Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Municipales : Maurer / Vetter, le jeu des 7 différences

Retour sur les différences des deux candidats pour mener la liste de droite aux municipales à Strasbourg, alors que l’investiture de l’un des deux sera décidée aujourd’hui.

Contenu interactif

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Municipales : Maurer / Vetter, le jeu des 7 différences

Depuis janvier, deux candidats briguent l’investiture pour conduire la liste « Les Républicains » aux élections municipales : Jean-Philippe Vetter, 39 ans, s’est déclaré le premier, suivi par Jean-Philippe Maurer, 59 ans.

Avec ses faibles scores aux élections européennes, la droite n’est pas favorite à Strasbourg pour reconquérir la mairie qu’elle a dirigée entre 2001 et 2008. Mais dans cette campagne « des idées et des personnes », dixit nombre de candidats, où tous les prétendants relèguent leur étiquette au second rang, les deux candidats peuvent se targuer de ne pas avoir participé aux affaires locales depuis deux mandats.

Les autres listes du centre et de gauche (La République en Marche, écologistes, Parti socialiste, voire Generation.s) ne pourront pas totalement se détacher du bilan, et incarneront plus difficilement une forme « d’alternance ». Mais quel candidat la droite va-t-elle choisir ?

Peut-être moins intronisé auprès des cadres nationaux du parti, Jean-Philippe Maurer semble avoir comblé une partie de son retard en sortant 73 « premières » propositions. Si bien que l’investiture prévue initialement le 24 septembre a été décalée de deux semaines, le temps de la réflexion. Ce mardi 8 octobre à partir de 18h30, la commission d’investiture qui se réunit à Paris doit faire passer une audition à chacun des candidats, puis décider via un vote.

Dans les premières déclarations des candidats, on retrouve beaucoup de similitudes : critique de l’urbanisme, atténuer les différences entre le centre-ville et les quartiers périphériques, fiscalité stable, plus de sécurité, de propreté, soutien financier aux projets de nouveaux stades sportifs, à l’aéroport… Néanmoins, voici quelques une des leurs différences personnelles, mais aussi de programme.

Jean-Philippe Vetter (à droite) et Jean-Philippe Maurer (à gauche) seront-ils difficiles à départager ? (photos JFG / Rue89 Strasbourg)

1 – Deux générations

La jeunesse contre l’expérience. Jean-Philippe Vetter a 39 ans. Il a été deux fois candidat sur une liste municipale. En 2008, il était en position non-éligible en cas de défaite avec la 36ème place sur la liste Keller-Grossmann. En 2014, il est 8ème et entre au conseil municipal malgré la défaite de la liste UMP-UDI de Fabienne Keller, dont il est l’attaché parlementaire au Sénat depuis 2011.

Par la suite, Jean-Philippe Vetter prend ses distances avec Fabienne Keller puisqu’il cesse d’être son collaborateur en 2017. Après une courte expérience dans le privé, il devient assistant parlementaire de l’eurodéputé Geoffroy Didier, un des cadres qui compte au parti « Les Républicains ». Pour autant, il ne rejoint pas un groupe, parfois qualifié « d’anti-Fabienne », lorsque l’ancienne liste UMP se scinde en deux en avril 2018. Lorsque Geoffroy Didier est réélu eurodéputé, il obtient un changement dans son poste : davantage de présence à Strasbourg et moins à Bruxelles.

Logiquement, il insiste sur le besoin de nouveaux visages pour plaider sa cause : « Les Strasbourgeois n’ont pas peur du renouvellement : au contraire, ils l’espèrent ! », indique-t-il sur Facebook en faisant référence à l’âge d’élection de Catherine Trautman (39 ans) et de Fabienne Keller (41 ans).

Plus âgé, Jean-Philippe Maurer a lui 59 ans et six mandats au compteur. Attaché préfectoral, il est élu sans discontinuer depuis 1998. D’abord comme conseiller départemental du sud de Strasbourg, deux fois, puis député sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012). Il devient vice-président du Conseil départemental du Bas-Rhin lorsqu’il n’est pas réélu député en 2012, bloqué par la vague rose hollandaise qui profite à Philippe Bies (PS). En 2014, il entre pour la première fois au conseil municipal strasbourgeois, dans l’opposition, sur la même liste que Fabienne Keller et Jean-Philippe Vetter. Il est réélu en tant que vice-président du Conseil départemental en 2015, cette fois-ci en binôme avec Pascale Jurdant-Pfeiffer (UDI). En 2017, il se représente aux élections législatives contre l’avis de son parti. « Les Républicains » avait investi… Pascale Jurdant-Pfeiffer.

