Entre trains bondés, retards et petites gares délaissées, le Réseau express métropolitain européen (Reme) s’attire les foudres des usagers. Vanessa Mikuczanis a lancé une pétition pour faire changer les choses le lundi 2 janvier.
Après les ratés du Réseau express métropolitain européen (Reme) (voir nos articles), un nouveau collectif d’usagers des trains régionaux du Grand Est s’est créé. Vanessa Mikuczanis, usagère de la ligne Strasbourg-Haguenau-Wissembourg, a lancé une pétition le 2 janvier sur internet pour dénoncer « la dégradation constante du service » et a créé un groupe d’usagers surFacebook.
Vanessa Mikuczanis dénonce des horaires devenus incompatibles avec des emplois du temps scolaires ou de travail. « Les enfants arrivent bien avant l’ouverture de leur établissement et doivent attendre longtemps le soir sur les quais. Pour ma part, j’ai dû changer mes horaires de travail », détaille-t-elle. Ces problèmes avaient déjà été dénoncés par l’Astus (Association des usagers des transports urbains de Strasbourg) avant le lancement du Reme, après une analyse de la nouvelle grille horaire de la SNCF Grand Est.
Les suppressions de trains insupportables
Mais cette problématique a été accentuée depuis le lancement du Reme mi-décembre. L’objectif d’ajouter 800 trains par jour s’est concrétisée par la suppression intempestive de trop nombreux trains existants… Si ces suppressions préexistaient au Reme, elles sont perçues comme plus fréquentes par les usagers. Entre trains bondés et retards réguliers, Vanessa Mikuczanis s’agace dans le texte invitant à signer sa pétition :
« Cela suffit ! La SNCF se moque de ses usagers ! Elle nous offre un service de transport de plus en plus lamentable, par manque de personnel et de matériel. Mais nous, usagers, payons notre abonnement tous les mois, sans aucune compensation financière, ni même de réponses aux nombreux courriers envoyés individuellement. Où est le respect ? »
Vanessa Mikuczanis
Vers une coopération avec d’autres collectifs
À la pétition qui cumule près de 1 400 signatures s’ajoute une lettre transmise à la commission générale des transports de la Région Grand Est, collectivité opératrice des transports régionaux. Objectif de ces démarches : retrouver une offre de transports ferroviaires convenable et le plus tôt possible, selon Vanessa Mikuczanis. La démarche vise aussi à obtenir des remboursements, à minima partiels, des abonnements payés pour les derniers mois.
Pour porter plus loin leurs revendications, ce nouveau groupe envisage désormais de se rapprocher d’autres collectifs d’usagers comme Astus. Une démarche bienvenue par l’association, comme le confirme son président François Giordani : « Il n’y a aucun problème pour travailler avec eux, car sur ce qui est dit dans la pétition, il n’y a aucune divergence avec nos positions. »
Sur France Bleu lundi, la directrice de la SNCF pour les TER Grand Est assure que les perturbations seront moins nombreuses « dans les prochaines semaines » mais elle a reconnu que seulement « 410 trains » ont été ajoutés chaque semaine avec le Reme, loin des 800 qui était l’objectif fixé par la Région et l’Eurométropole.
Les étudiants de l’Université de Strasbourg ont repris les cours depuis lundi, une reprise plus tardive qu’habituellement, puisque les vacances ont été prolongées d’une semaine pour réduire la consommation énergétique de l’université. Reportage auprès des étudiants.
Lundi sur le campus de l’Esplanade de l’Université de Strasbourg, Maxime, étudiant en master de droit, est assez direct lorsqu’il est interrogé sur le bénéfice de sa semaine de vacances supplémentaire forcée : « Je ne vais pas tergiverser. L’université ne nous a pas demandé notre avis et ce sera pareil l’année prochaine ! » Il est l’un des quelque 60 000 étudiants à avoir repris les cours à Strasbourg lundi 9 janvier, après une fermeture des locaux étendue à la première semaine de janvier, dans l’objectif de réduire la consommation énergétique.
Devant le parvis de la fac de droit, tout le monde n’est pas du même avis. Émeline, en L2 de droit, a passé plus de temps en famille. À côté d’elle, son amie Paciane grimace en essuyant les gouttes de pluie qui lui tombent sur le visage :
« Oui, quand on peut rentrer chez ses parents, c’est sûr, c’est agréable. Ça n’a pas été mon cas, je n’ai pas eu les moyens de rentrer. J’étais juste seule dans mon appartement pendant toute la période des fêtes. Sans compter le chauffage en plus, j’ai eu trop froid pour le laisser à 18 degrés. »
Rizlaine descend les marches de la faculté de droit, replaçant son écharpe pailletée. La décision de l’université de fermer une semaine de plus ? « Déplorable », confie-t-elle. « Il est fondamental que l’État maintienne les services universitaires. » Habituée à travailler à la bibliothèque universitaire, elle n’a même pas essayé cette fois : « J’ai passé la semaine chez moi. Bibliothèques de sciences, de droit, aucun accès n’était possible », explique-t-elle.
Une heure d’attente pour entrer à la bibliothèque
Seules les bibliothèques Alinéa et Studium sont restées ouvertes sur le campus de l’Esplanade pendant cette période. Au Studium, la quasi-totalité des 600 places ont en permanence été occupées du 3 au 8 janvier.
La Bibliothèque nationale universitaire (BNU) qui ne dépend pas de l’Université de Strasbourg mais de l’État a également connu une fréquentation importante sur cette période indique un agent de la BNU :
« Nous étions à plus de 90% de fréquentation tous les jours, avec un pic à 99% vendredi 6 janvier à 15h30 par exemple et à d’autres moments, nous étions à 105% de notre capacité d’accueil. Nous avons dû refuser du monde. »
En temps normal, la BNU reçoit 2 000 à 2 400 personnes par jour. Durant la première semaine de janvier, l’édifice a accueilli plus de 4 000 étudiants par jour.
Charlaine a préféré rester chez ses parents après avoir reçu des témoignages de ses proches : « Ils m’ont dit qu’il n’y avait pas une seule place dans les bibliothèques. À l’Alinéa, comme à la BNU, ce n’était juste pas possible. C’est décourageant, vraiment. »
La queue à 8h30 chaque matin
Julien, étudiant en fac de chimie, a fait la queue devant la BNU tous les jours à 8h30, avant la fermeture pour trouver une place :
« C’était de l’abus complet. J’ai passé plus de temps dans les queues à attendre d’avoir une place qu’autre chose. Certains jours, j’ai attendu plus d’une heure pour avoir une place ! Rien n’a été pensé pour que les mesures de fermetures ne pénalisent pas les étudiants en révisions. »
Dimanche, Julien a même abandonné l’idée de se rendre à la BNU, en constatant un taux d’occupation sur internet de plus de 90%.
Jake, un peu plus loin, allume une cigarette roulée devant le bâtiment de chimie :
« Pour ma part, j’avais réservé des salles à la BNU chaque fois mais c’était la galère. Cette semaine de fermeture a décalé le planning pour tout le reste de l’année : nous aurons à peine terminé les examens, que nous allons commencer les travaux pratiques. La charge de travail va être immense. »
Vacances supplémentaires en famille
Sur la vingtaine d’étudiants interrogés, la moitié a apprécié cette semaine en l’utilisant comme une extension de leurs vacances. Gabriella, en deuxième année de master de sociologie, en a profité pour rentrer en Slovaquie, ce qu’elle n’avait pas pu faire depuis cinq ans. Idem pour Maëva, en master de biologie, qui a pu rentrer à Lille et couper le chauffage dans son logement étudiant.
Mais malgré le bon temps passé, ces mêmes étudiantes font la moue quand on leur parle d’une mesure qui pourrait se renouveler chaque année. Dans ce cas, disent-elles, elles souhaitent une meilleure organisation : « Nous avons dû mener l’enquête pour savoir si oui ou non, nous aurions des cours en visio. Et c’est pareil pour février, encore maintenant, on ne sait rien du tout ».
Le nouveau calendrier des cours encourage les composantes, laboratoires et services de l’Université de Strasbourg à programmer une semaine de congés universitaires supplémentaires en février, du lundi 13 au vendredi 17 février avant la semaine habituellement prévue à partir du 20 février. Mais la plupart des étudiants rencontrés, pour le moment, n’en savent rien.
Pour protester contre des économies prévues dans le futur budget de la Sécurité sociale, la majorité des laboratoires de biologie bloquent les nouveaux prélèvements et ferment au public à partir de lundi 9 janvier.
Suite à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 à 2026, le gouvernement demande aux laboratoires de biologie médicale un effort budgétaire d’environ 1,3 milliard d’euros. C’est trop pour l’Alliance de la biologie médicale (ABM), qui fédère l’ensemble des acteurs du secteur et donc les quelques 4 200 laboratoires français.
Après un premier mouvement de grève en décembre, l’ABM appelle ses adhérents à un arrêt total des prélèvements au public à partir de lundi 9 janvier. Dans le Bas-Rhin, le réseau Bio 67 (Ouilab) suivra le mouvement avec ses 43 laboratoires, comme l’explique son responsable de la communication, Philippe Kahn :
« Tous les laboratoires seront fermés au public, au moins pendant une semaine, voire plus si le gouvernement n’entend pas nos demandes d’ici là. On continue cependant les prélèvements cliniques et urgents, pour des bilans avant une chimiothérapie ou des tests pré-opératoires par exemple. »
Philippe Kahn précise les enjeux du mouvement :
« On défend une biologie de proximité, avec des petits laboratoires proches de gens. Si cette réforme passe, on estime que 10% des sites pourraient disparaître, avec des conséquences incalculables en raison d’absence de détection de pathologies par des personnes qui n’auront plus accès facilement à un laboratoire. »
Membres de l’ABM, les réseaux Biogroup et Laboratoires B2A, très présents en Alsace, devraient également fermer leurs accueils au public. Selon Philippe Kahn, la biologie médicale mobilise 2% des ressources de la Sécurité sociale, pour un coût par Français de 57€ par an contre 82€ par an en Allemagne.
Le laboratoire du Parc à Haguenau n’accueillera pas de nouveaux patients du 9 au 14 janvier Photo : Google Maps
Les laboratoires ont généré un bénéfice exceptionnel dû aux tests covid de 850 millions d’euros lors de la crise sanitaire mais rappellent leur « mobilisation exceptionnelle à la demande des autorités » pour réaliser ces tests (environ 168 millions de tests PCR et 3,15 millions de tests antigéniques sur les 332 millions de tests réalisés entre le 7 mars 2020 et le 24 octobre 2022).
