Jeudi 26 janvier, dès 6 heures, une quarantaine d’étudiants ont bloqué l’Institut Le Bel sur le campus central de l’Université de Strasbourg. Objectif : mobiliser la jeunesse contre la réforme des retraites. Ils appellent à une assemblée générale devant la faculté de droit à midi.
« Réforme des retraites On dit NON ! Jeunesse en lutte » La banderole est accrochée à des grillages disposés devant l’entrée principale de l’Institut Le Bel. Les autres portes sont aussi condamnées par des caddies, des palettes et autres poubelles. Ils sont une quarantaine d’étudiants à avoir rejoint le campus central dès 6 heures. Marc (le prénom a été modifié), du syndicat Solidaires Etudiant·es, explique :
« La décision du blocage a été prise en assemblée générale hier. C’est une opposition à la réforme des retraites mais nous avons des revendications au-delà de cette réforme, en lien avec la précarité étudiante et notre infantilisation par la présidence de l’Université. »
« Une soixantaine de CRS pour évacuer une simple AG, c’est la première fois que je vois une telle répression. Or en tant qu’étudiant je considère l’Université comme un endroit où l’on est libre de s’organiser politiquement. »
Lilian continue à toute vitesse, lancé dans sa dénonciation de la « politique gouvernementale de précarisation de la population » :
« Cette réforme, c’est le point culminant de plusieurs années de politiques contre les travailleurs et les pauvres. Regardez, ici, on est de plus en plus nombreux à bosser à côté de nos études parce que les aides des boursiers n’augmentent pas avec l’inflation. Et maintenant, le gouvernement veut nous forcer à bosser de plus en plus tôt, pour de moins en moins d’argent et pour de plus en plus longtemps. On ne veut pas de cette vie-là. »
Une assemblée générale à midi devant la fac de droit
Vers 7h30, les premiers étudiants arrivent sur le campus central. À quelques pas de l’institut Le Bel, une étudiante distribue un tract intitulé « La réforme des retraites : tou·tes concerné·es ». La petite feuille appelle à se rassembler le jeudi 26 janvier à midi en assemblée générale devant la faculté de droit. Le même jour, un rassemblement est prévu à 18 heures place Kléber. La prochaine journée nationale de mobilisation aura lieu mardi 31 janvier avec une manifestation à 14 heures au départ de l’avenue de la Liberté.
À partir de la rentrée 2023, le lycée privé Jean Sturm fermera sa section internationale. Les parents d’élèves et les enseignants se plaignent des conséquences sur les élèves et des justifications imprécises de l’établissement.
Bisbille sur l’avenir du BISS (Bilingual International School of Strasbourg). Depuis 2015, l’établissement privé scolaire Le Gymnase situé à Strasbourg offre la possibilité à ses élèves de s’inscrire à l’École Internationale Bilingue de Strasbourg. Dans cette filière, « hors contrat » par rapport à l’Éducation nationale, les cours sont dispensés en français et en anglais. Accessible dès la classe de CP, la section doit permettre l’obtention d’un baccalauréat international.
Disparition de la section au lycée dès septembre 2023
Dans un communiqué transmis le 14 décembre 2022 aux parents d’élèves, la direction de l’établissement a annoncé la fermeture des classes de lycée du BISS. Cette disparition prévue pour la rentrée 2023 a fait bondir les premiers concernés.
La situation des lycéens qui suivent ce cursus inquiète les parents d’élèves. L’établissement assure que le BISS sera maintenu jusqu’au baccalauréat pour les élèves en classe de seconde à la rentrée 2022.
Mais des parents d’élèves craignent que la qualité des cours soit dégradée suite à cette décision. Faute de classe de seconde à encadrer à la rentrée prochaine, certains enseignants verront leur volume horaire diminuer, ce qui pourrait leur donner envie de changer d’établissement. « Ce sont peut être quatre ou cinq enseignants qui verront leurs horaires réduits dans la section internationale à la prochaine rentrée », assume Philippe Buttani, directeur du lycée Jean Sturm. À ce jour, malgré le désistement annoncé d’un professeur, le corps enseignant n’a pas perdu d’effectifs.
Une intégration au programme français laborieuse
L’avenir des élèves inscrits actuellement en classe de troisième de la section internationale est également incertain. Sans possibilité de poursuivre leurs études dans la filière internationale du lycée l’an prochain, les collégiens ont été contraints de s’inscrire dans la filière générale, en contrat avec l’Éducation nationale mais faisant l’objet d’une sélection à l’entrée. Une situation qui a conduit au refus d’inscription de six élèves en raison d’un niveau en langue française jugé insuffisant (certains élèves du cursus ne sont pas francophones).
Face à la pression des parents d’élèves, le lycée a fait marche arrière. Finalement, l’intégralité des élèves de troisième de la section internationale pourront intégrer à la rentrée prochaine la section générale classique du lycée Jean Sturm avec de possibles aménagements spécifiques, comme l’explique le directeur d’établissement Philippe Buttani : « On va proposer des cours de français supplémentaires et un accompagnement des familles, » avant d’ajouter que « ces cours ne vont pas se mettre en place du jour au lendemain. » Une offre qui ne donne pas satisfaction aux parents d’élèves : « La probabilité que des élèves de seconde s’en sortent grâce à quelques heures de cours de français me paraît hautement improbable », réagit Anne (le prénom a été modifié), mère d’un collégien en section BISS.
« Ils viennent de couper la tête du programme »
Pour les parents, élèves et professeurs de l’établissement, la véritable crainte est encore plus large. Pour le BISS, dont le parcours d’enseignement débute en classe de CP et s’achève avec l’obtention du baccalauréat international, la fermeture des classes de lycée engendre la disparition de l’intérêt principal de la filière. « Ils viennent de couper la tête du programme. Le risque, c’est que tous les autres niveaux finissent par disparaître », témoigne Anne, dont l’enfant est au collège en section BISS.
