Fumeur de 31 ans, Giulio vient presque tous les jours au parc de l’Orangerie, entre midi et deux. À l’entrée côté allée de la Robertsau, il écrase son mégot machinalement dans le cendrier à côté de la grille,en face de la pancarte « Parc sans tabac » tout juste accrochée. Lorsqu’on lui demande s’il exécute à cause de la récente interdiction de fumer dans tous les espaces verts publics strasbourgeois, il s’étonne. Giulio avait l’intention de rallumer une cigarette à l’intérieur.
Sensibiliser puis punir
Respectueux du nouveau règlement, le trentenaire pense changer ses habitudes : « S’il y a une amende, je ne fumerai plus dans ce parc. » Amende, il y aura. Enfin pas avant 2019. Dans un premier temps, la Ville de Strasbourg choisit plutôt la sensibilisation, avec le déploiement de « médiateurs » dans tous les espaces verts publics où l’interdiction de la cigarette a été décrétée le 1er juillet.
Dans un premier temps, les médiateurs devront discuter des dangers environnementaux et sanitaires du tabac, avec ceux qui contreviendraient à cette décision. Ces patrouilles doivent intervenir à partir du mois d’août. Mais la municipalité n’avance pas de nombre d’agents dévolus à cette mission. Ils seront assistés par La Ligue contre le cancer, l’Agence régionale de Santé (ARS) et l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (Ireps).
Aucun montant d’amende n’a été communiqué. La municipalité se contente d’une comparaison : fumer dans un parc sans tabac pourrait coûter aussi cher que jeter un mégot sur la voie publique : 68 euros.
Les refuges des fumeurs : terrasses et quais
Les fumeurs respectueux de la loi cherchent une alternative aux parcs. Pour le moment, les berges sont toujours des espaces « cigarette-friendly ». La Ville de Strasbourg assure qu’elle ne prévoit pas à l’heure actuelle d’y étendre l’interdiction. Le ponton des Bateliers, inauguré au début du mois de juillet sous le quai du même nom, est par exemple autorisé aux fumeurs… à condition de prévoir son propre cendrier de poche pour ne pas jeter ses mégots dans l’Ill.
Pas de changement non plus sur la réglementation des terrasses des bars et restaurants, qui pourraient-elles aussi devenir un autre « refuge ». Et contrairement aux berges, pas besoin de s’asseoir par terre et le cendrier est fourni. Mais pour Valentin, 19 ans et étudiant, il n’est financièrement pas possible d’y consommer régulièrement. Ce que Claire, 40 ans et son frère François, 43 ans, confirment :
« Cette interdiction ne veut pas dire qu’il y aura plus de monde sur les terrasses pour fumer. Si on n’y va déjà pas ou alors peu, c’est qu’on a pas d’argent pour y aller dans tous les cas. Financièrement, ça a quand même un coût. Et puis c’est gênant quand on ne sait pas si ça va déranger la table d’à côté, s’il y a des enfants ou des gens qui ne supportent pas l’odeur. »
Des blocs de béton anti-terroristes plutôt que des bancs
Dans les rues de la ville, on retrouve les fumeurs dans les stations de bus et de tram, sur les bancs publics ou simplement appuyés contre un mur. Sur la Place Kléber, Léna, 22 ans, étudiante, allume sa cigarette. Elle est installée sur les blocs de béton, posés ici par la Ville de Strasbourg pour prévenir les attaques terroristes. Autour d’elle, ils sont une dizaine de fumeurs à s’être assis sur les pierres. À défaut d’un nombre de bancs suffisants, ils sont détournés de leur fonction première. Et deviennent des sièges sans dossier à qui souhaite faire une pause gratuite.
Autres sièges prisés des Strasbourgeois, les marches des monuments historiques de la ville. Au pied du Théâtre National de Strasbourg, sur le bord de la fontaine de Janus place Broglie, ou encore devant le Musée d’Art Moderne, place Hans Arp. Pour Claire, c’est une solution envisageable. « Mais on va finir par en être virés nous aussi », craint la quadragénaire. La Bibliothèque Nationale Universitaire, place de la République, a déjà affiché l’interdiction de fumer sur le parvis du bâtiment.
Fumer « est aussi une façon de réunir les gens »
Fumer en dehors de chez soi est pénible pour Clémence, 30 ans. La décision de la Ville l’embête. Elle est résignée à rester dans son propre appartement. Solution pour les Strasbourgeois qui ont la chance d’avoir un balcon ou un jardin. Un peu moins pour les étudiants coincés dans une petite chambre.
Clémence estime que ça la conduira à un peu moins sortir :
« Je fumais souvent dans les parcs. Notamment à l’Orangerie puisque c’est un beau cadre. Maintenant, je vais probablement rester dans mon jardin pour fumer mes clopes et boire des bières. »
Mais François et Claire pensent également que c’est l’un des revers de cette décision :
« C’est aussi une façon de réunir les gens, ça favorise les échanges et les nouvelles rencontres. On sortira moins, on sera plus souvent chez soi, ce qui n’est pas meilleur pour la santé. »
Même s’ils comprennent que cela puisse être un danger pour la santé de ceux qui les entourent, en particulier les enfants, certains choisissent simplement d’ignorer la restriction et fument à l’intérieur des squares… du moins avant la mise en place d’une amende.
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