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Au Molodoï, une formation à la désobéissance civile pour apprendre une non-violence « bienveillante mais ferme »

Les branches strasbourgeoises d’Extinction Rebellion et Action non-violente COP21 ont organisé une journée de formation à la désobéissance civile au Molodoï. La formation allie théorie et exercices pratiques pour les initiés comme les participants en quête d’un nouvel engagement.

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Au Molodoï, une formation à la désobéissance civile pour apprendre une non-violence « bienveillante mais ferme »

À l’heure du déjeuner, les participants arrivent au compte-gouttes devant les portes du Molodoï. Des initiés des mouvements écologistes Action Non-Violente Cop21 (ANV-COP21) et Extinction Rebellion (XR) Strasbourg accueillent les néophytes pour cette première formation à la désobéissance civile dans la salle de concert du quartier Laiterie. Yann, étudiant en troisième année d’ingénierie et adepte du végétarisme, avance timidement. Derrière ses lunettes, le jeune homme de 20 ans livre les raisons de sa présence.

« Une de mes amies est très impliquée avec Extinction Rebellion à Paris. Alors, après avoir vu l’événement sur Facebook, je me suis inscrit. J’ai hâte de découvrir ce qu’est la non-violence. Je pense que je suis au bon endroit pour rencontrer des gens qui pensent comme moi. »

À l’intérieur, les quarante participants font connaissance et profitent pour picorer la salade de fruits posée sur le bar du Molodoï. Sauf Nadine, déjà installée sur sa chaise, jambes croisées. « J’ai déjà participé à des manifestations avant. Mais je cherche à être plus activiste dans ma démarche », confie la sophrologue freelance de 31 ans, qui manifeste curiosité et « réticence » par rapport au concept de non-violence.

Entre diapos et exercices pratiques, les 40 participants n’ont jamais eu le temps de chauffer leur siège. (Photo Kévin Gasser / Rue89 Strasbourg)

Un consensus à trouver sur la notion de non-violence

La formation commence avec une présentation d’une heure des deux mouvements et de leur lutte commune : le dérèglement climatique et la perte de biodiversité engendrés par « la collusion entre multinationales et l’État ». Pour aborder la non-violence, Nathan (son pseudonyme d’activiste), co-organisateur et membre de XR Strasbourg, lance une première discussion. « Saboter des bulldozers dans le cadre du Grand contournement ouest, vous pensez que c’est violent ou non-violent ? », lance-t-il. La majorité considère ce type d’action comme non-violente. Mathieu (le prénom a été modifié), lui, se positionne du côté de la violence. Cet employé de 63 ans dans le secteur culturel, relativise le terme : « Ma naissance a été violente. J’ai même déjà eu des orgasmes très violents ! »

Nathan analyse :

« Il y a eu du débat, des positions fermes. C’est parce qu’il n’y a pas de définition exacte de la violence. Avant chaque action, nous devons tous tomber d’accord sur l’action à mener. »

Nathan (XR) et Clément (ANV-COP21) écoutent les différentes sensibilités face à la non-violence. (Photo KG / Rue89 Strasbourg)

Devant les participants, de retour à leur place, Clément, co-organisateur (ANV-Cop21) complète :

« La non-violence est la meilleure manière de faire triompher nos idées. Si les forces de l’ordre nous répriment lors d’un blocage non-violent, nous aurons une plus grande visibilité dans les médias. Si personne n’intervient, notre action est acceptée, donc légitimée. »

Lors de la première pause de l’après-midi, vers 14 heures, Nadine affiche un sourire. « Ça me rassure de savoir que les actions sont le fruit d’un consensus. Chacun peut y trouver son compte », lâche la trentenaire.

« Créer des jurisprudences en notre faveur« 

Les blocage de sites nécessitent une organisation « de plusieurs heures, souvent le soir après le travail », rappelle Nathan, charpentier dans la vie. Une fois l’action définie, les rôles sont distribués : référent logistique, « artiviste » (activiste à travers l’art) ou encore animateur. Pendant les actions, le dialogue est primordial pour désamorcer toute violence. Un porte-parole s’occupe de répondre aux médias tandis que le médiateur police annonce la teneur de l’action aux forces de l’ordre.