Anne espère que des solutions seront trouvées pour maintenir l’attractivité du BISS. Mais sur ce point encore, la direction de l’établissement peine à convaincre les parents d’élèves. Philippe Buttani avait notamment proposé de mettre en place au sein de la filière classique, un parcours disposant d’un nombre d’heures d’anglais supplémentaires. Une solution rejetée par plusieurs parents d’élèves. Pour eux, comme pour un enseignant interrogé, le programme BISS représente plus qu’une certification en langue :
« Le BISS, ce n’est pas que de l’anglais, c’est une pédagogie de cours bien différente du système français, où l’élève construit le cours avec son enseignant. »
Un enseignant au lycée Jean Sturm
Plus globalement, l’enseignant interrogé exprime sa déception face à une décision jugée précipitée et mal expliquée :
« Il y a un sentiment partagé par tous les enseignants : l’incompréhension. Car cette section internationale, c’est beaucoup de temps pour préparer ces cours. C’est aussi une déception parce qu’on met fin d’un coup à un cadre particulier qui permet aux élèves de s’épanouir. »
Une fermeture contestée
Les parents d’élèves reprochent également à la direction les justifications avancées pour la fermeture du BISS. Parmi elles, le manque de rentabilité du programme : « Depuis quelques années, on enregistre un déficit de 350 000 euros chaque année pour le BISS. Cette année, cette somme s’est ajoutée à d’autres augmentations structurelles des dépenses », assure Philippe Buttani.
Un chiffre contesté par les parents d’élèves qui critiquent un montant « derrière lequel on ne sait pas ce qui a été pris en compte ». L’argument est d’autant plus mal accueilli que le sujet n’avait jamais été abordé par le passé et que chaque parent débourse entre 5 240 et 7 828€ par année pour un élève en section BISS. Sophie (le prénom a été modifié) est la mère d’un élève de 4e du cursus international :
« On se doute que cette décision n’est pas apparue du jour au lendemain. Pourtant aucune réunion n’a eu lieu pour nous dire que les finances allaient mal et que cela risquait d’engendrer la fermeture de la section internationale. On aurait peut-être pu négocier, payer plus pour que ça s’arrange. »
Une parent d’élève de la section BISS.
Un manque d’anticipation de la direction
L’incapacité pour la filière à trouver son public est le deuxième point de discorde. Pour l’établissement, trop peu de collégiens souhaitent poursuivre la section internationale au lycée. Un problème existant, certes, mais qui pourrait être résolu dans un futur proche selon Anne :
« Il y a eu un changement dans la manière de vendre ce cursus. Avant, on vantait le niveau d’anglais, maintenant c’est le projet pédagogique qui est mis en avant. Le problème, c’est que les élèves inscrits en CP grâce à ces arguments sont aujourd’hui seulement en quatrième. Il fallait simplement attendre une année de plus pour voir si cette approche avait fonctionné… »
Anne, maman d’un enfant inscrit au collège dans la section BISS.
Une réunion est prévue entre la direction, les parents d’élèves et le corps enseignant vendredi 27 janvier.
Contre la réforme des retraites, l’intersyndicale du Bas-Rhin appelle les Strasbourgeois à se réunir au centre-ville mardi 31 janvier pour une nouvelle manifestation.
Retraites, deuxième round. Après le succès de la première manifestation du jeudi 19 janvier, où 18 000 personnes ont battu les rues de Strasbourg pour protester contre une réforme des retraites, l’intersyndicale du Bas-Rhin appelle à une deuxième manifestation à Strasbourg, mardi 31 janvier à partir de 14 heures.
Au vu de la mobilisation des Strasbourgeois, l’intersyndicale a adapté le trajet. Exit la place de l’Étoile, jugée trop modeste pour accueillir le départ du cortège. Rendez-vous est donné mardi sur l’avenue de la Liberté, entre l’église Saint-Paul et la place de la République. Le cortège se dirigera ensuite vers les quais, puis passera par la Krutenau et la place Kléber avant de se disperser place de la République.
Ce trajet peut cependant évoluer en fonction des contraintes des autorités publiques.
Mobilisation des passants jeudi place Kléber
Gilles Dimnet, membre du secrétariat départemental de la CGT du Bas-Rhin, est confiant :
« J’ai fait toutes les manifestations à Strasbourg depuis une trentaine d’années et je crois que c’est la première fois qu’il y a autant de monde. En termes de mobilisation, nous sommes dans une situation favorable. De son côté, le gouvernement a l’air très motivé pour faire passer cette loi… Donc on va lui montrer qu’on l’est encore plus pour la retirer. »
L’intersyndicale du Bas-Rhin prévoit un rassemblement place Kléber, jeudi 26 janvier de 18h à 19h30, dont l’objectif est d’appeler le public à participer à la manifestation du mardi 31 janvier, avec des prises de parole et une distribution de tracts.
Plus de cantines à Strasbourg
Parmi les perturbations prévisibles mardi, les circulations des bus, trams et trains devraient être fortement réduites. Les cantines de la Ville de Strasbourg seront toutes fermées mardi, sans qu’il soit possible de laisser les enfants entre 12h et 14h. Si des professeurs des écoles sont en grève, un service minimum d’accueil des enfants est mis en place dans des écoles de rattachement selon un tableau transmis aux familles.
Réseau de la CTS très perturbé
La Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) a communiqué dimanche ses prévisions de trafic pour la journée du mardi 31 décembre. Les lignes de tram A, B, C et D circuleront mais toutes les 14 à 16 minutes environ. Les lignes de tram E et F circuleront toutes les 20 à 30 minutes. La plupart des bus circulent mais avec des cadencements plus espacés de quelques minutes (L1, L3, L6 comptez 10 à 15 mn entre chaque bus par exemple). Pour les détails, voir la page dédiée de la CTS.
Une partie du réseau des bus interurbains perturbé
À la Compagnie des transports du Bas-Rhin (CTBR), une partie des lignes sont assurées normalement (201, 209, 231, 233, 234, 235, 236, 262, 263, 404, 405, 420 , 903, 904, 905, 906, 907, 908, 909, 910, 911, 912) tandis que les lignes les plus courtes du réseau ne seront assurées qu’à 60% de leur cadencement habituel (203, 205, 210, 220, 230, 232, 240, 257, 260 et 270). Des détails horaires seront progressivement publiés sur le site de la CTBR.
Aucun TER en circulation
Comme lors de la précédente manifestation, la grève d’une partie stratégique du personnel à la SNCF contraint l’entreprise semi-publique à annuler tout le trafic des trains régionaux mardi 31 janvier, sur l’ensemble du périmètre alsacien. La grève débute dès le lundi 29 janvier à 19h et se termine le mercredi 1er février à 8h.
Le projet d’agrandissement et de rénovation du Rhénus – censé devenir la nouvelle salle de basket « SIG Arena » – connaît un nouveau rebondissement. Alors que les travaux étaient censés débuter en juillet 2022, la SIG fait face à une défection et à des difficultés d’emprunts.
