Il est 5h45 à Mommenheim et déjà, poids lourds et voitures se succèdent sur la D421, qui traverse le village. Cette route départementale dessert directement la zone industrielle de Brumath et sa vingtaine d’établissements industriels. Lors d’une enquête menée entre février et mai 2021, les services communaux ont compté 10 000 passages quotidiens en semaine et 6 500 le week-end et ce, malgré les confinements.
Marlène, retraitée et ancienne institutrice, a toujours vécu dans la région. À 7h, elle promène sa petite chienne, très remontée contre les camions puisqu’elle ponctue chaque passage de ses aboiements aigus. Marlène rappelle les cédez-le-passage au sol et les panneaux limitant la vitesse ou l’interdiction aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes, en riant :
« Au moins ça décore ! C’est vrai que sur cette portion ça se marrie bien avec les couleurs des maisons. On a commencé à voir apparaître les changements dans les années 1980, avec des engins agricoles de plus en plus imposants. Puis à la fin des années 1990, il y a eu les plateformes d’activités. Celle de Brumath, à Mommenheim, s’est étendue à partir de 2003. De là, le village agricole avec ses fermes alsaciennes s’est transformé en zone de transit. On relève le problème de la circulation depuis 4 ans parce qu’il progresse, mais il a débuté il y a 20 ans. »
Riverains de la D421, un temps plein de nuisances
La majorité des riverains de l’axe principal de Mommenheim ne cache pas son irritation. Corinne, garde ses petits-enfants cet été, comme souvent. Conditionneuse de médicaments en pharmacie, elle livre les DNA le matin :
« À partir de 5h-5h30, ça commence. Dix-huit ans que je vis ici et la nuisance sonore n’a fait qu’amplifier sur les 4 dernières années. Pour la circulation, malgré les feux du côté de Schwindratzheim, en sortie de village, on a des accidents. Une fois, on a eu un tête-à-queue qui a fini dans le jardin ! Un passage à l’orange, un refus de priorité… et une vitesse bien excessive ! »
Chacun y va de son anecdote personnelle ou de sa démonstration. Ainsi, Francis, le coiffeur du village, propose en souriant de fermer la porte : « C’est impossible de travailler la porte ouverte. Voyez, c’est flagrant ! » Effectivement, entre le bruit sourd du passage des camions et la circulation dans son ensemble, parler aux clients porte ouverte semble nécessiter des capacités vocales rares, même pour un coiffeur.
En bout de rue, Marie-Madeleine, née en 1937, rouspète avec un savant mélange de français et d’alsacien contre la densification de la circulation, mais surtout contre ses dangers :
« Non mais vous imaginez avoir des enfants ici ? C’est trop dangereux. Les camions vous frôlent beaucoup trop vite aux heures de grosse circulation ! Et pour éviter les camions, les voitures font un détour en passant devant l’école ! Qu’est ce qu’ils roulent mal ! Vite et sans respecter quoi que ce soit ! »
Pour la vitesse, Martine et Alice, riveraines du centre du village, désignent d'un geste las l'embranchement de la rue des Juifs, à quelques maisons :
"Là, pendant 2 mois, que des cartons ! De la petite casse, rien de grave, mais deux mois à entendre ça... Parce que la mairie a installé des “cédez-le-passage” sur cet axe, mais ils font décoration. Les gens roulent comme des fous tôt le matin et tard le soir. Voilà le résultat ! En plus les voitures c'est une chose… mais les camions ici, ça fait trembler la maison quand ils roulent vite, redémarrent ou sont très chargés."
Il est bientôt midi et le trafic appuie leurs dires : l'imposante porte en bois et la cour se secouent au rythme du passage des poids lourds. Des fissures sont d'ailleurs apparues sur la façade de la maison d'habitation. Crue de 2008 ou circulation et vitesse excessives ? Pour Alice, l'un ne va pas sans l'autre. Sa maison, fragilisée, subi le trafic. Son mari, Pierre, est direct :
"La préfecture fait n'importe quoi sur cet axe. Il faudrait savoir, à la fin : camions ou pas camions ? Si c'est non, alors on prend des mesures et on les renvoie sur l'autoroute ! Si oui, un peu de cohérence et on enlève le panneau limitant aux camions de 7,5 tonnes !"
"Le problème est connu"
Francis Wolf, maire de Mommenheim, précise les contours de cette interdiction aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes :
"Les exceptions concernent les entreprises riveraines de la RD 421. Ce qui englobe un panel très large, d'autant que “riveraines” est assez flou."
L'arrêté préfectoral concernant ce tronçon ne semble pas non plus empêcher les engins et les camions du chantier du GCO de circuler. Mommenheim est en outre en pleine expansion, comme le rappelle le maire :
"Depuis cet arrêté en 2011, nous avons construit des lotissements, dont un en haut du village, et gagné 480 habitants. Nous sommes aujourd'hui environ 1 800 sur la commune. Pour aller travailler, chacun a sa voiture, ce qui ajoute au flux. Et nous avons l'autoroute, et ce péage de Schwindratzheim qui est évité car trop cher, qui se décharge sur la départementale. En plus, pour des questions d'économie, les GPS redirigent les conducteurs ici. "
Pour Jeannot Klein, adjoint au maire, le futur plan d'investissement de la communauté d'agglomération de Haguenau, voté en fin d'année, doit servir à Mommenheim pour réaménager la voirie :
"Nous avons déjà refait la signalisation il y a deux mois avec des panneaux stop installés devant l'école, mais ça ne suffit pas. On a aussi installé des radars pédagogiques et, contre les détours des automobilistes, on a transformé les rues devant l'école, la mairie et l'église en zones de rencontre. La prochaine étape, si la communauté d'Haguenau nous accorde le financement, ce sera soit un rétrécissement de la chaussée, soit, si ça ne tenait qu'à moi, une limitation à 30 km/h de la RD 421 entre la pharmacie et la boulangerie."
Mais le maire Francis Wolf tempère vite son adjoint :
"Il faut que les gens s'habituent à la signalétique. Nous verrons ce qu'il est possible de faire, d'autant que ces aménagements, en entrée et sortie de village, coûteront 1 million d'euros chacun. En outre, nous sommes dépendants de la préfecture, et depuis 2011 nous avons beaucoup moins de contact avec eux."
Le problème ne devrait pas aller en s'améliorant. Le premier centre de production européen de Huawei doit s'installer sur la zone d'activités tandis que SEW Usocome, déjà installé sur le site avec 400 employés, prévoit d'y construire un nouvel entrepôt automatisé.
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