« Maintenant, mon problème, c’est que je vais devoir parler de ce livre. » Michèle Audin en rit. Mais une pointe d’appréhension se fait sentir dans la voix de l’autrice de La maison hantée. La mathématicienne et professeure retraitée de l’Université de Strasbourg nous donne un entretien téléphonique depuis un train filant pour Paris. Après avoir écrit plusieurs ouvrages sur la capitale, Michèle Audin publie début 2025 son premier opus ancré à Strasbourg. Elle sera à la librairie Kléber le jeudi 16 janvier de 18h à 19h15.
Une œuvre précieuse sur l’annexion
La maison hantée offre une incursion dans un immeuble strasbourgeois sous l’Alsace-Moselle annexée. La vie quotidienne strasbourgeoise sous le régime nazi souffre d’un manque de témoins de cette période. Michèle Audin parvient à dépasser les non-dits sur l’annexion grâce à un important travail d’enquête dans les archives locales. Le résultat est une œuvre précieuse qui brise le silence sur une période complexe qui ne saurait être résumée à des schémas binaires ; nazis allemands d’un côté, résistants français de l’autre. Entretien avec l’autrice d’un livre d’histoire salutaire pour l’Alsace.
Rue89 Strasbourg : vous avez vécu plus de trente ans à Strasbourg. Comment le silence et les non-dits vous sont-ils apparus sur cette période de l’Occupation ?
Michèle Audin : J’aime beaucoup écrire sur la ville. J’ai écrit plusieurs livres qui se déroulent à Paris : « Paris, boulevard Voltaire », « Josée Meunier, 19 rue des Juifs » ainsi que mes livres sur l’histoire de la Commune. Puis je me suis demandé pourquoi je n’écrivais pas sur Strasbourg. On trouve des éléments historiques d’entre 1871 et 1918 dans le nom des lieux et des places strasbourgeoises. Mais il n’y a quasiment rien sur l’annexion entre 1940 et 1944. C’est quelque chose qui m’a gênée. Un des seuls endroits à Strasbourg où la toponymie rappelle l’histoire de la ville sous l’annexion : c’est le Square des Fusillés du 15 juillet 1943, bien loin, au port du Rhin, qui commémore les six résistants alsaciens du Front de la Jeunesse d’Alsace (FJA).
« Quand je suis arrivée à Strasbourg, j’avais vu que les gens ne voulaient pas parler de la période nazie. »
Michèle Audin, autrice de La maison hantée
Quand je suis arrivée à Strasbourg en 1987, j’avais vu que les gens ne voulaient pas parler de la période nazie. Dans le livre, l’anecdote de la machine à café est tout à fait vraie (un chercheur alsacien s’exclame devant la narratrice : « Ah, les Alsaciens, tous des nazis c’est ça ? » puis il ajoute « Vous ne pouvez pas comprendre », NDLR) Dans La maison hantée, l’histoire de la narratrice ressemble beaucoup à mon approche de la ville.
On sent aussi que la narratrice est régulièrement renvoyée à ses origines, en tant que « Française de l’intérieur »…
À Paris, vous décidez que vous êtes parisien et personne n’y trouve rien à redire. Ce n’est pas si facile de s’intégrer à Strasbourg. On m’a souvent renvoyée à un statut de strasbourgeoise d’adoption. Ça m’est devenu assez insupportable. J’ai vécu ici plus de 37 ans. J’ai élevé ma fille ici, j’ai enseigné ici… Il y a quand même un droit du sol ! (rires)
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