Les travaux du futur stade de basket, la SIG Arena (voir tous nos articles), devaient débuter en 2019. Puis en 2022. Et maintenant ? « Je préfère ne plus donner . . .
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L’échangeur qui relie la zone d’activité des Forges à Hautepierre devrait se transformer en pont à deux voies, dont certaines pour les piétons et cyclistes. Les habitants sont invités à participer à la concertation ouverte jusqu’au 24 février.
Ne dites plus « échangeur des Forges » mais « nœud multimodal des Forges », c’est quand même plus classe. En 2026, ce pont sur la M351 entre la zone d’activité et le quartier de Hautepierre devrait être à double-sens, intégrer les flux piétons et cyclistes, tout en offrant un nouvel arrêt aux bus interurbains. Le tout pour un coût estimé à 15 millions d’euros taxes comprises.
Cette nouvelle voie de passage devrait désengorger les passerelles existantes, alors que la population au sud de la M351, dans les quartiers Poteries et Koenigshoffen augmente considérablement. Il s’agit également de permettre aux habitants de l’ouest strasbourgeois de rejoindre plus directement le Centre hospitalier universitaire de Hautepierre.
La ligne de bus CTS n°50 devrait également être détournée pour utiliser cette nouvelle voie, et desservir deux arrêts au lieu d’un. Les bus interurbains de la CTBR vers l’ouest du Bas-Rhin disposeront également d’un nouvel arrêt, permettant aux habitants des communes comme Marlenheim, Wasselonne ou Marmoutier de ne plus avoir à passer par la gare centrale pour se rendre à l’hôpital par exemple.
Aux concernés de s’exprimer
Pour permettre aux futurs usagers ainsi qu’aux habitants de s’exprimer et formuler des suggestions concernant ce projet, une concertation est organisée depuis le 16 janvier jusqu’au 24 février avec notamment une déambulation le 1er février à 16h et trois réunions publiques (voir les rendez-vous ci-dessous).
France Bleu Alsace révèle qu’une salariée des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) a mis fin à ses jours mardi 17 janvier à son domicile. Salariée de 41 ans à l’agence de Haguenau en tant qu’assistante commerciale, elle était en arrêt maladie suite à un burn-out.
France Bleu cite plusieurs employés des DNA, qui évoquent que la salariée était venue à « plusieurs reprises travailler en pleurs, en expliquant qu’elle n’arrivait plus à remonter la pente » et que la direction, alertée de cette situation, n’a guère réagi. Au lendemain du drame cependant, un Comité social d’entreprise a dû se tenir et une « délégation d’enquête paritaire » (salariés et direction) a été mise sur pied.
Climat morose et plombant
France Bleu Alsace donne la parole à plusieurs salariés des DNA, qui évoquent un climat « morose, plombant » au sein de l’entreprise. Les DNA ont été repris en 2011 par le Crédit Mutuel, qui mène via sa filiale Ebra une restructuration d’ampleur de tous les titres de presse du groupe depuis 2017. En cinq ans, le nombre de salariés de ce groupe de 19 titres est passé de 4 100 à 3 200.
C’est le troisième suicide d’un salarié des DNA en trois ans. Le 5 décembre 2019, un technicien de 43 ans a mis fin à ses jours en se jetant du toit de l’imprimerie de l’entreprise à Strasbourg. Le 17 novembre 2020, un rotativiste de 57 ans a chuté du 5e étage du parking voisin de l’entreprise.
Pales, groupe strasbourgeois de post-punk, sort enfin son premier album, après une maturation express et une série de passages remarqués sur les scènes strasbourgeoises, alsaciennes et nationales.
Pales, c’est ce groupe débordant d’énergie vu à la Grenze, au Molodoï ou au Local tout au long de l’année 2022. Formé un an auparavant, le groupe s’est hissé sur la scène du festival Décibulles et concoure jusqu’en finale du tremplin Rock’n’Folk… Une ascension au kérosène pour ce groupe strasbourgeois formé par David Corrado et Antoine Debargue aux guitares, Basile Grienenberger à la basse, Célia Souarit au chant, Sacha Fuhrmann à la batterie.
Dans cette frénésie, le groupe a tout de même trouvé le moyen d’enregistrer un mini-album, In Our Hands, au studio La Turbine à Niefern, après avoir levé près de 3 500€ en financement participatif. Disponible sur les plateformes depuis novembre, ces cinq titres précis et bruyants dévoilent assez le mix puissant dont est capable ce groupe. Une release party est prévue à la Maison bleue vendredi 27 janvier avec une série d’invités (Terne (post-punk, Mulhouse), Guisberg (rock, Strasbourg), Hoboken division (kraut rock, Nancy) et le DJ Rachid Bowie). Si Pales continue sur cette lancée, ce sera peut-être l’une des dernières occasions de voir le groupe dans une petite salle, leur prochain concert est programmé le 2 février au Noumatrouff…
La force de Pales, c’est cette forme de noirceur, de rage intérieure, contenue pour en faire un carburant musical subtilement activé pour de longs et lancinants morceaux, ou relâché pour de brèves mais jouissives explosions vocales. Une fois dans le public de Pales, on se surprend en lévitation commune. Le signe d’un groupe qui a compris l’essence du rock.
Une cinquantaine d’associations soutiennent le « défi de janvier », qui consiste à ne pas boire d’alcool pendant un mois. Dans le même temps, le Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace a lancé une campagne publicitaire incitant à continuer à boire du vin, mais avec modération. Addictions France dénonce une communication qui sème la confusion.
Depuis début janvier, dans 30 villes de France, on peut tomber sur les 9 000 affiches publicitaires du Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (Civa), avec des messages qui semblent encourager la modération dans la consommation d’alcool : « Si nos vins sont si uniques, ce n’est pas pour les voir en double », « Si on a 51 grands crus, ce n’est pas pour les boire dans la même soirée ». Les nouveaux slogans du lobby du vin alsacien sont aussi visibles dans la presse magazine et sur les réseaux sociaux.
Pour l’association Addictions France, notamment à l’origine de l’observatoire des pratiques des lobbies de l’alcool, cette campagne de communication est vicieuse car elle détourne l’objectif du « défi de janvier », qui propose de ne pas boire d’alcool tout au long du mois. Philippe Bouvet, directeur marketing du Civa, a notamment déclaré à nos confrères de France Bleu Alsace : « Nous ne voulons pas interdire, comme le Dry January (défi de janvier, NDLR) le prône, mais faire découvrir nos vins. »
Le défi de janvier a été lancé par une cinquantaine d’associations de prévention des risques liés aux addictions, et d’autres organisations consacrées à la santé ou à la précarité comme la Ligue contre le cancer et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Entretien avec Myriam Savy, directrice du Plaidoyer d’Addictions France.
