« Ces derniers jours, on nous a décrit comme des ennemis du vivre ensemble. Certaines voix ont réclamé la dissolution de notre association ou notre retour dans le pays de nos parents. » Ce mardi 6 avril, le président de l’association de la mosquée Eyyub Sultan lance la conférence de presse dans ses propres locaux, rue Lafayette. Eyup Sahin entend démonter les « nombreuses accusations qui nous ont particulièrement affectés. » Depuis le vote d’un projet de subvention municipale pour le futur plus grand lieu de culte en Europe, la mosquée Eyyub Sultan et la municipalité écologiste ont fait l’objet de nombreuses critiques, appuyées notamment par le ministre de l’Intérieur. Gérald Darmanin a demandé à la préfète du Bas-Rhin d’attaquer la délibération au tribunal administratif, accusant la maire de Strasbourg de financer « une ingérence étrangère sur notre sol. »
Des « accusations infondées » selon les responsables Millî Görüş
Eyup Sahin a tout d’abord répondu aux accusations d’ingérence étrangère : « Millî Görüş est une association franco-française indépendante. Elle n’est rattachée à aucun État et aucun État n’interfère dans le fonctionnement de la mosquée. » Le responsable local de la confédération islamique a ensuite insisté sur la transparence quant au financement du projet : « Chaque année, une autorité indépendante réalise un bilan comptable, les mouvements financiers sont tracés. » Le président de Millî Görüş Grand Est se défend de soutenir un islam politique :
« Nous ne sommes pas un parti politique, nous n’avons pas d’agenda politique. Notre seul projet est d’être utile à l’humanité et au vivre ensemble. La construction de la mosquée Eyyub Sultan est le fruit d’un travail commun et de relations continues entre notre association, et les pouvoirs publics et collectivités territoriales depuis les années 70. Nous sommes accusés de séparatisme, alors que nous participons au dialogue interreligieux depuis les années 80. Du jour au lendemain, nous sommes devenus persona non grata. »
Interrogé par Rue89 Strasbourg sur la présence du parti islamiste Saadet en face de la mosquée Eyyub Sultan, le président de Millî Görüş au niveau national, Fatih Sarikir, a nié tout lien avec cette formation politique. Cette dernière a pourtant le même fondateur que l’organisation islamique Millî Görüş, l’homme politique Necmettin Erbakan.
Le rejet de la Charte des principes de l’islam de France
Fatih Sarikir s’est ensuite expliqué au sujet de la Charte des principes de l’islam de France, que sa confédération n’a pas signée. Le responsable national dénonce un texte « dont certains passages pourraient donner l’impression aux musulmans qu’ils doivent plus prouver que les autres leur adhésion à la République. » Pour Fatih Sarikir, le ministre de l’Intérieur a « brandi une charte provisoire, sans valeur juridique, pour nous accuser d’être contre la République. »
À ses côtés, Hamadi Hammami, président de la fédération Foi et Pratique, a également fustigé un texte « sur lequel on n’a pas pu inscrire ne serait-ce qu’une virgule. Nous sommes prêts à discuter, mais nous ne serons jamais les otages des agendas politiques de certains. »
Interrogé par la presse sur les sources de désaccord dans le texte de la Charte, le président de la CIMG France a renvoyé vers un communiqué de dix pages, publié début février 2021. On peut y lire que la « mention de l’homosexualité dans une charte écrite et adoptée par des fédérations islamiques contredit les principes de la foi musulmane. » Concernant l’ingérence étrangère, les fédérations non-signataires estiment que « vouloir tenir les associations religieuses à l’écart de toute communication et interaction en provenance de l’étranger, en les limitant aux frontières nationales se traduit par un modèle de « religion fermée » (…) qui ne profitera pas aux musulmans de France ni à l’État français. »
Une déclaration de principe… et le plan de financement ?
Représentant du CCMTF (Comité de coordination des musulmans turcs de France), Murat Ercan a lu une « déclaration de principe » commune aux trois organisations islamiques n’ayant pas signé la charte des principes de l’islam de France. Cette dernière proclame « solennellement notre adhésion aux valeurs et principes fondamentaux de la République. » Ses quatre chapitres portent sur « l’adhésion aux principes de la République », « la liberté et la laïcité », « l’égalité et la fraternité » et le « rejet de l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques ainsi que de l’influence des États étrangers ».
Au-delà de « l’adhésion sans équivoque aux principes républicains », la Ville de Strasbourg exige de la branche locale de Millî Görüş qu’elle présente un nouveau plan de financement, plus solide. Pour rappel, le dernier projet présenté se basait sur les subventions de la Région et du Département. Ces deux collectivités ont déjà fait savoir qu’elles ne participeraient pas au financement de la mosquée Eyyub Sultan. Le 1er avril, la Ville de Strasbourg a fait savoir par communiqué que « seule l’instruction approfondie du dossier conduira à la décision de verser – ou non – la subvention. Cette décision sera prise rapidement, en transparence, courant avril. »
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