Une série de manifestations, conférences, débats et projections commémorent à Strasbourg le 24 février 2022, lorsque les forces armées russes ont envahi l’Ukraine, plongeant l’Europe et l’occident dans une guerre conventionnelle.
Il y a un an, malgré les alertes, personne ne pouvait croire qu’une guerre conventionnelle se déroulerait à nouveau sur le continent européen. Un an plus tard, l’Ukraine résiste toujours aux assauts des forces armées russes. Depuis Strasbourg, un réseau de solidarité s’est formé à partir de l’association de la diaspora Promo Ukraïna, qui coordonne, à l’occasion de cette date anniversaire, une série d’événements.
Jeudi 23 février
Les associations Mouvement européen d’Alsace et PromoUkraïna organisent jeudi 23 février une conférence « Unis pour l’Ukraine » au Studium, sur le campus de l’Université de Strasbourg. Cette conférence vise à faire le point sur les actions de solidarité en place entre Strasbourg et l’Ukraine avec :
Mathieu Schneider, vice-président de l’Université de Strasbourg, chargé des actions de solidarité,
Alexis Vahlas, conseiller politique des missions civiles de l’Union européenne,
Philippe Breton, administrateur de la Croix-Rouge française,
Günter Schirmer, chef du Secrétariat de la Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Vendredi 24 février
Vendredi 24 février à 9 heures, une cérémonie commémorative des victimes du conflit se tiendra près du palais du Conseil de l’Europe (CoE), en présence de la représentation permanente d’Ukraine auprès du CoE, du vice-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine et des responsables du CoE. L’hymne ukrainien sera chanté par Iryna Duvarry.
Toujours dans les locaux du Conseil de l’Europe, une exposition d’une cinquantaine de photos, intitulée « L’année de la résilience », est inaugurée à partir de 9h45 dans le foyer du comité des ministres du Conseil de l’Europe. Jusqu’à 15h, une vente caritative est organisée au profit de l’Ukraine et à 14h, une projection du documentaire « Surmonter les ténèbres » du collectif Kinodopomoga est proposée. Ces événements nécessitent une autorisation d’accès aux locaux du Conseil de l’Europe, qui seront illuminés aux couleurs de l’Ukraine durant ces deux journées.
À 13h dans le hall de l’hôtel de la Collectivité d’Alsace, un concert en soutien au peuple ukrainien est proposé, ainsi qu’une présentation de la composition picturale « Le Semeur » par Christophe Hohler. À 13h45, un convoi d’aide humanitaire partira du parvis de la Collectivité d’Alsace en direction de l’Ukraine.
À 16h50, les associations PromoUkraïna et Mouvement européen d’Alsace appellent à une manifestation de soutien à l’Ukraine sur la place du Château près de la Cathédrale. Les organisateurs proposent aux participants de porter les couleurs bleu et jaune de l’Ukraine lors de cet événement. La manifestation sera inaugurée par un discours du représentant permanent d’Ukraine auprès du Conseil de l’Europe et ancien ministre des Affaires étrangères d’Ukraine, Borys Tarasyuk.
À 18h, une messe est prévue dans la Cathédrale de Strasbourg, co-célébrée par l’aumônier ukrainien et l’évêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel.
Samedi 25 février
Le lendemain à 14h, des Russes opposés à la guerre organisent un rassemblement devant le consulat de Russie à Strasbourg pour exprimer à nouveau leur protestation « contre l’effusion de sang, qui dure depuis une longue et terrible année, » annonce l’association CommePasse dans un communiqué. Cette manifestation se veut également un soutien à tous les Russes qui sont pourchassés et persécutés dans leur pays pour s’être prononcés contre la guerre.
La France doit « être méchante avec les méchants et gentille avec les gentils », selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à propos de son projet de loi pour l’asile et l’immigration. Telle n’est pourtant pas l’expérience de deux ados scolarisés à Strasbourg depuis 2017 et qui espèrent depuis six ans être régularisés.
Ils sont en France depuis 2017. De prime abord, Greg et Nicole (les prénoms ont été modifiés) sont des lycéens comme les autres. Parfaitement francophones, vêtus de doudounes noires, vissés à leurs téléphones. Sont-ils suffisamment « gentils » pour plaire au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui semble préparer une nouvelle loi sur l’immigration avec des critères de sélection étonnants ?
L’un rêve de devenir avocat, l’autre, comédienne. Mais Greg et Nicole ne rentrent pas tous les soirs dans un appartement où ils peuvent réviser confortablement. Sans papiers, les deux jeunes errent dans des hébergements d’urgence, chez des proches ou voire dans une voiture. « Ce n’est pas toujours facile mais je me débrouille pour faire au mieux les devoirs qui sont notés », explique Greg, qui passe son bac de français à la fin de l’année.
Lycéens et engagés
Parmi les lectures obligatoires pour préparer l’épreuve anticipée, il affectionne particulièrement l’ouvrage intitulé Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouge, guillotinée en 1793. « Elle se battait pour l’égalité après la Révolution française mais n’était pas prise au sérieux. C’est un exemple pour moi car avec notre collectif, on se bat pour notre égalité. »
« Ce truc d’être gentil avec les gentils, on voit bien que ce n’est pas vrai, on nous traite comme des méchants, c’est pour ça qu’on manifeste », explique-t-il. « Parmi les demandeurs d’asile il y a des individus qui sont irréprochables, respectables et qui n’ont jamais enfreint de lois », abonde Nicole.
Les parcours migratoires des deux lycéens sont similaires. Après plusieurs mois en Allemagne, les deux familles viennent demander l’asile en France en 2017, comme le permet le premier article de la convention de Genèveratifiée en 1954. Greg avec ses deux parents, son frère et sa sœur, Nicole avec sa mère, ses quatre sœurs et son frère. L’asile leur est refusé à plusieurs reprises (voir notre article sur le parcours de demande d’asile).
Mais Greg et Nicole ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. « Si on rentre en Albanie, on est en danger, mes sœurs et moi », explique Nicole. Ils restent donc en France où ils sont scolarisés et demandent des réexamens de leurs demandes. En Arménie, d’où est originaire Greg, l’Azerbaïdjan bloque l’accès à la région du Haut-Karabakh depuis décembre 2022, laissant des milliers d’Arméniens dans la faim et l’incertitude.
Pluie d’OQTF, toujours annulées ou caduques
Ils reçoivent en outre des obligations de quitter le territoire français (OQTF), parfois annulées car la famille est encore en demande d’asile, parfois devenues caduques car non appliquées pendant plus d’un an. « Au début ça me faisait peur, je pensais qu’ils allaient nous renvoyer dans notre pays, mais en fait, c’est ici chez moi », explique Greg. Parti d’Arménie à neuf ans, il n’y est jamais retourné.
En dernier recours, les deux jeunes et leurs familles ont demandé à la préfecture des « admissions au séjour exceptionnelles ». Ces demandes ont été refusées : « rien ne s’oppose à ce que [les enfants] accompagnent leur mère dans le pays de destination [l’Albanie, NDLR] où il n’est ni établi ni allégué qu’ils ne pourront s’adapter facilement », lit-on sur le refus opposé à la mère de Nicole.
Pourtant, la circulaire Valls de 2012 précise aux responsables de l’État comment interpréter les dispositions du Code d’entée et de séjour des étrangers arrivants (Ceseda). Elle explique que pour caractériser la vie familiale, les enfants doivent être scolarisés depuis au moins trois ans et la famille établie en France depuis cinq années. Deux conditionsque remplissent les familles de Greg et de Nicole.
