Où sont passés les Socialistes de Mulhouse ? Où sont les héritiers d’Auguste Wicky, premier maire socialiste de cette ville ouvrière en… 1925 ? Pour les trouver, inutile de les chercher dans la liste « d’union de la gauche » menée par l’écologiste Loïc Minery, « Mulhouse Cause Commune. » Ce rassemblement porté par le porte-parole régional d’Europe Ecologie – Les Verts (EELV) intègre les Insoumis et le PCF mais ne va pas jusqu’au PS.
L’autre liste de gauche est celle de Lutte ouvrière qui, fidèle à sa doctrine, ne s’est alliée avec personne. En face de l’échiquier politique se trouvent quand même 5 listes de droite et c’est là que sont les Socialistes…
Que s’est-il passé pour que le Parti socialiste (PS) disparaisse ainsi du champ politique mulhousien ? Un peu d’histoire : en 1989, Jean-Marie Bockel emporte la mairie de cette ville de gauche au nom du PS. Mais en 2007, il quitte le parti et crée la « Gauche moderne » pour s’allier à l’UMP de Nicolas Sarkozy. Un mouvement qui lui permettra d’obtenir trois éphémères postes de secrétaire d’État, puis de sénateur.
En 2008, même maire, pas du même bord
En 2008, la cité ouvrière passe à droite sans changer de maire. Jean-Marie Bockel a été réélu de justesse avec une liste « Gauche moderne – UMP ». Son premier adjoint de l’époque, le chirurgien Jean Rottner, devient maire en 2010 après la démission de Jean-Marie Bockel qui se concentre sur la présidence de l’agglomération. En 2014, la liste UMP menée par Jean Rottner remporte le scrutin. Et en 2017, ce dernier démissionne à son tour pour la présidence de la région Grand-Est, laissant le fauteuil de maire à Michèle Lutz.
Mais cette nouvelle majorité a connu quelques soubresauts. Lara Million a quitté le groupe en octobre 2019, elle est aujourd’hui à la tête d’une liste investie par La République en Marche (LREM), « Mulhouse en vrai. » Fatima Jenn, exclue de la majorité fin 2018, a lancé une liste dissidente, « Osons Mulhouse », sans étiquette. Quant au Rassemblement national, il a investi Christelle Ritz, une adjointe de la précédente mandature jusqu’en 2012.
La gauche partout et nulle part
En juin 2019, 4 élus du groupe d’opposition socialiste au conseil municipal ont rallié la majorité de droite : Dominique Caprili, Claudine Boni Da Silva, Malika Schmidlin Ben M’Barek et Hasan Binici. Ces trois derniers sont désormais sur la liste de Michèle Lutz et de Jean Rottner. Tout comme Emmanuelle Suarez, élue sur la liste PS de Pierre Freyburger en 2014, qui avait ensuite rejoint la majorité.
Pour le politologue Bernard Schwengler de l’Observatoire de la vie politique alsacienne (Ovipal), la situation mulhousienne colle à la tendance nationale de la gauche à se rassembler derrière les écologistes, depuis l’effondrement du Parti socialiste. Pour « Mulhouse Cause Commune », Loïc Minery compte bien profiter de ce phénomène permettant aux Verts de se poser comme seule alternative à gauche :
« Pendant que les droites sont occupées à faire la guerre, nous constituons la seule alternative heureuse et bienveillante face à l’extrême-droite. Nous montrons qu’il y a une autre voie à suivre. On a notre coup à jouer, ce serait le hold-up du siècle ! »
Mais Lara Million, qui revendique une liste de rassemblement avec l’étiquette LREM, ne lui laisse pas cette étiquette :
« M. Minery communique sur l’union de la gauche, mais c’est totalement faux. En fait, c’est une liste d’écologistes avec l’extrême-gauche. Moi, j’ai des Socialistes sur ma liste et dépasse ainsi les clivages politiques pour porter un projet mulhousien. C’est ce qu’il faut faire pour lutter contre les extrêmes. »
Car les bons scores de l’extrême-droite aux précédentes élections n’ont échappé à personne. Et fait rare, la candidate du RN, Christelle Ritz a déjà été membre de l’exécutif mulhousien :
« Les électeurs essayent de comprendre qui représente quoi entre les trois anciennes adjointes de Jean Rottner. Je pense en profiter, et c’est d’ailleurs ce qui leur fait peur. Moi, contrairement aux autres, j’affiche mes couleurs. Je suis confiante : j’ai mon électorat de base, ainsi que des gens qui nous rejoignent à travers la Droite Populaire. »
Selon Bernard Schwengler, Mulhouse est effectivement la grande ville d’Alsace ou le RN pourrait faire son meilleur score :
« Les grandes villes ne sont pas un terrain favorable au RN, mais le FN a toujours fait de bons scores à Mulhouse. Il faudra voir si cela se confirme avec une candidate plus modérée que son prédécesseur, Patrick Binder, figure politique aux positions très marquées. »
À droite, se distancier des partis
Du côté de la maire de Mulhouse Michèle Lutz, on préfère se distancier de toute couleur partisane, en rappelant n’avoir sollicité aucune investiture. Michèle Lutz et Jean Rottner sont encartés chez « Les Républicains » et ont exercé sous cette étiquette.
Fatima Jenn, dissidente de la majorité locale en 2018 et ancienne LR et avec des Marcheurs se sa liste se présente comme la « seule vraie alternative citoyenne » :
« Osons Mulhouse travaille depuis un an sur cette campagne. On a fait 7 000 porte-à-porte, 150 réunions publiques, auditionné une centaine d’experts… Notre liste est citoyenne, progressiste, diverse en termes de classe sociale, de culture, etc. Notre fil rouge est de redonner le pouvoir d’agir aux habitants. »
Pour Bernard Schwengler, l’inconnue du scrutin réside bien dans la dispersion de l’ancien vote socialiste mulhousien :
« Avec ces anciens élus PS dispersés, les électeurs socialistes seront sûrement un peu déboussolés. Certains se sont tournés vers Macron en 2017, mais il apparaissait plus à gauche qu’aujourd’hui. L’absence de stratégie globale du PS est inquiétante : le parti dérive. »
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