Mobilisation d’enseignants et grève des notes contre les réformes de l’Éducation nationale
Une centaine de professeurs se sont rassemblés lundi matin devant le Rectorat de l’académie de Strasbourg. Dans l’après-midi, une partie des professeurs grévistes n’ont pas saisi les notes qu’ils avaient attribuées à certaines épreuves du baccalauréat.
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Pierre France
Publié le 2 juillet 2019 ·
Imprimé le 21 novembre 2024 à 16h33 ·
5 minutes
Une centaine de professeurs se sont rassemblés lundi matin devant le Rectorat de l’académie de Strasbourg. Dans l’après-midi, une partie des professeurs grévistes n’ont pas saisi les notes qu’ils avaient attribuées à certaines épreuves du baccalauréat.
Devant le Rectorat de l’Académie de Strasbourg, une centaine d’enseignants grévistes ont manifesté leur opposition avec chants, banderoles et slogans (doc remis)
Ces deux actions veulent dénoncer deux réformes de l’Éducation nationale menées par le gouvernement, et particulièrement par le ministre Jean-Michel Blanquer. La réforme du bac doit permettre aux lycéens de bénéficier de cours plus personnalisables. Mais les syndicats dénoncent en un futur bac « à la carte », dont l’équivalence nationale pourrait être remise en question. Quant à la « Réforme Blanquer », les syndicats y voient d’abord un « plan social » avec la suppression de 2 500 postes.
La plupart des syndicats d’enseignants ont participé à l’action de lundi matin (doc remis)
Les enseignants grévistes, manifestant ou en grève des notes, demandent au ministère de l’Éducation nationale qu’il ouvre des négociations concernant ces deux réformes. Les enseignants grévistes et mobilisés strasbourgeois ont signé une déclaration commune (voir ci-dessous).
Déclaration du 1er juillet 2019 des professeurs de l’Académie de Strasbourg
Nous sommes réunis ce matin devant le Rectorat pour manifester notre profonde inquiétude sur le devenir de l’institution que nous servons et notre ferme opposition aux réformes en cours.
Ce matin, un certain nombre d’entre nous, qui sont correcteurs du baccalauréat, se sont déclarés grévistes et n’ont pas encore saisi leurs notes, ce qui a pour effet de bloquer temporairement l’examen.
En dépit de toutes les protestations de ces derniers mois, des journées de grève, des oppositions exprimées dans les conseils d’administration des établissements, des avis négatifs des instances intermédiaires telles que le Conseil supérieur de l’éducation et les syndicats, le ministre persiste dans des réformes menées avec précipitation et à marche forcée.
La grève et la non saisie des notes sont les derniers moyens qu’il est en notre pouvoir de mobiliser, cette année, pour signifier notre refus.
De très nombreux collègues s’opposent à cette réforme mais ont préféré ne pas se déclarer grévistes. Ils ont déjà saisi leurs notes. Ils ont peur des représailles de l’institution. Cette peur n’est pas de la lâcheté, elle n’a rien de déplacé. Combien de fois, durant ces derniers mois, des actions de protestation ont-elles fait l’objet de réactions disproportionnées, de répression, d’intimidation, de procédures judiciaires ? Combien de fois l’État n’a-t-il pas lui-même transgressé ses propres règles pour mettre au pas celles et ceux qui défendent leurs conditions de travail, leurs conditions d’étude ou tout simplement leurs conditions de vie ?
La logique des réformes qui nous touchent n’est pas nouvelle : sous couvert de « modernisation », de « rationalisation », elle est fondamentalement guidée par des choix de réduction des dépenses publiques et, en conséquence, de dégradation des services rendus à tous les citoyens, en particulier aux plus défavorisés.
On en voit les effets chez nos collègues de l’administration de l’Éducation nationale, dans l’Hôpital public, la Justice, l’audiovisuel public, dans les transports, chez les pompiers, la police, etc.
Aujourd’hui, au nom de notre attachement à notre métier et au service public que nous accomplissons, nous protestons vivement contre :
le mépris affiché par le ministre de l’Éducation face à nos objections et aux difficultés quotidiennes que nous rencontrons dans l’exercice de notre métier ; la réduction drastique des heures d’enseignement, l’augmentation des effectifs par classe, la suppression des heures en classe dédoublée, la déstructuration prévisible des emplois du temps des élèves et des professeurs ; la suppression des postes d’assistant d’éducation et de CPE ; la suppression des CIO, qui aura pour effet de déléguer la totalité des tâches d’orientation aux professeurs ; l’absence de moyens prévus pour toutes les activités de concertation requises par les enseignements de spécialité ; le manque de formation à ces nouveaux enseignements (SNT, NSI, HGGSP, HLP) ; la mise en concurrence des disciplines au sein des lycées et la mise en concurrence des lycées eux-mêmes ; la contrainte de plus en plus fréquente à l’avenir qui sera imposée aux élèves désireux d’apprendre certaines langues ou d’autres options (arts plastiques, théâtre) à quitter l’établissement le plus proche de chez eux ou à se tourner vers l’enseignement à distance ; l’évaluation permanente des élèves, les pressions constantes exercées sur eux en matière d’orientation, dont Parcoursup donne déjà l’exemple ; la disparition du caractère national du baccalauréat engendrée par l’introduction d’épreuves de contrôle continu, sources d’inégalités de valeur pour le diplôme obtenu ; la sélection à l’entrée de l’université ; la réduction des contenus disciplinaires dans la réforme de la formation des futurs enseignants ; la mise à disposition, dans le cadre de cette même réforme, d’une main d’œuvre à bon marché que seront les étudiants-stagiaires de M2 ; l’aberration pédagogique, sanitaire et écologique du lycée 4.0 ; la réforme de la prétendue « école de la confiance », la réforme de la Fonction publique, leurs perspectives de mise au pas (par une formulation tendancieuse du devoir de réserve de ses agents), de managérialisation, de précarisation et de division de ses personnels, réforme qui s’inscrit dans le droit fil de la destruction des services publics.
Nous exigeons :
un moratoire sur toutes les réformes en cours, qui ne sont en réalité et pour l’essentiel que des régressions guidées par des choix budgétaires ; une remise à plat et une véritable discussion sur les changements qu’il est souhaitable d’apporter au fonctionnement de l’institution, pour la rendre plus juste et plus efficiente, dans l’intérêt des élèves ; des effectifs maximaux de 25 élèves par classe ; la palette la plus large possible, dans tous les établissements, des options et des langues vivantes et anciennes offertes aux élèves, sans condition d’effectif.
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