Imaginez un gamin jouant avec ses figurines militaires, rêvant de collectionner un jour ses propres chars grandeur nature…. et qui y parvient. C’est un peu l’histoire du MM Park.
Dans la zone industrielle de La Wantzenau au nord de Strasbourg, Éric Kauffmann, patron d’une entreprise d’informatique, ESI, a ouvert en mars 2017 une structure de 7 000 m², à mi-chemin entre le musée et le parc d’attraction. À l’intérieur, un hall immense abrite des chars, des véhicules chenillés ou semi-chenillés, des voitures militaires et de nombreuses salles présentent des uniformes, tenues et autres objets authentiques de la Seconde Guerre mondiale. Plus loin, on découvre une salle « de jeux », avec des simulateurs de vol, un stand de tir et quelques installations d’accrobranche. Un visiteur enthousiaste peut y passer 4 heures.
Des moyens colossaux
Dominique Soulier est le deuxième collectionneur du musée, dont il assure aussi les relations publiques. Il annonce la couleur d’entrée de jeu sur le caractère très particulier du lieu, non sans fierté :
« Il s’agit d’une collection complètement privée, sans aucun fonds publics. C’est sûrement unique en Europe. Peu de collectionneurs privés parviennent à ce niveau-là ».
La visite commence par un mur d’armes, des fusils d’assaut, des pièces rares, parfois prêtées à d’autres musées français. On y trouve par exemple une carabine de Lisle. Comment acquièrent-ils de telles pièces ? « La chance… et un réseau ». Peu à peu, à force de fouiner, après plus de 30 années de recherches, Éric Kaufmann a déniché de nombreuses pièces. Il achète « au hasard des rencontres, des échanges, des tractations avec d’autres musées ». Parfois pour trouver des pièces rarissimes, comme ce Springer, un petit char chenillé, dont Dominique Soulier est très fier :
« Sur les 50 qui existaient, il n’en reste que deux dans le monde. Dont un chez nous. »
Des investissements qui nécessitent de grands moyens. Mais sur les finances, les fondateurs restent mystérieux. À l’origine, Éric Kauffmann a bâti sa fortune avec son entreprise ESI, et c’est sur ses fonds propres qu’il a commencé à collecter des pièces. Chaque véhicule coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros, comme l’explique Dominique Soulier :
« Il faut compter autour de 15 à 20 000€ pour les petits véhicules, puis plusieurs centaines de milliers d’euros pour les gros chars. Cela peut monter très haut pour les pièces rarissimes. »
Le collectionneur a ensuite investi dans le bâtiment, une ancienne imprimerie qui abritait d’énormes machines. Après 7 ans de travaux, de réhabilitation, de mise aux normes d’accès et d’accueil, le MM Park a ouvert en mars 2017. Aujourd’hui, c’est une société qui, depuis son ouverture, a accueilli quelques 40 000 visiteurs.
L’entrée est payante, 9€ pour les adultes et 4€ pour les enfants. Pour avoir accès aux attractions, il faut un ticket supplémentaire : une formule à 15€ est disponible pour avoir accès à l’ensemble des loisirs. Le parc se propose aussi d’accueillir des événements, des fêtes, et même des goûters d’anniversaire, moyennant la somme de 160€.
Aller chercher des pièces dans le monde entier
Dominique Soulier raconte que son collègue est allé chercher les pièces « dans le monde entier », comme ces quelques véhicules situés dans un musée belge il y a une quinzaine d’années, vendus aux États-Unis puis rachetés par le fondateur du MM Park. Ou cette histoire insolite du char russe retrouvé dans un lac, vendu à un collectionneur anglais, qui l’a cédé à l’homme d’affaires alsacien. Une des pièces les plus impressionnantes est aussi un char russe, un ISU de 45 tonnes avec un canon de 152 mm.
Parmi les 120 véhicules en présence, il y a aussi les « stars », comme le « Souffleur II », sur lequel a officié Jean Gabin, ou ce véhicule amphibie ayant servi au Débarquement, le LVT-4 Alligator, trouvé chez un particulier près de Paris… Certains chars sont laissés dans leur état d’origine, avec leur robe ocre, abîmée et d’autres sont retapés. Le MM Park dispose de son propre atelier avec trois personnes dédiées, « et tout ce qu’il faut pour soulever un blindé », explique le collectionneur. Rénover un char nécessite près de 3 000 heures de travail. Un élément de plus qui témoigne des moyens colossaux accordés au musée, qui ne lésine pas sur les décors et ses installations.
« Pouvoir toucher les pièces »
Après avoir passé des répliques des portes du Mur de l’Atlantique (réalisées par l’atelier), le visiteur tombe nez à nez avec une véritable vedette allemande de la « Kriegsmarine », posée sur un bassin creusé expressément, de 30 mètres de long et 1,60 m de profondeur. Aidé dans son imagination par le bruit de l’eau diffusé par les haut-parleurs, le visiteur peut y monter, se mettre à la barre, s’imaginer à la place des marins allant en mer pour récupérer les pilotes abattus. C’est une des caractéristiques du musée, jouer sur l’interactivité, comme l’explique Dominique Soulier :
« Éric [Kauffmann] a un principe, que les gens puissent toucher à des pièces. Par exemple, on peut se mettre aux commandes d’une défense anti-aérienne, ou entrer voir l’intérieur d’un tobrouk (un bunker individuel avec tourelle, ndlr). »
On retrouve cet aspect ludique plus loin avec une petite voiture militaire à disposition pour prendre des photos, vêtus d’uniformes, et surtout dans la grande salle dédiée aux plus jeunes (ou aux grands enfants), où on peut s’essayer au tir, à l’accrobranche ou au simulateur de vol.