L’ABM propose un effort budgétaire de 685 millions sur quatre ans (250 millions de contribution exceptionnelle en 2023 et 145 millions de réduction des dépenses en 2024, 2025 et 2026), cette proposition n’a pas été acceptée par le gouvernement pour l’instant. Si la grève se prolonge, les laboratoires prévoient un arrêt des remontées des résultats ou l’arrêt des tests PCR.
Comme ailleurs en France, toutes les poules d’Alsace sont claustrées depuis le 11 novembre à cause d’une épidémie de grippe aviaire. Depuis trois ans, des produits sont régulièrement vendus avec les labels « plein air » ou « bio » alors qu’ils proviennent d’élevages confinés.
De nombreux consommateurs achètent plus cher des poulets, des œufs ou du canard avec les labels « plein air », « label rouge » et « bio », en espérant que les animaux soient mieux traités que dans les exploitations conventionnelles. Mais en France, aucune volaille n’est élevée en plein air depuis le 11 novembre. Le niveau de risque lié à la grippe aviaire est passé de « modéré » à « élevé » ce jour là, à cause de la baisse des températures et de la forte activité migratoire des oiseaux sauvages.
Aucun affichage au Auchan de la rue des Grandes Arcades. Photo : TV / Rue89 Strasbourg Le gérant du magasin Biocoop à côté des Halles n’est au courant de rien. Photo : TV / Rue89 Strasbourg Dans l’équipe du magasin Naturalia, personne ne sait que les œufs plein air sont issus d’élevages confinés. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a accordé une dérogation pour que les producteurs et distributeurs continuent d’utiliser les labels avec les emballages correspondants et même les codes sur les œufs censés exposer les conditions d’élevage. Un simple affichage à l’attention des consommateurs doit cependant les informer de la situation dans les magasins. Mais au Auchan de la rue des Grandes-Arcades, au Naturalia de la rue Finkmatt, à la Biocoop rue de Sébastopol ou au Carrefour City de l’avenue des Vosges, aucune indication relative à la grippe aviaire n’est visible dans les rayons.
22 millions de volailles tuées en France en 2022
Au Auchan des Halles, une feuille est accrochée sur le côté de l’étagère des œufs plein air mais elle est cachée par des articles. Jean-Luc Langevin, directeur du magasin Biocoop, dit ne pas être pas au courant qu’une information aux consommateurs est censée être réalisée. Le responsable de Naturalia assure n’avoir reçu aucune consigne de la part du service marketing. La direction de l’enseigne affirme que « l’information est mal descendue en région Grand Est ». Suite à la sollicitation de Rue89 Strasbourg, le distributeur va « procéder à l’ajustement et à la mise en conformité ». Contactés, les groupes Auchan, Carrefour et Biocoop n’ont pas répondu aux questions de Rue89 Strasbourg.
Une discrète information aux consommateurs au Auchan des Halles, sur le côté de l’étagère, recouverte par d’autres articles. Photo : TV / Rue89 Strasbourg Une discrète information aux consommateurs au Auchan des Halles. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Cela fait trois ans que des mesures sanitaires contre la grippe aviaire empêchent l’élevage en plein air d’exister, au moins une partie de l’année. En 2022, l’épidémie a tué et nécessité l’abattage de 50 millions de volailles en Europe dont 22 millions en France. La centaine d’élevages de poules -pondeuses et de chair confondues- en Alsace a été épargnée d’après Thomas Kelhetter, responsable aviculture à la chambre d’agriculture : « On n’a pas eu de foyer en élevage comme en Vendée ou en Pays-de-la-Loire. »
Plus de restrictions pour les élevages près du Rhin
Le territoire est divisé en zones normales et zones à risque dans les couloirs de migration, par exemple aux abords du Rhin ou près de lacs en Moselle. Dans ces zones à risque, les volailles étaient déjà confinées depuis que le risque est passé de « négligeable » à « modéré » le 2 octobre. Pierre-Luc Laemmel, porte parole de la Confédération paysanne en Alsace et éleveur de poules en plein air constate que dans certains élevages, les poules ne peuvent quasiment plus sortir :
« Lors de la saison 2021-2022, les éleveurs en zone à risque ont dû confiner leurs poules ou leurs canards fin septembre et on pu les ressortir début juin, pour les reconfiner dés le 2 octobre. Les animaux n’ont pu sortir que quatre mois dans l’année. Moi je suis en zone normale donc c’était six mois, mais c’est un crève-cœur. »
C’est plutôt le marketing vert qui saute aux yeux au Auchan des Halles. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Pour la Confédération paysanne, la propagation du virus de la grippe aviaire est liée au modèle industriel, avec sa segmentation des étapes d’élevage, ses mouvements de gros effectifs de volailles sur différents sites, et la promiscuité dans les grosses exploitations. Pierre-Luc Laemmel regrette que les petites exploitations pâtissent des pratiques de l’élevage intensif et soient concernées par les restrictions :
« J’ai des poules qui naissent et meurent dans mon exploitation. Avec des filets au-dessus de leurs parcours, le risque est très limité pour qu’elles attrapent la grippe aviaire. Mais je dois quand même les confiner. »
Une vaccination devrait être bientôt disponible
Thomas Kelhetter précise que seuls les poulets de chair ont la possibilité de sortir sur un parcours réduit à partir de leur dixième semaine d’élevage, sachant qu’ils peuvent être abattus au bout de onze ou douze semaines avec la certification label rouge ou bio. « Les volailles peuvent devenir agressives entre elles voire cannibales à cause du confinement. Cette mesure permet d’améliorer la situation », explique le responsable aviculture de la chambre d’agriculture d’Alsace. Il ajoute :
« Comme la maladie semble s’installer, l’élevage plein air ne pourra pas continuer sans vaccination. Mais il faut aussi que des accords commerciaux soient trouvés au niveau européen pour garantir les exportations, car certains pays importateurs montrent des réticences à acheter des volailles vaccinées. »
Un élevage « plein air » de près de 40 000 poules à Preuschdorf, où on compte environ 1 500 poules dehors. Il faut donc imaginer à peu près 36 500 poules à l’intérieur du bâtiment. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, syndicat agricole productiviste, estime que le vaccin sera prêt en juin. Les principaux acteurs agricoles attendent cette solution médicale pour continuer l’élevage industriel. Les scientifiques accusent pourtant ce modèle de créer régulièrement des épidémies et d’être une source potentielle de pandémie.
Le tirage au sort pour déterminer les affiches des 16e de finale de la Coupe de France a eu lieu ce dimanche 8 janvier à 20h. Le club de Koenigshoffen va jouer contre Angers, dernier du classement en Ligue 1, au stade de la Meinau samedi 21 janvier.
Certains espéraient peut-être tomber contre l’Olympique de Marseille ou le Paris Saint-Germain en suivant le tirage au sort qui détermine les rencontres des 16e de finale de la Coupe de France ce dimanche 8 janvier. Les joueurs du Football Club Olympique Strasbourg Koenigshoffen 1906 (FCOSK 06) se confronteront à Angers, 20e et dernier du classement en Ligue 1.
Les joueurs du FCOSK 06 ont fait jeu égal avec Clermont samedi 7 janvier. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Après leur immense exploit contre Clermont, 9e du classement de Ligue 1, en 32e de finale, on se dit que tout est possible. Angers vient d’éliminer le Racing club de Strasbourg aux tirs au but vendredi 6 janvier. Cinq divisions séparent les deux équipes. Le match aura lieu samedi 21 janvier au stade de la Meinau à 20h45.
Le club de foot de Koenigshoffen a battu Clermont aux tirs aux buts, en 32e de finale de la Coupe de France, samedi 7 janvier. Un exploit qui a fait chavirer les 3 000 personnes venues de tous les quartiers de Strasbourg pour les soutenir. Reportage.
C’est au fond des filets. Samuel Kekambus ne tremble pas et marque l’ultime tir au but, après une lente course d’élan qui a laissé tout le monde en asphyxie. Dans les tribunes, les amis, les frères, les épouses ou les simples supporters des joueurs du Football Club Olympique Strasbourg Koenigshoffen 1906 (FCOSK 06) exultent. Le club de foot de Koenigshoffen et de la Montagne Verte vient d’éliminer Clermont, une équipe professionnelle qui évolue en Ligue 1, en 32e de finale de la Coupe de France ce 7 janvier. Le stade Émile-Stahl à l’Esplanade, prêté pour l’occasion, est envahi par une partie des 3 000 spectateurs, certains sont émus aux larmes.
Une partie du public est allée sur le terrain après le match. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Trois heures plus tôt, avant le match, beaucoup affichaient déjà une grande confiance. « Dans le foot, tout est possible, regardez, le Maroc est arrivé en demi-finale de la Coupe du monde », lance Saadia, venue avec ses deux enfants, Wissem et Anwar. Ce dernier compte refaire une licence au FCOSK 06 la saison prochaine. Mohammed agite un petit drapeau. Il vient de l’Elsau :
« Bien-sûr, je soutiens aussi, c’est génial qu’un club de quartier arrive à ce stade de la compétition. Il faudra bien défendre parce qu’en face, leur attaque ne fera pas de cadeau, c’est des pros. »
Saadia est venue avec ses fils Anwar et Wissem. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« Le match d’une vie »
« Moi je pense qu’il ne faut pas se replier et attaquer justement. C’est peut-être le match d’une vie, il peut devenir inoubliable, autant le jouer à fond », considère Assane. Daouda, son frère, acquiesce à côté. Il joue dans l’équipe 2 du FCOSK 06 et vient soutenir des joueurs avec lesquels il s’entraine parfois :
« C’est du sérieux chez nous. Pour l’équipe 1, il y a trois entrainements par semaine en plus du match le week-end. J’ai 19 ans, j’espère intégrer l’équipe qui joue cet après-midi les prochaines années, mais je dois travailler pour ça. »
« Il y en a qui peuvent se faire repérer aujourd’hui et devenir professionnel, ça peut aller vite », expose Dino, qui a des amis dans l’équipe. Il cite Jonathan Clauss, un Strasbourgeois qui jouait dans des clubs amateurs et a fait de bonnes performances en Coupe de France avant de signer à Lens. Il joue aujourd’hui à l’Olympique de Marseille.
À gauche, Daouda, et à droite, Assane. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Des spectateurs font la queue pour chercher des merguez ou des boissons. Une demi-heure avant le match, une foule se masse peu à peu tout autour de la pelouse. Une imposante grille empêche l’accès aux joueurs qui s’échauffent. De nombreux journalistes sont présents, ainsi que des équipes techniques qui assurent la retransmission de l’événement en direct sur France 3 et BeIn.
