, bien plus que les années précédentes. La consommation a donc logiquement été plus importante, même si les locataires ont fait des efforts, ils ont consommé plus pour maintenir leurs appartements à température. Ceux qui ont coupé le chauffage ont quand même utilisé de l’eau chaude. En plus, lorsque la consommation générale augmente, le prix unitaire au kilowattheure augmente aussi, car la pompe à chaleur a besoin de plus d’énergie pour produire plus. Donc là, en plus de l’augmentation de la consommation, le prix unitaire, donc le prix de chaque kilowattheure de chauffage, a augmenté pour 2021. »

Au total, d’après les factures des habitants, sur tout l’immeuble, les compteurs électriques ont affiché une consommation en chauffage de 190 697 kilowattheure en 2020 et de 260 139 kilowattheure en 2021. Si l’on s’y réfère, il y a donc bien eu une augmentation de la consommation. Et le prix unitaire du chauffage a doublé de 0.033 à 0.066 euros.

« On a plein de réponses différentes »

Contrairement à ce qu’avance Habitation moderne, malgré un épisode de grand froid, l’hiver 2020-2021 est le 4e présentant le moins de gel depuis 1924 et a été excédentaire de +1,6°C en moyenne comparé à la norme.

Au final, les résidents subissent à la fois des pannes et de lourdes factures : « Pour nous, c’est l’incompréhension. Ça ne correspond pas à ce qu’on vit. Surtout qu’on a plein de réponses différentes à l’oral ou par mail », se souvient Claire Gajac. Le 11 décembre, elle a dû régler le thermostat sur plus de 21°C pour atteindre 17°C à l’intérieur.

Les locataires peuvent théoriquement régler leur température grâce à des thermostats, quand ils fonctionnent. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg

« On veut au moins comprendre »

Les locataires listent les raisons avancées par Habitation moderne après leurs réclamations : la taxe carbone a augmenté, l’augmentation du prix de l’énergie, l’augmentation de la consommation. « Ce qu’on leur demande, c’est au moins de comprendre ce qu’il se passe », déclare Sarah Harzallah, une autre habitante de l’ensemble. « Tant que les choses ne seront pas claires, je ne payerai pas », affirme Claire Gajac. Plusieurs résidents qui ne sont pas en prélèvement automatique sont dans la même optique.

Le bailleur certifie à Rue89 Strasbourg qu’il va envoyer une note explicative aux locataires. Mais Habitation moderne exclut pour l’instant une réduction de la facture à cause des dysfonctionnements : « Nous avons toujours mis en place une réponse lorsqu’un problème a été soulevé. » Pas sûr que les locataires soient satisfaits, surtout si les difficultés persistent…

Comment les détenus font entrer des téléphones à la prison de Strasbourg

Comment les détenus font entrer des téléphones à la prison de Strasbourg

« Parole aux taulards » – Épisode 6. À la maison d’arrêt de Strasbourg, nombreux sont les détenus qui possèdent un téléphone portable malgré leur interdiction. Ils ont accepté de raconter comment le bigot ou le smartphone est entré en prison. Les méthodes, confirmées par des surveillants ou des proches de prisonniers, sont multiples et en constante évolution.

« Les portables, en prison, c’est comme les stupéfiants. C’est interdit, mais on en trouve partout. » Un surveillant de la maison d’arrêt de Strasbourg s’énerve quand on l’interroge sur l’omniprésence de cellulaires de toutes sortes en milieu carcéral. Maxime (le prénom a été modifié) estime qu’à l’Elsau, une cellule sur trois contient un téléphone portable. Désabusé, ce membre du personnel pénitentiaire déplore la passivité de sa hiérarchie :

« Je pense que ça arrange bien l’administration qu’il y ait des téléphones en prison. Ça calme les détenus. Ils font des pizzas et des crêpes sur les réseaux sociaux. Et nous, ça nous donne la paix sociale. C’est quelque chose d’important la paix sociale depuis quelques années. Il ne faut surtout pas faire de vagues. »

Dans une cour de promenade de la maison d’arrêt de Strasbourg, trois cabines téléphoniques. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Le discours est le même du côté de Kader (le prénom a été modifié). Le jeune prisonnier cite un surveillant qui a récemment « pété un câble » face à un détenu peu coopératif : « On sait que vous avez du shit. On sait que vous avez un téléphone. On laisse entrer quelques trucs pour que vous arrêtiez de nous casser la tête. Sans shit et sans téléphone, ce serait la jungle. »

SimValley, le petit téléphone du prisonnier

Les méthodes employées pour faire entrer des téléphones portables en prison sont variées. Le premier moyen pour équiper un détenu d’un téléphone repose sur une offre commerciale. L’entreprise SimValley, par exemple, propose des cellulaires contenant si peu de métal qu’ils ne sont pas détectés par les portiques à l’entrée et à la sortie des parloirs. Ils entrent ainsi par le parloir grâce aux proches de prisonniers. Pour ensuite les transporter jusqu’à leur cellule, certains prisonniers s’insèrent l’objet dans l’anus selon plusieurs personnes interrogées.

