A droite, c’est François Loos qui a démarré les hostilités ces derniers jours en lançant une association de soutien à sa candidature et en publiant un document de campagne chroniqué par Claude Keiflin, ex-journaliste politique des DNA. François Loos, président (en sursis) de l’Ademe et ancien ministre, sera à n’en pas douter la tête de liste intronisée à Strasbourg par l’UDI (Union des démocrates et indépendants) de Jean-Louis Borloo. L’ancien ministre de l’environnement devrait d’ailleurs officialiser les choses le 2 février, lors d’une visite à Strasbourg.
Alliance Grossmann-Keller contre Loos
Forcément, cette candidature UDI d’un homme jamais élu à Strasbourg (même s’il vit entre Paris et la capitale alsacienne), ex-député de la circonscription rurale de l’Outre-forêt (le bout du monde !), n’est pas du goût de tous. Au premier rang desquels Robert Grossmann (UMP), qui, s’il a rencontré François Loos en novembre, ne soutient pas cette candidature ni celle d’André Reichardt, patron de l’UMP du Bas-Rhin et vice-président du conseil régional (comme Loos). Ce dernier pourrait incarner le dernier recours, le candidat du consensus, en cas de conflits meurtriers à droite ces prochains mois.
Robert Grossmann, simple conseiller municipal aujourd’hui mais vieux briscard de la politique strasbourgeoise et alsacienne (à écouter le son INA de 1975 ci-dessous, qui n’a pas pris une ride !) assure quant à lui n’avoir encore rien décidé en ce qui le concerne pour 2014. Il dit ne rien exclure, même pas de se porter candidat à la tête de liste.
Cette posture d’attente lui permettra à coup sûr de se ranger aux côtés de celui ou celle qui aura le plus de chance de l’emporter. On ne fait pas de la politique depuis 40 ans sans talent stratégique… Ecarté en 2008 par l’équipe de sa coéquipière Fabienne Keller, Robert Grossmann s’en rapproche depuis quelques temps, après 4 ans de brouille. Les deux leaders de l’opposition municipale se sont d’ailleurs rencontrés samedi midi à la pâtisserie Winter – une première ? – pour discuter de la candidature de François Loos. Justement.
Si l’ex-maire délégué serait plutôt favorable à une candidature d’union UDI-UMP, incontournable selon lui pour créer une dynamique et gagner face au PS, d’autres à l’UMP préfèreraient voir UDI et UMP partir séparés, au moins au premier tour. Les raisons : éviter d’avoir un Front national susceptible de se maintenir au second tour, et se ménager un réservoir de voix. Quelque soit le scénario choisi, normalement avant l’été, les armes à droite sont aiguisées pour faire mal à Loos. L’argumentaire est déjà trouvé : Strasbourg n’est pas un Pôle emploi pour les virés du Hollandisme. Ambiance.
Une candidature UDI-UMP imposée de Paris ?
Reste une issue pour le centriste, un accord national entre UDI et UMP réservant Strasbourg au parti de Borloo, plus proche sociologiquement de l’électorat local (le même que celui de Roland Ries ou à peu près). C’est peut-être pour déterminer la ligne à suivre sur cette question que la droite aurait commandé de Paris un premier sondage fin 2012 portant sur les problématiques chères aux Strasbourgeois et leur connaissance des personnalités politiques du cru.
Si UDI et UMP s’entendaient sur une liste unique au premier tour, un créneau se libérerait au centre pour le Modem, pourtant moribond à Strasbourg. Le parti de François Bayrou pourrait présenter une liste indépendante, avec pourquoi pas Yann Wehrling, porte-parole du Modem Alsace, à sa tête. Annonçant une réunion du Modem Alsace à Rhinau samedi, justement sur les municipales, ce transfuge des Verts confirme que son parti sera présent, avec ou sans liste. Si c’est avec, elle ratissera nécessairement plus large que le seul Modem.