« Ils troublent notre message »
Rue89 Strasbourg : Que reprochez-vous à cette campagne de communication ?
Myriam Savy : L’objectif du défi de janvier est un arrêt total de la consommation d’alcool pendant un mois. Cela permet aux personnes de se poser des questions sur leur consommation, d’analyser la pression sociale, le jugement des autres, les mécanismes qui amènent vers l’absorption d’alcool. Aussi, les effets bénéfiques sur la santé d’un arrêt réel, total, de l’alcool pendant une période donnée sont bien plus importants.
Le Civa n’a pas lancé cette campagne prônant la modération en décembre, avant les fêtes, mais en janvier, en craignant justement une baisse de la consommation liée au « défi de janvier ». C’est un contre-pied à notre campagne. Ils troublent notre message en semant la confusion : les gens ne font pas forcément la différence sur qui est à l’origine d’une affiche. Le Civa laisse entendre que ce qu’il faut faire en janvier, c’est juste modérer la consommation et non pas arrêter complètement. Nous, la modération, c’est toute l’année qu’on la conseille, pas juste en janvier.
« C’est David contre Goliath »
Pourquoi le lobby du vin alsacien, en particulier, a t-il opté pour cette stratégie selon vous ?
Les vins alsaciens sont souvent un peu plus chers que les autres vins français. Le Civa vise un public qui cherche du haut de gamme, des produits de qualité. Ils mettent en scène les producteurs et souhaitent donner une image éthique, authentique, avec des vins du terroir et écoresponsables. Les Vins d’Alsace ont donc particulièrement intérêt à agir en déployant ces éléments de marketing dans une période comme le mois de janvier, pour marquer cette identité et s’afficher comme proches de nos campagnes. Ils se donnent une image très responsable en encourageant la modération. En plus cela reste flou, tout le monde peut avoir son interprétation de ce qu’est cette limitation. L’effet qu’on craint, c’est qu’ils parviennent à donner l’impression que boire quelques verres de vin d’Alsace, vu sa qualité, ce n’est pas mauvais pour la santé.
Pensez-vous que les campagnes des lobbies alcooliers ont un impact important ?
Vu les moyens mis en œuvre, oui ! Il s’agit notamment de grands groupes industriels qui ont des équipes de communicants. Quand on se compare à eux, c’est David contre Goliath. Toute l’année, ils financent des pubs très visibles à la télévision, à la radio, dans la rue, qui invitent à consommer de l’alcool. En janvier, ils adaptent leur stratégie. Heineken en profite pour faire la promotion de ses bières sans alcool, mais c’est toujours la marque qui fait sa pub pour continuer à vendre. En face, nous sommes des associations avec des moyens limités. C’est forcément moins impactant.
« L’alcool n’est jamais bon pour la santé »
Même la politique agricole commune (budget de l’Union européenne dédié à l’agriculture) soutient les campagnes de communication des lobbies de l’alcool. Elle a octroyé autour de 220 millions d’euros par an à la promotion du vin en Europe entre 2014 et 2018. Le 20 octobre 2021, dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table », le Parlement européen a réaffirmé la nécessité de promouvoir le vin, en notant que « la consommation modérée de vin fait partie du régime méditerranéen ». Il y a donc, même chez des élus, toujours cette fausse croyance que le vin peut être bon pour la santé. Cela illustre bien la capacité des lobbies de l’alcool à répandre cette rumeur. Non, un verre de vin par jour, ce n’est pas bon pour la santé, dès le premier verre, les effets négatifs l’emportent.
Que demandez-vous aux industriels de l’alcool et aux organismes interprofessionnels ?
Nous aimerions que les lobbies soutiennent la modération toute l’année, et pas seulement quand ça les arrange en brouillant les messages des associations de prévention. De manière générale, on sait qu’ils sont réticents à communiquer sur les effets néfastes de leurs produits. Par exemple, à l’échelle européenne, ils se sont opposés à l’étiquetage sur les bouteilles visant à donner la déclaration nutritionnelle et des informations sur la composition du produit. En voyant que cette position était difficilement soutenable, ils ont finalement proposé d’afficher un QR code sur les bouteilles, donnant accès à ces indications. Et c’est ce qu’ils ont obtenu. Les QR code devront être présents sur toutes les bouteilles fin 2023. C’est simple, l’alcool n’est jamais bon pour la santé, même dans la modération, et il faut que ceux qui en boivent puissent le savoir, qu’on ne leur dise pas l’inverse.
Entre le 25 janvier et le 4 février, le Maillon devient une terre d’asile, accueillant spectacles, lectures, performance et conférence autour de l’exil.
En 2021, Strasbourg a vu arriver des centaines de réfugiés en provenance d’Afghanistan. En 2022, ce sont des réfugiés fuyant la guerre en Ukraine qui ont été accueillis. Mais, à quoi ressemble la vie de ceux qui ont dû s’arracher à leur pays et à leurs familles, pour certains sans certitude de les revoir un jour ? À quelles difficultés sont-ils confrontés une fois arrivés dans un continent de plus en plus frileux, replié voire nationaliste ? Le Maillon s’empare de ces thèmes pour leur « focus » de l’année 2023, intitulé « Espaces d’exil » avec une programmation de spectacles, lectures et performances entre le 25 janvier et le 4 février.
Exils d’hier et d’aujourd’hui
Le coup d’envoi de cette programmation thématique revient au metteur en scène iranien Amir Reza Koohestani, avec sa pièce En Transit. Le spectacle, comme ses quatre comédiennes, est multilingue, on y entend du farsi (une langue d’Iran et d’Afghanistan), de l’allemand, du français et du portugais, le tout surtitré en français. Avec une mise en scène froide et contemporaine, utilisant la vidéo, la pièce immerge le spectateur dans les affres d’une administration de l’asile déshumanisée aux exigences kafkaïennes.
En Transit est née suite à une mésaventure du metteur en scène lui-même. En 2018, il est arrêté à l’aéroport de Munich suite à l’expiration de son visa cinq jours plus tôt, puis remis dans un avion à destination de Téhéran. Il a avec lui ce jour là, le livre Transit d’Anna Seghers qui raconte l’exil de ceux qui fuyait le nazisme lors de la Seconde guerre mondiale.