C’est les mains occupées par deux pochettes en carton que Nicole s’installe à la table du café pour raconter son histoire. Elle profite de ses deux semaines de vacances pour faire le point sur les documents demandés par la préfecture, par son avocat et par l’assistante sociale. Mais surtout, elle a plus de temps pour apprendre son texte. « Depuis février 2022 je fais partie d’une troupe de théâtre », explique-t-elle, des étoiles dans les yeux. « Quand je suis sur scène, je me sens bien, je ne pense plus aux problèmes de bagarres à l’hôtel où nous sommes logés ni au fait que je n’ai pas de papiers ».
Rêver de papiers et de projecteurs
Deux fois par semaine, elle répète sur les planches et affine son interprétation de la Toinette de Molière. La représentation du Malade Imaginaire qu’elle travaille depuis un an approche :
« Un mois après avoir commencé le théâtre, j’étais déjà sur scène, j’ai pris confiance : c’est l’effet des personnes qui sont gentilles et qui t’encouragent ».
Parmi ces personnes, Jean-Pierre met en scène le spectacle. Il a été surpris à la découverte de la situation de la comédienne. « Au début elle n’en parlait pas, c’est quand on la ramenait chez elle après les répétitions que je me suis rendu compte qu’elle vivait dans un hôtel », se souvient-il. S’il vient titiller sa timidité lorsqu’elle est en scène, Jean-Pierre respecte la pudeur de Nicole quand vient le temps de parler de sa vie personnelle. « Je ne veux pas que tout le monde sache, après ça parle, au lycée », élude la jeune femme, qui n’invite jamais ses amis chez elle.
Partie à six ans et demi de son village d’Albanie où elle gardait des moutons et n’allait en ville que « deux ou trois fois par an », Nicole a déjà eu plusieurs vies. « En arrivant en Allemagne, je passais mes journées à jouer au ping-pong car on n’avait pas école », explique-t-elle. À son arrivée en France, elle doit apprendre la langue pour pouvoir suivre les cours au collège. Admise au lycée, elle étudie aujourd’hui les métiers de l’accueil.
Pudeur au lycée
Chaque début d’année, Claire-Marie Blandin contacte les parents de ses élèves pour faire connaissance. C’est comme ça qu’elle découvre que Greg n’a pas de papiers et dort parfois dans une voiture. L’enseignante met tout de suite en place une aide pour qu’il ait accès à des fournitures scolaires et à la cantine. « Je lui ai proposé de mettre au courant ses camarades, mais il a refusé ». « Ça ne les regarde pas, s’ils ne savent pas, je peux être qui je veux », précise Greg, préférant lui aussi être un élève comme les autres. En section internationale allemand, il a obtenu les félicitations du conseil de classe au premier trimestre.
Dans le lycée de Greg, après la dernière OQTF reçue par la famille, les lettres de soutien se sont multipliées de la part de ses professeurs. Toutes « à titre personnel », précise son enseignante principale, et non au nom de l’établissement. On y découvre un élève « remarquable », « curieux », « investi », « soucieux des autres », « manifestant une envie de réussir », fournissant un travail « régulier et approfondi ». Une pétition a également circulé entre les enseignants du lycée et réuni des dizaines de signatures.
Nicole voit son futur en France. Et si ses deux grandes sœurs commencent à fonder des familles, elle reste concentrée sur ses études et ses ambitions. « D’abord, je veux arriver à avoir des papiers, pour le reste, on verra », sourit-elle, lucide.
Les deux adolescents doivent se présenter en février et mars devant le tribunal administratif de Strasbourg pour tenter d’obtenir, malgré le refus de la préfecture, de nouvelles autorisations exceptionnelles de séjour.
Pour assouvir l’appétit de la Chine en chênes français, des négociants asiatiques ont mis en place un système de blanchiment du bois reposant sur une myriade de sociétés écrans et la complicité de revendeurs peu scrupuleux, comme le révèle une infiltration de Disclose au cœur d’un réseau de trafiquants franco-chinois.
« Contactez-moi si vous avez du bois à charger en containers ». Des messages comme celui-ci fleurissent depuis plusieurs années sur le réseau social Facebook. À la manœuvre, des dizaines de traders chinois à la recherche de plusieurs essences de bois, dont l’or vert : le chêne français.
Le précieux feuillu, qui représente plus de 40 % des essences forestières du pays, est devenu une ressource très convoitée par l’industrie du bois chinoise. Des centaines de milliers de mètres cubes de chênes quittent ainsi le territoire français chaque année en direction des ports de Qingdao, Dalian ou de Shanghaï. Pour faire face à cet appétit vorace, le gouvernement français a mis en place un label baptisé « Transformation UE ». Celui-ci interdit que les chênes issus des forêts publiques du pays soient exportés hors de l’Union européenne sans avoir été préalablement transformés — plus de 80 % des chênes vendus par l’Office national des forêts (ONF) sont protégés.
Pour contourner le label et mettre la main sur les troncs vendus par l’établissement public, des traders chinois ont mis en place un vaste système de blanchiment du bois, avec le concours de revendeurs français peu scrupuleux, comme le dévoile une infiltration de Disclose au cœur de ce milieu fermé.
Infiltration
Pour accéder à ce réseau de trafiquants, nous nous sommes fait passer pour un négociant en bois de l’est de la France, prêt à vendre des chênes labellisés « Transformation UE ». Il nous a suffi de créer un faux profil Facebook et de contacter des traders revendiqués en leur demandant s’ils étaient intéressés par du chêne français. En l’espace de trois mois, une vingtaine d’intermédiaires asiatiques sont entrés en discussion avec nous. Certains d’entre eux souhaitent acheter rapidement des troncs. Avec, à chaque fois, une astuce clé en main pour blanchir l’origine du bois pourtant labellisé par l’ONF et donc interdit à l’exportation vers la Chine avant transformation.
L’un d’entre eux, qui se fait appeler Alan, propose de contourner le label UE en vendant nos chênes à une entreprise de transport lituanienne avec laquelle il travaille. « Elle fait le contrat avec vous, ensuite ils envoient vos grumes en Chine depuis un port français », explique-t-il.
Aucun risque d’être confondu par les autorités, promet notre interlocuteur : « L’expéditeur sur la facture sera l’entreprise lituanienne ». Un risque d’autant plus faible que les Douanes françaises sont à la peine : « Les effectifs étant insuffisants en douane, la politique des contrôles de notre administration est quasiment réservée à l’importation des marchandises », regrette un responsable régional des douanes du Havre joint par Disclose. En l’absence de contrôle, le bois se retrouvera donc quelques semaines plus tard en Chine.
Une scierie en Bosnie
Un autre intermédiaire, Anna, propose une voie différente. Basée en Serbie, celle qui se présente comme une « acheteuse à son compte de chênes, d’épicéas, de tilleuls et de hêtres » propose de brouiller les pistes en transformant notre marchandise depuis des scieries basées en Bosnie et en Serbie, deux pays candidats mais non-membres de l’Union européenne. « Nous produirons des planches là-bas puis nous les exporterons en Chine », détaille la tradeuse. Elle l’assure : une fois vendus à sa société, les chênes ne seront plus traçables par les autorités françaises, alors même que la transformation du bois aura lieu hors du territoire de l’UE, ce que le label interdit.
Un courtier résidant à proximité du port de Shanghaï propose de voir avec « un ami en Belgique » pour que celui-ci établisse un contrat entre son entreprise et nous. Une façon de brouiller les pistes, car, après vérification, l’ami belge n’est autre qu’un négociant spécialisé dans l’export de bois vers la Chine, le Vietnam et l’Inde.