Environ 3 000 personnes ont regardé le match. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
La fierté
Dans les gradins, Nadir et Djamel, frères d’Amar Ferdjani, l’entraineur du FCOSK 06, semblent concentrés. « 2 – 0 pour nous à la mi-temps, 3 – 1 à la fin du match », ose Djamel. « On est derrière notre frère aujourd’hui, on est fiers de lui », glisse Nadir. Certains se vantent d’avoir parié en ligne sur une victoire du club. Par exemple, Sherif a misé 100 euros. Comme il est plus probable que Clermont l’emporte, s’il a raison, la somme sera multipliée par 25 et il gagnera 2 500 euros. Yahya, Celal et Ibiche, entraineurs de sections de jeunes ont aussi parié plusieurs dizaines d’euros : « On y croit, on peut gagner franchement, on les connait, ils sont trop forts », assure Yahya.
Au premier plan, Nadir, frère de l’entraineur du FCOSK 06. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Les héros du club s’apprêtent à entrer sur la pelouse. Une musique épique et de petites installations pyrotechniques s’enclenchent. « Allez les noirs », « Allez 06 » scandent quelques jeunes. Chaque tacle, chaque course dans la partie de terrain adverse, chaque interception des joueurs de Koenigshoffen est accompagnée d’une grande clameur. Le FCOSK 06 n’est pas du tout intimidé par Clermont, on en oublie presque les cinq divisions d’écart entre les deux équipes.
Sur une contre attaque, Thomas Schall se présente devant le gardien Clermontois mais il est rattrapé au tout dernier moment par un défenseur. L’occasion enflamme le stade. « On est tous concernés, on se sent représentés », explique Michée, animateur à Strasbourg. Mimouna, qui a joué dans une section féminine du FCOSK 06 observe la ferveur autour du match : « Pour les femmes, ça n’a rien à voir, c’est pas la même ambiance. Quand je vois ça, ça donne envie en tout cas. »
Mimouna (à gauche), a joué au FCOSK 06. Photo : TV / Rue89 Strasbourg À la mi-temps, Michée pense que le FCOSK 06 peut largement gagner. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Jeu égal avec Clermont
Pendant plus d’une heure, les amateurs ont fait jeu égal avec l’équipe de Clermont. Les dernières minutes sont plus difficiles. Mais avec le temps qui passe, le public a de plus en plus de raisons d’y croire. À la fin des 90 minutes, c’est tout de suite les tirs au but, pas de prolongation. Les attaques auvergnates se heurtent à un mur. Tous les joueurs du FCOSK 06 font les efforts défensifs. « Aux armes, nous sommes les Strasbourgeois, et nous allons gagner », chante le public. Tout le monde est debout, conscient d’assister à un grand moment de sport.
Photo : TV / Rue89 StrasbourgPhoto : TV / Rue89 StrasbourgPhoto : TV / Rue89 StrasbourgPhoto : TV / Rue89 Strasbourg
Un ouf de soulagement émane des travées lorsque le gardien Corentin Schmittheissler capte un ballon dans le temps additionnel. Et cela résonne déjà comme une victoire quand l’arbitre siffle la fin du match. La suite, on la connait. Les Clermontois loupent deux pénaltys contre un seul de l’autre côté. Les Strasbourgeois créent l’exploit, dans une ambiance de folie. « Je n’ai pas les mots, c’est extraordinaire », lâche l’entraineur Amar Ferdjani, les yeux rouges. « C’est tous les quartiers de Strasbourg qui ont gagné ce soir », s’écrie un jeune homme, avec le survêtement du club du FCOSK 06.
Des entraineurs du FCOSK 06. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« Peut-être qu’on jouera contre le PSG »
Des feux d’artifice sont tirés autour du stade. Des étoiles dans les yeux, quelques enfants inscrits au club interpellent l’attaquant Thomas Schall pour faire une photo avec lui. Bridges Loumouamou Ngobouma, virevoltant tout le match sur le côté gauche, est tout sourire. Il enlace un coéquipier. Pour David, entraineur des U7 (6 à 7 ans), ce n’est pas une surprise : « Ils travaillent beaucoup pour être à ce niveau, et ils sont sérieux et fair-play sur le terrain. C’est un très bel exemple pour les jeunes. »
Thomas Schall au milieu, avec des jeunes du club. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Prochaine étape, les 16e de finale dans deux semaines. Le tirage au sort aura lieu dimanche 8 janvier dans la soirée. « Peut-être qu’on jouera contre le PSG en 16e de finale, ça serait incroyable », se met à rêver Abdel, un habitant du Neuhof.
Après le match, les joueurs ont pu savourer leur victoire. Ils ont fait jeu égal avec l’équipe professionnelle de Clermont. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Pascal Bastien expose jusqu’au 31 janvier à L’Oiseau rare une série de photos prises dans un autre XIXe siècle, où la place des hommes aurait été différente.
Dans la petite café-librairie de L’Oiseau rare, quai des Bateliers à Strasbourg, une partie des murs accueillent jusqu’au 31 janvier une quinzaine de photos de Pascal Bastien. Photographe strasbourgeois plus habitué au documentaire, ses photos se retrouvent régulièrement sur Rue89 Strasbourg. Pascal Bastien s’amuse dans cette série avec les codes de la famille traditionnelle à un moment où la photographie a été utilisée comme voie d’affirmation de la bourgeoisie, à la fin du XIXe siècle.
« A cette époque, la photographie est le terrain de jeu des hommes tout puissants. L’homme bourgeois met en scène sa femme, ses enfants, ses domestiques et affiche sa richesse matérielle à travers les vêtements et le mobilier. Dans ce projet photographique, je renverse les codes de la famille, je place des hommes s’occupant à des tâches réservées le plus souvent aux femmes. »
Pascal Bastien devant quelques uns de ses clichés à L’Oiseau rare Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Bien que les scènes aient été créées dans un château de l’Ain entre 2021 et 2022, l’objectif était de produire des photos qui se placent dans le même imaginaire que les photos d’époque. Les prises ont donc été faites avec un appareil à grande chambre, et les tirages ont été développés artisanalement, sur un papier baryté.
Des scènes de la vie quotidienne… avec juste un petit changement. Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Des costumes trouvés dans le château
Quand aux costumes et aux accessoires, ils viennent directement du XIXe siècle : les prises de vues se sont accompagnées de séances d’archéologie directe dans les caves et les greniers de ce château, dont nombre de placards et de tiroirs n’avaient pas été ouverts depuis cette époque.
Une quinzaine de clichés composent cette série. Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
« C’est l’occasion d’avoir à la fois les costumes, les accessoires et des gens dans ce lieu historiquement indemne qui a permis la création de cette série », avoue Pascal Bastien qui avait cependant l’idée de questionner cette représentation masculine historique depuis longtemps. Le résultat est un mélange détonnant, perturbant, où le spectateur se surprend à tenter de distinguer dans l’image ce qui relève du présent de ce qui relève de l’imaginaire du passé.
Intérimaire sans domicile, Mohamed dormait dans sa camionnette sur un parking d’Obernai. Suite à notre reportage, une association d’aide au logement strasbourgeoise va le prendre en charge.
Suite à la parution de notre reportage mi-décembre sur sa vie d’intérimaire SDF à Obernai, la situation de Mohamed Khelif s’est d’abord dégradée. Deux jours après sa parution, une personne se présentant comme étant du supermarché E. Leclerc est venu le trouver au petit matin, alors qu’il était installé dans sa camionnette… pour lui ordonner de sortir du parking.
« Il m’a dit que je ne pouvais pas rester, qu’il avait eu le maire au téléphone et que si je restais là, il allait appeler les gendarmes », déclare Mohamed à Rue89 Strasbourg. Mohamed, d’un naturel discret et qui ne veut surtout pas de problèmes, a rapidement déplacé sa camionnette dans un autre secteur d’Obernai.
Contactée par Rue89 Strasbourg, la direction du supermarché réfute avoir donné de telles consignes. Laurent Leclercq, gérant du magasin, pense plutôt à des consignes en provenance de la société en charge du nettoyage, pour laquelle Mohamed était employé en intérim. Le maire d’Obernai, Bernard Fischer, n’a pas retourné notre appel. Quoiqu’il en soit, sa mission de nettoyage au petit matin s’est terminée et il a dû s’installer ailleurs.
Mohamed a dû garer sa camionnette ailleurs mais son errance devrait bientôt prendre fin Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
Mais cette errance devrait bientôt prendre fin car le réseau d’aide sociale d’Obernai a pu détecter Mohamed et alerter un service de l’Arséa à Strasbourg, spécialisé dans l’aide à l’hébergement de personnes isolées et précaires, Gala (Gestion et accompagnement vers un logement autonome). Un suivi a été engagé et Mohamed devrait rapidement être logé dans une chambre puis, si l’accompagnement est mené à son terme, disposer d’un appartement. Le directeur de la structure, Sami Barkallah, l’a confirmé à Rue89 Strasbourg tout en restant prudent : « Les tensions sur le marché du logement sont telles que nous avons vraiment du mal à satisfaire toutes les demandes. »
Nouveau travail à Molsheim
Mohamed a eu la surprise également de voir son travail à la charcuterie Stoeffler se terminer au 30 décembre. Renseignement pris auprès de l’agence d’intérim qui lui avait confié cette mission, il s’agissait bien de la date prévue de fin de contrat. Mohamed avait été engagé sur cette mission d’intérim pour faire face à un surcroît d’activité au moment des fêtes.
Dès lundi 9 janvier, Mohamed doit être embauché dans une nouvelle entreprise, près de Molsheim, un nouveau contrat d’intérim mais à temps plein cette fois.
Après deux documentaires sur le travail du psychiatre alsacien Georges Federmann, notamment auprès des migrants, le réalisateur Swen de Pauw sort son troisième film, Maîtres, qui ouvre les portes d’un cabinet d’avocates à Strasbourg, spécialisées en droit des étrangers.
Six ans après le documentaire Le Divan du monde, qui s’était installé dans le cabinet du psychiatre strasbourgeois Georges Federmann, le réalisateur Swen de Pauw a cette fois posé sa caméra dans un cabinet d’avocates strasbourgeoises spécialisées en droit des étrangers. « Je ne suis pas un objet ! », s’écrie un premier client algérien, face à Maître Christine Mengus. L’avocate doit trouver une solution pour cet homme qui vit et travaille en France depuis des années et qui se retrouve interdit de territoire parce qu’il n’a pas le bon titre de séjour.