Pas rancunière, cette dernière figure dans ses soutiens pour cette pré-campagne municipale. « Je suis un baroudeur du suffrage universel. Je ne suis pas stressé par les campagnes sur mon nom, j’en ai déjà gagnées et elles nécessitent un travail conséquent à Strasbourg, mon équipe est en place. Je ne suis pas en phase d’apprentissage », avance comme gage de démarcation celui qui a quitté en 2018, avec 5 autres élus, le groupe local de Fabienne Keller et Jean-Philippe Vetter.

2 – La sécurité, une forte thématique de droite

La sécurité est toujours une thématique forte pour la droite, la politique locale ne fait pas exception. C’est d’ailleurs le premier des 15 thèmes du pré-programme de Jean-Philippe Maurer. Il liste plusieurs mesures comme l’interdiction des squats, la vidéosurveillance dans les ensembles immobiliers neufs « et chez les bailleurs sociaux », voire équiper la police municipale de drones « pour ne plus dépendre de caméras statiques ».

Jean-Philippe Vetter a pris plusieurs fois la parole pour défendre l’arrêté anti-mendicité dite « agressive » du 25 avril, qui a fracturé la majorité. Pas assez appliqué, ne contrant pas la mendicité « organisée », il voit des défauts dans ce texte. Lors d’un premier bilan au conseil municipal, il regrettait toujours la présence de « ce qu’on appelle des punks à chiens » rue des Grandes-Arcades. Il n’est pas possible de simplement verbaliser « des regroupements » dans l’espace public, lui a répondu en somme l’adjoint au maire en charge à la Sécurité, Robert Herrmann, qui faisait valoir « une quarantaine » de verbalisations depuis l’été. Interrogé sur le sujet, Jean-Philippe Maurer estime néanmoins que c’est une « mesure nécessaire », mais « voi[t] surtout que l’arrêté anti-alcool de 2012 n’est pas appliqué ».

3 – Europe : un musée ou un « ambassadeur » ?

« Il faut faire ce qui dépend de nous, pas de Bruxelles, de Paris ou de l’Allemagne. Pour que Strasbourg rayonne, elle doit raconter l’Histoire européenne. Cette histoire, elle existe depuis le Moyen-Âge. Je suis persuadé que les gens sont intéressés par l’Europe, en atteste le monde aux journées portes ouvertes du Parlement. Une de mes premières décisions serait de créer un comité scientifique pour une Cité de l’Europe. Elle s’inspirerait du Mémorial de la Paix à Caen ou des plages du Débarquement. Dans l’idéal, elle se situerait dans le quartier européen, accessible en transports et avec un parking. La cause étant collective, je créerai un syndicat mixte avec l’Etat, la Région et le Département, pour maîtriser les coûts ». Voilà pour la mesure-phare de Jean-Philippe Maurer

Jean-Philippe Vetter a promis qu’il serait présent à toutes les sessions plénières, une fois par mois. Après avoir utilisé le terme de « VRP » de Strasbourg auprès des parlementaires européens et de l’administration, il a opté pour celui « d’ambassadeur », plus consensuel. Il veut mener une contre-offensive, notamment sur la question des coûts. Le parlement bruxellois devra être rénové en profondeur ou reconstruit, pour plusieurs centaines de millions d’euros.

Un sujet européen concret attend la future majorité : Les institutions européennes se montreront-elles intéressées par les bureaux « Osmose », face au Parlement, que les collectivités locales alsaciennes payent et construisent pour elles ? Un échec retomberait forcément sur les épaules du futur maire.

VVue du futur bâtiment réservé au Parlement européen de Strasbourg, toisé par bâtiment d'Euroinformation à droite. (visuel Yam Studio /)
Les collectivités vont bientôt fêter la pose de la première pierre d’un des deux bâtiments de bureaux « Osmose » (le plus petit, à gauche), sans savoir si les institutions européennes sont preneuses. (visuel Yam Studio / Archi David Roulin / doc remis )

4 – Stade de la Meinau : quelle place pour la fan zone ?

Les deux candidats ne reprochent pas les 100 millions d’argent public (dont 50 à la charge de l’Eurométropole, propriétaire, et 12,5 à la Ville) pour rénover et agrandir le stade de la Meinau en 2025. Ils sont plutôt du genre à appuyer ces dépenses publiques pour contrer l’argumentaire des écologistes qui estiment au contraire que la dépense relève « des affaires privées », du « monde du spectacle » et qu’il y a d’autres priorités, à commencer par se préparer aux conséquences du changement climatique.