Le business des sociétés écrans
Parfois, les traders recourent à des sociétés écrans domiciliées en France. C’est le cas de Warren, un intermédiaire d’origine chinoise opérant depuis Paris, qui nous propose de vendre nos chênes labellisés à une société française immatriculée dans la capitale, dans le 14e arrondissement. L’entreprise, spécialisée dans « la transformation du bois », selon ses statuts, a été créée en octobre 2021 par une certaine Yi D., une citoyenne chinoise résidant en région parisienne, avant d’être reprise par Peng Y., un Chinois de Qingdao, l’un des principaux ports chinois impliqués dans l’import de bois.
Après vérification, la société n’a pas de locaux à Paris, mais une simple boîte aux lettres créée par une agence de domiciliation d’entreprises qui propose, à partir de 10 euros par mois, d’installer le siège social d’une société « sur un site autre que de lieu de travail ou de résidence » du propriétaire. Le but : maquiller l’origine de l’acheteur afin d’expédier la précieuse matière première directement vers la Chine. Un système illégal et bien huilé. « La demande d’import vers la Chine est très forte, n’ayez pas d’inquiétude par rapport au label », souligne le trader.
Itinéraire d’une cargaison illégale de chênes
Désormais, les traders ne sont plus les seuls sur le coup. Avec l’explosion des prix et la baisse des ressources disponibles, des sociétés chinoises ont commencé à investir le marché via des filiales opaques. Objectif : écarter les courtiers en achetant directement aux scieries et aux exploitants français du bois public.
Une entreprise dirigée par des Chinois et établie en France a attiré l’attention de Disclose. En 2021, cette société basée dans la Marne a réalisé l’intégralité de son chiffre d’affaires à l’export. D’après nos informations, elle exporte des containers remplis de chênes bruts issus de forêts publiques protégées. Comme ce fut le cas en février 2022. Dans une vidéo tournée clandestinement dans une scierie de l’est de la France et que Disclose s’est procurée, on peut voir des troncs issus de ventes de l’Office national des forêts chargées dans des containers destinés à être expédiés vers la Chine.
Pour déjouer les contrôles, les plaques collées sur les troncs par l’ONF ont préalablement été retirées avant leur chargement dans les containers installés sur des camions immatriculés en Belgique et en Bulgarie. En traquant les containers, Disclose a découvert qu’ils ont été embarqués au port d’Anvers, le 10 mars 2022, sur un cargo de la compagnie Cosco Shipping, battant pavillon hongkongais. Les troncs ont ensuite parcouru 25 600 kilomètres en passant par le canal de Suez pour atteindre, quatre semaines plus tard, le port de Shanghaï, sur les côtes chinoises. Ni vu ni connu.
Le bois de chêne coupé puis vendu par l’Office national des forêts (ONF) est au cœur d’un vaste commerce illégal entre la France et la Chine. Disclose dévoile comment des traders asiatiques et des exploitants français contournent l’interdiction d’exporter le bois brut hors de l’Union européenne.
Un SUV blanc rutilant dévie de la route, s’engage sur un chemin boueux. « C’est eux », glisse Étienne (le prénom a été modifié), propriétaire d’une scierie de chênes nichée près de la frontière belge, aux confins des Ardennes. Deux hommes descendent de la voiture et se dirigent vers les dizaines de troncs empilés les uns sur les autres sur une trentaine de mètres. Des chênes qui, pour certains, ont été coupés dans les forêts publiques françaises.
Les deux hommes, d’origine chinoise, sont des négociants en bois. Des traders chargés de fournir des hommes d’affaires chinois en chênes achetés auprès de grossistes français souhaitant vendre leur marchandise au plus offrant. Smartphone en main, ils photographient les grumes, les troncs bruts, sous tous les angles. « Dans cinq minutes, ces photos sont chez quatre sociétés chinoises à Shanghaï. Si l’on a un feu vert, ça peut partir en containers dans deux semaines », détaille Étienne, un brin admiratif. Pour lui, l’enjeu est de taille. « J’ai ici l’équivalent de dix containers de chênes, soit 250 m3, explique-t-il. Si je les transforme sur place, cela fait une perte de 40 000 euros pour l’entreprise. S’ils partent en Chine, cela fait un gain de 15 000 euros. » Les trois hommes s’éloignent pour régler les derniers détails. En toute discrétion. Et pour cause : la transaction est illégale.
Disclose a enquêté sur le trafic de chênes entre la Chine et la France, troisième producteur mondial de cette essence qui couvre 41% de la surface forestière du pays. De Paris, aux Ardennes en passant par la Haute-Marne ou la Meurthe-et-Moselle, nous avons découvert un vaste réseau de blanchiment du précieux feuillu impliquant des traders chinois, des revendeurs français et une myriade de sociétés écrans. Le tout, dans l’indifférence de l’État et l’absence quasi-totale de contrôle des douanes.
Pillage organisé
Pour comprendre l’origine de cette opération de pillage organisé au détriment d’une exploitation raisonnée des forêts et de la défense de l’industrie française du bois, il faut remonter à l’année 2015. À l’époque, afin de protéger les chênes issus du domaine public de toute exportation sauvage, l’Etat crée un label baptisé « Transformation UE ». Pour l’obtenir, les exploitants forestiers doivent « transformer ou s’assurer de la transformation » des chênes en France, ou dans un pays membre de l’Union européenne. En échange de quoi, elles disposent d’un accès « prioritaire » aux ventes de l’Office national des forêts (ONF), qui commercialise 50 % des chênes mis sur le marché par an dans le pays — plus de deux millions de mètres cubes ont été récoltés en 2021. Mais très vite, le détournement se met en place.
Étienne, le scieur ardennais, se souvient :
« Quand j’ai participé à ma première vente réglementée de l’ONF, en 2016, une société a raflé 80 % de la vente. C’était un scieur qui venait de créer une nouvelle société pour continuer à vendre en Asie parce que les marges sont bien supérieures. J’ai découvert à ce moment-là que certains dopaient leurs ventes en créant des sociétés écrans ».
L’entrepreneur ne tarde pas à prendre le pli afin de tromper, lui aussi, les autorités françaises en dissimulant ses exportations illégales, et bien plus lucratives, vers la Chine.
Montages de sociétés écrans
Pour échapper aux contrôles, il crée deux sociétés. La première est une société écran officiellement engagée dans la transformation du bois dans l’UE — elle a donc obtenu l’agrément pour acheter des chênes publics à l’ONF. La seconde est spécialisée dans le négoce avec l’Asie. La tromperie est simple : avec sa première entreprise, Étienne achète des chênes protégés par le label UE avant d’en mélanger une partie avec des chênes issus du marché privé puis de les revendre avec sa seconde entreprise. De cette manière, les comptes de sa société labellisée ne font état d’aucune transaction hors de l’Union européenne. Factures à l’appui, le négociant explique avoir expédié des centaines de mètres cubes de chênes protégés vers la Chine, sans jamais être inquiété :
« Le cabinet d’audit mandaté par l’APECF (l’association chargée de délivrer le label autorisant l’achat de chênes publics, NDLR) me demande chaque année de lui envoyer un tableau récapitulatif des factures de ma première société, mais il ne vérifie pas les stocks. »
Interrogée, l’APECF rappelle que « 100% des entreprises [labellisées] sont contrôlées tous les ans par contrôle documentaire (documents comptables) », plus « 10 à 20 investigations complémentaires sur site tous les ans ». Des procédures qui ne suffisent pas à décourager la fraude, comme en témoignent les propres chiffres de l’association : les radiations d’entreprises labellisées pour « faute constatée » ou « refus de contrôle » ont été multipliées par plus de 9 entre 2016 et 2022.
