Au centre socio-culturel du Neuhof au sud de Strasbourg, c’était l’heure des dernières répétitions pour le NHF Orchestra vendredi 7 juillet. Une dizaine d’élèves du collège Stockfeld peaufinent leur interprétation de Eye of the tiger puis de La marche Impériale, un morceau de la bande originale de Star Wars. Les flûtes à gauche, les cuivres à droite et au centre la batterie. Le tout sans partition. Le solfège n’est pas la priorité, les élèves apprennent à l’oreille.
L’ambiance est à la rigolade entre les collégiens, mais Gauthier, professeur de musique et chef d’orchestre pour l’occasion, sait rappeler sa petite troupe à l’ordre. Les musiciens n’ont qu’un an de pratique, pas question pour autant de faire n’importe quoi.
Un projet porté par les collégiens
L’orchestre est né en 2016 dans une classe de sixième. Les collégiens inscrits en parcours artistique, mais novices en musique, y découvrent, peu convaincus, la pratique de la flûte, du saxophone ou encore de la trompette. Après quelques mois, un petit groupe émerge avec l’envie de sortir leur musique du collège. Laetitia Quieti, directrice de l’école de musique du CSC Neuhof, se souvient :
« Ça fait 7 ou 8 ans que la classe parcours artistique existe. L’année dernière on a eu une classe qui, paradoxalement, était la plus difficile en termes de comportement. Ce sont pourtant les premiers à avoir émis le souhait de continuer la musique. Ils ont créé ce collectif et choisissent les morceaux qu’ils veulent faire. On les guide mais c’est leur projet. »
Musique trop lente, mauvaise note, rien n’échappe à la directrice. Laetitia Quieti est aussi là pour remettre en place les retardataires et les moins disciplinés quand un gros mot leur échappe. Il faut canaliser le groupe qui déborde d’énergie. A l’avant, Malik, le jeune saxophoniste décide de jouer avec des lunettes de soleil avant d’enchaîner quelques pas de danse. Entre deux morceaux, des rires s’échappent de la rangée des trompettes, les discussions divaguent.
Aux côtés de Laetitia Quieti, cinq autres professeurs ont contribué à la réalisation du projet. C’est bénévolement que quatre d’entre eux continuent d’accompagner le NHF Orchestra. Les instruments de musique appartiennent à l’école de musique qui accueille l’orchestre pour ses répétitions.
Revaloriser l’image du quartier
Aujourd’hui l’orchestre n’a plus le droit à l’erreur. Cette répétition est la dernière avant une tournée de neuf jours à travers la France, du 9 au 18 juillet. Au programme, des concerts presque tous les soirs notamment au festival Musikal’été à Privas en Ardèche mais aussi au Festival d’Avignon. L’occasion surtout de sortir du quartier et de découvrir d’autres lieux : Saint-Joseph-des-Bancs (Ardèche), Marseille ou Aix-en-Provence et rencontrer d’autres jeunes aux projets similaires. Laetitia Quieti explique:
« La tournée c’est avant tout pour valoriser leur travail. Mais ça permet également de revaloriser l’image du Neuhof, parce qu’il se passe des choses superbes dans nos quartiers… C’est l’occasion de les emmener dans des endroits différents que ceux qu’ils connaissent. On va par exemple loger dans un village de 200 habitants. De manière générale, l’orchestre permet de les emmener dans des lieux qui ont des codes différents. Maintenant, ils sont par exemple très à l’aise au conservatoire avec les musiciens de l’orchestre philharmonique. Ils ne pensent plus que ce n’est pas leur monde, que ce n’est pas pour eux. »
Pour que le projet voie le jour, le NHF Orchestra, accompagné par l’école de musique du CSC du Neuhof a dû trouver des financements, 14 000€ au total. Une somme récoltée grâce à des partenariats, des dons privés et une subvention de la ville de Strasbourg mais aussi via un financement participatif sur Internet. L’orchestre a également organisé des concerts pour compléter son budget, un avantage selon Dahlia, élève de cinquième et trompettiste :
« On a l’habitude de faire des concerts en public, donc on n’est pas trop stressés. Pourtant, même si dans ma famille il y a beaucoup de guitaristes, je ne pensais pas qu’un jour je ferai moi aussi de la musique. Ça me plait beaucoup. »
Des musiciens professionnels comme parrains
La fin de la répétition approche. Pierre Carette, musicien à l’orchestre philharmonique de Strasbourg (OPS), est venu les soutenir. Chaque collégien du groupe est parrainé par un musicien professionnel. Une façon de les accompagner, mais aussi de légitimer le projet.
Ce parrainage est né de la résidence de l’orchestre symphonique dans le quartier du Neuhof. Pendant deux ans et sur demande de la Ville de Strasbourg, les musiciens de l’OPS se rendent à la rencontre des habitants du Neuhof. Ils y organisent des concerts, des ateliers et interviennent dans les classes du quartier. Des résidences de ce type ont déjà eu lieu à la Meinau et à Koenigshoffen. Antony Ernst, délégué artistique de l’OPS, précise:
« Ces résidences sont un moyen de montrer aux gens que nous ne sommes pas élitistes. L’OPS est parfois accusé de ne pas s’adresser à tout le monde… C’est faux, la musique est universelle. Ces résidences nous permettent de sortir de nos murs, de faire découvrir l’OPS aux enfants et de toucher tout le monde. Par exemple, un violoncelliste est allé jouer dans les couloirs d’une école au moment où les élèves changent de classe. De petits concerts pour les habitants ont aussi été organisés. »
Deux semaines aux côtés des stars de l’OPS
Les collégiens du NHF Orchestra ont passé deux semaines aux côtés des musiciens de l’OPS. Ils ont assisté à leurs répétitions, pris des cours de musique avec eux et partagé des moments plus informels comme leurs repas. Certains musiciens ont alors accepté de parrainer un collégien du groupe et le lien s’est maintenu. Les musiciens en herbe ont tous le numéro de leur parrain et peuvent l’appeler s’ils en ont besoin. Certains parrains, comme Pierre Carette ce jour là, viennent régulièrement leurs rendre visite.
Avant le départ en tournée dans deux jours, le parrain hautboïste souffle un dernier conseil :
« Tenez-vous droit, c’est très important. Ça se voit depuis le public et ça se ressent dans la musique. Mais c’est très bien, il y a du progrès. »
À la rentrée l’orchestre devrait continuer sa pratique et pourrait s’ouvrir à de nouvelles recrues. Laetitia Quieti précise toutefois : « c’est le projet des collégiens. »
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