Des risques judiciaires existent. Les co-organisateurs passent en revue les comportements à adopter : utiliser les messageries sécurisées pour la préparation et laisser son téléphone portable chez soi lors des actions. En cas d’arrestation, les militants déclinent leur identité, et pour le reste : « Je n’ai rien à déclarer ». Armand, un habitué d’une vingtaine d’années, enchaîne les précisions :

« C’est important de faire valoir tous vos droits lors d’une garde à vue. Appeler un proche, demander un examen médical, mais aussi contacter un avocat. Il faut toujours avoir le numéro d’un avocat sur soi. »

Au terme d’un échange d’une demie-heure, Clément apaise l’audience : « Seules quelques personnes, comme le porte-parole, portent un risque judiciaire ». Parmi les actions les plus marquantes de XR Strasbourg : le blocage du magasin Apple lors du Black Friday et l’interruption d’un discours du maire Roland Ries avec la mise en scène d’une pendaison le 11 octobre : aucune n’a engendré de garde à vue. Du côté d’ANV-COP21 Strasbourg, les trois militants jugés pour avoir décroché un portrait d’Emmanuel Macron le 5 mars dernier dans la mairie de Kolbsheim ont obtenu en juin 2019 la relaxe pour « vol en réunion ». Pour Nathan, l’enjeu de ces actions est de « créer des jurisprudences en notre faveur. »

Empêcher Ségolène Royal d’embarquer pour Davos

Place aux exercices pratiques. Un classique des actions non-violentes est l’exercice du poids mort. Tour à tour, un participant tente de résister en position allongée à deux autres, dans le rôle de policiers, qui tentent de le soulever. La cohue est totale lorsque ces mêmes policiers d’un jour tentent de défaire une chaîne humaine d’activistes.

Le poids mort, une moyen non-violent utilisé par les mouvements écologistes lors de leurs actions. (Photo KG / Rue89 Strasbourg)

Vers 17 heures, pour mettre en application les enseignements de la journée, les organisateurs proposent trois actions fictives. Un groupe endosse le rôle de la police, un autre celui militants non-violents, et le dernier sera le grand public. Pour chacune des trois « Simul’action », les équipes sont munies d’un plan du Molodoï pour élaborer et coordonner leur action. Pour la première mise en situation, les militants, munis de banderoles aux couleurs des organisations, doivent empêcher Ségolène Royal de décoller pour le Forum économique de Davos en Suisse. Isolés dans les vestiaires du Molodoï, l’euphorie gagne les participants. Armand, porte-parole de l’action, détaille le mode opératoire mis en place.

« Nous allons directement la bloquer dans le salon VIP de l’aéroport, en se massant dans l’escalier. D’abord, nous allons aborder le public et la sécurité, pour annoncer qu’il n’est pas question d’assassinat mais d’un blocage non-violent. »

Les activistes disposent de quelques minutes pour échafauder leur plan. (Photo KG / Rue89 Strasbourg)

Sous le décompte de Nathan, l’action commence. Les militants se ruent vers l’escalier. Quelques secondes plus tard, les forces de police font irruption, armés de boucliers anti-émeutes de fortune. Slogans fusent de part et d’autre, et face à la progression des activistes, les policiers « gazent » les manifestants avec des bonbonnes d’eau.

Chaque scénario dure une quinzaine de minutes, de la préparation à l’action. Dans une joyeuse cacophonie, les participants prennent du plaisir à incarner tous les rôles.

Le Molodoï est transformé en aéroport. Les activistes bloquent le salon VIP pour empêcher Ségolène Royal d’embarquer pour le Forum économique mondial de Davos (Suisse). (Photo KG / Rue89 Strasbourg)

La non-violence n’est pas mollassonne

Assis en cercle, les participants débriefent leur formation. Yann, 20 ans, partage « une envie de [s]’engager ». Nadine a quant à elle découvert « l’investissement nécessaire » pour organiser une action non-violente. Elle regrette le manque de photographies et de vidéos pour illustrer des actions réalisées par les mouvements écologistes. Les organisateurs aimeraient faire de cette formation un rendez-vous bimestriel. Avec respectivement 30 et 50 membres actifs, ANV-COP21 et XR Strasbourg ont besoin de grandir pour agir « contre ce système ultra-libéral ». « Nous avons l’occasion de donner une chance à la non-violence. La non-violence n’est pas mollassonne : elle est bienveillante mais ferme », conclut Nathan.

Mathieu, engagé depuis l’automne aux côtés d’Extinction Rebellion Strasbourg, cite Albert Camus comme levier de conscience chez les participants d’un jour. « Parce que la peste devenait ainsi le devoir de quelques-uns, elle apparut réellement pour ce qu’elle était, c’est-à-dire l’affaire de tous. »


#action non-violente

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