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Municipales : les promesses du candidat Ries ont été tenues… à moitié

A un an de l’élection municipale de 2014, Rue89 Strasbourg a exhumé les documents de campagne de Roland Ries, élu maire PS de la capitale alsacienne en 2008, qui briguera vraisemblablement un nouveau mandat l’année prochaine. Sur ses « six engagements [qui] ont valeur de contrat », plusieurs ont été respectés, d’autres ont été tenus à moitié, d’autres encore franchement enterrés.

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Municipales : les promesses du candidat Ries ont été tenues… à moitié

« Nos six engagements ont valeur de contrat » (document de campagne PS aux municipales de 2008)

1 – Restaurer la démocratie locale = engagement (imparfaitement) tenu

C’est sur ce premier point que l’équipe socialiste, ralliée par les écologistes au second tour des élections de 2008, s’est faite élire. Plus de démocratie participative, après un mandat du tandem Robert Grossmann (RPR) – Fabienne Keller (UDF), jugé autoritaire sur la méthode de gouvernance.

Deux engagements sont pris par Roland Ries : un « budget de 30 000€ alloué à chacun des dix conseils de quartiers« . « Cela a été fait », assure le premier adjoint Robert Herrmann. Ces sommes, versées chaque année aux 10 « Coq » ont servi à organiser des voyages d’études, des repas citoyens, de menus aménagements. Seconde promesse : une « prise en compte des avis des conseils de quartiers qui seront joints aux délibérations du conseil municipal« , fait également, dès qu’il y a eu modification de l’espace public.

Malgré cela, les critiques pleuvent. Les Coq auraient surtout été sollicités sur des sujets mineurs (aménagements de voiries par exemple) en aval des décisions. Des défections sont par ailleurs régulières. De même, ces conseils feraient souvent doublons avec les ateliers de projets (Wacken, Halles, Danube…). Cerise sur le gâteau, déplorent certains, à force de chouchouter ces quelques centaines d’acteurs, on aurait réussi paradoxalement à éteindre toute revendication.

Sur des sujets comme le réaménagement de la place du Château, la rénovation des Bains municipaux ou du Palais des fêtes, ce sont enfin des prises de position dans les médias qui auraient fait bouger les dossiers. « Pas vrai », juge Robert Herrmann, qui reconnaît néanmoins que le système « reste imparfait ».

Par ailleurs, un référendum – en fait, un « grand mailing », tacle une élue de la majorité – a été organisé au printemps 2011 pour ou contre le passage de toute la ville en zone 30. Echec cuisant avec la victoire du « non » et mort dans l’œuf de toute autre consultation du même genre…

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2- Promouvoir le développement durable = engagement en partie tenu

L’un des gros morceaux du mandat. Premier point : faire des « économies d’énergie par l’isolation des bâtiments neufs et anciens« . Sur le neuf, cela fait à peu près consensus, le contrat est rempli. La collectivité a imposé des normes de construction BBC (bâtiments basse consommation) aux promoteurs, avant que cela ne devienne obligatoire au 1er janvier 2013. D’abord réticents, les groupes privés ont finalement salué cette exigence qui leur a permis d’écouler leurs lots plus facilement.

Sur le bâti ancien, le bilan est plus nuancé. « La priorité a été donnée aux bâtiments publics, écoles, crèches, bibliothèques, et surtout au centre administratif place de l’Etoile », note-t-on en interne. Dans ce grand bâtiment mal isolé, un « gros travail de diagnostic a été mené » et des efforts ont été faits sur le chauffage et l’éclairage. Si les bailleurs sociaux ont également travaillé sur l’amélioration de la performance énergétique de leur parc, rien n’a été fait en revanche pour aider les propriétaires privés à mieux isoler leur logement.

Au final, en matière de construction durable, c’est plutôt sur la densification de la ville et le lancement de grands programmes immobiliers que la municipalité a misé. C’est tout particulièrement le cas sur l’axe Heyritz-Kehl, dont l’opposition municipale déplore la faible qualité architecturale et une trop grande promiscuité dans les ensembles de logements, notamment au Bruckhof.

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Second point : promouvoir une « politique volontaire de mobilité urbaine : extension du tram, vélo, auto-partage« . Spécialisé dans les transports, le maire de Strasbourg est aussi vice-président de la communauté urbaine de Strasbourg en charge de ces questions. Pourtant, peu de choses ont bougé en cinq ans sur ce front, sinon la création du service de location de vélos Vélhop, critiqué pour ses tarifs d’abonnement long hyper-attractifs qui en fait un concurrent du vélo privé sur le dos du contribuable.