La pièce questionne le système d’asile européen, implacable avec les réfugiés alors que 80 ans plus tôt, les Européens fuyaient le fascisme et la guerre. Une position peu appréciée par certains critiques de théâtre. Actrice d’En Transit et doctorante en droit international, Khazar Masoumi détaille :
« Pour les critiques de théâtre, de façon consciente ou non, la place des artistes étrangers est de faire pleurer le public européen, comme pour laver leurs consciences de peuple privilégié, mais certainement pas de se montrer critique envers le système qui a pu les accueillir. »
Un système pourtant éprouvé par la comédienne et sa consœur Mahin Sadri. Lors de la création du spectacle en Suisse, elles se sont rendues au consulat français de Genève afin d’obtenir un visa leur permettant de jouer le spectacle en France :
« Pour l’administration et ses critères arbitraires, je suis considérée comme “une bonne étrangère”. J’ai la peau claire pour une iranienne, je maîtrise le français et j’ai un doctorat de l’Université de Strasbourg. La fonctionnaire m’a dit que j’obtiendrais sans souci le visa. En revanche, elle était très méprisante avec Mahin Sadri qui ne parle pas français, allant jusqu’à me demander si elle était vraiment indispensable dans le spectacle. »
Pourtant la pièce En Transit est loin d’être manichéenne. Le personnage du metteur en scène n’est pas vraiment sympathique. De même, l’avocate en charge de la défense des droits des réfugiés joue un double jeu, en faisant parfois passer ses relations avec l’administration avant les intérêts de ses clients.
Une pièce engagée puisqu’elle se charge de poser des questions plutôt que d’y répondre.
Huit femmes et hommes afghans à la rencontre de leur nouveau public
En été 2021, les Américains se retirent de l’Afghanistan, les talibans s’emparent du pouvoir et privent les femmes de leurs droits civiques. Les artistes Narges Ahmadi, Noorullah Azizi, Ahmad Ali Ebrahimi, Bas Gul Karimi, Mohammad Ali Mirzayee, Ali Baba Safdari, Mohammadullah Taheri, Razia Wafaei Zada sont « extradées » en urgence par l’État français avec l’aide de plusieurs théâtres, dont huit structures strasbourgeoises.
Elles vivent depuis lors à Strasbourg où elles peuvent exprimer leurs arts. Samedi 28 janvier, la journée sera consacrée à les rencontrer de manière informelle dans l’enceinte publique du Maillon tandis que leurs propositions pourraient inclure une exposition photographique, une chorégraphie, un concert, des lectures ou des performances… Le programme n’est volontairement pas détaillé.
Coup de projecteur sur des guerrières de l’ombre
En 2018, le metteur en scène et performeur iranien Gurshad Shaheman a présenté sa dernière création à Avignon : Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète. Sa mère et ses tantes viennent assister au spectacle, se retrouvant toutes trois après onze ans d’éloignement. Il s’est inspiré de ces retrouvailles pour écrire un nouveau spectacle, Les Forteresses.
Avec Les Forteresses, il raconte l’histoire de ces trois sœurs dans un décor immersif imprégné de culture azérie. Des tranches de vies qui auraient pu être communes, si elles n’étaient pas nées en Iran dans les années 1950, les plongeant dans une lutte perpétuelle contre les systèmes patriarcaux. Ainsi le récit conte tant leurs destins intimes que leur engagement militant dans la révolution contre le Shah en 1979. À cela s’ajoute la guerre et la souffrance de la séparation suite à l’exil de l’une des sœurs en Allemagne, de l’autre en France alors que la troisième restait à Téhéran.
Utiliser l’intime au théâtre pour raconter l’histoire collective n’est plus une nouveauté, cependant l’artiste réinvente cet exercice en installant directement les concernées sur les planches. Elles sont présentes tout au long de la pièce, pour reproduire des gestes de leur quotidien ou mimer certaines scènes de leur passé, ramenant alors le rire sur scène. Trois comédiennes franco-iraniennes font progresser la narration, en usant de monologues touchants et entremêlés. La musique électroacoustique du compositeur Lucien Gaudon, jouée en direct, accompagne le texte tout au long du spectacle.
Le texte au lyrisme maîtrisé de Gurshad Shaheman, une œuvre personnelle au discours universel, ne manque pas d’émouvoir sans jamais tomber dans le pathos, même lorsque les actes mis en scène sont très graves.
En parallèle des spectacles, l’anthropologue et ethnologue Michel Agier donnera une conférence gratuite et ouverte à tous la notion d’hostipitalité, un néologisme construit par le philosophe français Jacques Derrida, définissant l’union indissociable entre l’hostilité et l’hospitalité et ce qui lui est lié dans les débats publics. Une projection du film documentaire Ma vie en papier de la réalisatrice Vida Dena, sera également organisée à la BNU.
50 citoyens tirés au sort pour rendre le Marché de Noël strasbourgeois plus solidaire et écologique viennent de rendre leurs conclusions. Des propositions très générales dont la plupart sont bien connues.
Mercredi 18 janvier, le jury citoyen composé de 50 personnes, tirées au sort par la Ville de Strasbourg et censé représenter un panel représentatif des Strasbourgeois, a rendu ses conclusions. Depuis juillet 2022, ils ont été missionnés pour « faire évoluer » le Marché de Noël de Strasbourg afin de le rendre plus solidaire . . .
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Mercredi 14 décembre, un feu déclenché dans une cellule de la maison d’arrêt de Strasbourg obligeait les sapeurs-pompiers du Bas-Rhin à intervenir. Un détenu a été transporté en urgence à l’hôpital de Metz en raison de ses brûlures, il est décédé jeudi 12 janvier.
Trente-neuf sapeurs-pompiers avaient été mobilisés. Le mercredi 14 décembre, les équipes du Service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin sont intervenues dans la maison d’arrêt de Strasbourg à la suite . . .
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Alice n’est plus la seule à avoir pénétré dans le Pays des merveilles. Depuis le 19 novembre au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, il est possible de s’aventurer dans le monde des merveilles pour y découvrir tous ses mystères.
L’exposition SurréAlice souligne l’importance des écrits de Lewis Carroll dans le mouvement surréaliste, qui s’étend des années 1919 aux environs de 1960. Particulièrement, celui d’Alice au Pays des Merveilles et sa suite, De l’autre côté du miroir.