Un lieu fortement apprécié malgré quelques critiques
Un côté « parc d’attractions » parfois critiqué par des visiteurs qui s’étonnent aussi de quelques infidélités ou anachronismes. Toujours en progression, le musée n’a d’ailleurs pas finalisé les étiquettes de tous les uniformes, qui sont donc parfois exposés sans informations. C’est assumé par la direction :
« Concernant les panneaux, cela va venir. Nous disons d’entrée de jeu qu’il s’agit d’une collection et pas d’un musée, qui implique une rigueur scientifique irréprochable. Il arrive par exemple qu’un visiteur signale que le mannequin féminin sur notre maquette de sous-marin n’y a pas sa place, puisqu’on disait que les femmes portaient malheur en mer… Nous savons que nous avons encore quelques erreurs à corriger, mais honnêtement, en un an, personne n’est venu nous faire de remarques négatives ».
Voir la guerre comme un jeu, cela pourrait aussi poser question, mais les fondateurs expliquent ne pas nourrir de nostalgie de la Seconde Guerre mondiale. La collection était plutôt partie d’un intérêt mécanique pour la réparation de gros engins de cette époque. Dominique Soulier raconte :
« On jouait dehors quand on était petits et on tombait sur des objets historiques. Ça met le pied à l’étrier ».
Il explique que c’est ce côté moins muséographique et plus divertissant qui plaît au public, varié et fidèle :
« On a beaucoup de familles qui viennent découvrir le lieu. Avec les visites guidées, les enfants deviennent « tout fous » ! Et il y a bien sûr l’attrait des jeux. Nous avons des passionnés qui viennent, mais ce ne sont pas les plus nombreux. On a aussi des cars de voyageurs, des retraités… »
Un coup d’œil sur Tripadvisor permet de constater qu’effectivement, le public est enthousiaste. Sur une centaine d’avis, la majorité plébiscite l’étendue de la collection et les activités complémentaires. Surtout, le lieu s’est doté d’une grande salle de réception pour accueillir des soirées et des séminaires, prisés notamment par les associations et autres amicales de régiment.
Une légitimité grandissante mise en avant par les créateurs
Les écueils assumés n’empêchent pas la structure de gagner en légitimité, d’après les fondateurs. Ils travaillent désormais en collaboration avec un certain nombre de structures investies dans le travail de mémoire. Pour la vitrine sur l’Holocauste, le MM Park s’est tourné vers le Centre Européen du Résistant Déporté, qui leur a ainsi prêté des tenues de déportés du Struthof, ainsi que des gravures d’Henri Gayot, lui-même déporté au centre de concentration alsacien.
Plus loin, les couloirs du MM Park accueillent la copie d’une exposition itinérante sur la résistance des Alsaciens. L’Association pour des études sur la résistance intérieure des Alsaciens est à l’origine de cette partie du musée. L’établissement accueille aussi des élèves lors de visites scolaires et pour les journées de préparation du concours national de la résistance.
Une histoire de famille
C’est sur cette mémoire de la résistance française que le musée mise également, avec la collection « Sussex 1944 ». Là encore, tout part d’une histoire personnelle. Le père de Dominique Soulier était un agent du renseignement britannique : le lieutenant Georges Soulier avait participé avec plusieurs autres agents au plan Sussex (des missions mises en place au Nord de la Loire pour préparer le débarquement). Son fils décide un jour de rassembler ses objets personnels et de partir sur les traces de ces agents. Il les rencontrera presque tous, et réussira à collecter de très nombreux objets, témoins de cette époque et de cette mission.
Ainsi, le visiteur découvre une collection comportant des papiers d’identité, des « stylo-pistolets », une chevalière (cachette de pilule de cyanure), un kit de parachutiste, des armes, des croix de guerre et médailles, ou encore cette carte d’évasion de l’agent Jeannette Guyot pour la mission Pathfinder, retrouvée dans une horloge par sa famille. Dominique Soulier explique cette quête par une volonté de mémoire, pour des héros de guerre en manque de reconnaissance.
Voir toujours plus grand
Le reste du musée montre une volonté de dépasser un peu l’uniforme militaire pour témoigner de cette époque de manière plus large, avec des tenues de scouts, de jeunesse hitlérienne, et même de la Légion des Volontaires Français, rangés du côté des nazis. On y trouve aussi des pompiers, des chauffeurs de voiture, et une volonté particulière de mettre en avant les femmes, avec notamment des uniformes de femmes russes.
Dominique Soulier raconte qu’elles avaient aussi une place importante, comme la tireuse d’élite Lioudmila Pavlitchenko, créditée de plus de 300 victimes. Si la plupart des tenues représentent des personnages alliés et allemands, on trouve aussi des uniformes d’Europe de l’Est, avec une salle entièrement dédiée à… la Bulgarie.
Une salle « Siméon II », du nom du Roi de Bulgarie en exil en France, inaugurée par lui-même, accueille une fierté du musée, la tunique du Roi Ferdinand Ier et sa croix de guerre… Mais à part cette tenue, la salle ne présente que des doubles de la collection bulgare, un petit MM Park d’une centaine de mètres carrés ouvert à Varna. Pourquoi cet intérêt pour la Bulgarie ? En fait, l’épouse d’Eric Kauffmann est bulgare et il s’y rend souvent pour des déplacements professionnels, car il y détient deux hôtels.
Ce passionné n’a de cesse de vouloir développer cette activité et compte encore agrandir les lieux. Comme le dit avec enthousiasme Dominique Soulier :
« On ne peut pas encore dire exactement quels seront les développements, mais en tout cas, on manque déjà de place ! »
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