Autres avancées : de nouveaux aménagements cyclables dans plusieurs communes de la CUS, et surtout l’obligation inscrite en 2009 dans le plan d’occupation des sols d’intégrer plus de stationnement vélos dans les constructions de nouveaux immeubles. Les grands projets structurants, comme le réseau vélo express (Vélostras), ne verront en revanche pas le jour avant plusieurs années.

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Dans ses engagements de campagne, Roland Ries promettait de « mettre en place un véritable tram-train Obernai-Offenbourg ». Cette promesse a fait long feu puisque le projet de tram-train est enterré depuis plusieurs années. La faute, entend-on, au défaut de financement de l’Etat du tunnel sous la gare, coûteux mais indispensable pour relier le nord-ouest de l’agglomération. A défaut, le maire s’est engagé dans un projet de tram sur pneus qui fait hurler tout le monde – associations, habitants, élus – qui reliera peut-être un jour Vendenheim à Wolfisheim, ainsi que dans la création de lignes de bus à haut niveau de service (BHNS), moins onéreux qu’un tram fer.

Parallèlement, quelques extensions de lignes ont été engagées, vers Illkirch-Graffenstaden (Jacques Bigot, maire d’Illkirch et président de la CUS est accusé par l’opposition de « s’être servi en priorité ») et Eckbolsheim, bientôt vers la Robertsau. Mais rien vers Kœnigshoffen (45 000 habitants) alors que se précise le prolongement de la ligne D vers le Port-du-Rhin (2000 habitants) et Kehl. Conclusion, le bilan tram est, à un an de la fin du mandat, quasi-nul.

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Troisième point, « l’approvisionnement de la ville à partir de la périphérie« . Un peu vague, cet engagement concerne finalement deux champs. Celui du transport de marchandises d’abord, qui se fait encore largement par camions au centre-ville. « Des études sont en cours, des scénarii sont envisagés, notamment le transport de marchandises en tram », mais aucune réalisation à ce jour.

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L’approvisionnement en matière de denrées alimentaires ensuite. Il s’agit de la promotion des circuits courts, avec l’instauration de points de dépose de paniers de légumes, des coups de pouce donnés aux créations d’Amap, à des systèmes comme celui de la Ruche, de clauses dans l’attribution du marché public des cantines, de la création d’un mini-marché couvert à l’Ancienne douane, où l’on retrouvera des produits locaux. Même si l’on peut toujours mieux faire, on peut estimer que cet engagement est tenu.

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Concernant le quatrième point, sur « l’utilisation de nouvelles sources d’énergie« , plusieurs pistes sont explorées : centrales biomasse, projets de géothermie profonde ou création d’une unité de biométhane à partir des eaux usées de la ville. Les objectifs très ambitieux du Plan climat énergie, s’ils ne sont pas encore atteints, sont néanmoins activement visés. Seule critique audible : des points d’étape annuels sur ce Plan climat voté en 2009 devaient être faits. Les élus, et que dire des citoyens, n’en ont jamais vu la couleur.

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Roland Ries en campagne, mars 2008 (Photo Pascal Bastien)

3- Privilégier les équipements de la vie quotidienne = engagement tenu

Objectif atteint : la « construction de 1 500 logements sociaux par an« . Ils ont été construits, ou vont l’être dans les deux ou trois années à venir. « Nous étions mauvais là-dessus », reconnaît une élue d’opposition. Des crèches et maisons de l’enfance sont programmées, des écoles sont en train d’être rénovées – notamment l’école Saint-Jean pour plusieurs millions d’euros – autant de projets plus ou moins dans les tuyaux avant l’arrivée de l’équipe socialiste en 2008. Idem pour les centres socio-culturels, comme l’Espace Django-Reinhardt au Neuhof. Sur le plan sportif, terrains de sport et piscines ont été chouchoutés, malgré quelques oppositions. En revanche, « rien n’a été fait pour les aînés, déplore la même élue. Pourtant, les baby boomers sont nombreux et vieillissants… » Négligés parce que des électeurs plutôt de droite ? Le doute plane.