Rares sont ceux qui se font pincer. Comme ce fut par exemple le cas de Romain N., un exploitant forestier de Meurthe-et-Moselle. Entre septembre 2019 et janvier 2022, ce dernier a acheté 1 500 m3 de chênes bruts provenant de forêts publiques pour plus de 100 000€, d’après les données de vente de l’ONF que nous nous sommes procurées. Des troncs qu’il expédiait ensuite en Chine. « On l’a pris en flagrant délit en train de charger plusieurs dizaines de mètres-cubes de chênes labellisés », confirme un cadre de l’ONF, sous couvert d’anonymat. Romain N. a écopé d’une simple suspension des ventes de l’ONF. Sollicité à plusieurs reprises pour réagir à ces accusations, l’exploitant n’a pas donné suite.
Combien sont-ils, comme Étienne ou Romain N., à envoyer illégalement des chênes protégés vers la Chine ? En 2020, sur les 271 entreprises autorisées à acheter des troncs vendus par l’ONF, 21 ont été suspendues, selon un cadre de l’établissement, qui a demandé à garder l’anonymat. En réalité, le trafic serait bien plus massif, comme semble le confirmer Ludivine Ménétrier, une agente de l’ONF qui officie dans le département forestier de la Haute-Marne. « Deux à trois fois par mois, pendant les ventes de chênes labellisés, on voit des containers dans les forêts », admet celle qui se dit incapable de contrôler toutes les transactions, faute de personnel et de moyens. Pourtant, selon Ludivine Ménétrier et d’autres agents de l’ONF interrogés, les containers sont quasiment tous destinés au marché chinois.
La bonne affaire des tempêtes de 1999
Les premiers traders asiatiques sont arrivés sur le marché du bois français à la faveur des tempêtes de 1999. A l’époque, les rafales avaient fait tomber des millions d’arbres qu’il fallait vendre rapidement, mais les débouchés locaux manquaient. Pour beaucoup d’exploitants, la Chine offrait alors une issue idéale. Depuis, le phénomène s’est dangereusement amplifié, poussé notamment par la décision du gouvernement chinois, en 2017, d’arrêter l’exploitation intensive et l’abattage commercial de ses forêts naturelles. Mais aussi par l’annonce récente de la Russie, deuxième producteur de chênes au monde, de cesser les exportations dans le pays. Moins regardante et moins protectrice de ses ressources forestières, la France est donc devenue un producteur de premier choix. D’après les dernières données douanières, près de 294 000 m3 de chênes bruts ont été exportés vers le géant asiatique en 2022, faisant du pays le principal destinataire de ce marché qui concerne les forêts privées, mais aussi, donc, le domaine public.
L’ONF dilapide des milliers de chênes
Le pillage des forêts publiques n’est pas le seul fait de scieurs peu scrupuleux. D’après notre enquête, l’ONF dilapide lui-même des milliers de mètres-cubes de chênes. En analysant les comptes rendus des ventes en ligne de l’établissement public entre septembre 2019 et janvier 2022, soit plusieurs dizaines de milliers de transactions impliquant plus de 1 200 sociétés (scieries, négociants, exploitants, transporteurs), Disclose a découvert que des lots dont l’essence dominante est le chêne ont été vendus sans le label UE. En clair, ces dernières années, l’ONF a vendu des centaines de milliers de mètres-cubes de chênes non protégés de l’export direct vers la Chine.
Sollicité, l’ONF, par l’intermédiaire d’Aymeric Albert, directeur commercial bois, confirme la vente de chênes publics sans label. Il avance le chiffre de 16% du volume total des troncs mis aux enchères. Un volume qui proviendrait « majoritairement des articles restés invendus lors de leur première présentation en vente et des peuplements où le chêne est très minoritaire », justifie l’établissement. Interrogé à son tour sur cette fuite de bois protégé, le ministère de l’Agriculture est resté silencieux.
Pourquoi l’ONF ne protège pas tous ses chênes ? Pour Aymeric Albert, la faute reviendrait aux maires des communes rurales propriétaires de forêts et parfois peu enclins à trier les différentes essences de bois qu’ils vendent : « Nous portons la politique [de labellisation des chênes] mais après ce sont eux qui décident. » Dont acte. Il omet néanmoins de mentionner que la mise en vente des lots mélangés prend beaucoup moins de temps et coûte nettement moins cher. Une aubaine pour les trafiquants.
Après cinq journées de fortes mobilisations contre la réforme des retraites, les syndicats font le plein de nouvelles adhésions. Mais c’est le signe d’un sentiment croissant d’inquiétude dans la population…
« Force ouvrière, Isabelle, bonjour. » Dans son bureau du quatrième étage de la maison des syndicats, Isabelle Dupont assure l’accueil de l’union départementale Force Ouvrière du Bas-Rhin. « Une manifestation prévue à Haguenau ? Non madame, jeudi, c’est seulement à Strasbourg. » Salariée du syndicat depuis sept ans, Isabelle constate une augmentation de l’activité depuis le début du mouvement social. Plus de coups de téléphone, plus de monde à la permanence juridique du mardi après-midi, plus d’adhésions aussi :
« Je m’occupe des adhésions de personnes isolées, celles qui ne sont pas dans une entreprise où il existe déjà une section syndicale. J’en reçois en moyenne une quinzaine par semaine en ce moment contre une ou deux d’habitude. C’est beaucoup et c’est sans compter celles qui se font dans les sections. »
La secrétaire sort de son bureau une pochette pleine de bulletins d’adhésion siglés FO. « Il y a un militant qui m’en a ramené. Depuis hier, avec celles que j’ai faites, il y a eu 16 adhésions en tout. »
« Les gens se syndiquent parce qu’ils ont peur »
Dans le couloir, quatre personnes patientent pour des conseils juridiques. Isabelle constate l’effet du mouvement social, y compris sur la fréquentation de la permanence :
« Les gens sont inquiets pour leurs retraites. Donc quand ils ont des problèmes avec leurs employeurs, ils pensent peut-être plus à l’avenir. Je pense qu’ils viennent plus facilement se renseigner quand il y a litige. »
De son bureau, la salariée observe aussi l’arrivée de personnes parfois très éloignées des syndicats :
« Au niveau des adhésions, j’ai eu des personnes qui n’auraient jamais pensé adhérer à un syndicat, mais veulent se protéger. Les gens se syndiquent parce qu’ils ont peur de l’avenir. »
Depuis le début du mois de février, ce renouveau des adhésions s’étale dans la presse nationale. Plus 7 000 adhérents par semaine selon Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT. À la CGT : plus 50% d’adhésions par rapport à l’année dernière à la même période. Force Ouvrière déclare de son côté 2 800 nouvelles adhésions par internet en janvier.