La question des papiers est au cœur du droit des étrangers, mais elle est loin d’être la seule. Le documentaire en aborde un grand nombre : le travail, le mariage, l’école et les enfants, les séparations, l’intégration…
Bande annonce de Maîtres
Le film ouvre la porte sur ces bouts d’histoires d’hommes et de femmes qui se battent pour vivre comme tout le monde, mais où rien n’est pareil. Un enfant qui est trop absent à l’école pèse sur l’avenir de ses parents, un homme amoureux est dénoncé par sa femme pour qu’il quitte la France. Swen de Pauw filme des visages graves, où l’on comprend la tristesse et la honte de se retrouver dans ces situations, mais aussi des moments de rires, dans ce cabinet où la parole est libre et précieuse. Le regard est clair et précis tant sur les histoires des clients que sur le travail des avocates. Rencontre avec un réalisateur à l’écoute.
Rue89 Strasbourg : Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir parler du droit des étrangers en France ?
Swen de Pauw : C’est une idée qui m’a été soufflée par le Docteur Federmann (psychiatre strasbourgeois avec qui le réalisateur a tourné deux documentaires en 2016 et 2019, NDLR), dont une grande partie du travail était dirigé vers les sans-papiers. Georges Federmann m’a parlé du cabinet de Nohra Boukara et de Christine Mengus, et il se trouve que je les avais déjà rencontrées dans d’autres contextes.
J’avais croisé Christine lors d’une réunion interprofessionnelle où tout un tas de gens se mettaient autour de la table pour trouver des solutions pour des étrangers dans des situations totalement hors cadre. Et j’avais rencontré Nohra lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009. Elle m’avait alors raconté qu’elle avait assigné la préfecture en justice pour des questions de liberté de circulation dans la ville pendant le sommet. J’avais été très impressionné !
Ce sont deux personnes très attachées aux libertés individuelles. J’ai donc d’abord passé quelques temps dans leur cabinet par curiosité et c’est devenu une évidence qu’il y avait un sujet hyper dense. En pointillé, j’ai observé leur travail pendant deux ans, puis l’équipe s’est installée pour le tournage pendant une année.
Nohra Boukara, avocate spécialisée en droit des étrangers à Strasbourg Photo : doc. remis
Comment avez-vous convaincu les avocates et leurs clients de se laisser filmer?
L’ensemble de mon travail depuis que je fais du documentaire repose sur une idée : la confiance, dans les deux sens. Les avocates m’ont fait confiance, même si elles ne voyaient pas forcément ce que je voulais faire de tel plan ou de telle réunion qui leur semblaient inintéressants. Pour les clients, c’était un vrai défi, puisqu’ils ne me connaissaient pas, ils ne connaissaient pas mon travail, souvent ils ne parlaient pas la même langue. Mais c’est ce que j’aime faire. On a travaillé de la même façon que pour le Divan du monde, où les patients du Dr Federmann livraient leur intimité.
Le réalisateur Swen de Pauw Photo : doc remis
Il n’est pas question de leur dire : « Faites comme si je n’étais pas là », il ne faut pas prendre les gens pour des idiots. D’abord je leur expliquais les choses oralement, je n’avais parfois que quelques instants en salle d’attente. Puis je leur laissais tout le temps qu’il fallait pour avoir l’autorisation de session de droit à l’image. Je leur disais d’en parler à leur famille, leurs amis, leur avocate, etc.
Avant de vous lancer dans le projet, que vouliez-vous dire sur le droit des étrangers ?
Ce n’est pas un documentaire sur le droit des étrangers. Ce qui m’importe dans mon travail, c’est d’entendre des histoires de vie, dans des lieux où la parole est favorisée, où l’on prend le temps d’écouter. Je cherche aussi des gueules, ce sont des gens qui ont un charisme fou à l’écran. Et d’habitude, on ne les entend pas, même quand il y a une manifestation pour les sans-papiers, on voit dix blancs qui prennent la parole à leur place devant les micros.
En creux, vous dessinez une société et un gouvernement très durs avec les étrangers, pourtant vous ne versez ni dans le pathos, ni dans la colère.
Bien sûr, tout est plus compliqué quand tu es étranger ! Ces personnes sont au-delà de la colère, ce serait une perte de temps. De la même façon, je suis au-delà de la colère, j’ai essayé de comprendre ces vies et ce système et d’y répondre de la manière la plus civilisée. Les avocates ont la même démarche que moi : elles cherchent des détails, des choses qui peuvent sembler inutiles à leurs clients, elles canalisent leurs peurs, leurs angoisses, dans le souci d’être constructives.
Le cabinet a déposé un recours contre l’obligation de quitter le territoire pour ce Bangladais qui cumule deux emplois. Photo : doc. remis
Les deux avocates Nohra Boukara et Christine Mengus ont deux tempéraments très différents, ce sont deux bons personnages de cinéma…
Oui, il n’y a rien à jeter, même graphiquement. L’une est petite, l’autre grande, elles ont deux façons d’occuper l’espace très différentes : Nohra est plus posée, Christine fait de grands gestes… Christine est plus cash, voire vulgaire, et j’étais intéressé par cette vulgarité à l’écran, mais cela desservait le propos, j’ai donc atténué ce coté-là.
Le spectateur ne sait pas ce qu’il advient de ces clients et vous ne montrez pas d’audiences : pourquoi ces choix ?
D’abord parce que la temporalité entre la justice et le cinéma n’est pas la même : je ne pouvais pas attendre d’avoir la fin de chaque histoire, et puis quand s’arrête une histoire ? Je trouve cela plus participatif de s’intéresser à un moment crucial de leur vie. J’ai essayé de mettre en valeur à chaque fois, un nœud de leur histoire. Après, je n’avais pas du tout envie de filmer des audiences, j’ai besoin d’avoir carte blanche et je ne voulais pas dépendre de chaque autorisation du tribunal, de rentrer dans des dynamiques de pouvoirs entre les juges… La scène de procès est une iconographie hyper représentée au cinéma, et qu’est-ce que je pouvais faire de mieux que ce qu’a réalisé Raymond Depardon dans Délits flagrants ou dans 10e chambre ? Rien. Je voulais juste laisser la place à des gens, encore une fois, qu’on ne voit pas au cinéma. Ici, ils se confient à leur avocate, ils ont le temps de parler, sans contrainte.
Alors que la Zone à faibles émissions (ZFE) est finalement entrée en vigueur le 1er janvier, plusieurs habitants de l’Eurométropole errent encore dans les labyrinthes administratifs avant d’obtenir leurs aides à la conversion… ou pas. Témoignages.
Les aides à la conversion permettent de subventionner l’achat d’un nouveau véhicule pour les habitants de l’Eurométropole, si les nouvelles normes de la Zone à faibles émissions (ZFE) empêchent de l’utiliser. Un guichet a été ouvert auprès de l’Agence du climat, une association créée par l’Eurométropole, qui accompagne des milliers de dossiers… Témoignage d’Eurométropolitains qui ne rentrent pas dans les cases.
Médecin, Frédéric habite dans le secteur du quai Finkwiller et travaille à Strasbourg ou à Haguenau selon les jours. « J’utilise ma voiture pour mes déplacements, c’est encore le plus simple », explique t-il. Mais pour combien de temps ? Depuis décembre, le Strasbourgeois bataille avec différentes administrations pour obtenir une vignette crit’air 2, correspondant aux normes d’émissions Euro 4 de son véhicule :
« J’utilise une Volkswagen Golf 4 qui est dans la famille depuis 2001. Elle est équipée d’un moteur plutôt moderne : il venait tout juste de sortir quand ma mère a acheté la voiture. En 2017, j’ai dû aller travailler quelques temps au Luxembourg et m’immatriculer là bas en tant que résident. Mais je revenais souvent à Strasbourg, à un moment où l’on demandait à tout le monde de s’équiper d’une vignette crit’air. J’ai donc effectué cette démarche et envoyé ma carte grise luxembourgeoise. Conformément aux normes de mon véhicule, j’ai reçu une vignette crit’air 2. »
Frédéric a changé de vignette en changeant d’immatriculation. Photo : Document remis
À son retour en France, Frédéric récupère son ancienne plaque d’immatriculation sans changer de vignette :
« Mais lorsque j’ai appris qu’il y allait avoir des contrôles automatisés, j’ai demandé sur le site dédié du gouvernement si ma situation n’allait pas poser de problème. On m’a indiqué qu’il fallait en effet que je demande une nouvelle vignette, ce que j’ai fait, en ligne, le 8 décembre. Quelques heures plus tard, j’ai reçu par mail mon avis et une facture avec une vignette… crit’air 3. »
Commence alors un dialogue de sourds avec l’administration :
« Je leur ai écrit pour dire que mon véhicule était aux normes Euro 4 et avait droit à une crit’air 2. La seule chose que l’on m’a répondu c’est que cette norme n’était pas indiquée sur la carte grise et qu’ils se basaient donc sur la date de la première immatriculation du véhicule. »
Frédéric leur renvoie alors le certificat de conformité de la voiture édité par le constructeur – couramment demandé par les administrations en charge de l’immatriculation des véhicules à l’étranger, et le tableau des normes d’émissions édité par la Commission européenne. Mais rien n’y fait.