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4- Faire rayonner Strasbourg en France et en Europe = engagement non tenu

Promesse de campagne : créer « un véritable Eurodistrict Strasbourg-Kehl, voire CUS-Ortenau, allant bien au-delà d’une simple zone de coopération transfrontalière« . Là-dessus, on n’y est pas du tout. Une structure juridique a bien été créée, un groupement de coopération transfrontalière justement, qui engouffre 850 000€ par an de budget, avec quatre salariés. Mais l’Eurodistrict souffre d’un défaut de visibilité et de lisibilité de son action. Alors que Robert Grossmann, président de la CUS de 2001 à 2008, puis Roland Ries, rêvaient d’un « Washington DC » à l’européenne, on en est au stade du Marathon de l’Eurodistrict… Rattrapage avec la création de Strasbourg « Eurométropole », annoncée par François Hollande en début d’année ? A voir.

Sur le rayonnement de Strasbourg en Europe, préoccupation pourtant récurrente du maire, le bilan n’est pas bon non plus : les Strasbourgeois ont mal vécu le sommet de l’Otan de 2009, la ville n’accueillera aucun match de l’Euro 2016 faute d’un stade à la hauteur de l’enjeu et la bataille du siège du Parlement fait toujours rage. Seuls peut-être le rallye d’Alsace – qui vaut aux socialistes la ire de leurs collègues écologistes – ou le marché de Noël font encore parler de Strasbourg à l’étranger. Promesse non tenue, donc.

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5- Faire de Strasbourg un pôle économique, universitaire et de recherche d’excellence = tenu avec difficultés

D’abord, il s’agissait de « participer activement à la fusion des trois universités, afin de faire de l’université unique de Strasbourg un pôle d’excellence, véritable moteur pour notre économie« . La fusion a été faite. Valérie Pécresse, ministre UMP de l’enseignement supérieur et de la recherche, est venue inaugurer la nouvelle entité en janvier 2009 sous les huées d’opposants infiltrés dans l’Aula du Palais U, à la porte duquel fusaient les gazs lacrymogènes.

L’université est-elle pour autant devenue un moteur économique ? Dans une certaine mesure oui, mais pas du fait de la Ville. « C’est grâce au grand emprunt et à la volonté du gouvernement précédent que tout ceci se fait », note Fabienne Keller, ex-maire de Strasbourg. Idem pour la rénovation de la Bibliothèque universitaire de Strasbourg (BNU). Salué néanmoins, le projet de campus TechMed à l’Hôpital civil, mais encore au stade des études préliminaires. On peut également mettre au crédit de la municipalité l’installation dans la pépinière baptisée PH8 (anciennes archives, porte de l’Hôpital – la vidéo de présentation) de plusieurs entreprises du secteur high tech en lien avec la recherche hospitalière.

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Par ailleurs, les entreprises connaissent de grosses difficultés, comme General Motors, Delphi, Strascel, Caddie, la Coop… Et tous les efforts de Catherine Trautmann, vice-présidente de la CUS en charge du développement économique, ne suffisent pas à enrayer le phénomène. Promesse intenable ? Sans doute. Même constat morose pour le « développement des entreprises mutualistes, de coopération et d’insertion ». Pas grand chose de concret n’est visible, sinon une clause sociale intégrée aux marchés publics dès 2009 et un fonds de dotation public en faveur de l’économie sociale et solidaire.

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6- Renouveler l’offre culturelle = non tenu

Le premier engagement était d’organiser « un grand débat public, ouvert et transparent » dressant « un état des lieux de la création« . Les assises de la culture ont bien eu lieu, mais elles ont accouché d’une souris. Alors que le tissu culturel aspirait à plus de soutien financier, Roland Ries a promis… un nouvel opéra sur le Rhin, qui ne verra finalement jamais le jour. La grogne est protéiforme, autant que l’est ce milieu culturel très dense à Strasbourg.

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Promesse numéro 2, créer « un grand événement au creux de l’été qui devra constituer un pôle d’attraction pour Strasbourg« . L’objectif n’est pas atteint, pire, certains considèrent que la possibilité de l’atteindre avec le renforcement de l’événement Docks d’été a été torpillée en multipliant les acteurs du projet. D’autres tentatives sont à noter, comme Food culture, une initiative restée finalement très discrète, ou Europhonies, à la rentrée.

Pour attirer les touristes l’été, rappelle-t-on à la mairie, un plan lumières a été lancé en 2012, autour des quais, du Palais des Rohan ou du barrage Vauban. Autre initiative, l’événement « Strasbourg mon amour« , qui a atteint ses objectifs en 2013 et devrait être réédité en 2014. Culture, vous dites ?

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#élections municipales 2014

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