Cette semaine, il aurait été bien plus pertinent de continuer à mettre en avant les féministes car ce jeudi 29 mars l’ex BMS (Bibliothèque Municipale de Strasbourg) est officiellement rebaptisée « Olympe de Gouges ». Mais comme la logique ne gouverne pas vraiment ce rendez-vous hebdomadaire, ce sont les faits divers, et la façon dont les artistes et/ou la société se les réapproprie, qui ont guidé nos pas dans les allées des médiathèques strasbourgeoises.
Ces jours-ci, trois films français s’intéressent à des faits divers plus ou moins récents : l’assassinat de la famille Flactif dans Possessions d’Eric Guirado qui ne dépasse jamais son propos (sortie le 7 mars 2012), le calvaire subit par Kitty Genovese dans 38 témoins de Lucas Belvaux, un peu didactique, mais humainement d’un tout autre niveau (sortie le 14 mars 2012) et bientôt, à partir de la longue séquestration de Natacha Kampuch, un vrai objet de cinéma, A moi seule de Frédéric Videau (sortie le 4 avril 2012). Du caniveau à la sublimation…
Les autres et nous
Le film de Lucas Belvaux, parce qu’il n’est pas complaisant avec des personnages qui pourraient être vous ou moi et parce qu’on y sent de la colère, amène à se poser des questions. 38 témoins est adapté du roman de Didier Decoin, Est-ce ainsi que les femmes meurent ? (éditons Grasset, disponible aux médiathèques Malraux et Ouest) qui commence sur cette épigraphe empruntée à Jean-Jacques Rousseau :
« Il n’y a que les dangers de la société toute entière qui troublent le sommeil tranquille du philosophe et qui l’arrachent de son lit. On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre ; il n’a qu’à mettre ses mains sur ses oreilles pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l’identifier avec celui qu’on assassine. »
Un nuit de mars 1964, à New York, 38 habitants du Queens entendent sans réagir une jeune femme se faire longuement assassiner sous leurs fenêtres… Ce livre appartient à une collection intitulé Ceci n’est pas un fait divers où des écrivains sont invités à transformer en œuvre littéraire certaines des histoires sordides qui sont le fonds de commerce des journaux à sensations, mais qui ont aussi de tous temps inspiré les plus grandes plumes.
Distance ? Hauteur ?
Stéphane Bourgoin lui, s’est spécialisé depuis plusieurs années dans l’étude des tueurs en série, après que sa compagne ait été assassinée par l’un d’eux. Il souligne cette évidence dans son Nouvel almanach du crime & des faits-divers (éditions e-dite, disponible à la médiathèque Malraux) :
« La réalité dépasse souvent la fiction, mais celle-ci s’inspire aussi du fait réel. »
Pour clarifier sa démarche, il reprend également à son compte au début de son livre, les termes de Michel Lebrun :
« Nous aimons les almanachs, ces livres désuets, dans lesquels on trouve tout et rien, dans un désordre surréaliste qui ne semble pas un effet de l’art. »
Bourgoin enregistre les faits, les étudie dans certains de ses autres travaux (livres ou films), mais il ne les sublime certes pas. Au contraire d’un James Ellroy par exemple, hanté par l’assassinat de sa mère à laquelle il finira par consacrer un livre, Ma part d’ombres (paru chez Rivages, disponible aux médiathèques Olympe de Gouges, Malraux et Hautepierre), après des exutoires aussi réussis que, par exemple, Le Dahlia Noir (éditions Rivages, disponible dans toutes les médiathèques) basé sur un autre fait divers mettant en scène une femme aux mœurs libres.
Ambivalence…
En tant qu’êtres humains, il est naturel que nous nous intéressions aux grandeurs et décadences de notre espèce. Donc finalement, même si on n’aime pas du tout du tout les faits divers, le plus intéressant est-il peut-être tout de même de s’y confronter sans trop les enjoliver. Raymond Depardon lorsqu’il revient sur son documentaire Faits divers (Arte Video, disponible au Neuhof et aux médiathèques Malraux et Ouest), explique avec une rafraichissante absence de modestie :
« C’est un film important, essentiel et utile. »
On ne le contredira pas. De même que sont utiles les photographies de Weegee dont les mémoires, Weegee par Weegee : une autobiographie (éditions La table ronde) seront bientôt disponibles à la médiathèque Malraux. Chic.
Olympe
Pour finir et sans transition : un mot tout de même sur la désormais Médiathèque Olympe de Gouges. En allant sur le portail des médiathèques de Strasbourg, vous saurez le pourquoi de ce changement de nom, vous en apprendrez un peu plus sur la fameuse Olympe de Gouges qui, en septembre 1791, écrivait la « Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne » et vous aurez un aperçu du nouvel espace documentaire consacré à l’Egalité de Genre.
Sachez également qu’à 16h ce jeudi 29 mars, Olivier Blanc, membre de la SIEFAR (Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime), donne, sur place, 3 rue Kuhn, une conférence à l’occasion de ce nouveau baptême : « Olympe de Gouges (1748-1793), une humaniste pendant la révolution ».
Aller plus loin
Le portail des médiathèques de la ville et de la communauté urbaine de Strasbourg
Série « Médiathèques », les précédentes éditions :
- Enfin les féministes !
- Landru et « la » femme
- (Re)découvrir Arnaud des Pallières,
- Hitchcock par ci, Hitchcock par là
- La BD après Angoulême.
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