Professeur agrégé d’éducation physique et sportive (EPS) à l’ENA, l’Université de Strasbourg et la Doctrine chrétienne (école privée à Strasbourg), Matthieu Lefftz, 48 ans, se lance dans la campagne des élections municipales à Fegersheim, commune de 5 300 habitants située dans la seconde couronne au sud de l’agglomération. Ce challenger de l’équipe sortante, élue en 2008 autour du maire René Lacogne, qui ne devrait pas briguer de 3ème mandat, figurait déjà sur la liste « Oser agir », menée par le conseiller municipal d’opposition Bernard Richter, mais n’avait pas été élu. Cette fois tête de liste, c’est contre le projet de zone d’aménagement concertée (ZAC) initié par la CUS que ce quadragénaire compte axer sa campagne.
Rue89 Strasbourg : vous êtes contre le projet de ZAC. Pourquoi ?
Matthieu Lefftz : « En tant que membre de l’association pour la sauvegarde du patrimoine de Fegersheim-Ohnheim, j’ai participé à la manifestation contre la ZAC au printemps 2013 et à la réunion publique avec Jacques Bigot [président de la CUS] en septembre. Je suis en ferme opposition contre ce projet de zone logistique sur 50 et bientôt 100 hectares, tel que présenté par le Scoters [schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg] et par la CUS. Je pense qu’à travers cette manipulation, la communauté urbaine veut décharger Strasbourg de ses activités polluantes et peu créatrices d’emplois, gardant pour la ville centre ou pour Illkirch-Graffenstaden les pôles d’excellence, tout en sachant que les équivalents actuels de la taxe professionnelle reviendront de toute façon à l’agglomération. Strasbourg pourra ainsi construire du logement aux abords du Port-du-Rhin, tandis que nous n’aurons à Fegersheim plus aucune disponibilité foncière.
Utiliser des friches industrielles à Erstein (hors CUS), Eschau ou même Fegersheim, serait recevable, avec l’arrivée, validée au cas par cas, d’activités commerciales ou artisanales pour dynamiser notre zone, mais en aucun cas en prenant sur les terres agricoles ! De plus, la RD 1083 est déjà surchargée et la création d’une zone logistique [entraînant du trafic poids lourds notamment] occasionnerait encore plus de problèmes de circulation et de pollution à Fegersheim. »
R89S : si vous étiez élu maire, avec une seule voix au conseil de CUS sur 90, quelles seraient vos marges de manœuvre pour faire annuler le projet de ZAC ?
Matthieu Lefftz : « Comme on l’a vu avec le GCO, ce n’est pas parce qu’un projet est bien engagé qu’on ne peut pas faire marche arrière. Jusqu’à un stade avancé, on peut revenir sur les choses. La population de Fegersheim, comme celle de Lipsheim, a montré qu’elle était massivement contre ce projet. Si je suis élu, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter de perdre le moindre hectare de terre agricole.
En mars, les pièces du puzzle vont bouger dans la CUS. Dans cette optique, j’appelle tous les maires élus ou réélus en mars, et d’abord ceux de la deuxième couronne sud, à Lipsheim, Geispolsheim, Eschau ou Plobsheim, à essayer de travailler ensemble pour avoir plus de poids. J’appelle aussi tous les maires des petites communes du nord et de l’ouest, Reischstett, Eckbolsheim, Mundolsheim, etc. à dire non à la CUS et surtout au PLU [plan local d’urbanisme] communautaire, qui empêchera à l’avenir aux petites communes de s’opposer à un permis de construire par exemple. Les villages n’ont pas les mêmes besoins en urbanisme qu’à Strasbourg. J’ai d’ores et déjà pris des contacts avec certains acteurs dans les communes limitrophes de Fegersheim pour connaître leur point de vue. [Dans cette logique encore], l’annonce par le PS d’un président de la CUS strasbourgeois pour remplacer Jacques Bigot n’est pas un bon signal envoyé aux petites communes, déjà excédées par leur perte d’autonomie. »
R89S : ainsi, vous serez le candidat anti-ZAC ?
Matthieu Lefftz : « L’opposition à la ZAC est le point de départ de notre liste [de 29 colistiers]. Mais nous sommes engagés sur d’autres thématiques, comme la réforme des rythmes scolaires, les infrastructures culturelles et sportives ou la gestion des deniers publics. Bien sûr, le projet fondateur du groupe reste la ZAC. Six de mes colistiers sont membres de l’association de sauvegarde du patrimoine, parmi lesquels Bernard Schaal, Philippe Antoine ou Jean-Michel Marx. D’autres sont ingénieurs ou parents d’élèves, mais tous s’entendent sur des valeurs et une charte que nous avons signé en nous engageant.
En revanche, nous n’avons qu’une agricultrice sur notre liste, alors que d’autres agriculteurs contre la ZAC pourraient monter une troisième liste [ndlr, en plus de celle de l’équipe Lacogne sans Lacogne et de celle de Matthieu Lefftz]. Nous avons été approchés par certains pour une fusion, mais Denis Rieffel et Thierry Schaal ne souhaitaient pas partir avec Bernard Richter, à qui je suis fidèle et qui figurera sur ma liste. De plus, des dissidents de l’équipe de René Lacogne qui ont voté la création de la ZAC pourraient rejoindre ces agriculteurs. Or, intégrer [ceux qui tournent leur veste] est inconcevable pour moi !
De l’opposition à la ZAC, combat pour lequel nous avons une réelle légitimité, découle par ailleurs la préservation de l’espace de vie de nos concitoyens, dont beaucoup se sont installés à Fegersheim ces 15 dernières années. Nous avons connu un sur-accroissement de la population, avec des taux d’augmentation de 1,6% en moyenne annuelle sur 10 ans, contre 0,3% à Strasbourg ou 0,1% à Lipsheim ou Eschau. Cette croissance démographique est une raison supplémentaire de ne pas accepter la ZAC. Nous avons peu de terrains constructibles et la zone d’activités, si elle se fait, obèrera encore plus nos capacités d’urbanisation. Néanmoins, nous ne voulons pas juste être « la liste anti-ZAC »… »
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : ZAC de Fegersheim, Jacques Bigot va devoir jouer serré (septembre 2013)
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