Aucune contestation possible
« Certificat-air.gouv m’a de nouveau dit que ce qui comptait, c’était la carte grise. Et qu’il fallait que je fasse une demande à la préfecture pour que la norme Euro 4 apparaisse sur ce document. » Las, Frédéric finit par appeler au ministère de la Transition énergétique pour savoir de quelle autorité dépend l’agence chargée d’attribuer les vignettes crit’air :
« On m’a répondu qu’il s’agissait d’une entité indépendante. Donc pas d’autorité de recours contre ce type de dysfonctionnement. Si la préfecture refuse d’entériner ma demande, je n’ai personne vers qui me tourner pour contester le certificat qui m’a été attribué et qui ne correspond pas aux normes d’émissions de mon véhicule. »
Lequel pourrait alors être interdit de rouler dès 2025 selon le calendrier actuel. Frédéric regrette ces lourdeurs administratives. « Ils ont le numéro de série de mon véhicule, ils devraient pouvoir retrouver la norme d’émission de ma voiture, » pense-t-il. Quant à savoir pourquoi il avait obtenu la bonne vignette avec une plaque luxembourgeoise :
« Mon interlocuteur m’a dit que la procédure était purement déclarative pour les personnes immatriculées à l’étranger. J’appelle ça de la discrimination. »
Anticiper ne suffit pas…
Depuis le 1er janvier 2023, les véhicules Crit’air 5 ne peuvent plus rouler dans l’aire urbaine des 33 communes de l’Eurométropole. Paulette, 64 ans et habitante de Strasbourg, l’avait anticipé :
« J’avais une vieille voiture, une Honda 6.8. J’ai réalisé qu’elle n’allait pas pouvoir entrer dans la ZFE et que j’allais être bloquée. En mars, j’ai pris rendez-vous à la mairie pour me renseigner sur les aides disponibles. En août, j’ai mis ma voiture à la casse et j’en ai racheté une. »
Coût de l’opération : « plus de 10 000 euros », que la sexagénaire strasbourgeoise emprunte à des proches et sous forme de crédit bancaire. Et qu’elle s’imagine pouvoir rembourser rapidement. Elle reprend :
« Lors de mon rendez-vous en mars, on m’avait expliqué qu’il fallait que j’attende l’aide de la mairie pour pouvoir enclencher la demande de celle de l’État. Au moment de faire mes démarches, j’ai oublié cette précision et envoyé les deux dossiers en même temps. Mon dossier pour l’aide d’État a été traité tout de suite et on m’a dit que j’avais un mois pour envoyer le document justifiant des aides de la mairie. Le mois s’est écoulé sans nouvelle : j’ai demandé un nouveau délai qui m’a été accordé. Et j’ai rappelé la mairie pour savoir quand mon dossier serait traité. On m’a répondu que ce serait fait quand ce serait mon tour. »
Les mois passent et Paulette n’a toujours aucune nouvelle concernant les aides de l’Eurométropole :
« D’abord on m’avait dit que mon dossier serait traité d’ici 4 à 6 semaines. Puis on m’a donné un délai de 10 à 12 semaines et au final, il a été largement dépassé. »
À force d’appels, elle finit par apprendre en décembre qu’un des documents de son dossier a été mal photographié et doit le renvoyer. Ce qu’elle fait le jour même. Deux jours plus tard, elle reçoit une notification lui indiquant que son dossier a été validé et transmis à la comptabilité. Elle récupère le fameux document à envoyer pour recevoir les aides de l’État et le transmet au service compétent :
« Mais depuis j’attends. Je n’ai toujours rien reçu, s’inquiète t-elle en ce début de mois de janvier. Je me suis dit qu’il fallait laisser passer les fêtes mais financièrement cela commence à être un peu tendu. »
Plusieurs mois d’attente
Du côté de l’Eurométropole, on reconnaît que « les délais de paiement sont effectivement longs (plusieurs mois) pour des raisons techniques et de ressources humaines ainsi que la mise en place du dispositif en 2022. » Mais la collectivité indique que « les documents d’éligibilité des bénéficiaires – demandés pour bénéficier des primes de l’Etat, NDLR – sont envoyés dès que le dossier est complet et validé. »
« Le problème, c’est qu’ils mettent plusieurs mois à le valider, le dossier ! », s’indigne Paulette, qui ne s’étonne pas que peu d’aides aient été distribuées par la collectivité pour le moment au regard des lourdeurs de la démarche.
Jean-Marc et sa moto de collection Photo : Documents remis
Pas de place pour les motos occasionnelles
Poids lourds, véhicules de livraison, voitures individuelles… L’Eurométropole a abondamment communiqué sur les restrictions de circulation et les dérogations attenantes avant la mise en place de la ZFE. Mais sur les motos, « pas trop », regrette Jean-Marc. Motard depuis toujours, cet habitant de Hoenheim s’est lancé il y a trois ans dans la rénovation d’une Yamaha VMAX de 2001 :
« Elle avait été laissée longtemps dans un garage et abîmée par le sel. J’ai du la démonter au moins trois fois pour nettoyer un certain nombre de pièces. J’en ai fait décaper certaines chez des professionnels. En tout, j’y ai investi 6 500 euros. Et je ne compte pas la main d’œuvre puisque j’ai tout fait moi-même. »
Passionné de motos anciennes depuis qu’il a 18 ans , le quinquagénaire pensait pouvoir flâner avec sa Yamaha aux beaux jours, pour rendre visite à sa compagne à Erstein ou aller au travail, au Neuhof, de temps en temps, comme il l’avait toujours fait avec ses deux-roues. Mais à l’été, il découvre que son véhicule était classé crit’air 4 et serait donc interdit de circulation en 2024. « Après tout cet acharnement, cet investissement, je suis dégouté… »
Propriétaire d’une voiture crit’air 1 par ailleurs, Jean-Marc ne fait pas plus de 3 000 kilomètres par an avec ses motos :
« Ce n’est pas grand chose. Je me suis renseigné sur les dérogations concernant la ZFE et j’ai découvert que ma moto ne pouvait pas été considérée comme un véhicule de collection car elle n’a que 21 ans et qu’il en faut 30 pour obtenir ce statut. La seule chose que l’on a pu me proposer, c’est de faire une demande de ticket de circulation pour 24h (utilisable 24 fois dans l’année, NDLR). Mais je ne veux pas vivre avec ce couperet là au dessus de la tête alors j’ai choisi de la vendre et de racheter une moto crit’air 1. »
Jean-Marc s’est séparé de sa moto jeudi 29 décembre, un an avant l’interdiction des véhicules crit’air 4, pour qu’elle ne perde pas trop de sa valeur. Pour la prochaine, ce Hoenheimois regarde du côté des Harley d’occasion. Ticket d’entrée : 17 000 euros. Pour une électrique, compter plutôt 40 000 euros.
Primes à la conversion, inutiles pour les jeunes conducteurs
Jeune conductrice, Morgane se sent également prise au piège par la mise en place de la ZFE :
« J’avais l’intention d’acheter un véhicule de seconde main à un prix raisonnable, comme tout le monde l’a fait par le passé, pour limiter aussi le prix de mon assurance. »
Mais les véhicules d’occasion sont en général crit’air 3 à 5, remarque t-elle :
« Je ne veux pas acheter un véhicule qui ne peut pas rouler, ou va être interdit prochainement, mais je n’ai pas les moyens d’acheter un véhicule plus récent. Surtout que plus mon véhicule est cher, plus mon assurance jeune permis va l’être. Et de surcroît je ne bénéficie d’aucune aide, car je n’ai pas de voiture… Toutes les aides, de l’État ou de la métropole sont pour la conversion, pas pour le premier achat. »
Sans solution de transports en commun pour se rendre à son lieu de travail, elle cherche encore comment se sortir de ce guêpier.
On connait le deal, notre Racing est shakespearien. Le supporter, c’est une aventure passionnelle faite de hauts et de bas violents. Depuis le début de la saison en août, la Meinau, pleine à chaque fois, n’a pas pu assister à une seule victoire. Une nouvelle épreuve pour nous… mais on en a vu d’autres.
On a quitté les tribunes résigné, dans une procession silencieuse. Lundi 2 janvier, la défaite a été rude. Le Racing a perdu contre Troyes, et on commence sérieusement à craindre une descente en Ligue 2 la saison prochaine. Aucune victoire sur neuf rencontres à domicile depuis début août : cinq matchs nuls et quatre défaites. On ne demande qu’à s’enflammer. Ce n’est pas faute d’essayer, mais on n’a pas grand chose à se mettre sous la dent.
Les occasions de but sont rares lors de certains matchs, donc on se met à hurler quand notre équipe franchit le milieu de terrain. Dès qu’on a une infime raison d’y croire, toute la Meinau est debout. On a continué à chanter, fiers, jusqu’à la 90e minute, lors de la défaite 1 – 3 contre Rennes le 1er octobre. Rebelote la semaine suivante, alors qu’on se prenait une raclée de Lille : 0 – 3.
On est systématiquement revenu avec la même énergie les jours de match. La Meinau est pleine à craquer à chaque fois, 25 000 supporters dont 19 000 abonnés. On a cultivé l’espoir et la ferveur pendant toute cette descente aux enfers, qui nous place avant dernier du championnat de France début janvier.
La tribune ouest de la Meinau, parmi les plus ferventes de France. Photo : Detlef Johnssen / Wikimedia Commons
Attente interminable d’une victoire
Supporter le Racing est depuis quelques mois un exercice qui met la détermination à rude épreuve. Une sorte d’attente interminable de la victoire, en gardant toujours l’espoir. On a l’impression de faire du développement personnel : être positif malgré l’adversité, y croire même quand tout semble perdu, rester enthousiastes dans la défaite, etc. Ce n’est pas qu’on se complait là-dedans, mais on se persuade que des jours meilleurs arrivent, dès le week-end suivant. C’est comme si on croyait tous au karma : si on continue à les soutenir très fort, on sera récompensé, ils gagneront, mais il ne faut surtout pas lâcher.
En tout cas, si on supporte d’être supporters du Racing, c’est un sacré capital pour la vie. Cette défaite contre Troyes, un lundi gris, juste après le réveillon, nous a fait particulièrement mal. Certains ont pris un jour de congés exprès, puisque le match était planifié à 15h un jour ouvrable. Les membres des associations de supporters qui animent habituellement la tribune ouest, l’une des plus chaudes de France, ont boycotté le match pour protester contre cette programmation, pensée uniquement pour la diffusion à la télévision. Pas de tambour, pas de meneurs de chants avec leurs mégaphones.
Le Racing, un club tragique
On a assisté à un match à l’image de la première partie de saison : un jeu médiocre la majorité du temps, de grosses erreurs défensives qui permettent aux Troyens de mener de deux buts dès la 20e minute, un sursaut pour revenir au score avec notamment une magnifique transversale rentrante de Doukouré qui enflamme le stade, puis un nouveau but encaissé pour finalement perdre 2 – 3 ce match qu’il fallait absolument gagner pour relancer la saison. C’est rageant quand on voit ce que les joueurs du Racing sont capables de faire pendant leurs temps forts.
Même cette année, même sans victoire, ils ont réussi à nous faire vibrer, à leur manière. Par exemple en tenant tête au Paris Saint-Germain en ne perdant que 2 – 1 au Parc des princes le 28 décembre à cause d’un pénalty de Kylian Mbappé à la 96e minute. Ou contre l’Olympique de Marseille, en arrachant un inespéré match nul deux buts partout à la 93e minute, grâce à une reprise de volée de Kevin Gameiro qui a fait exulter la Meinau. Et puis une semaine plus tard, ils perdaient contre Ajaccio, 4 – 2 malgré un carton rouge du côté corse.
Le Racing est un club tragique. Ne comptez pas sur lui pour rester dans le ventre mou du classement comme le font pas mal d’équipes françaises. Ces 20 dernières années, on dirait que le scénario a été écrit par Shakespeare. On a vécu une victoire en Coupe de la Ligue en 2005, la coupe d’Europe dans la foulée, une descente en Ligue 2, une remontée en Ligue 1, une redescente en Ligue 2, une descente en nationale (troisième division), jusqu’à un dépôt de bilan en 2011 qui a causé une descente en CFA 2, la cinquième division, où le Racing jouait contre des clubs amateurs.