Épouse de détenu, Katia (le prénom a été modifié) possède chez elle deux de ces téléphones pour prisonniers. Le téléphone SimValley PX3540 est à peine plus large qu’un doigt et fait office de cellulaire basique. Il coûte environ 30 euros. L’autre est à peine plus large qu’une carte de crédit et permet à son propriétaire de naviguer sur internet. Ces mêmes téléphones peuvent très bien être envoyés grâce au système de projection décrit plus bas.

« Les projections » ou « les paras »

Toujours concernant ces petits téléphones bas de gamme, une deuxième méthode utilisée est désignée par le terme de « projection » par le personnel pénitentiaire. Les détenus parlent de « paras » pour parachutes. Mélanie (le prénom a été modifié) habite à côté de la maison d’arrêt de Strasbourg. Elle a déjà été spectatrice de ces lancers de cellulaires de l’extérieur de la prison vers la cour de promenade :

« Surtout en 2020, au début de la pandémie, quand le parloir était suspendu, je voyais des jeunes jeter des téléphones ou du stup, enrobés dans du cellophane et attachés à une balle de tennis. C’était parfois plusieurs fois par jour. Ils doivent réussir à balancer ça derrière un grillage, une coursive et encore un mur et un grillage. Mais s’ils le jettent assez fort, ça tombe dans la cour. »

Épouse d’un ancien détenu de la maison d’arrêt de Strasbourg, Mélanie semble sûre que la méthode fonctionne. Mais une fois le téléphone lancé dans une cour, comment trouve-t-il son propriétaire ? La voisine de la prison répond avec assurance : « En prison comme dehors, il y a une hiérarchie. Les gens savent quels détenus ont les moyens de se payer un téléphone. Ceux qui en attendent un savent se faire respecter pour le récupérer. »

Pour atteindre la cour de promenade, les « paras » doivent passer plusieurs obstacles, entre grillages, murs et coursives. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Selon Valentin (le prénom a été modifié), détenu à la maison d’arrêt de Strasbourg, l’un des prisonniers serait même spécialisé dans la vente de cellulaires en prison. Régulièrement incarcéré, ce dernier aurait « une équipe côté Elsau » pour lui jeter des portables directement sous la fenêtre de sa cellule. Il aurait conçu un système d’hameçonnage à partir de fils de pêche ou de longues ficelles faites de morceaux de sachets plastiques et d’une fourchette aux dents pliées lui permettant de récupérer les colis au pied de son bâtiment. Les colis envoyés la nuit seraient dotés d’un bracelet fluo permettant au détenu de voir l’objet malgré la pénombre.

Suspendus à de nombreuses fenêtres, de longs morceaux de sachets plastiques permettent de s’échanger des denrées entre détenus. Bien utilisés, ils peuvent permettre de remonter un colis lancé de l’extérieur de la prison. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Pour les smartphones, la corruption

Mais ces deux premières stratégies ne permettent pas d’expliquer la présence de plus en plus fréquente de smartphones à la maison d’arrêt de Strasbourg. Ces Iphones et autres Samsung Galaxy S9 entrent plutôt par le biais de surveillants corrompus. Mi-novembre 2022, trois surveillants de la prison de Lutterbach ont été mis en examen pour trafic de stupéfiants et pour avoir fait entrer des téléphones dans l’établissement. Des témoignages de détenus ont permis ces arrestations.

« Ça se dit, ça se sait, explique Valentin, en promenade, tu discutes avec les détenus plus anciens, tu sais en deux secondes qui peut faire entrer un téléphone. Et puis ça se voit. Certains surveillants sortent du lot quand il s’agit de respecter le règlement… » Kader explique ainsi avoir payé 600 euros pour faire entrer un Iphone par le biais d’un gardien : « Tu peux pas te faire jeter le smartphone dans la cour ou te le faire amener au parloir par tes proches, parce que le téléphone bipe au portique. Donc le meilleur moyen de le faire entrer, c’est le surveillant. »

Selon nos informations, Maître Juliette Thomann a porté plainte pour un client détenu en mai 2022 dans le cadre d’une affaire de trafic de téléphone qui serait organisé par un surveillant de la maison d’arrêt de Strasbourg. Sollicité sur l’état de la procédure sur ce dossier, le parquet de Strasbourg n’a pas donné suite à notre demande.