« Quand tout va mal, on a besoin de syndicats qui se battent »
Au niveau local, Éric Borzic, le secrétaire général de l’union départementale FO du Bas-Rhin se montre prudent avec les chiffres : « On a le nez dans le guidon avec les manifs, les intersyndicales… On a aussi une activité forte par rapport aux élections professionnelles. Je ne peux pas tirer de conclusions à ce stade. »
Installé à son bureau, il rentre tout juste de la manifestation des salariés de Heineken à Schiltigheim. Sur son téléphone, les notifications d’appels et de messages s’accumulent : « Tiens, qu’est-ce qu’ils veulent les renseignements territoriaux ? » Puis le syndicaliste reprend :
« Les adhésions : ce sont des cycles. Pendant longtemps les choses se mettent en sommeil. Puis les gens viennent parce qu’il y a un problème dans leur entreprise. Ce sont parfois des demandes individuelles pour des défenses devant les prud’hommes… Et puis il y a les grands rendez-vous sociaux. Cette réforme des retraites, elle touche tout le monde. Les gens se mobilisent, viennent nous voir spontanément et une partie d’entre eux prennent la carte. Quand tout va mal, on a besoin de syndicats qui se battent. »
“On n’a pas vu ça depuis longtemps”
Sabine Gies, secrétaire générale de la CFDT Alsace, pose le même constat :
« Ce qui se passe sur les adhésions en ce moment est très exceptionnel. C’est lié au fait que la majorité de la population soutient le mouvement. Je n’ai jamais connu ça pendant une période aussi longue. »
Ce soutien, les militants syndicaux le constatent aussi dans les cortèges. Au-delà de l’affluence, c’est l’intérêt de nombreux manifestants pour les syndicats qui surprend bien des vieux routiers des luttes. Secrétaire général de l’union départementale CFTC du Bas-Rhin depuis neuf ans, Laurent Walter raconte :
« À chaque manifestation, on voit des gens qui nous rejoignent, qu’on ne connait pas, qui n’ont pas de carte d’adhérent. Ils nous demandent un drapeau ou une chasuble et manifestent avec nous. »
La preuve par l’exemple
Depuis l’émergence de mouvements spontanés comme celui des Gilets jaunes, les syndicats ont parfois été dépassés par d’autres formes de contestation, plus spontanées, comme lors du mouvement de grève des contrôleurs SNCF en décembre 2022. Mais avec la réforme des retraites, les syndicats démontrent qu’ils sont toujours capables de porter la contestation sociale. De quoi redonner du baume au cœur des militants syndicaux. « Il est arrivé que les distributions de chasubles ou de drapeaux dans les manifs soient laborieuses, explique Sabine Gies. Aujourd’hui, nos adhérents sont fiers de les porter. » Si Éric Borzic espère faire reculer le gouvernement au plus vite, il se réjouit : « les gens voient que les syndicats servent toujours à quelque chose. »
Les nouveaux venus auront accès aux publications syndicales, à des conseils personnalisés. Ils pourront participer aux réunions et s’investir dans les sections. « Dès qu’on touche un premier salarié dans une entreprise, il devient intéressant car il peut en pousser d’autres à se syndiquer, » indique Sabine Gies qui reste prudente, tout comme Éric Borzic de FO : « Il y a un engouement. Mais est-ce que c’est un effet ponctuel ? On verra. »
Dans une décision du lundi 20 février, le tribunal administratif de Strasbourg ordonne aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de mettre en place un système fiable pour décompter les heures de travail des médecins.
Fin 2022, le syndicat des jeunes médecins du Grand Est avait alerté la direction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) que leur système de comptage du temps de travail des médecins, par tranches de demi-journées, masquait de nombreuses heures de travail supplémentaires non payées ou non rattrapées. La direction . . .
Accédez à nos enquêtes et révélations exclusivesSoutenez une rédaction locale qui appartient à ses journalistesMaintenez une vigie citoyenne sur les pouvoirs locaux
Quatre groupes de « black metal national-socialiste » sont programmés pour un festival néonazi à 50 kilomètres de Saint-Dié-des-Vosges samedi 25 février. Il y a moins d’un an, un autre rassemblement était organisé par des nostalgiques du Troisième reich à une trentaine de kilomètres.
Moins d’un an après un rassemblement en hommage à une division de Waffen SS à Sainte-Croix-aux-Mines, la mouvance néonazie organise cette fois un festival près de Saint-Dié-des-Vosges samedi 25 février. Au programme de cette soirée « Night for the blood » (Nuit pour le sang), quatre groupes de « black metal national-socialiste » : deux groupes français Todesschwadron et LeibStandarte, Eidkameraden de Suisse et le groupe allemand Stahlfront. L’affiche en noir et blanc multiplie les références néonazies : le soleil noir représente la force chez les SS, la Leibstandarte était la première division SS en charge de la protection d’Hitler, la tête de mort était l’icône de la troisième division SS Totenkopf…
La stratégie simple des néonazis
Le lieu précis de ce festival n’est pas indiqué. Tout l’enjeu pour les organisateurs de ces rassemblements néonazis, c’est de maintenir l’adresse de l’événement secrète jusqu’au jour de l’événement. En écrivant à l’adresse mail au bas de l’affiche, on reçoit une réponse automatique avec quelques précisions :
« Le concert se tiendra dans le nord-est de la France, à environ une heure de Strasbourg. L’une des villes les plus proches du site est Saint-Dié-des-Vosges. Cette ville sera à 50 kilomètres maximum du lieu du concert.
L’entrée est à 20 euros par personne. Pour réserver, il suffit de faire un transfert Paypal (paiement à un proche). Dans la description du virement, indiquez votre adresse mail. Une fois le transfert réalisé, vous recevrez les billets de concert par mail. (…)
Des informations plus précises sur le lieu du concert vous parviendront au fur et à mesure par mail pour faciliter votre voyage. »
La stratégie est simple… mais efficace. Les organisateurs demandent à louer un terrain ou une salle sans mentionner l’objet de la réunion. Souvent, ils changent de lieux de rassemblement pour éviter de susciter la méfiance. La méthode avait aussi permis à des néonazis de fêter l’anniversaire de la naissance d’Adolf Hitler dans la salle municipale de Sexey-les-Forges (Meurthe-et-Moselle) en avril 2019. En l’apprenant des gendarmes le lendemain de la fête, le maire de la commune s’était dit « estomaqué ».
« Il y a en Allemagne des choses qui tombent sous le coup de la loi et pour lesquelles la situation juridique est différente en France. Faire le salut hitlérien, c’est un délit en Allemagne et si ça se passe pendant un concert, il peut-être interrompu. »
Selon Donatien Huet, journaliste de Mediapart, « si cette soirée a bien lieu, il s’agirait du premier événement majeur de ce genre en France depuis quelques années. Le dernier “Call of Terror” a eu lieu en février 2019 près de Lyon ; le dernier “Night of Honour” s’est tenu en février 2018 dans le local de Serge Ayoub en Picardie. »
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
Jusqu’au 15 avril 2023, Stimultania expose le projet « Les interstices » de Frédéric Stucin. Pendant un an, le photographe s’est installé dans une cafétéria accolée au service psychiatrique de l’hôpital de Niort. En résultent 82 photographies, dont de nombreux portraits, sans aucun cliché.
Au numéro 33 de la rue Kageneck, au pôle photographie Stimultania, la porte s’ouvre toujours sur un autre monde. Jusqu’au 15 avril, l’espace d’exposition nous immerge dans la P’tite Cafète, la cafétéria voisine du pôle psychiatrie de l’hôpital de Niort. Le photographe Frédéric Stucin s’y est installé un an, au milieu des patients qui viennent passer un moment, boire un café, manger une glace, discuter entre eux ou avec les soignants. Le regard de l’artiste ici n’a rien de voyeuriste. Le texte introductif de l’exposition précise sa démarche :
« Une semaine par mois, le photographe va proposer aux patients ou aux soignants de créer, ensemble, de « vrais portraits rêvés ». Une photographie qui les raconte, qui dit ce que l’on a envie de dire de soi, à ce moment-là. Le pari de ce projet est que le regard extérieur ne soit plus un empêchement, mais au contraire l’occasion d’un partage. »
L’autre, c’est nous
La première pièce de l’exposition installe le décor de cette cafétéria grise, ses rideaux jaunes et sa végétation. Quelques courts textes de la journaliste Ondine Millot suffisent à décrire par leurs phrases courtes et simples, par les détails qui disent beaucoup, l’atmosphère du lieu qu’on visite :
« Sur les baies vitrées en rotonde de La P’tite Cafète, les visages pâles du matin se reflètent. La nuit d’hiver, encore noire, a changé les vitres en miroirs, enfermé dans un cocon hors du temps le bar et ses occupants. S’y réverbèrent aussi le comptoir, le ventre rond d’Éric L., son sourire, sa casquette, Martin qui s’affaire, ses mouvements concentrés pour vider le lave-vaisselle, remplir le percolateur. Il est huit heures, infirmiers et patients se lèvent avant le soleil. Le petit-déjeuner le moins cher de France – un euro les tartines, jus d’orange et boisson chaude – a ses habitués que ni le froid bruineux du dehors, ni le labyrinthe des bâtiments massifs de l’hôpital n’arrête. Au contraire, ils en connaissent le moindre recoin, empruntent machinalement le chemin jusqu’ici. Ils viennent même lorsque c’est fermé, le week-end. Les infirmiers Éric L. et Éric B. laissent des chaises dehors, on partage une clope à défaut d’un café. »
Extrait du livre « Les interstices », avec les photos de Frédéric Stucin et les textes d’Ondine Millot
Puis l’exposition s’ouvre sur une immense série de portraits. Les premiers, en grand format, montrent des visages, dont certains s’effacent presque sous une sorte de filtre, ici terreux, là d’acier. Un peu plus loin, une succession de plus petites photographies au fond noir. Une jeune femme au visage fin, un élégant collier autour du cou, fixe le spectateur dans les yeux. A côté, un homme tatoué regarde en biais, les cheveux grisonnants, l’air désabusé. Plus loin, une dame porte chapeau de paille. Ses yeux comme embués se perdent dans le vide. Autant de visages de cet autre monde, souvent fantasmé, de l’hôpital psychiatrique, « l’asile ». Certains regards peuvent sembler énigmatiques, étranges, d’autres paraissent plus familiers. En passant face à chacun de ces visages, on finit par se rendre compte que nous ne sommes jamais loin d’être « l’autre ».
