Depuis fin 2020, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a mis en place un baromètre des Maison départementales des personnes handicapées (MDPH). Le but : être transparent quant aux délais de traitement des demandes des personnes en situation de handicap. Les dernières données, publiées en avril 2022, concernent le quatrième trimestre de 2021.
Le délai moyen de traitement des demandes était de 6,1 mois pour le Bas-Rhin alors que la moyenne nationale se situe à 4,7 mois. L’écart est encore plus important lorsque l’on compare avec la MDPH du Haut-Rhin. Elle affiche un délai moyen de 3,1 mois sur la même période. La loi définit une durée légale de 4 mois pour traiter une demande. Sur la centaine de départements français, seulement 13 ont un délai équivalent ou supérieur à celui du Bas-Rhin fin 2021. Il s’agit donc de l’un des délais moyens les plus importants de France.
Localement, c’est le département, soit la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), qui gère la MDPH. Interrogé par Rue89 Strasbourg, Paul Geoffroy, directeur général adjoint des solidarités pour la CeA, tente de relativiser les chiffres du baromètre : « Entre 2010 et 2020, le nombre de demandes a augmenté de 30% à l’échelle alsacienne. » D’après Handidonnées Grand-Est, entre 2016 et 2020, le nombre de bénéficiaires de l’AAH s’est accru d’environ 19% pour le Bas-Rhin. On comptait 16 317 bénéficiaires en 2020 contre 13 695 en 2016. Une hausse qui se traduit aussi à l’échelle nationale. Selon un rapport du Sénat, de 2006 à 2018, le nombre de demandes traitées a augmenté de 170%.
Un passage au numérique sur le tard
D’après Noémie (prénom modifié), fonctionnaire à la MDPH du Bas-Rhin, les difficultés ne datent pas du dernier trimestre 2021. Elle pointe du doigt une informatisation des dossiers tardive :
« La numérisation a seulement commencé entre 2020 et 2021. Elle est effective dans le Haut-Rhin depuis plusieurs années. Avant, tout était en format papier. Les documents étaient rendus à l’accueil puis passaient de bureau en bureau pour les vérifications. Parfois, les dossiers se perdaient et donc ça rallongeait les délais. »
Selon Paul Geoffroy, la crise sanitaire a également eu un impact : « Avec le confinement, le personnel a dû rester à la maison. Les conditions de travail étaient moins bonnes, on l’a ressenti sur les résultats ». Des propos que confirme Noémie : « Il y avait des coursiers qui nous ramenaient les dossiers chez nous. Une fois traités, il fallait les retourner à la MDPH. Il a fallu du temps pour que ce système se mette en place. »
Le Haut-Rhin donne plus d’AAH sans limite de temps
Cependant, la MDPH du Haut-Rhin a affiché, durant cette même période, de meilleurs résultats. Elle se situe systématiquement en dessous de la moyenne nationale en ce qui concerne les délais de traitement des demandes. Concrètement, en 2020, la MDPH du Haut-Rhin a rendu un avis pour 48 883 demandes, avec un effectif d’une soixantaine de personnes. La MDPH du Bas-Rhin a traité, la même année, 63 507 demandes avec une centaine d’agents.
Les méthodes de gestion et d’administration des MDPH changent d’un département à l’autre. Pour Noémie, les différences entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin sont nombreuses :
« Il y a moins de recours possible pour un usager dans le Haut-Rhin quand il veut contester une décision. Or, le processus de contestation rentre dans le délai de traitement des demandes. Le Haut-Rhin, avec ses délais plus courts, encourage d’une certaine façon les usagers dont la demande a été rejetée à en reformuler une nouvelle. Et ainsi de suite. »
Enfin, la MDPH du Haut-Rhin a pris l’habitude d’octroyer plus facilement des droits sans limitation de durée. Lorsqu’une personne en situation de handicap ne verra pas sa situation s’améliorer avec le temps, il y a la possibilité de lui attribuer ses allocations sans limite de temps. Concrètement, cela signifie qu’elle n’a plus à reformuler de demande pour la prolongation de ses droits.
Dans le Haut-Rhin, la part des droits sans limitation de durée concernant l’AAH atteint 71% au 4ème trimestre 2021. Dans le Bas-Rhin, cette part atteint à peine 52% à la même période, soit 13 points de moins que la moyenne nationale. « Comme ces droits deviennent permanents, il n’y a plus de dossiers à constituer. C’est une façon de gagner du temps », constate Noémie.
La CeA lance un plan d’action
Consciente de ces résultats mitigés, la CeA a lancé en mai 2021 un plan d’action qui repose sur deux exigences majeures : « diminuer les délais et être irréprochable quant à la qualité du service rendu au public en situation de handicap ». Le plan d’action a déjà eu des effets concrets : « On a embauché 22 personnes en CDI pour la MDPH du Bas-Rhin. Cela porte l’effectif à 120 personnes pour le département », se félicite Karine Pagliarulo, vice-présidente de la CeA en charge de la santé.
Ce recrutement a permis d’alléger les demandes en attente de traitement, c’est-à-dire les demandes en stock. Lorsqu’elles s’accumulent au fil du temps, les demandes sont considérées en stock. Il faut les différencier du flux de demandes qui représente les nouvelles requêtes arrivant au fur et à mesure. Au premier janvier 2021, la MDPH du Bas-Rhin comptabilisait 7 500 demandes en stock. Suite aux embauches, ce chiffre est descendu à 2 125 demandes en stock au 23 mai 2022.
Un autre aspect à améliorer est la réponse au téléphone, autrement dit le taux d’appels décrochés. En octobre 2021, seulement 55% des appels à la MDPH du Bas-Rhin débouchaient sur la réponse d’un agent. « Au 9 mai 2022, le taux de décroché était de 94% », se réjouit Paul Geoffroy. Avec l’ensemble de ces nouvelles mesures, le délai de traitement des demandes est redescendu à 5,1 mois pour mars 2022 d’après le directeur général adjoint. Son objectif est d’atteindre les 4 mois réglementaires.
La fusion des deux MDPH
Depuis le premier janvier 2022, les MDPH du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont fusionné. Une réorganisation interne est donc en cours. Paul Geoffroy voit dans ce réarrangement « une nouvelle voie » dans laquelle il faut « tirer le meilleur parti des uns et des autres ». Noémie n’a pas encore constaté de changement important dans ses pratiques. Avec la fusion, l’effectif global se porte désormais à 180 professionnels, qui doivent traiter les demandes de toute l’Alsace.
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