Le drone arrive, bientôt le brouilleur ?

Une dernière méthode de livraison de téléphone a fait son apparition récemment à la maison d’arrêt de Strasbourg. « Le mois dernier, on a réussi à mettre la main sur deux drones, dont un d’une valeur de 2 000 euros. L’un d’entre eux était resté bloqué dans des filets de la prison. Il transportait un smartphone et du stupéfiant », résume Philippe Steiner, secrétaire adjoint du syndicat du personnel pénitentiaire UFAP Grand Est. Il date la découverte du premier drone dans la zone de la prison de Strasbourg à 2012 : « Mais c’était quelque chose de beaucoup plus rudimentaire, du bricolage. Là ce sont des drones plus perfectionnés, avec une caméra, qui peuvent livrer des téléphones ou du stupéfiant directement à la fenêtre de la cellule. »

Le drone peut permettre une livraison directement à la fenêtre du détenu. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Début novembre 2022, la fouille d’une cellule de la maison d’arrêt de Strasbourg a abouti à la découverte d’une dizaine de téléphones. « Il y avait de tout, des SimValley (ces téléphones qui ne bippent pas au portique, NDLR) et des smartphones », précise Philippe Steiner. Le syndicaliste parle avec lassitude de cette problématique carcérale qui dure depuis plus d’une décennie : « Avant les détenus avaient l’excuse des appels pour leur famille. Mais maintenant, ils ont tous des téléphones fixes en cellule… » Il attend avec impatience l’arrivée de brouilleurs à la prison strasbourgeoise : « Ils en ont installé au centre de détention de Montmédy (Meuse), le site pilote pour la région Grand Est. Apparemment c’est très efficace. L’administration promet d’en installer partout dans les prisons. En théorie ça devrait être installé à la maison d’arrêt. »

Fin du plan grand froid : fermeture des deux gymnases qui accueillaient des sans-abris

Fin du plan grand froid : fermeture des deux gymnases qui accueillaient des sans-abris

Le gymnase Branly et le gymnase Europe étaient utilisés pour loger des sans-abris dans le cadre du plan grand froid qui a commencé lundi 12 décembre. Mardi 20 décembre, les températures ont remonté et ces dispositifs prennent fin.

« Ils ont encore pu prendre un petit-déjeuner ce matin », assure Philippe Breton, vice-président de la Croix rouge. Son association était mandatée par la préfecture du Bas-Rhin depuis le 12 décembre pour encadrer un dispositif d’hébergement d’urgence dans le gymnase Branly, quartier des Contades. Huit jours plus tard, le 20 décembre, la Croix rouge annonce la fermeture du site :

« Nous avons accueilli chaque jour jusqu’à 100 personnes, dont de nombreuses familles avec enfants, qui ont pu se restaurer, être éventuellement pris en charge médicalement, dormir au chaud et en sécurité. »

La Croix rouge a géré la mobilisation du gymnase Branly. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Un deuxième gymnase ouvert jeudi

D’après Philippe Breton, le gymnase a accueilli 50% d’hommes seuls et 50% de familles. Pendant le grand froid, défini par une période de froid intense d’au moins deux jours, la préfecture a ouvert une seconde salle de sports, le gymnase Europe à Schiltigheim, jeudi 15 décembre. Jean Daniel Schell, en charge des actions solidaires de la Protection civile, association mandatée pour ce site, affirme que le dispositif a accueilli 20 personnes le premier soir, 38 le second, puis autour de 50 personnes les trois derniers soirs : « Nous n’avions pas le matériel pour cloisonner les espaces donc il n’y avait que des familles avec notamment des enfants, et des femmes isolées. »

La Croix rouge et la Protection civile indiquent que des fonctionnaires de la préfecture et des employés du service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO, structure en charge de l’hébergement d’urgence) sont présents dans les gymnases ce 20 décembre dans le but de proposer des solutions de logement pérennes. Toutes les personnes seront-elles prises en charge ? Interrogée par Rue89 Strasbourg, la préfecture du Bas-Rhin n’a pas encore donné plus de précisions au moment de publier l’article.