On en a vu d’autres, on a qu’à y croire
Puis les Alsaciens sont remontés jusqu’en Ligue 1, neuf ans plus tard, dans une incroyable ferveur. Le Racing a regagné la coupe de la Ligue en 2019. La saison 2021-2022 a été magique, terminée à la sixième place, aux portes de la qualification en coupe d’Europe. C’était il y a six mois, mais cela paraît déjà si loin.
Quand on est fan du Racing, il faut s’attendre à des émotions très fortes, des hauts et des bas. En ce moment, on est dans un creux. On espère que ça ne sera pas trop grave. « Un seul amour, et pour toujours, Racing club de Strasbourg », scande souvent le public. C’est sûr que c’est une histoire passionnelle. Le même chant descendait des travées en 2012 quand les équipes amateurs de Forbach, Steinseltz ou Schiltigheim venaient jouer à la Meinau.
Donc là, on est 19e de Ligue 1. Franchement, on en a vu d’autres. On est des supporters du Racing. Pas grave pour la défaite contre Angers en coupe de France, l’important, c’est le championnat. Notre équipe est à seulement 4 points du premier non relégable, il reste encore 21 matchs. Si on en gagne quelques uns, le maintien en Ligue 1 est largement possible. On peut même avoir une fin de saison de folie grâce à ça. Alors on a qu’à y croire, sinon à quoi bon suivre le Racing ? Peut-être qu’à la fin on retiendra une saison compliquée, mais avec le maintien au bout, et une Meinau qui sera restée fidèle, fervente et passionnée, même quand c’était difficile.
Le collectif Inter-QG Gilets jaunes du Bas-Rhin prévoit une manifestation samedi 7 janvier à Strasbourg, afin de relayer un éventail de revendications sociales.
Quatre ans après leurs premières manifestations, les Gilets jaunes organisent un retour visible dans plusieurs villes de France. À Strasbourg, « l’inter-QG des Gilets jaunes du Bas-Rhin » appelle à une mobilisation samedi 7 janvier à 13h30 place Kléber. L’objectif est de manifester contre les difficultés financières imposées par l’inflation et la crise énergétique.
« Il y a une urgence à compenser le poids de l’inflation sur nos vies. De plus en plus d’entre nous ont de sérieuses difficultés à boucler le mois. Nous voulons juste pouvoir vivre de nos salaires dignement et non survivre. »
Large éventail de revendications
Outre la baisse du prix de l’essence, qui avait provoqué l’irruption du mouvement en novembre 2017, le collectif bas-rhinois liste en outre une série de revendications tous azimuts, comme « l’augmentation des salaires, des allocations et des pensions » mais aussi « des services publics de qualité accessibles à tous » ou la « suppression des taxes sur les produits de première nécessité ».
Gilets jaunes place de la République à Paris en avril 2019 Photo : Christophe Becker / FlickR / cc
Le collectif demande également « le plafonnement et l’encadrement des prix des loyers » et s’oppose à la réforme des retraites, que le gouvernement s’apprête à présenter au parlement. Puis le collectif liste ses revendications habituelles contre « la dictature sanitaire » et « cette guerre sur le dos du peuple ».
Aucun trajet du cortège n’est précisé sur l’appel à manifester.
Le centre culturel et social Rotterdam a perdu l’usage de locaux municipaux, utilisés pour une série d’ateliers et de rencontres. La direction dénonce une volonté de nuire de la part de la municipalité, laquelle se retranche derrière une décision collégiale des collectivités financeuses.
Les jeux, les cours d’informatique et les ateliers d’écriture ou de cuisine proposés par le centre culturel et social Rotterdam (CCSR) au 24 rue de l’Yser dans le quartier du Conseil des XV vont devoir trouver d’autres locaux. La Ville de Strasbourg cesse de mettre à disposition du CCSR ces trois appartements de 56 m².
Pour le CCSR, cette décision est une attaque de la municipalité contre cette structure associative qui assure en outre le service périscolaire de l’école élémentaire du Conseil des XV. La majorité de ses activités destinées aux jeunes et aux personnes âgées se déroulent dans ces locaux, répartis en trois espaces : le Carambole, la ludothèque et la salle informatique.
Un agrément perdu et tout s’effondre
Pour la Ville, ces locaux doivent être réattribués à d’autres associations de quartier puisque le CCSR n’a plus d’agrément « Espace de vie sociale ». Le CCSR disposait de cet agrément attribué par la Caisse d’allocations familiales (CAF) depuis 2015 mais en juillet 2022, la CAF a notifié le CCSR qu’il ne serait pas reconduit au delà du 31 décembre 2022. Raison invoquée par la CAF : « la nature des actions menées et du partenariat local ne correspondent pas aux attendus. »
Sous-directeur à la CAF du Bas-Rhin, Frédéric Égelé refuse d’être plus précis :
« Les éléments ont été transmis à l’association, il y a eu des bilans d’étapes, avec des demandes, qui n’ont pas été suivies. La commission d’animation de la vie sociale a pris cette décision après que lui ont été transmis les échanges au sein du comité inter-financeurs, qui concluaient que les conditions d’attribution n’étaient pas réunies. »
Lors d’une soirée jeux en novembre Photo : CCSR / document remis
Directeur du centre culturel et social Rotterdam, Valentin Berger s’étrangle :
« Je ne sais pas ce qu’on nous reproche. Nous utilisons ces locaux depuis les années 2000, ils sont occupés en permanence et partagés par plusieurs associations qui travaillent dans le quartier. Ils sont animés par des bénévoles et remplissent pleinement leur mission… »
Un dialogue houleux avec la Ville
De son côté, Guillaume Libsig, adjoint à la maire de Strasbourg en charge de la vie associative, relate :
« Suite à la perte de leur agrément, on a rencontré l’équipe du centre Rotterdam en septembre. L’objectif était d’acter leur retrait des locaux rue de l’Yser et de caler la poursuite de l’accueil périscolaire dans l’école du Conseil des XV, qui donne satisfaction. La réunion a été assez houleuse et on n’a pas pu s’accorder sur un compte-rendu. »
Le 6 décembre, la Ville de Strasbourg notifie par écrit la fin de la mise à disposition des locaux rue de l’Yser… au 31 décembre. Un peu rude pour des locaux occupés par le CCSR depuis 2002 ! Le délai a été repoussé au 31 janvier. Guillaume Libsig assure que la Ville peut attendre que le CCSR soit prêt pour déménager, mais il faudra partir :
« J’ai huit associations qui ont besoin de locaux dans le quartier des XV. Ma boussole, c’est l’intérêt général. On ne peut pas laisser des moyens publics à une association qui ne remplit pas les critères de service à la population et refuser à d’autres associations ces mêmes moyens alors qu’elles fournissent les efforts demandés. »
Ville et CCSR ne sont pas d’accord sur les taux d’occupation des locaux Photo : document remis
Dans le quartier, c’est souvent l’incompréhension, d’autant que le CCSR mobilise ses adhérents à grands coups d’appels à l’aide en évoquant la lettre de la municipalité de décembre, et pas celle de la CAF de juillet. La maire Jeanne Barseghian (EE-LV) est attendue de pied ferme à la collecte des sapins que le CCSR organise samedi 7 janvier.
Méthode brutale
Nicolas Matt, conseiller départemental du canton (LREM) et conseiller municipal d’opposition, fustige la « méthode » :
« Quels que soient les reproches adressés au CCSR, on ne peut pas leur demander d’abandonner leurs locaux en quinze jours, c’est d’une brutalité inacceptable. Le CCSR œuvre dans le quartier depuis 1962. S’il y a un problème, on en discute mais on n’empêche pas une association d’aider les habitants ! D’où vient cette volonté de détruire ? Si j’avais été présent au comité inter-financeurs de la CAF, jamais je n’aurais voté la fin de cet agrément et on n’en serait pas arrivés là. »
Oui mais voilà, ce jour-là Nicolas Matt était malade, et l’élu de la Collectivité d’Alsace présent, Jean-Louis Hoerlé, a bien voté avec ceux de la Ville de Strasbourg pour la fin de l’agrément. Nicolas Matt indique que le maire de Bischheim a « fait confiance » au dossier instruit par la CAF, qui fait état d’une faible participation aux ateliers du CCSR, mais surtout d’un refus de collaborer avec d’autres associations de quartier.
« Il est possible qu’on n’ait pas pu aller à une réunion ou deux, admet Valentin Berger, mais nous répondons aux besoins des associations qui nous contactent et le taux d’occupation des locaux est tout à fait satisfaisant. »
Les difficultés du CCSR ne datent pas d’hier. En 2019, un diagnostic établi par un cabinet extérieur relève que l’association n’a pas de « réel projet à l’égard des jeunes », un manque qui avait été relevé en 2018 lors d’une visite du maire et qui ne semble pas comblé à ce jour. Yaël, qui connait bien le CCSR, résume :
« C’est une structure active et qui répond présente la plupart du temps, mais il y a des secteurs où elle n’arrive pas à proposer une offre suffisante, notamment en direction des jeunes. Mais on aurait pu garder ce qui fonctionne, comme la ludothèque par exemple… Que va devenir ce fonds exceptionnel et très bien entretenu ? On risque de devoir repartir de zéro pour plein d’activités… »
Les locaux rue de l’Yser n’étant pas liés à des postes de travail du CCSR, il ne devrait pas y avoir de conséquences sur l’équipe dirigée par Valentin Berger. Mais ce dernier pointe que les subventions municipales de fonctionnement au CCSR sont en baisse et que cette décision de retrait des locaux pourrait justifier une nouvelle baisse du montant de la subvention…
Quatre ans après le début du chantier et la coupe des arbres, des infatigables anti-GCO continuent de lutter contre les nuisances, analysent le trafic routier et communiquent abondamment, alors que le dossier sera une nouvelle fois examiné au tribunal administratif en janvier. Ils veulent être un appui pour les opposants à d’autres projets similaires en France.
« On sera toujours sur la route de Vinci, on ne les laissera pas dire des mensonges. » C’est la promesse que fait Bruno Dalpra, militant historique contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg construite entre 2018 et 2021 par la multinationale. Il fait partie du noyau dur d’une vingtaine d’opposants de longue date, qui continue à échanger toutes les semaines par mail, à se rassembler tous les deux ou trois mois pour fixer la stratégie de lutte, à envoyer des communiqués ou alimenter les réseaux sociaux.