La pièce Comme tu me veux interroge la perte de sa propre identité et sa reconstruction dans un contexte de changements radicaux. Ce drame existentiel écrit par le prix Nobel de littérature Luigi Pirandello est mis en scène par Stéphane Braunschweig. À découvrir au TNS du 27 février au 4 mars.
Un drame existentiel et une quête d’identité. Du 27 février au 4 mars, le Théâtre national de Strasbourg invite à une aventure initiatique en salle Koltès. Dans la pièce Comme tu me veux, de l’auteur et prix Nobel de littérature Luigi Pirandello, l’héroïne commence comme danseuse dans un cabaret de Berlin. Traumatisée par un viol, elle cherche à retrouver celle qu’elle était avant de fuir l’Italie en prise à la guerre.
Un périple intime entre l’Allemagne et la Vénétie
Berlin, 1927. Elma, aussi appelée l’Inconnue, danse la nuit dans des cabarets. Suivie par ses admirateurs, elle rentre chez son amant, un auteur manipulateur qui la tient sous son emprise. Chez lui se déroulent les fêtes les plus luxurieuses et débauchées. Un soir, un photographe italien suit Elma, persuadé de reconnaître Lucia, la femme d’un de ses amis. Cette dernière a disparu dix ans plus tôt suite à l’invasion du nord de l’Italie par des soldats autrichiens. Seule chez elle, Elma est victime de viol et sa maison réduite en cendres.
Quatre mois plus tard, de retour en Italie, Elma retrouve Bruno Pietri, son mari. Mais le conjoint semble plus préoccupé par la crainte de perdre la demeure familiale obtenue en l’épousant que par l’envie de retrouver l’être aimé. Le couple est entouré de membres de leurs familles, à l’hypocrisie à peine voilée. Elma se laisse remplir par les souvenirs de Bruno, s’offrant à lui et cherchant à devenir la Lucia qu’il avait connu autrefois.
Mais, peu de temps après, Bruno Pietri rentre accompagné d’une femme qu’il a trouvé dans un asile en Autriche. Selon lui, elle serait la vraie Lucia. Laquelle est une imposture ? Nul n’aura la réponse. Ce n’est pas l’enjeu pour l’auteur de la pièce Luigi Pirandello.
Vivre l’expérience de l’entre deux guerres
L’ambiance est oppressante pour le spectateur. Le décor se compose de quelques canapés et des vases à la disposition millimétrée, à la mode dans les années 1920. À partir du deuxième acte, un tableau est placé au centre de la scène. Il représente Lucia dans sa jeunesse et participe à créer le doute autour de l’Inconnue. La projection d’archives historiques, relatant la montée du nazisme et le triomphe du fascisme en Italie, ancre le spectateur dans ce climat angoissant.
Le choix des tentures vertes autour de la scène n’est pas anodin. C’est une couleur qui porte malheur au théâtre. Une façon subtile de rappeler le désir de l’Inconnue d’ôter les masques et de lever le voile sur les simulacres. La création lumière de Marion Hewlett et son travail sur les ombres créent un rappel à l’expressionnisme allemand. Ce mouvement artistique a pour vocation de déformer la réalité pour exacerber un sentiment, souvent négatif.
Le pouvoir de la subjectivité dans la quête de liberté
La pièce prend pour toile de fond les traumatismes laissés par la première guerre mondiale et cette époque marquée par des crises économiques et sociales et la montée du populisme partout en Europe. Cette société au bord du gouffre rappelle la nôtre, fragilisée suite à la pandémie, la guerre en Ukraine et la crise sociale. De plus, la reconstruction suite à des traumatismes causés par le viol est une problématique contemporaine qui fait écho aux souffrances de nombreuses femmes à travers le monde.
La comédienne Chloé Réjon brille dans son interprétation de l’Inconnue, un rôle aux multiples facettes. Elle incarne l’envie de Pirandello de créer le doute chez le spectateur. Stéphane Braunschweig donne sa vision du personnage dans un entretien avec Anne-Françoise Benhamou pour le théâtre de l’Odéon :
« Il ne s’agit pas, ou pas seulement, d’une femme qui ne pourrait exister qu’à travers le désir ou le fantasme de l’homme. C’est surtout quelqu’un qui dit : je ne peux exister que si je me reconstruis complètement à partir de rien, ou que si je me fais – littéralement – une autre. »
Si L’Inconnue mène cette quête d’identité, c’est pour trouver sa liberté. Une raison suffisante pour s’essayer à toutes les identités, renonçant à la précédente ou à certains de ses désirs. Elle a l’espoir de conquérir cette liberté, par corps puis par conscience.
De Pirandello à Braunschweig
Né en 1867, Luigi Pirandello a une relation ambiguë au fascisme. Il rencontre plusieurs fois Benito Mussolini. L’auteur sicilien est déçu par la politique artistique en Italie, qui préfère la propagande à l’avant-garde. En 1929, l’auteur s’exile quelques mois en Allemagne en compagnie de sa muse et amante, la comédienne Marta Abba.
Ensemble, ils découvrent les cabarets berlinois de l’entre-deux-guerres, en totale contradiction avec la rigueur qui règne alors en Italie. Cette expérience lui inspire l’écriture de Comme tu me veux. Marta Abba et sa compagnie monteront la pièce au théâtre pour la première fois à Milan en 1930, avec la comédienne et compagne de Luigi Pirandello dans le premier rôle.
Stéphane Braunschweig est un adepte de l’auteur italien. Le metteur en scène a dirigé le TNS jusqu’en juin 2008, période durant laquelle il a monté pour la première fois une pièce de Pirandello, Vêtir ceux qui sont nus. Il prend par la suite la direction du théâtre de la Colline avant de prendre la direction du théâtre de l’Odéon en 2016. Avec Comme tu me veux, il met en scène pour la quatrième fois une œuvre de l’auteur italien.
Pour protester contre la réforme des retraites, cinq syndicats de la police municipale de Strasbourg ont déposé un préavis de grève pour la journée du 25 février 2023.
