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La nappe phréatique rhénane est la plus grande réserve d’eau potable d’Europe occidentale

La nappe phréatique du Rhin supérieur s’étend de Bâle à Mayence, traversant toute l’Alsace. Elle contient entre 65 et 80 milliards de mètres cubes d’eau. Selon l’Aprona, elle alimente au minimum 5,6 millions de personnes en eau potable.

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La nappe phréatique rhénane est la plus grande réserve d’eau potable d’Europe occidentale

Une gigantesque masse d’eau circule lentement dans des roches poreuses sous nos pieds. La nappe phréatique du Rhin supérieur s’étend sur environ 300 kilomètres, de la ville suisse de Bâle, jusqu’à Mayence, en Allemagne en passant par Strasbourg. Cet aquifère traverse l’Alsace entière. « Sa particularité est le volume d’eau qu’il contient : entre 65 et 80 milliards de mètres cube, dont 35 milliards en Alsace », expose Victor Haumesser, responsable communication de l’Association pour la protection de la nappe phréatique de la plaine d’Alsace (APRONA).

Cela fait d’elle la plus importante nappe phréatique d’Europe occidentale. En France, la deuxième plus grande réserve d’eau souterraine se trouve en Beauce, au sud de Paris, avec 20 milliards de mètres cubes, pour une étendue de 9 500 kilomètres carrés. En termes de surface, c’est davantage que la nappe rhénane, d’une superficie de 9 000 kilomètres carrés.

La nappe phréatique rhénane alimente des Français, des Allemands et des Suisses en eau potable. Photo : Document remis / Ariena

« On ne peut pas se baigner dedans »

« Mais une nappe phréatique, c’est en trois dimensions. Celle du Rhin supérieur est particulièrement perméable et profonde, elle a une épaisseur moyenne de 80 mètres, c’est pour ça qu’elle a une telle capacité », expose Victor Haumesser. D’après Bastien Delaunay, animateur du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la nappe de Beauce, cette dernière a également « une épaisseur moyenne d’environ 80 mètres, mais elle est composée d’une dizaine de couches géologiques de calcaire dont certaines sont peu perméables ». Et contiennent donc peu d’eau.

La nappe d’Alsace est constituée d’alluvions rhénanes. Ces alluvions se sont formés durant plus de deux millions d’années, à mesure que l’eau du Rhin a transporté des sables et des galets provenant des Alpes et du Jura. Ce processus a créé progressivement une épaisse couche perméable et gorgée d’eau, délimitée par une strate géologique imperméable en profondeur. « Pour se représenter à quoi ça ressemble, il faut prendre un seau et y mélanger du sable, du gravier et de l’eau. On ne peut pas se baigner dedans », décrit Victor Haumesser.

La profondeur de la nappe varie beaucoup. Elle peut être affleurante dans certaines zones, c’est le cas au nord de Strasbourg par exemple, où se trouver à 400 mètres de profondeur au niveau d’Heidelberg en Allemagne.

Au moins 5,6 millions de personnes alimentées en eau potable

La réserve d’eau souterraine la plus proche ayant potentiellement une plus grande capacité que la nappe rhénane se trouve en Ukraine, dans le bassin du Dniepr, d’après l’Aprona. « C’est pour ça qu’on précise qu’il s’agit de la plus grande d’Europe occidentale, pour être sûrs », commente Victor Haumesser.

Illustration de la nappe phréatique rhénane. Photo : Document remis par l’association d’éducation à l’environnement Ariena

La nappe est alimentée par la pluie qui ruisselle jusqu’à l’aquifère, l’eau des rivières vosgiennes et du Rhin qui s’infiltre, et les apports des nappes phréatiques affleurantes qui accompagnent les cours d’eau voisins comme la Doller, la Thur ou la Fecht. Une fois dans le sol, l’eau de la nappe circule dans le même sens que le Rhin, du sud vers le nord, à une vitesse excessivement lente de un à trois mètres par jour. En comparaison, l’eau du Rhin s’écoule à un ou deux mètres par seconde.

Illustration schématique de la structure des nappes souterraines. Photo : Document Agence française pour la biodiversité / Matthieu Nivesse

Cette ressource en eau est massivement exploitée par les humains. Selon l’Aprona, entre sept et onze millions de personnes vivent sur le territoire concerné par la nappe rhénane, qui assure 80% des besoins en eau potable dans la zone. Au minimum 5,6 millions de personnes ont donc de l’eau de la nappe phréatique du Rhin supérieur qui coule quand elles ouvrent leur robinet. Les données de l’Aprona montrent pourtant que la production d’eau potable ne représentait que 30% des usages suite à un prélèvement en 2020.

Une nappe très utilisée… Et très polluée

Cette année là, 44% des prélèvements étaient liés à l’industrie. « C’est majoritairement pour refroidir des centrales thermiques, donc l’eau est ensuite relâchée dans le milieu en bon état », explique Victor Haumesser. 26% des prélèvements ont été réalisés pour l’irrigation agricole. Victor Haumesser indique que cette consommation varie selon les conditions météorologiques :

« Les prélèvements pour l’agriculture ont lieu à un moment précis, pendant l’été, en période de sécheresse. Ils ont donc un fort impact sur le niveau de la nappe dans les moments de tension. Une grosse partie de cette eau s’évapore. Contrairement à l’industrie, l’agriculture consomme presque toute l’eau prélevée, celle-ci n’est plus utilisable ensuite. Avec les sécheresses à répétition, la nappe devient plus vulnérable dans certains secteurs, notamment sur le piémont des Vosges et dans le Grand Ried. »

En 2019, la nappe phréatique avait ainsi atteint des niveaux très bas autour de Sélestat. L’été 2022 a été particulièrement rude, avec les niveaux les plus bas jamais enregistrés dans le Grand Ried. « Les impacts sur la biodiversité sont potentiellement dramatiques : quelques centimètres de variation dans ces secteurs peuvent affaiblir les écosystèmes, voir mener à leur destruction », détaille Victor Haumesser.

Outre les prélèvements excessifs, la pollution représente une menace grave pour la nappe phréatique d’Alsace. En novembre 2018, l’Aprona et ses équivalents suisse et allemand avaient publié une étude dévoilant que les seuils de potabilité étaient dépassés sur 44% des points d’eau analysés dans la nappe. Les scientifiques avaient répertorié 137 pesticides ou molécules dérivées en Alsace.

La plus importante nappe phréatique d’Europe occidentale se trouve en dessous de la vallée du Rhin. Photo : EDF Airdiasol – Rothan

Les normes dépassées pour les pesticides

En août 2022, Rue89 Strasbourg révélait que les normes de concentration de certains pesticides étaient dépassées dans l’eau potable d’un quart des Alsaciens. Le 21 juillet 2021, la préfecture du Bas-Rhin a dû publier un arrêté dérogatoire afin de permettre à la communauté de communes de la Basse-Zorn, qui regroupe notamment Hoerdt et Weyersheim, de continuer à distribuer une eau non-conforme à cause des pesticides. Et ce pour une durée de trois ans.

« La nappe phréatique est une ressource vitale, qui subit de très nombreuses pressions. Il y a les pesticides utilisés par les agriculteurs évidemment, mais aussi ceux qui sont utilisés par les particuliers dans leur jardin, et les rejets industriels », résume Victor Haumesser. Alors que des réglementations radicales contre l’utilisation des pesticides semblent encore loin d’arriver, l’Aprona prévoit la publication d’un nouveau rapport d’ampleur sur la qualité de la nappe phréatique d’Alsace en 2025.


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