Les opposants au GCO avaient interpellé les participants à l’inauguration de l’autoroute le 11 décembre 2021. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Dans la glaciale matinée du 18 décembre, 40 personnes ont manifesté sur un rond point de Duttlenheim, un an après l’inauguration de ce qu’ils qualifient de « couloir à camions ». Le but était notamment d’exposer le bilan de l’autoroute, que les militants jugent accablant, comme l’explique Luc Huber, ancien maire de Pfettisheim et membre de GCO Non merci :
« On avait sous-estimé les nuisances sonores. Elles sont très difficiles à vivre pour certains riverains qui peinent à dormir. Les bouchons existent toujours malgré le GCO, et la qualité de l’air ne s’est pas améliorée à Strasbourg alors que c’était les deux principaux arguments. Cette infrastructure à coûté des centaines de millions d’euros. Aujourd’hui, on voit bien que c’était absurde… tout ça pour ça ?! »
Lutter contre le trafic routier dans toute la France
Michaël Kugler a participé à un comptage du trafic routier, pendant 24 heures d’affilées, organisé par GCO Non merci en juin 2022, en distinguant les voitures, les poids lourds et les utilitaires légers pour analyser l’évolution du trafic :
« Nous ne voulons pas laisser à Vinci et à la préfecture le monopole des chiffres. C’est aussi une manière d’affirmer qu’on les surveille et qu’on est déterminé. Nous avions raison depuis 20 ans sur de nombreux points. Avant la mise en service, ce n’étaient que des hypothèses, mais nous pouvons les vérifier aujourd’hui. Et nos données peuvent servir pour d’autres luttes. Personne ne pourra nous dire que les anti-GCO se battaient juste pour ne pas avoir une autoroute au fond du jardin. Notre engagement est global sur les politiques des transports en France. »
La fédération La Déroute des routes en est un bon exemple. Aujourd’hui composée d’une cinquantaine de collectifs d’opposition à diverses routes en construction, elle a été initiée par trois personnes dont Bruno Dalpra, de GCO Non merci. La Déroute des routes demande notamment un moratoire aux parlementaires sur les projets routiers. « Le gouvernement s’apprête à repenser les infrastructures de transport à travers un rapport du conseil d’orientation qui devrait être rendu en janvier 2023. Nous souhaitons que ce plan d’investissement, qui concerne des milliards d’euros, se concentre sur les lignes de train, pas sur la route », expose Bruno Dalpra.
Bruno Dalpra (à gauche) aux côtés de l’ancien maire de Kolbsheim Dany Karcher (à droite), deux figures de la lutte contre le GCO.Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
La bataille juridique continue
Le militant souhaite également que l’expérience de GCO Non merci puisse servir à d’autres collectifs :
« À Rouen par exemple, l’argumentaire pour la construction d’un contournement de la ville, toujours au stade de projet, ressemble fortement à celui déployé pour le GCO. Les opposants pourront utiliser nos bilans pour communiquer. Nous échangeons aussi sur la lutte en elle-même, l’importance de ne jamais lâcher, même quand on a l’impression qu’un projet est abandonné, comme c’était le cas chez nous. »
De son côté, l’association Alsace Nature, membre de GCO Non merci, ne lâche pas la bataille juridique non plus. En juillet 2021, le tribunal administratif avait jugé de nombreuses études d’impact insuffisantes. Vinci et la préfecture avaient théoriquement jusqu’à mai 2022 pour produire de nouvelles études et publier un arrêté complémentaire afin de rendre l’autoroute légale. Finalement, l’audience aura lieu le 19 janvier, et la nouvelle enquête publique (sur laquelle GCO Non merci s’est aussi mobilisé) s’est encore conclue par un avis défavorable à l’autoroute.
Fermer l’autoroute et utiliser la zone pour d’autres activités
Luc Huber croit toujours en une annulation définitive par le tribunal administratif de l’arrêté préfectoral qui autorise le GCO :
« Si c’est le cas, on sera en position de force pour demander d’autres activités plus pertinentes sur ces terres artificialisées, comme l’installation d’industries relocalisées, la production d’énergie avec des unités de méthanisation ou des panneaux photovoltaïques. »
Conscient que ce scénario est improbable, il indique surtout lutter pour limiter les nuisances qui font aujourd’hui souffrir les habitants des villages en bordure de l’autoroute :
« Le péage est moins cher la nuit, donc cela incite les camions à le passer à ce moment-là, ce qui dérange beaucoup les riverains (certains ont mesuré 60 décibels la nuit au niveau de leur domicile). Cette différence de prix doit disparaître pour ne pas inciter les poids lourds à prendre le GCO la nuit. Nous demandons aussi la mise en place d’une écotaxe pour rendre la traversée de l’Alsace moins attractive et réduire le nombre de camions. »
La lutte contre l’autoroute de contournement de Strasbourg dure depuis plusieurs décennies. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Une grosse activité sur les réseaux sociaux
Les militants anti-GCO continuent d’alimenter régulièrement leur site internet et leurs pages sur les réseaux sociaux, avec souvent plusieurs publications par jour dirigées vers leurs 4 700 abonnés sur Facebook. Il y a aussi les liens créés par la lutte que Caroline Ingrand-Hoffet tient particulièrement à conserver. La pasteure de Kolbsheim permettait aux zadistes d’utiliser le presbytère et elle a accompagné ses paroissiens dans le traumatisme suscité par le rasage de la forêt voisine. Elle a organisé en septembre, avec quelques autres anti-GCO, dans son village, la troisième édition du festival « Dix jours vert le futur ». Et elle compte bien continuer ces prochaines années :
« La lutte contre cette autoroute m’a permis de consolider des relations fortes, tissées entre des militants, des villageois, des zadistes et des artistes. Il y a des conférences, des concerts, des spectacles ou encore des projections. Le but est aussi de se tourner vers le futur, de penser le monde, après ce que nous avons vécu. »
Pour Caroline Ingrand-Hoffet, pasteure à Kolbsheim, l’engagement contre le GCO répond aussi à des valeurs bibliques.Photo : Salem Slimani / Rue89 Strasbourg / cc
« Une braise continue à brûler »
Michaël Kugler, militant anti-GCO
La pasteure prend désormais part au mouvement international, multiconfessionnel et écologiste GreenFaith. Il rassemble des fidèles de nombreuses religions qui s’engagent par divers modes d’action, allant jusqu’à la désobéissance civile. « Une braise continue à brûler », observe Michaël Kugler. « Même si le GCO est là maintenant, on aura au moins la satisfaction d’avoir notre conscience pour nous », philosophe Luc Huber :
« On n’a jamais été dans des fantasmes comme les défenseurs du GCO, on a toujours été le plus juste possible dans nos revendications, on a essayé d’être constructifs, avec notre livret des 10 solutions contre les bouchons par exemple. D’ailleurs, le réseau express métropolitain (que la SNCF essaye de lancer depuis le 11 décembre, NDLR) en faisait partie. On a toujours été, sincèrement, pour l’intérêt général. C’est donc logique qu’on continue maintenant à lutter contre les nuisances du GCO, parce qu’il y a encore des leviers d’action aujourd’hui. »
Les anti-GCO luttent encore aujourd’hui, un an après l’inauguration de l’autoroute, quatre ans après le début du chantier, notamment contre les nuisances sonores que subissent les riverains.Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
En septembre et octobre 2018, au début de la construction de l’autoroute, lorsque des forêts ont été rasées, des milliers de personnes s’étaient mobilisées lors de manifestations à Kolbsheim, Vendenheim ou Strasbourg. Pour Bruno Dalpra, démontrer le décalage entre le discours de Vinci et la réalité, mettre en évidence les mensonges, sert aussi à faire progresser la conscience militante et écologiste de ceux qui suivent GCO Non merci depuis toutes ces années. Selon lui, la lutte contre cette autoroute a aussi créé une grande expertise citoyenne chez les militants, qui perdurera.
Une petite dizaine de salariés en amont de la chaîne de production de la brasserie schilikoise sont en grève depuis ce lundi 2 janvier, pour une durée indéterminée. Avec l’appui des syndicats, les ouvriers demandent la non fermeture de l’usine.
« Nous tenons à nos emplois, cette fermeture est un non sens », estime Mickaël Burck, délégué du personnel pour la CFDT. La direction du groupe Heineken avait annoncé sa volonté de cesser l’activité de la brasserie de Schiltigheim le 14 novembre, malgré un bénéfice net de 3,3 milliards d’euros en 2021.
Comme tous les ans, l’usine a cessé de produire de la bière entre Noël et le passage en 2023. Elle devait être relancée lundi 2 janvier. Mais à 4h du matin, une petite dizaine d’ouvriers en charge de la filtration et du brassage ont débuté une grève qui paralyse toute l’usine, pour demander l’annulation de la fermeture du site. Leur travail est indispensable au reste de la production. Les grévistes se servent d’un préavis illimité déposé dès novembre. La majeure partie des autres ouvriers ont été mis en repos par la direction, le personnel des bureaux lui, continue à travailler.
Les salariés d’Heineken sont déterminés à obtenir la non fermeture de leur brasserie à Schiltigheim. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg
50 millions d’euros nécessaires pour sauver l’usine
L’intersyndicale CGT-FO-CFDT appuie ce mouvement spontané, et compte s’en servir pour mettre le groupe Heineken France sous pression. Mickaël Burck explique :
« Tous les matins à 7h on se réunit avec les grévistes et d’autres salariés, et on décide de ce qu’on fait le lendemain avant de l’annoncer à la direction dans la foulée. La direction nous a expliqué qu’elle devait investir 100 millions d’euros pour les sites de Mons et de Marseille, pour leur permettre de réaliser notre production actuelle en plus de la leur. Mais à Schiltigheim, il faudrait investir 50 millions d’euros pour rénover la brasserie et pouvoir continuer. Nous demandons que le groupe fasse cet investissement pour garder les 220 emplois de l’usine. »
Le syndicaliste évoque aussi l’enjeu écologique : « Avec les pénuries d’eau, il vaut mieux avoir plusieurs sites pour éviter de tout puiser au même endroit. » La prochaine réunion de négociation entre les organisations syndicales et la direction aura lieu le 12 janvier.
Plus de 200 personnes ont trouvé refuge dans un immeuble de la Meinau voué à la démolition. En novembre, la justice a ordonné leur expulsion. La plupart espèrent rester jusqu’à la fin de la trêve hivernale. Et après ?