« Grands oubliés de la réforme des retraites, les policiers municipaux sont aujourd’hui lassés d’être les parents pauvres de la sécurité. » Dans un tract revendicatif, cinq syndicats de la police municipale (CGT-Unsa-FO-CFDT-CFTC) appellent à une journée de grève le samedi 25 février 2023. Les organisations syndicales déplorent l’absence de prise en compte de la pénibilité du métier : « Plutôt que de réduire l’âge de départ à la retraite pour ces fonctionnaires, le gouvernement veut le rallonger de 2 ans ! Trop c’est trop ! Stop au mépris ! » Quelques lignes plus loin, le collectif syndical appelle les Strasbourgeois à appeler la police nationale lors de cette journée de mobilisation.
Opposés à la réforme des retraites, les syndicats profitent aussi de l’événement pour défendre des intérêts spécifiques à leur fonction, comme l’intégration de la prime de fonction dans le calcul des droits à la retraite.
« Nos représentants n’en font pas assez »
Au niveau national, l’union n’est pas de mise entre les syndicats de policiers municipaux CGT, Unsa, FO, CFDT et CFTC. En dehors de quelques échanges ministériels sur la réforme des retraites, « rien de concrets », juge l’un des porte-parole du mouvement, le responsable syndical CFTC Thiebault Parre :
« Que font nos syndicats au niveau national ? Nous, policiers municipaux, avons le sentiment que nos représentants n’en font pas assez. C’est le ressenti de beaucoup de collègues. À part quelques rencontres ministériel, et la promesse d’une commission consultative assez vague, c’est le néant. »
Le policier espère que l’exemple d’unité à Strasbourg pourra inciter les instances nationales à mieux s’entendre. L’intersyndicale strasbourgeoise appelle « l’ensemble des polices municipales de France à porter ces revendications communes par l’organisation d’actions locales ».
« Les perdants de la réforme » – Épisode 4. Laurent, Marie, Christophe, sont tous les trois nés en 1966. Cette génération de Français, avec ceux nés en 1965, devra travailler trois trimestres de plus qu’avant. Une augmentation supérieure à toutes les autres tranches d’âge.
Il marche fièrement, avec son clairon dans sa main droite et sa banderole CFDT dans la gauche. Christophe Hils, 56 ans (bientôt 57), cariste dans une entreprise qui vend des cuisines, participe bruyamment à la cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. « C’est la première fois de ma vie que je manifeste ! », hurle le quinquagénaire, entre les mégaphones des uns, et la sono des camarades de devant. « Je me bats pour moi, mais aussi pour mes enfants, parce que cette réforme est injuste. »
« Pourquoi nous ? C’est injuste »
Pour Christophe Hils, né en 1966, la durée de cotisation s’allonge plus que pour les autres Français. Car la réforme de la retraite d’Elisabeth Borne relève non seulement l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, mais elle augmente également la durée de cotisation. Ainsi, ceux qui sont nés en 1961 et 1962, devront cotiser un trimestre de plus. C’est la première génération impactée. Ceux qui sont nés en 1963-64, doivent cotiser deux trimestres de plus. Enfin, pour les Français nés en 1965-66, il faudra cotiser 3 trimestres de plus. Une inégalité de plus, selon Christophe Hils.
« Pourquoi nous ? Pourquoi moi ? C’est injuste. On a commencé à bosser tôt, je devais m’arrêter de travailler à 60 ans parce que j’ai commencé quand j’avais 16 ans. J’étais teinturier chez Labonal, puis charpentier, et maintenant je suis cariste depuis 33 ans ! J’ai travaillé toute ma vie, j’ai jamais été au chômage, et là, il faudrait que je continue deux ans de plus que prévu ? Pas question. »
Le cariste, aux mains usées par les meubles qu’il charge chaque jour, raconte sa fatigue : « On fait un métier physique, je suis déjà à moitié cassé. Je n’ai que 56 ans, mais je me vois mal continuer encore six ans. » Depuis le début du mouvement, Christophe Hils n’a pas hésité à poser des journées sans solde pour aller crier sa colère, avec son vieux clairon. « C’est pour qu’ils m’entendent ! », lance-t-il en riant. « Pour sonner la charge aussi. »
« Ils n’auraient pas dû toucher à ceux qui sont nés dans les années 60 »
Le cortège avance doucement, sous un soleil presque printanier. Entre les chanteurs de la CGT sur leur camion, et les groupes épars de manifestants, venus parfois protester en famille – boules Quies de rigueur dans les oreilles des enfants – il y a la bande de Marie. L’infirmière en psychiatrie à l’Epsan de Brumath a tenu à changer son prénom, et ne souhaite pas apparaître en photo. « Le climat est trop compliqué là-bas », glisse la maman de deux enfants, aux traits marqués par la fatigue d’un métier difficile.
Marie (prénom modifié) est infirmière à l’Epsan de Brumath. Elle devait partir à la retraite à 60 ans, mais craint de voir reculer son départ à 62, voire peut être 64 ans. Aujourd’hui, la soignante est épuisée. Photo MdC / Rue89 Strasbourg.
En tant que fonctionnaire hospitalier, Marie fait partie des « agents publics en catégorie B active ». Elle devait donc normalement partir à la retraite à 60 ans. Mais comme tous les fonctionnaires, elle va voir elle aussi, sa durée de cotisation s’allonger et son âge de départ reculer à 62 ans. Voire plus, car la mère de famille a également travaillé dans le privé. Elle aussi, elle est de la génération 66. « Tout ça c’est tellement compliqué, je suis complètement perdue. »
Surtout, Marie est épuisée et ne s’imagine pas travailler encore quatre ans.
« Il y a de plus en plus de pression au travail, je ne m’y retrouve plus en tant que soignante. L’hôpital est géré comme une entreprise. Il y a des burn-out, des suicides. Je travaille en psychiatrie, et il y a une hyper-vigilance dans mon métier qui m’épuise. Moi j’ai commencé à travailler à 19 ans en tant que secrétaire médicale, puis chauffeur-brancardière. Ça va faire 40 ans que je bosse ! Il ne fallait pas toucher aux gens nés dans les années 60. On est fatigués, on a commencé il y a longtemps. Ça suffit ! »
Alors que le cortège entame sa dernière ligne droite, en revenant à son point de départ Avenue de la Liberté, la presque sexagénaire rejoint ses collègues, venues marcher sous les banderoles bleues du syndicat Unsa.
La cinquième journée de mobilisation contre les retraites a rassemblé 3 200 personnes selon la police, 10 000 selon les syndicats. Photo MdC / Rue89 Strasbourg.
Le gouvernement ne respecte plus « la clause du grand-père »
Laurent Feisthauer est le secrétaire départemental de la CGT du Bas-Rhin. Lui aussi est né en 1966. Avant d’être détaché pour le syndicat il y a deux ans, il était enseignant en histoire-géographie et lettres dans un lycée professionnel, à Saverne. Le concernant, la réforme va donc avoir un impact fort, avec trois trimestres de plus à cotiser.
« On se prend la réforme en pleine tête. On est la génération cobaye. Avant, le gouvernement avait une sorte de ”clause du grand-père”, c’est-à-dire qu’on ne s’attaquait pas à ceux qui étaient encore en poste et qui étaient proches de la retraite. On s’attaquait aux jeunes générations, parce que lorsqu’on a 30 ou 40 ans, on ne pense pas trop à sa retraite. Là, ils s’en prennent à ceux qui avaient déjà fait leur calcul de départ. Moi, je savais qu’il me restait cinq ans. Avec cette réforme, je passe à sept ans et ça change tout. »
Laurent Feisthauer est le secrétaire départemental de la CGT du Bas-Rhin. Mais il est lui aussi né en 1966, et va voir son âge de départ reculer, et les trimestres à cotiser, augmenter. Photo MdC / Rue89 Strasbourg.
