Quand on pense à la consigne, les regards se tournent vers l’Allemagne, pays où plus de 98,5% des bouteilles et des canettes (en verre, aluminium, plastique) sont recyclées. Un exemple qui inspire de nombreux gouvernements européens, dont la France, qui réfléchit à la réintroduction de la consigne.
Instaurée au Royaume-Uni au début du XIXe siècle, la consigne consiste à retourner ses bouteilles vides au vendeur, afin qu’elles soient nettoyées puis réutilisées, plutôt que jetées (et éventuellement recyclées). Tombée en désuétude à la fin des années 1960, cette pratique a été remplacée par le verre dit « perdu » : un matériau recyclable mais non consigné, plébiscité des fabricants pour son coût de production moins élevé.
Mais dans l’hôtellerie-restauration, ainsi que dans quelques lieux d’Alsace pour les particuliers, la consigne a survécu. C’est d’ailleurs la dernière région de France où elle est encore d’usage. Pour Edouard Haag, directeur général de la brasserie Meteor, c’est même un avantage concurrentiel :
« Les gens sont très attachés à la consigne, ce serait une erreur commerciale de s’en séparer. En buvant de la Meteor, nos consommateurs soutiennent une entreprise familiale, qui n’a jamais cessé de produire de la bière conditionnée en verre consigné. »
À Strasbourg notamment, il est encore possible d’acheter sa bière en verre consigné. Une façon de picoler local et de donner un coup de pouce à l’économie circulaire.
Pourquoi favoriser le verre consigné ?
Selon un rapport de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) publié en 2018, 88 % des consommateurs trouvent la consigne très utile ou assez utile. Adoubé, ce procédé vertueux présente même le double avantage d’être écologique et économique selon Simon Baumert, coordinateur de l’association Zéro déchets Strasbourg :
« Par rapport à une bouteille classique, en verre perdu, une bouteille en verre consigné permet de réduire de 79 % l’émission de gaz à effet de serre. L’autre intérêt est que le client ne paye plus que le contenu, et pas le contenant, ainsi il paye sa bière au litre moins cher. »
Chaque année en Alsace, près de 25 millions de bouteilles d’eau et de bière sont consignées, soit autant de déchets en moins. Une bouteille est réutilisée vingt fois en moyenne et peut avoir jusqu’à 30 ans de durée de vie.
Où ramener ses bouteilles ?
On estime à 400 le nombre de points de vente permettant aux clients de consigner et déconsigner leurs bouteilles sur les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, et de façon plus isolée, en Moselle et dans le Territoire-de-Belfort. « Grosso modo, là où la bière Meteor est vendue », résume Simon Baumert.
À savoir qu’une centaine de commerces sont équipés de machines à déconsigner en libre-service. Dans la capitale alsacienne, 16 magasins disposent dudit appareil, tandis qu’une dizaine d’épiceries permettent aux amateurs de houblon de ramener leurs bouteilles (sans machine), en l’échange d’un bon d’achat à déduire des courses, une fois en caisse (voir carte ci-dessous).
Dans le deuxième cas de figure, le nombre de références est souvent limité (seules les grandes Meteor et Kronenbourg sont acceptées) et il est impossible de savoir de soi-même si le supermarché pratique la déconsigne, à moins de demander à un employé.
Au regard de cette carte, deux observations s’imposent : le centre-ville de Strasbourg est mal équipé en machines à déconsigner (Grande île, Neustadt, quartier gare), à la différence des quartiers périphériques (Cronenbourg, Hautepierre, Koenigshoffen). Autre constat, certaines enseignes sont plus mauvais élèves (Monoprix, Carrefour) que d’autres (Auchan, Super U).
Contactée par Rue89 Strasbourg, la chaîne de supermarchés Monoprix a indiqué « réfléchir sérieusement à la question du développement durable », tout en spécifiant qu’une « telle décision d’entreprise – accepter les bouteilles consignées – aurait plus d’impact, si elle était déployée à l’échelle nationale ».
Quelles bouteilles ramener ?
L’immense majorité des supermarchés reprennent les Meteor et les Kronenbourg de 75 cl (les deux brasseries partagent le même parc de bouteilles), mais sont plus rares à accepter les fameuses Fischer de 65 cl (produites par l’usine Heineken à Schiltigheim) au bouchon refermable ou autres eaux minérales et sodas.
Dans certains magasins comme le Auchan des Halles, la liste exhaustive des références est affichée au dessus de la machine, pour d’autres comme par exemple le Leclerc Rivetoile, rien de tel n’est indiqué.
C’est donc pour répondre à cet enjeu de la lisibilité, que la brasserie Meteor et les sources Carola et Lisbeth se sont associées à Zéro déchet Strasbourg pour lancer le réseau Alsace consigne. « Dans un premier temps, l’objectif est de créer des magasins pilotes pour remettre la consigne au cœur des pratiques des consommateurs », expose Simon Baumert.
L’idée est d’en augmenter la visibilité en rassemblant toutes les références consignées (bières, eau, jus, sodas, etc.) en un même endroit ou en indiquant d’un autocollant les supermarchés qui jouent le jeu.
Dans un deuxième temps, le réseau incitera les magasins à s’équiper de machines, à proposer plus de références et s’ouvrira aux plus petites entreprises. « Il est tout a fait envisageable d’ouvrir le réseau aux micro-brasseurs », complète Edouard Haag. Les grands industriels envisagent notamment de partager leurs laveuses, afin que tous ceux qui le souhaitent, soient en mesure de proposer leurs breuvages en verre consigné.
Enfin, à l’image de Carola qui avait édité une carte interactive pour identifier les lieux de dépôt de ses bouteilles d’eau en verre consigné, le réseau Alsace consigne va développer un projet similaire.
Combien ça rapporte ?
Reste la question de l’argent. La consigne rapporte en moyenne 0,20 € par bouteille : de 0,10€ pour une canette de 33cl à 0,55€ pour une Fischer, avec un montant qui peut fluctuer de quelques piécettes d’un supermarché à l’autre.
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