Robert Herrmann n’exclut pas des primaires contre Roland Ries
A gauche, ça s’agite aussi, ça concerte à tout va. On se retrouve en petits groupes ou en comité régional (Europe écologie – Les Verts, ce soir à Colmar notamment) pour discuter stratégie, calendrier des désignations et têtes de liste. Au parti socialiste d’abord, le combat promet d’être sanglant : Roland Ries contre Robert Herrmann, son premier adjoint. Les « jeunes » loups, l’adjoint aux finances et conseiller d’Harlem Désir Alain Fontanel, le néodéputé Philippe Bies, le premier fédéral Mathieu Cahn, l’adjoint à la sécurité Olivier Bitz ou la conseillère municipale, communautaire et régionale Anne-Pernelle Richardot, eux, devraient encore remiser leurs ambitions au placard pour cette fois.
Alors, que va-t-il se passer au PS ? A l’automne, selon les obligations statutaires, les militants voteront en interne pour une tête de liste sur présentation d’un programme, puis pour la liste présentée. Selon Mathieu Cahn, on n’a jamais vu dans ce contexte un maire sortant mis en ballotage par l’un de ses adjoints. Si Roland Ries se représente, impossible donc d’avoir une candidature interne de Robert Herrmann. Impossible ? Le premier adjoint, qui n’a jamais caché ses ambitions, ne l’entend pas de cette oreille. S’il y a plusieurs candidatures, souffle-t-il, il y aura des primaires. Et qu’on se le dise, que Roland Ries soit sur les rangs ou pas, il sera candidat à la candidature. La guerre est définitivement déclarée !
Une inconnue : la loi sur le non-cumul des mandats
Concernant la candidature de Roland Ries à sa propre succession, elle semble acquise, à un détail près. D’ici quelques mois sera déposé un projet de loi sur le non-cumul des mandats. Or le siège de sénateur de Roland Ries est renouvelable en octobre 2014. Il pourrait choisir ce poste-là, plus tranquille, plutôt que de rempiler à la mairie. Dans ce cas, le PS pourrait ouvrir ses primaires aux non-adhérents, comme cela s’est fait à l’automne 2011 avant les présidentielles. Objectif : départager les prétendants à la tête de liste et donner une dynamique au parti. Ce type de primaire, expérimental, n’est prévu pour le moment qu’à Marseille, Paris et Montpellier.
Ce qui est sûr, c’est que le PS compte discuter dès les prochaines semaines avec les autres partis de gauche, Front de gauche en tête. Objectif : ne pas s’enfermer dans une alliance avec les Verts. Et pour cause, entre le PS et EELV, les relations sont plus que chaotiques ces deux dernières années. D’après Mathieu Cahn, le type de campagne dans lequel s’engageront les écologistes sera décisif. S’ils jouent la carte de la complémentarité et de la coresponsabilité dans le bilan de la municipalité sortante, ils auront des places sur une liste de second tour. Si en revanche, ils rejouent le scénario perso des régionales de 2010, ils risquent de se mettre à dos leurs collègues PS.
Les écologistes pas d’accord entre eux
Quant à la stratégie à adopter par EELV, elle diffère en fonction des élus. Pour Alain Jund, il est essentiel de mener une liste indépendante au premier tour pour faire connaître le projet écologiste, remisé en temps de crise. L’adjoint au maire à l’urbanisme pourrait mener cette liste, s’il en a envie – il n’en est pas sûr – et s’il est désigné par les militants.
L’autre meneur potentiel, Eric Schultz, n’est pas tout à fait sur la même ligne. Plus critique vis à vis du bilan des cinq dernières années qu’Alain Jund, il se dit prêt à discuter avec le centre (sans trop d’espoir) comme avec la gauche de la gauche. Pas sûr néanmoins que cette stratégie l’emporte sachant que le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon est allié au Parti communiste et que les divergences entre PC et EELV sont nombreuses et clivantes : le nucléaire, jacobinisme contre girondisme, etc. Possible que dans ce contexte, le Front de gauche soit plus enclin à s’allier au Parti pirate et aux décroissants. La belle affaire, s’amusent les représentants des « grands partis »…
Un duel Ries-Keller à l’arrivée ?
La liste des manœuvres et discussions à venir est non-exhaustive, bien sûr. Alors que l’année politique 2013 sera consacrée à ces tractations internes, l’action publique, elle, devrait être plutôt ralentie. Tout cela pour aboutir sans doute, après de multiples péripéties et décès politiques à un duel Ries-Keller ? C’est le jeu, parait-il.
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