Pour le représentant de la CGT, c’est d’autant plus difficile à digérer, que les conditions de travail dans l’enseignement sont de plus en plus dures. Laurent Feisthauer parle de ses collègues, qui, il y a quelques années encore, « partaient heureux à la retraite, et revenaient voir leurs anciens élèves ». Aujourd’hui, le syndicaliste l’assure, « les collègues sont cassés, épuisés ». L’enseignant dénonce « une double-peine » pour les profs, qui doivent « travailler plus, et dans de mauvaises conditions ».
« On a des soucis avec la hiérarchie qui nous en veut de ne pas être à la page des méthodes pédagogiques. On est aussi en porte-à-faux avec les parents d’élèves, qui nous en veulent parce qu’on est moins dynamiques que nos collègues plus jeunes, on n’a plus la motivation pour emmener toute une classe en voyage scolaire par exemple. Et puis à 60 ans, on n’est plus en phase avec les ados d’aujourd’hui ! C’est un public très exigeant, qui nous fait payer notre âge. »
La manifestation de ce jeudi 16 février a rassemblé de nombreux syndicats, mais aussi des étudiants, des familles, des salariés du public et du privé. Tous unis contre la réforme des retraites. Photo MdC / Rue89 Strasbourg.
Dans les flammes rouges des fumigènes, le cortège termine doucement sa cinquième journée de mobilisation, place de la République. Certains, motivés, proposent au mégaphone de voter pour une AG. Mais en quelques minutes, la foule s’est déjà dissipée. Selon la police, 3 200 personnes se sont déplacées pour protester ce jeudi. 10 000 selon les syndicats. C’est deux fois moins que lors de la deuxième journée de mobilisation, le 31 janvier.
Invoquant une perte de confiance, le Syndicat des eaux d’Alsace – Moselle (SDEA) a notifié la Communauté de communes du Pays de Bitche (CCPB) de sa volonté de sortir de l’assainissement et de la distribution d’eau pour ce territoire. Mais le président de la CCPB, David Suck, n’entend pas laisser partir le SDEA…
Joseph Hermal est désemparé. Directeur du Syndicat des eaux et d’assainissement (SDEA), un organisme public qui intervient dans la gestion de l’eau pour plus de 700 de communes en Alsace et en Moselle . . .
Cet article fait partie de l’édition abonnés.
| Déjà abonné ?
Connectez-vous
Abonnez-vous maintenant pour poursuivre votre lecture
Jouez un rôle actif dans la préservation de la pluralité médiatiquePlongez en illimité dans nos articles et enquêtes exclusivesParticipez librement à la discussion grâce aux « identités multiples »
Peu après l’incendie de la maison Mimir, une plainte a été déposée par l’association le 9 février. Les Mimiriens espèrent pouvoir maintenir leurs activités sur site.
« On veut garder cet endroit et garder notre activité. » Coprésident de l’association de la maison Mimir, Rémi garde le cap malgré l’incendie qui a ravagé ce lieu unique du centre-ville strasbourgeois. Lundi 13 février, il s’active avec ses camarades pour redonner de l’élan à ce projet de solidarité.
Une partie de la maison Mimir a brûlé jeudi 9 février. Une enquête est ouverte. (Document remis)Photo : Document remis
Quatre jours après l’incendie, une première solution a été proposée par la Ville de Strasbourg pour déménager la bagagerie de la rue Prechter. Le lieu, qui permettait notamment aux sans-abris de déposer leurs affaires, pourrait être déplacé dans les locaux du centre d’accueil de jour T’rêve de Koenigshoffen. Mais la solution n’est pas encore satisfaisante pour les membres de la maison Mimir, qui s’inquiètent d’un nombre insuffisant de casiers à la T’rêve et se demandent toujours quand les affaires entreposées rue Prechter pourront être récupérées. Le coprésident de l’association explique :
« On voudrait garder notre parcelle rue Prechter, ainsi que notre bagagerie. Les gens qui ont leurs habitudes ici, ils se douchent à la Bulle, rue Fritz Kiener juste à côté. Ils ne vont pas partir à l’autre bout de Strasbourg pour chercher leurs affaires… »
L’association Mimir rappelle aussi qu’une partie de leurs locaux est restée intacte. Tout le bâtiment de la bagagerie peut encore être remis en état : « On a une salle polyvalente qui a surtout été dégradée au niveau du toit. Donc on peut réparer ça. Et avec du soutien, on peut installer un conteneur dans la grande cour qu’on va avoir après la démolition. Ça nous permettrait de relancer le bar. »
Une plainte et des doutes sur l’enquête
Pour le reste, Mimir reste dans l’expectative. Aucune nouvelle de la plainte déposée par l’association le jeudi 9 février pour « destruction involontaire du bien d’autrui par explosion ou incendie, du à la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ». Une procédure lancée à la fois par nécessité pour l’assurance, mais aussi pour qu’une enquête de police puisse avoir lieu, comme l’explique Tony, membre du comité de l’association Mimir :
« Il y a eu des intrusions dans le bâtiment les dernières semaines. On l’a constaté en voyant des fenêtres et des barrières cassées. Or il ne devait y avoir personne la nuit dans le bâtiment, qui n’était pas prévu pour loger des gens. On n’avait pas porté plainte à l’époque mais vu la situation actuelle, on aimerait qu’il y ait une enquête avant la destruction complète du bâtiment. Malheureusement, les choses se sont précipitées et ils sont déjà en train de démolir la maison. Donc on se demande comment ils enquêteront… »
L’association a porté plainte pour « destruction involontaire du bien d’autrui par explosion ou incendie, du à la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence », mais les bénévoles se demandent comment l’enquête peut avancer, si une partie du bâtiment est détruite / Photo GK / Rue89 Strasbourg.
Contactée, la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Bas-Rhin assure que l’état du bâtiment représentait un danger imminent pour les autres constructions. Mais la démolition n’empêcherait pas l’enquête, toujours selon la communication de la DDSP :
« Les collègues de la police technique et scientifique étaient sur les lieux avant la démolition. Et la police judiciaire mènera son enquête par d’autres moyens, il y aura le visionnage de la vidéoprotection et des enquêtes de voisinage. »
Une réunion est prévue mardi 14 février pour échanger sur l’avenir de la maison Mimir. C’est aussi l’occasion de définir une stratégie face au silence des pouvoirs publics :
« On n’a toujours pas de réponse de la Ville de Strasbourg ni de la préfecture sur la date à laquelle on peut récupérer les affaires à la bagagerie. Et on n’a aucune solution pour les associations qui faisaient leurs réunions chez nous. »
Guillaume Libsig : « On est ouvert à tout »
Par la voix de son adjoint en charge de la vie associative, Guillaume Libsig, la municipalité temporise, après avoir « pallié dans l’urgence à la disparition du bâtiment en transférant la bagagerie sur le site de la T’rêve à Koenigshoffen ». Guillaume Libsig est bien conscient de l’intention des Mimiriens de maintenir leurs activités sur site :
« On est ouvert à tout et on ne veut rien imposer. On apprécie Mimir et leurs engagements. Mais pour nous, l’envie de rester sur site pose des questions techniques, de sécurité et de police du bâtiment. La question, c’est : est-ce que l’association est prête à partir vers de nouveaux sites ? »
Pour le reste, Guillaume Libsig évoque un « besoin de se rencontrer et d’envisager les différentes problématiques à plus long terme ». Entre les congés scolaires, l’organisation de l’aide à la Turquie et la Syrie meurtries par un terrible séisme et la problématique du manque de locaux pour les associations strasbourgeoises, Guillaume Libsig espère qu’une telle rencontre pourra avoir lieu d’ici la fin du mois de février.