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Rejet du tram nord, la CEA et le Grand Est, ancrage du NFP… Les grands moments politiques de l’année 2024 en Alsace

Avec quatre premiers ministres, deux élections et une dissolution en douze mois, l’année 2024 a été l’une des plus chaotique de l’histoire politique récente. Retour sur les moments marquant en Alsace.

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Rejet du tram nord, la CEA et le Grand Est, ancrage du NFP… Les grands moments politiques de l’année 2024 en Alsace
Manifestation contre l’extrême droite à Wissembourg, où l’extrême droite à fait ses meilleurs scores en Alsace.

Pour les journalistes politiques du pays, le mois de juillet n’a toujours pas pris fin. Depuis les résultats des élections législatives, le feuilleton entourant le gouvernement paraît interminable. En Alsace, comme dans le reste du pays, l’année 2024 a eu son lot de rebondissements. De la taxe poids lourds, en passant par les deux élections successives et la bérézina du tram nord, nous revenons sur les moments marquants de l’année politique.

Contre la loi immigration, l’échec de la mobilisation

L’année précédente s’achevait avec un goût amer. Le soir du 19 décembre 2023, la loi « pour contrôler l’immigration » et « améliorer l’intégration » a été adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat. Voulu comme une réponse ferme à l’immigration, le texte s’attaque tous azimuts à l’aide médicale d’État, au statut des étudiants étrangers, au délai d’accès aux aides sociales… Depuis les couloirs du Palais bourbon, Marine Le Pen salue une « victoire idéologique », avec la traduction légale de la « préférence nationale » par la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem, Horizons).

En tête ligne de cortège, plusieurs élus locaux et nationaux Les Écologistes, LFI et PCF tiennent la banderole.

À Strasbourg, le texte provoque des manifestations. Dès le début de l’année, un large front social se forme pour dénoncer le texte et battre le pavé. Au conseil municipal, la droite strasbourgeoise n’est pas à l’aise pour défendre un texte autant marqué par l’empreinte de l’extrême droite. La mobilisation s’essoufflera à la fin de l’hiver, alors qu’en parallèle le Conseil constitutionnel censure une large partie de la loi.

Européennes : la gauche en duel à Strasbourg

Dans la même semaine du 22 avril – séance plénière du Parlement européen oblige – toutes les têtes de listes de gauche se sont retrouvées en Alsace pour trois meetings distincts. C’était à peine quatre mois avant que les partis de gauche ne se coalisent autour du Nouveau Front populaire ; les Écologistes insistaient pour partir en solitaire aux élections européennes, certains que le scrutin leur serait favorable. Avec 5,5%, ils finiront derrière le PS (13%), et la France insoumise

Pour la France insoumise, Manon Aubry faisait salle comble au Palais de la musique et des congrès, le mardi. À la tribune, elle n’hésite pas à taper sur Raphaël Glucksmann (Place publique), ciblant la « troïka Macron-Glucksmann-Bellamy ». Deux jours plus tard, jeudi, ce dernier prendra la parole à la salle de la Bourse, taclant Emmanuel Macron sur sa vision de l’Europe. Le jour d’après, c’est la tête de liste Marie Toussaint (Les Écologistes) qui tenait une « causerie », dans une pièce plus étroite au Port du Rhin, et ciblait également le président. L’occasion de répondre au discours fleuve qu’il donnait à la Sorbonne le jour même.

Un mois plus tard, le 18 mai, la candidate de Renaissance Valérie Hayer tenait aussi un meeting à Strasbourg.

Percée des nationalistes au premier tour des législatives…

Après la victoire du Rassemblement national aux élections européennes (31,4%), loin devant la liste Renaissance (14,6%), la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par surprise le 9 juin par le président Emmanuel Macron a ouvert un boulevard à l’extrême droite. À Strasbourg, la création du Nouveau Front populaire fait naître l’espoir à gauche. Mais dans un laps de temps si court après leur succès européen, le RN est arrivé logiquement en tête dans 11 circonscriptions sur 15 en Alsace au soir du 30 juin.

Entre les deux tours, Rue89 Strasbourg s’était penché sur le profil des candidats du parti nationaliste au second tour. En dehors des profils très policés et attentifs à leur expression publique, le RN comptait aussi son lot de personnes assumant des propos xénophobes ou en faveur du dictateur russe, Vladimir Poutine.

… et reflux au second tour face au « front républicain »

Finalement, la déferlante brune n’a pas eu lieu. Alors qu’une large majorité des circonscriptions du Nord-est basculent à l’extrême droite, le Rassemblement national n’obtient qu’une circonscription en Alsace, dans l’Outre-forêt (8e circonscription). Sans surprise à Strasbourg, le Nouveau Front populaire récupère ses deux circonscriptions strasbourgeoises tandis qu’avec le soutien du NFP, le socialiste Thierry Sother, qui apparaît sur la scène politique au bénéfice d’arrangements du PS, l’emporte face à Bruno Studer (Ren) dans la 3e circonscription du Bas-Rhin, au nord de l’Eurométropole.

Les deux députés sortants du NFP, ici à une manifestation contre la loi immigration, ont été largement réélus lors des législatives de 2024.Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Dans les circonscriptions rurales, les députés sortant du bloc macroniste et Les Républicains sont les seuls bénéficiaires du « front républicain », le report des voix des électeurs du NFP leur permet de rattraper leur retard sur les candidats nationalistes.