Plus de 100 œuvres surréalistes sont présentées au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg(MAMCS) dans une impressionnante scénographie inspirée de l’univers de l’écrivain. Anthologies, peintures, photographies, estampes, sculptures,… Toutes dévoilent leur proximité ou leur inspiration directe tirée des romans de Lewis Carroll. L’exposition offre un panel d’artistes du XIXe jusqu’au XXIe siècle tels que Marcel Duchamp, René Magritte, Dorothea Tanning ou encore Enrico Baj.
Les écrits surréalistes
L’entrée de l’exposition se fait par la gueule monumentale du chat de Cheshire, réalisée par l’artiste Monster Chetwynd. Majoritairement faite de cartons, et d’autres matériaux, l’immense sculpture plonge directement les visiteurs dans le Pays des merveilles.
En traversant la bouche du chat, la première salle se découvre sur un échiquier géant. Cette mise en scène et en espace reflète l’influence majeure de Lewis Carroll dans le mouvement littéraire et artistique du surréalisme, un art révolutionnaire, libéré de l’esthétisme et de la morale. Il repousse toute valeur établie et aspire à explorer l’inconscient et la psyché. Ainsi les ouvrages majeurs de Carroll présentés dans cette salle, dont Alice aux Pays des merveilles, ses traductions et illustrations, constituent des sources d’inspiration pour les artistes du mouvement.
Une inspiration par la nature
Très vite, nous rencontrons sur notre chemin des êtres issus du Pays des merveilles. Lapin, chat, ou encore flamant rose, des pièces provenant du Musée zoologique de Strasbourg rappellent la place qu’occupe la nature tant chez les artistes que chez Lewis Carroll.
Mais cette nature ne garde jamais sa forme originelle, elle est souvent transformée, voire métamorphosée. On pourrait même parler d’hybridation ou d’anthropomorphisme, car au Pays des merveilles, un chat parle en énigme, un lapin porte des vêtements, une chenille fume, et les fleurs ont des visages.
La toile Alice au Pays des merveilles de René Magritte illustre cet anthropomorphisme. Elle représente un arbre feuillu au profil humain, et dans le ciel une poire aux traits humains apparaît parmi les nuages.
Le corps et ses transformations
Plus loin, dans une extravagante pièce immaculée d’un rouge sang, des œuvres d’artistes majeures du surréalisme sont exposées. Leonora Carrington, Dorothea Tanning ou encore Claude Cahun mettent en scène la problématique d’un corps peinant à s’intégrer, à trouver sa place.
La transformation des corps est un thème majeur du roman également présent dans les œuvres de l’exposition. Dans sa photographie réalisée en 1928 qui s’apparente à un autoportrait, Claude Cahun est face à un miroir, mais ne regarde pas son reflet, elle ne s’admire pas. Elle fixe l’objectif, tenant son col de chemise bien droit. Son apparence androgyne perturbe le regardeur qui pense observer le portrait d’un homme et son reflet.
En ayant le crâne et les sourcils rasés, Claude Cahun – de son vrai nom Lucy Show – trompe sur son identité, sur son genre, voire sur sa sexualité… en 1928.
Quant à la série de photographies argentiques Les Jeux de la Poupée, par Hans Bellmer, le corps y est représenté par une étrange poupée. Grâce à un système de jointure à boule, la poupée se transforme à l’infini. Son corps est déstructuré puis restructuré. Sur une première photographie, son torse est remplacé par une autre paire de jambes. Sur d’autres, on lui retire tantôt une jambe, tantôt la tête. Son corps est ficelé, modulé dans des postures parfois provocatrices, et même dénudé.
En jouant avec ce corps, Bellmer dépeint le jeu du désir, celui de la manipulation du corps à sa guise. Finalement, il donne vie à de nouvelles formes corporelles qui dépassent de loin la réalité.
Durant son aventure dans le Pays des merveilles, le corps de la jeune Alice ne cesse de subir des transformations. Passant d’une taille minuscule à gigantesque, Alice peine à s’adapter à son environnement.
Les œuvres présentes dans cette salle agissent comme une piqûre de rappel démontrant que le Pays des merveilles accueille autant le rêve que d’autres choses étranges et dérangeantes. Certes, les fleurs sourient et les animaux parlent, mais rappelons que dans l’histoire, une reine machiavélique cherche à attraper Alice pour lui trancher la tête.
De l’autre côté du miroir
Quelques années après Alice au Pays des merveilles, Lewis Carroll publie De l’autre côté du miroir. En traversant le miroir, Alice commence son voyage dans le monde des rêves, mais aussi son évolution de l’enfant à l’adulte, que certains surréalistes exploitent dans leurs œuvres en la rendant méconnaissable.
Face à Alice grandit, une œuvre picturalede Pierre Alechinsky, le chaos surgit. Difficile de reconnaître Alice dans ce vaste mélange de formes, de couleurs et de textures. Et même lorsque l’on distingue un visage, on ne peut affirmer ce que l’on voit tant la représentation est poussée aux limites du surréalisme abstrait. L’évolution d’Alice semble ici perturbée par un désordre irrationnel, délirant, et surtout non aboutie.
Pierre Alechinsky, Alice grandit, 1961. Huile sur toile. (Photo Nadia Soydinc)
Gorgé de symbolisme, à l’image de la transition entre l’enfance et l’âge adulte, le miroir est aussi un médium artistique. Il est présent tout au long de l’exposition, tant dans les œuvres que sous forme d’éléments scénographiques. Enrico Baj utilise des brisures de miroirs dans son œuvre Specchiera de 1959. Il le recompose de façon à créer une silhouette, agrémentée de pierres pour former un visage. Le fond rouge sur lequel sont collés les morceaux divise ce qui s’y reflète en plusieurs éclats, pour faire figurer la scission de l’intégrité de l’individu.
Irrégulier, fragmenté, c’est dans les reflets perturbés et perturbants de ces miroirs que se découve une nouvelle réalité ainsi qu’une nouvelle version de soi.
L’aventure au Pays des merveilles s’achève dans les nuages. La dernière salle du parcours s’érige autour du jeu. Jeux de cartes, jeux de mots et jeux d’échecs, on y trouve tous ceux qui ont inspiré et servi aux surréalistes. Certains se retrouvent même incorporés dans la scénographie, à l’image des symboles de cartes ou d’un échiquier.