Quand l’immeuble de la rue de Bourgogne sera t-il évacué ? Et dans quelles conditions alors que beaucoup d’enfants et de malades ont trouvé refuge dans ce bâtiment ? Y aura-t-il des relogements adaptés et pour combien de personnes ? Que se passera-t-il pour les personnes dont les titres de séjour sont échus ?
Depuis une décision du tribunal de Strasbourg du 4 novembre ordonnant l’expulsion, ces questions sont ouvertes. Ceux qui habitent dans cet ancien bloc d’habitat social de la Meinau se les posent tous les jours, ainsi que d’autres : y aura t il de l’eau chaude aujourd’hui ? De l’électricité ? Où aller du matin au soir pour ne pas risquer d’être contrôlé, évacué et conduit en centre de rétention… Armen, sa femme et ses deux enfants collégiens à Strasbourg sont dans cette situation pénible :
« Nous quittons le squat tous les jours à 5h30 en raison du risque d’évacuation et n’y retournons qu’après 21h ou 22h… Nous avons peur. De 5h30 à 7h30, nous nous asseyons à l’arrêt de bus ou nous montons dedans jusqu’à ce que les enfants aillent au collège vers 8h. Le soir, c’est la bibliothèque. En vacances, c’est plus difficile… »
Environ 70 familles sont installées dans cet immeuble de 54 logements voué à démolition (voir tous nos articles). Le 9 décembre, une pétition, diffusée à l’initiative des habitants, alerte sur la situation très fragile des 223 personnes réfugiées dans ce bloc dont plus de 30 enfants :
« Nous avons toutes et tous des histoires singulières mais l’absence de solution d’hébergement ou de logement nous a amenés à trouver un abri dans ce bâtiment. (…) Nos situations sont très diverses : en cours de suivi médico-social, en attente de logements sociaux ou de titres de séjour. Nous sommes plusieurs à être intégrés localement, participant à des actions bénévoles, humanitaires. Nos enfants sont scolarisés et une grande partie d’entre nous travaille. »
Les 23, 25 et 27 rue de Bourgogne à la Meinau, plus de 200 personnes y vivent, parfois depuis plus d’un an Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Aucune réponse du 115
Les témoignages recueillis font tous état du même constat : le 115, le numéro du Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), n’a jamais de solution d’hébergement d’urgence disponible, le dispositif est saturé. Une situation qui redouble les angoisses des habitants quant à leur situation après l’expulsion… Certains misent sur un sursis en raison de la trêve hivernale, comme l’a promis la société propriétaire In’li Grand Est dans un article des DNA fin novembre.
L’opération immobilière envisage de réhabiliter ce bâtiment dans le cadre d’un projet plus important, In’li Grand Est, qui fait partie du groupe Action Logement, propose de « l’habitat intermédiaire », qui se veut moins cher que le parc privé. Aucun logement du projet à venir ne sera accessible aux bénéficiaires du parc social.
Alexeï, un Letton de 37 ans, a mobilisé les troupes, signé et envoyé la pétition. Il est, en tant que ressortissant européen, résident de droit en France. Attaqué en août 2021 par un ancien compagnon qui l’a lardé de 18 coups de couteaux, il est désormais handicapé. Sa demande de logement social est restée sans réponse, l’ancien ouvrier monteur dans une usine allemande ne peut travailler tant que son état n’est pas stabilisé : il montre que sa main n’a plus de souplesse, ses tendons ont été sectionnés.
Alexei, a initié la pétition des habitants du squat Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Dans son appartement, des fiches de règles de grammaire française et des listes thématique de vocabulaire sont placardées au mur. Le chauffage est coupé dans l’immeuble, mais des petits radiateurs électriques tournent. Une musique jazz légère donne l’impression d’une vie presque normale. Au mur un poster du boys band One direction, pour son album Take me home. Un post-it fluo avec écrit en gros « 115 » est collé dessus : « One direction ? Aucune », résume-t-il en plaisantant l’issue systématique de ses appels pour une solution d’hébergement. Quand il se départit de son sourire, c’est pour raconter :
« Tout cela est vraiment stressant. J’ai besoin d’un logement, je dois pouvoir avoir des conditions de vie normale, pour me retaper et apprendre la langue française. Et enfin retrouver un travail. »
Des vies en pointillés
Certains comme Alexeï sont installés ici depuis un an maintenant, ont pris leurs marques tant bien que mal. Les menaces d’expulsion, la visite régulière des forces de l’ordre aux alentours, les coupures d’électricité et d’eau, rythment un quotidien que les familles essaient pourtant de mener de façon la plus ordinaire possible. Sous certaines sonnettes, il est indiqué en géorgien et russe la présence d’enfants, comme un talisman pour protéger contre les agressions…
Avec l’hiver et les températures glacées, l’eau chaude a un temps été coupée dans l’immeuble. Les habitants ont cru à une énième ruse pour les faire partir. Alerté, In’Li a finalement rétabli l’eau chaude, craignant pour la sécurité du bâtiment au vu des bricolages électriques pour chauffer l’eau, selon un membre d’une association qui accompagne les habitants.
Dix ans d’attente
Deux ex-époux, Géorgiens, cohabitent dans l’appartement sous celui d’Alexeï. Le Letton apprécie en connaisseur le morceau de jazz qui irrigue l’appartement. Les deux ex-époux ont un fils marié à une Française, ils ont demandé l’asile dès leur arrivée en 2011 mais ne l’ont pas obtenu et sont désormais au bout de leurs recours. Ils espèrent quand même être régularisés et pouvoir travailler. Les deux montrent fièrement les diplômes d‘ingénieurs du rail obtenus à Tbilissi.
Alla et sa chienne Maya Photo : SW/rue 89 Strasbourg
Pour le moment, seule Alla travaille de temps en temps, des ménages au noir : « Je suis une mamie de Française sans argent », dit elle comme en s’excusant, en montrant tout de même des jouets récupérés qui attendent la prochaine visite de sa petite fille sous le sapin décoré. Compagne et gage de sécurité, Maya, une chienne recueillie en France par le couple a, elle, tous ses papiers et elle est même pucée affirme Andreï. Il décrit ses journées en attendant qu’une issue improbable se présente à eux :
« Je vais de la maison aux Restos du cœur, des Restos du cœur à la maison, et j’écoute du jazz. Je ne suis pas un criminel, ni un alcoolique, ni un drogué ; alors pourquoi on ne me donne pas une carte de séjour ? »
Andrei et Alla ne savent pas où ils iront en cas d’expulsion du squat.
Des malades et des personnes fragiles
Direction le logement de la famille d’Elene, Géorgienne également, elle vit au squat Bourgogne depuis décembre 2021 avec son mari, sa mère et ses trois enfants. Les deux plus grands, Sesili, 14 ans, et Giorgi, 10 ans, sont scolarisés. Déboutés de l’asile, la famille attend une réponse à sa demande de titre de séjour « étranger malade ». Le mari qui est atteint d’une maladie respiratoire, amaigri, vient de sortir des urgences pour une infection du poumon. Il doit être sous respirateur environ 20 heures sur 24, explique sa fille Sesili :
« On n’a pas d’eau chaude en continu, et en plus c’est souvent la nuit qu’elle arrive, mais on préfère rester ici. On peut cuisiner, pas comme à l’hôtel. Et le respirateur de papa doit rester branché. »
L’adolescente fait visiter l’appartement. Il est meublé très simplement, mais sa chambre a des murs peints en lilas dont elle a choisi la couleur et elle se réjouit d’avoir souvent des copines qui viennent la voir. La famille pense qu’elle appellera le 115 après l’expulsion et espère, sans trop y croire, avoir un hébergement à ce moment-là.
Dans l’appartement d’Elene et sa famille, avec Anastasia, un an et demi qui gambade Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Si les conditions de vie au 23, 25 et 27 rue de Bourgogne semblent spartiates, les familles installées depuis plusieurs mois se sont meublées peu à peu, ont décoré leur domicile temporaire, des épices du pays agrémentent les placards de la cuisine, des plantes poussent sur les balcons… Régulièrement, des associations leur viennent en aide parmi lesquelles Médecins du monde, les Petites roues, Strasbourg action solidarité, Ithaque, etc. Une solidarité de fait règne aussi entre les habitants, dont la plupart viennent d’Europe de l’Est.
Aux incertitudes des semaines à venir s’ajoutent les conditions encore plus sordides de ceux qui ont emménagé dans les garages du bloc. Ce matin, des portes restent fermées mais les garages habités se devinent par des portes calfeutrées en bas par du bois et du tissu, afin d’éviter que le froid ne s’y engouffre. Un coup sur la porte et celle-ci bascule en laissant entrevoir un espace plus ou moins équipé.
Edisher a installé un frigo, une petite table, des chaises et un lit. Un ragoût mijote dans une casserole. Le vieil homme, Géorgien, se présente comme invalide, il montre sa hanche pour expliquer qu’il est équipé d’une poche et que, trop fatigué pour monter et descendre dans l’appartement qu’il squattait en haut d’un des blocs, il a décidé de s’installer dans un garage en mars et ne monte que pour se laver.
Faute d’autre solution, certains se sont installés dans des garages Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Trois autres garages sont occupés par des squatteurs malades, tous Géorgiens. Particulièrement fragiles, leur conditions de vie sont encore plus rudes ici. Pas de lumière naturelle, ni d’air, seulement le froid et l’humidité.
Le garage qu’occupent Sopibo, son mari et son fils est dénué du moindre confort. Des pneus entassés font office de table. Des canapés en guise de lits, et au sol, une casserole bout. Le fils, Beso, 12 ans, est atteint d’une maladie orpheline, il a du mal à parler et il est parfois pris de mouvements saccadés. Sopido doit faire attention à ce qu’il ne trébuche pas et ne se blesse pas. Ils auraient dû demander l’asile en Allemagne, pays de leur arrivée, mais Beso est désormais soigné en France, son état requiert un suivi régulier selon Sopibo :
« Ce n’est pas un endroit pour mon fils ni pour nous. Il est malade, il a besoin de sa chambre. Et moi je dois pouvoir cuisiner correctement. C’est trop dangereux. »
La mère de famille a appelé le 115 à plusieurs reprises, mais les services d’hébergement d’urgence estiment qu’ayant une « solution » avec ce garage, ils ne sont pas prioritaires, regrette Nicolas Fuchs de Médecins du monde, qui voit venir le printemps avec appréhension :
« Au moment de l’expulsion, est-ce que les malades bénéficieront de logements adaptés ? Quelle sera l’attitude des forces de l’ordre ? Il y a beaucoup d’enfants et de personnes fragiles ici, et une évacuation, c’est traumatisant. »
La trêve hivernale s’arrête au lendemain du 31 mars.