Bras de fer entre Frédéric Bierry et les transporteurs

En septembre, devant un parterre de journalistes réunis à l’Hôtel du Département, le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), Frédéric Bierry, a exposé en détail les contours de sa future taxe poids lourds. Le problème est connu : une grande partie des poids lourds européens préfèrent passer par l’Alsace plutôt que l’Allemagne, pour éviter de payer une contribution plus importante outre-Rhin.

Pour « rééquilibrer les choses », Frédéric Bierry plaide pour une taxe poids lourds côté alsacien. Appelée R-Pass, elle sera limitée sur un tronçon de 200 km sur l’axe Nord-Sud. Réactions outrées du côté des transporteurs. Dès l’annonce, l’Union des entreprises de transport et de logistique de France dénonce un texte mettant « en péril la viabilité de certaines entreprises locales ». Ces derniers organisent une opération escargot début octobre et un rassemblement devant la CEA, pour marquer l’opposition des milieux économiques à la délibération, qui sera tout de même adoptée à l’unanimité par les élus alsaciens le 21 octobre.

La Collectivité d’Alsace toujours dans la Région Grand Est

Longtemps, Frédéric Bierry a cru apercevoir les signes d’une inflexion élyséenne sur le « dossier alsacien », qu’une redistribution conséquente des compétences au profit de sa Collectivité d’Alsace pouvait s’opérer. Mais en dépit de « l’alignement des planètes » qu’il prophétisait un an plus tôt, la situation administrative de l’Alsace n’a pas évolué. Dernier atermoiement d’Emmanuel Macron en date : lors de sa visite de Strasbourg du 26 avril, le président de la République souhaitait que l’État arbitre entre les présidents de la Région Grand Est et de la CEA, tout en s’opposant « à un grand jeu institutionnel » qui bouleverserait les équilibres entre les deux collectivités.

Mais Frédéric Bierry ne s’en laissera plus compter. Lors d’une conférence de presse le 28 avril, le président du Département estimait que « donner quelques miettes aux Alsaciens ne règlera pas le problème », réclamant des concessions plus importantes que les quelques domaines évoqués par Emmanuel Macron – le sport, le commerce et l’artisanat. Au terme d’un mois de concertation supplémentaire – que l’ancienne préfète Josiane Chevalier jugeait pourtant fort constructif – le retour au statu quo est acté.

Le président de la CEA, Frédéric Bierry, le 31 mai 2024 lors d’une réunion de présentation du « Manifeste pour l’Alsace ».Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg

Pas défait pour autant, Frédéric Bierry organisera une conférence le 31 mai, pour présenter son « Manifeste pour l’Alsace ». Un énième texte appelant aux signatures des Alsaciens et des Alsaciennes, pour précipiter une sortie de la Collectivité de la Région Grand Est. Sans effet, à ce jour.

Fronde des exécutifs locaux contre Michel Barnier

Trois mois après la victoire relative du NFP aux élections législatives, la gauche déchante. Après les Jeux olympiques à Paris, Emmanuel Macron nomme Michel Barnier (Les Républicains) au poste de Premier ministre. Très vite, ce dernier présente la rigueur budgétaire comme sa première priorité politique, et demande un « effort » aux collectivités, c’est-à-dire que le gouvernement prévoit de retrancher de leur budget plusieurs millions d’euros.

Quelques semaines plus tôt en conférence de presse, le président de la Collectivité européenne d’Alsace, Frédéric Bierry (LR), pestait déjà contre le précédent ministre des Finances, Bruno Le maire : « Quand c’est toujours les mêmes qui se sont succédé, des élites, depuis quarante ans, qui n’ont fait que générer du déficit dans notre pays et qui veulent donner des leçons aux collectivités, c’est inacceptable ! »

À droite, le premier adjoint à la maire de Strasbourg, Syamak Agha Babaei, en charge des finances, lors d’une réunion publique sur le budget local.Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

Même si rien n’était arrêté, cet effort budgétaire se chiffrait autour de 9 millions d’euros pour Strasbourg, et 14 millions pour l’Eurométropole. La maire Jeanne Barseghian a enchaîné les interventions médiatiques pour tacler les coupes réclamées aux collectivités. Alors que le budget 2025 de la Ville était en préparation, un débat a pris place sur le sujet au sein du conseil municipal de novembre. Finalement, le projet de loi de finances 2025 a sombré avec le gouvernement Barnier.

Tram nord : Bérézina chez les Écologistes

C’était un peu le cadeau de Noël rêvé pour tous les opposants à la majorité écologiste à Strasbourg : la commission d’enquête publique sur le projet d’extension du tramway vers le nord de l’agglomération a rendu un avis défavorable le 10 décembre. D’un trait de plume, un projet phare des mandats de Jeanne Barseghian et de Pia Imbs, qui devait relier Strasbourg aux communes de Schiltigheim (dont le quartier prioritaire des Écrivains) et Bischheim est abandonné.

Le jour même, les leaders de l’opposition au projet – les conseillers strasbourgeois Catherine Trautmann (PS), Jean-Philippe Vetter (LR), Pierre Jakubowicz (Horizons) – tenaient une conférence de presse pour appuyer la défaite de la municipalité. Rebelote une semaine plus tard, lors du conseil de l’Eurométropole du 18 décembre, où au détour d’une interpellation en fin de séance l’opposition a relayé les commentaires de la commission d’enquête pour les renvoyer à l’exécutif. Face à eux, la présidente de l’EMS Pia Imbs et ses vice-présidents ont tenté de minimiser, mais c’est un revers sans précédent pour un exécutif strasbourgeois.


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