Élu du quartier, Jean-Philippe Maurer se montre néanmoins assez strict sur la création d’une « fanzone ». Cette place, avec écrans et restauration payante, pourrait accueillir des centaines voire des milliers de personnes et empiéterait sur l’espace public et le parking face au stade. « Il faut une bonne insertion dans le quartier. Il faut garder un peu de stationnement et surtout dans le futur bail, il faudra marquer de manière très claire qu’elle serve les soirs de matches du Racing et que toute autre utilisation exceptionnelle se fasse avec l’accord de la mairie », précise Jean-Philippe Maurer. Un point de vigilance que ne porte pas son concurrent.

5 – Qui est le plus pro-voiture ?

C’est l’un des clivages les plus marquant entre gauche et droite sur la gestion d’une ville : la place de la voiture. Pourtant celui qui a été le défenseur le plus vocal de la voiture lors du mandat, Thierry Roos, a quitté « Les Républicains » suite à la déroute des européennes. Ce dernier se trouve plutôt autour d’Agir et de la future liste d’Alain Fontanel avec La République en Marche.

Les deux Jean-Philippe ont exprimé leurs réticences sur le rythme d’interdiction des voitures les plus anciennes, notamment l’interdiction de tous moteurs diesels d’ici 2025. Une décision qui reviendra au futur boss de la place de l’Étoile. Les deux veulent aussi concrétiser une promesse non-tenue du maire Roland Ries : construire un parking « en ouvrage » proche du centre durant le mandat 2014-2020. Mais Jean-Philippe Maurer va plus loin, il promet deux parkings, vers l’Hôtel des Postes et place de la Bourse.

Jean-Philippe Vetter qui s’est souvent placé dans « l’après-Ries » plutôt que « l’anti-Ries » a inscrit dans son projet qu’il ne serait pas « le maire qui va réintroduire la voiture dans le centre historique ». Lors de son interview en mars à Rue89 Strasbourg, il évoquait l’objectif de construire un parking, sans arrêter la localisation. Il évoquait aussi un ancien projet jonction souterraine entre les parkings des Bateliers et la place Gutenberg, afin de supprimer les voitures en surface rue du Vieux-Marché-aux-Poissons.

Concernant le stationnement payant dans les rues, Jean-Philippe Vetter souhaite rétablir la gratuité entre midi et deux. Jean-Philippe Maurer promet que la première heure soit gratuite.

Pour autant, il serait réducteur de dire que la droite est dans le tout-voiture. Dans son pré-programme, Jean-Philippe Maurer a plusieurs mesures pour les transports en commun : des trams jusqu’à 2h du matin le week-end, des extensions à la Robertsau, Koenigshoffen et au sud jusqu’au Stockfeld, une nouvelle ligne, un « gel des tarifs » (ce qui revient à limiter les développements futurs critiquent les partisans des augmentations). Marqueur néanmoins du tropisme pro-voiture, Jean-Philippe Maurer écrit qu’il souhaite développer les transports en commun pour… « désengorger les routes ». Et que conduire en ville redevienne un plaisir ?

6 – Une Place du Château verte ou animée ?

Les deux candidats veulent prendre le contre-pied des nombreux réaménagements de places lors des deux mandats. S’ils ne contestent pas la disparition des voitures, ils critiquent les grandes étendues de pavés qui ont souvent remplacé les routes et les parkings. À l’heure où le phénomène des « îlots de chaleur » est bien documenté, ils aimeraient les voir plus végétalisées.

Sur la plus belle d’entre elles, la place du Château au pied de la cathédrale, on note une petite différence. Comme sur les autres aménagements (quai des Bateliers, place Kléber), Jean-Philippe Maurer veut planter « des arbustes, buissons ou des fleurs d’espèces variées ». Dans son entretien à Rue89 Strasbourg, Jean-Philippe Vetter disait plutôt imaginer un kiosque à musique, avec une buvette « classe ».

Avec peu d’arbres, pas de pelouse et peu de vie alors qu’il n’y pas de riverains, la place du Château concentre de nombreuses critiques.

7 – La passion cachée : free-fight contre rap

Jean-Philippe Maurer est un inconditionnel des combats de free-fight, le MMA. En tant que député, il avait même plaidé, en vain, pour son autorisation en France, à l’heure où il est facile depuis l’Alsace d’assister des combats en Allemagne. C’est d’ailleurs la volonté de l’actuelle ministre des Sports, la Mulhousienne Roxana Maracineau. « Une position courageuse », selon le candidat.

Jean-Philippe Vetter a lui eu sa période de rap. Il est déjà venu poser son flow sur les ondes de RBS au début des années 2000 à l’époque où la radio associative était à Cronenbourg.

Reste à savoir si la commission d’investiture a prévu une battle d’impro de rap ou un combat dans un octogone en cas d’égalité à l’issue de son vote…


#élections municipales 2020

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options