Jeudi 9 juin au matin, dans le hangar à véhicules de la société à la Meinau, ils sont plusieurs livreurs à discuter avec leur manager. Depuis trois mois, les retards de paiement de salaire s’accumulent. « On est censé être payé entre le premier et le cinq du mois et toujours rien », s’exaspère l’un d’eux. Sous la pression des employés, qui ont refusé de livrer les colis prévus ce jour-là, le manager cède et promet un virement à chacun. Une nouvelle promesse qui ne calme pas la colère des chauffeurs. « Si demain (vendredi), on n’a rien reçu, on se mobilisera de nouveau », clame un autre salarié.
En plus des retards de salaire, deux primes ont été supprimées. La « prime véhicule » était versée si le matériel n’était pas dégradé après usage. La « prime performance » récompensait des livraisons dans les temps prévus. Les montants des deux primes cumulés représentent environ 200 euros bruts par mois, une perte importante sur des salaires allant de 1 200 à 1 400 euros nets par mois. Les livreurs se plaignent également d’heures supplémentaires non payées ainsi que du non-remboursement des abonnements aux transports en commun. « Il y a un collègue qui vient de Sélestat. Même après avoir envoyé ses factures, il n’a pas été dédommagé alors que l’entreprise s’était engagée à le faire, » précise l’un d’eux.
Une fois le salaire perçu, ils sont nombreux à devoir acheter, à leurs frais, l’équipement nécessaire à leur travail. Gilets fluorescents de sécurité, chaussures de protection ou bien trousseaux de clés pour les boîtes aux lettres… Autant de matériel que Fast Despatch Logistics ne prend pas en charge.
Des véhicules en piteux état
Dans l’entrepôt, les camionnettes blanches et sans logo apparent de l’entreprise sont garées les unes à côté des autres. Certaines n’ont plus de rétroviseurs, d’autres ont leurs pare-chocs maintenus à l’aide d’attaches en plastique. Les livreurs dénoncent leurs conditions de travail, devenues déplorables au fil des ans. « Les véhicules mis à disposition sont devenus dangereux à conduire. Il suffit de voir l’usure de certains pneus, de vraies savonnettes. Les voyants indiquant un problème au moteur s’allument sans arrêt. Ça m’est arrivé de récupérer une fourgonnette où la portière conducteur ne fermait même pas », s’agace un conducteur.
Ces véhicules défectueux, ils doivent parfois les conduire sur de longues distances. « J’ai déjà dû faire un aller-retour jusqu’à Nantes en une journée. D’autres vont en Belgique, parfois à Marseille. Et en plus, on doit travailler le lendemain, sans avoir le temps de récupérer », précise un salarié. La fatigue s’accumule, d’autant que les pauses en journée ont été réduites de 30 à 20 minutes.
Des conditions de travail dégradées
En plus de leur mauvais état, les camionnettes dépassent régulièrement leur poids de charge maximale autorisée, du fait des nombreux colis à livrer. Un chauffeur détaille :
« Dans ces conditions, on se met en danger soi-même mais aussi les autres. Une journée type, on va dire que c’est entre 200 et 250 colis à apporter à plus de 150 adresses différentes. On est guidé par une application mais quand on a dépassé nos heures, elle se coupe. On doit alors continuer avec notre GPS mais surtout, on n’est plus assuré en cas d’accident puisqu’on n’est plus censé travailler ! »
Selon les livreurs, les conditions de travail ont toujours été difficiles, mais elles se sont nettement dégradées à partir de janvier sans qu’il ne soit possible d’en connaître les raisons. Un livreur résume la situation :
« Fast Despatch Logistics nous dit que ça vient des conditions posées par Amazon tandis qu’Amazon rejette la faute sur nous, en tant que sous-traitant… Au final, c’est la faute de personne à les écouter ».
Un autre livreur avance une autre hypothèse :
« Avant, on avait une super cadence, on travaillait bien et on finissait plus tôt. Du coup, on nous a surchargé. »
Interrogé par Rue89 Strasbourg, le manager de Fast Despatch Logistics présent n’a pas souhaité répondre à nos questions.
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