Le jeu permettait au groupe de se distraire des maux du monde réel, de remettre en cause ses règles, notamment l’utilisation normée du langage.
Marcel Duchamp utilise dans ses œuvres le « mot-valise », que l’on retrouve dans les histoires de Carroll. Il s’agit d’une fusion de deux mots minimum en un seul, qui a donc plusieurs significations. Il nomme Trébuchet son Ready-made (objet issu du l’industrie que se réapproprie l’artiste pour l’exposer en tant qu’œuvre d’art), un porte manteau en bois posé au sol, menaçant de faire trébucher quelqu’un. Mais son Trébuchet fait aussi référence à une stratégie aux échecs, visant à sacrifier un pion pour distraire l’adversaire de la véritable stratégie.
Marcel Duchamp, Trébuchet, 1917-1964. Ready-made: porte-manteau en bois et métal. Photo : Nadia Soydinc
Le jeu d’échecs est par ailleurs la base du récit De l’autre côté du miroir, dont l’intrigue se déroule selon l’avancée d’une partie d’échec. Marcel Duchamp, Frédéric Delanglade ou encore Man Ray, l’influence carrollienne sur les artistes et leurs œuvres continue à se percevoir.
L’exposition SurréAlice s’ancre dans l’actualité en faisant échos à des problématiques actuelles concernant les normes, l’identité, le genre, ou la place de l’individu dans la société. En étant composée pour moitié d’artistes femmes, elle offrirait – presque – une nouvelle perspective au mouvement surréaliste. Presque, car paradoxalement, la dernière chose que l’on voit en sortant de l’exposition est une imposante série de portraits, figurant uniquement les hommes du mouvement. Une conclusion controversée.
Après la manifestation contre la réforme des retraites à Strasbourg, jeudi 19 janvier, une soixantaine d’étudiants ont été évacués d’un bâtiment universitaire, où ils tenaient une assemblée générale. L’Université affirme que des violences et des dégradations justifient l’évacuation. Les étudiants contestent.
Une centaine d’étudiants ont pénétré dans un bâtiment de la faculté de sociologie (Le Patio), après la manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 19 janvier. Les étudiants y ont organisé une assemblée générale pour débattre de la suite des actions à opérer contre la réforme. Il était 17h lorsqu’ils ont pénétré dans l’amphithéâtre central. Moins de deux heures plus tard, la soixantaine de jeunes restante a été évacuée par une trentaine de CRS, ce que confirment quatre personnes interrogées ainsi que plusieurs photos et vidéos largement commentées sur les réseaux sociaux.
Corentin, syndiqué chez Solidaires Étudiant, raconte :
« Nous sommes partis du cortège pour rejoindre le campus. Nous avons pu nous installer dans l’amphi sans heurt. Pourtant, moins d’une heure plus tard, des étudiants nous ont informé que les CRS étaient devant et qu’ils encerclaient le bâtiment. Aucun policier n’est venu nous voir. Il n’y a pas eu d’ordre d’évacuation. Environ 45 minutes plus tard, ils sont entrés, une trentaine environ. Nous étions déjà en train de partir. »
Une évacuation ficelée en moins de deux heures
Les quatre étudiants présents ont tous la même version de l’histoire, confirmant tous qu’il n’y a eu aucun débordement. Ils partagent le même sentiment d’étonnement quant aux procédés utilisés et relatent qu’ils n’ont jamais vu d’évacuation de la sorte pour une assemblée générale. Chloé, vice-présidente du syndicat Alternative étudiante Strasbourg, qui était aussi présente, est surprise :
« Quand on fouille dans les archives, on voit qu’il y a déjà eu des évacuations. En 2021, notamment, lors d’un blocus étudiant devant la faculté. Ou une autre fois quand les étudiants avaient fait voter le fait d’occuper l’amphithéâtre. Là, nous n’étions pas du tout dans ce cadre. Tout allait bien. »
Nicolas, ingénieur de recherche syndiqué chez Sud Education, rappelle par téléphone que ce type d’évacuation a été demandé par le président de l’Université, Michel Deneken. Pour lui, le changement de présidence de l’Université s’est accompagné d’une montée de la répression des grèves et des manifestations. Il n’a jamais observé d’évacuations aussi rapides durant sa carrière. L’enseignant a aussi le souvenir d’évacuations nocturnes, vers 22h, lorsque des étudiants avaient pris la décision d’occuper le bâtiment.
Selon l’Université, le personnel a été molesté
L’Université de Strasbourg se défend de cette évacuation dans un communiqué de presse. Selon elle, pour accéder à l’amphithéâtre, « une porte a été enfoncée et des personnels de l’université molestés ». L’Université justifie ainsi l’intervention des forces de l’ordre. Dans son communiqué, elle expose :
« La direction de l’université accepte systématiquement de mettre à disposition des salles ou amphithéâtres, dès que les demandes lui parviennent, afin que les étudiants et les personnels puissent y tenir leurs assemblées générales si toutes les conditions sont réunies pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Ce qui n’est pas acceptable, c’est l’atteinte aux biens et aux personnes, les blocages et l’occupation des locaux au-delà des heures d’ouverture de l’Université. »
Les étudiants contactés après les déclarations récusent tous cette version. Un de nos journalistes, présent devant le bâtiment lors de l’entrée des étudiants, affirme que tout semblait se dérouler dans le calme. De son côté, quelques heures après la publication du communiqué, sollicité par Rue89 Strasbourg, le service communication de l’Université précise sa version :
« Le bâtiment était fermé au public. Un groupe de personnes a molesté deux agents du service logistique alors qu’elles sortaient du bâtiment, en essayant d’y entrer. »
Elle informe qu’un dépôt de plainte est envisagé par les deux agents concernés. Rue89 Strasbourg s’est mis à disposition pour entendre le témoignage de ces personnes mais l’Université n’a pas donné suite à l’heure de la publication de l’article.
Les syndicats bas-rhinois se félicitent d’une mobilisation historique ce jeudi 19 janvier. Avec environ 18 000 manifestants, le nombre d’opposants dans la rue a quasiment doublé par rapport à la première tentative d’Emmanuel Macron de réformer le système des retraites en 2019.
Ce jeudi 19 janvier, la neige tombe doucement à Strasbourg. Mais il en faut plus pour refroidir les opposants à la réforme des retraites. Il est 13h45. Les manifestants commencent à arriver place de l’Étoile. Ils sont emmitouflés dans des vêtements chauds. Certains brandissent fièrement des pancartes et des drapeaux, les doigts rougis par le froid. Quelques minutes plus tard, la place est noire de monde. Le brouhaha ambiant fait monter le ton de toutes les personnes présentes. Les manifestants trépignent d’impatience. Serrés les uns contre les autres, ils n’attendent qu’une chose : que le cortège s’élance pour défiler dans les rues. « Bon allez on y va maintenant ! », hurle un manifestant arborant les couleurs CFDT.
Au départ de la manifestation, place de l’Étoile. « Plus de paillettes dans nos retraites » Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
« C’est du jamais-vu ! » « T’en vois le bout toi ? »
Pour les derniers manifestants du cortège, il faudra attendre plus d’une heure pour décoller, car la foule est immense. « C’est du jamais-vu ! » « T’en vois le bout toi ? » Les commentaires fusent. Les visages rayonnent. Le mouvement social commence fort. Les manifestants remplissent les rues de Strasbourg en entonnant des chants anticapitalistes. Ils se dirigent vers la place Kléber, passant par la place Broglie, où le cortège s’arrête un moment pour attendre les derniers.
Lorsque la tête de cortège atteignait l’église saint-Paul, les derniers manifestants n’avaient pas encore quitté la place de l’Étoile. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
Le sol vibre alors que la tête de cortège tape des pieds et des mains en chantant, libérant des fumigènes de toutes les couleurs dans un mélange d’excitation et de colère. Dans la foule, certains scandent « grève, blocage, manif sauvage. » C’est ce que feront un petit millier de personnes, vers 16h15, en se dirigeant vers l’université. Un cortège sauvage qui s’est vite dispersé. Seule une partie est entrée dans le Patio pour une assemblée générale sur les coups de 17h.
Près de 18 000 manifestants selon nos estimations
Selon la préfecture du Bas-Rhin, 10 500 personnes ont manifesté à Strasbourg ce jeudi 19 janvier. Notre journaliste sur place a fait une estimation de 18 000 manifestants. En utilisant l’application mapchecking.com, on obtient une estimation de 20 000 manifestants. Une évaluation basée sur le nombre d’individus présents par mètre carré (que nous avons estimé en comparant les photographies de l’événement) rapporté à la surface totale qu’ils couvrent. En effet, lorsque la tête du cortège atteignait l’église réformée Saint-Paul en milieu d’après-midi, l’arrière du cortège n’avait pas quitté la place de l’Étoile. La manifestation mesurait alors plus d’1,7 kilomètre de long.
Avec une estimation de 10 500 personnes, la préfecture a sans doute sous-estimé la participation à la mobilisation contre la réforme des retraites à Strasbourg. (Photo Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg)Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
Si l’on compare l’ampleur de cette première journée de lutte aux derniers conflits sociaux, la mobilisation contre la réforme des retraites est prometteuse. Même en mêlant les sources policières et syndicales, les chiffres restent flatteurs pour les opposants au projet d’Élisabeth Borne. Ainsi, la première manifestation contre la loi travail de la ministre Myryam El-Khomri, le 9 mars 2016, avait réuni un nombre de participants estimé à l’époque entre 5 000 et 7 000. Un an plus tard, lors de la première journée de mobilisation contre la loi travail II, le 12 septembre 2017, le chiffre oscillait entre 2 600 (police) et 3 200 personnes (CGT).
Concernant la précédente mobilisation contre la réforme des retraites, le 5 décembre 2019, l’affluence était aussi plus basse, entre 9 000 manifestants selon la police et 12 000 personnes d’après les syndicats. Avec 18 000 manifestants selon nos estimations, le nombre d’opposants au second projet de réforme des retraites d’Emmanuel Macron a presque doublé en comparaison avec la manifestation de décembre 2019.
« Nous envoyons un signal puissant au gouvernement »
« Je n’ai jamais vu une manifestation sociale aussi grande à Strasbourg », estime Laurent Feisthauer. Le secrétaire départemental de la CGT est ému :
“C’est historique. La lutte contre la réforme des retraites commence très fort, car les gens la rejettent massivement. Il va falloir continuer et nous sommes déterminés à faire reculer le gouvernement.”
“C’est historique. La lutte contre la réforme des retraites commence très fort, car les gens la rejettent massivement », selon Laurent Feisthauer, secrétaire départemental de la CGT.Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
Malgré des mobilisations massives dans toute la France, depuis Barcelone, Emmanuel Macron a déclaré que l’exécutif « poursuivra sa réforme avec détermination ». Éric Borzic, secrétaire départemental du syndicat Force Ouvrière, s’attendait à ce type de communication du gouvernement :
« Aujourd’hui, nous envoyons un signal puissant avec une mobilisation énorme dans toute la France. Emmanuel Macron peut reculer, mais il va falloir peser sur l’économie. La semaine qui vient, nous allons nous organiser pour toucher le plus d’entreprises possibles en Alsace. Nous demanderons à nos élus d’organiser des assemblées générales partout. Notre mission maintenant, c’est d’élargir le mouvement de grève. Les patrons, s’ils sont sous pression, finiront par demander au gouvernement de changer de braquet. »
« Retraites : pas un jour de plus, pas un euro de moins. »
Rien que le cortège Force Ouvrière comptait 2 500 à 3 000 personnes d’après Éric Borzic. « D’habitude on est plutôt à 1 000 pour les grosses manifestation », indique t-il. Même son de cloche du côté de l’Unsa. « Il y avait les collègues des secteurs de la santé, de l’éducation, du ferroviaire, du transport… C’était massif », expose Éric Vautherot, de l’Unsa CTS. Il rappelle qu’un préavis de grève illimité a été déposé à la Compagnie des transports strasbourgeois :
« Les collègues sont motivés, et nous saurons nous mobiliser pour des grèves impactantes à Strasbourg s’il le faut. Tout dépendra de la suite de la stratégie de l’intersyndicale au niveau national, mais nous nous tenons prêts. »
Une banderole appelant à la grève générale a été accrochée sur un pont à côté de la place de l’Étoile quelques jours plus tôt. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
Une réunion entre tous les syndicats qui ont participé à la manifestation aura lieu dès vendredi 20 janvier à 9h30 pour faire le bilan de la mobilisation strasbourgeoise et préparer la suite. Les syndicats locaux projettent des grèves impactantes pour les usagers et les entreprises dans l’objectif de créer un réel rapport de force avec le gouvernement.