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Après un match manqué, le désarroi du supporter

Le supporter de football peut éprouver des difficultés en essayant d’estimer la qualité de la prestation de son club lorsqu’il ne s’est pas rendu au stade. Avec le Racing de Strasbourg, plongée dans un abîme de perplexité.

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Le nul à Dunkerque est il la lumière dans la pénombre ou la sombre forêt d'une saison difficile ? (Photo JPDarky / cc)

Le nul à Dunkerque est il la lumière dans la pénombre ou la sombre forêt d'une saison difficile ? (Photo JPDarky / cc)
Le nul à Dunkerque est il la lumière dans la pénombre ou la sombre forêt d’une saison difficile ? (Photo JPDarky / cc)

BlogLe décor : vendredi 20 décembre, l’année civile se termine pour le Racing sur un 0-0 à Dunkerque, club qui était septième avant la rencontre, tandis que le Racing pointait à la seizième place, soit deuxième reléguable. Dunkerque est pour l’instant le mieux classé, avec Colomiers. Le Racing avait le classement le plus mauvais des quatre promus avant ce match (et après aussi).

Dunkerque, c’est sûrement magnifique, mais je n’y suis pas allé, pour des raisons bassements liées à mon activité diurne, la vulgarité de l’aspect banal de cette situation m’oblige à ne pas développer plus loin mes pathétiques raisons.

Après le naufrage sportif, mais aussi moral et d’attitude du vendredi précédent, après les mises au point, décrites comme homériques de Marc Keller puis François Keller, après les déclarations dans la presse régionale et à la radio, une réaction était attendue.

Un match nul n’est pas forcément nul

Pour suivre le match en direct, il y a Lucille Guillotin sur France Bleu Alsace, mais aussi le Live Tweet assuré par des supporters, avec le croisillon #LiveRCS sur Twitter. Le lendemain matin je me jette sur les forums de Racingstub, sur la presse régionale et le résumé du match vidéo, j’essaye de tout lire, pour savoir si les Bleus ont réagi.

En effet, le résultat net est un match nul et vierge. Cela ne veut pas forcément dire qu’il s’est agi d’un mauvais match. Un 0-0 peut être le résultat d’un match de haute volée, avec une implication intense des joueurs et un duel tactique digne du fameux « Nul Immortel » de Hamppe et Meitner en 1872 a Vienne.

Bien choisir son média

Avec toutes ces sources d’information, ça va être facile, je vais tout comprendre au match. Mais c’est en fait particulièrement difficile. Chacun de ces médias a ses qualités et ses défauts. Le supporter en direct est abrupt dans ses commentaires, mais il dit ce qu’il voit. Ses commentaires d’après-match, le sont aussi, abrupts, souvent.

Les articles de presse peuvent parfois prendre plus de distance, mais ce n’est pas garanti. La diffusion radio se situe entre les deux, cela dépend fortement de la ou du commentateur. Un Eric Sold ou un Mathieu Dubrulle jouaient parfois dans un registre  fantasque, avec un récit ressemblant parfois plus à la chanson de geste romancée, à une création quasi artistique, plutôt qu’un compte-rendu factuel dont Lucille Guillotin se rapproche plus.

Dans ces conditions, il est en réalité très difficile de se faire une idée de la rencontre, et d’autant plus dans les divisions obscures où nous naviguons désrormais puisqu’il n’y a pas, ou rarement, de diffusion télévisée en direct. Sur ce match, les différences de perception et de restitution sont particulièrement frappantes.

Les supporters sont directs : le match était minable

Voici un florilège des réactions de supporters sur Twitter et sur les forums, en direct, et après le match. Notez que l’excellent Mediasoc de Racingstub a commencé récemment une série de papiers « Vu des reseaux sociaux » dont sont extraits la plupart des exemples de réactions ou de commentaires de supporters ci-dessous.

Les extaits de Twitter sont précédés de l’identifiant de l’auteur qui commence par le signe ‘@’, les autres sont extraits du forum d’après-match de Racingstub. Les fautes ont été laissées telles quelles.

« @athorstub On joue en rose 🙁 #livercs

@NicolasLacaque Attaque defence sans occasion #LiveRCS #ULSDRCS

@NicolasLacaque 0 a 0 on s’enmerde #LiveRCS

@jeremy_RCS Le point positif c’est qu’on a enfin pas prit de but à l’extérieur. Ce n’était plus arrivé depuis le 1er match au Red Star. #LiveRCS

@SergioLotso16 Ce match de merde hier soir .. Usld – Strasbourg

szczepaniak Très bon match nul

originalcrew Mauvais résultat, point. Il n’y a pas de débat. Il faut se réveiller, on ne mène pas un rythme de promu, mais un rythme de relégable (…)

foot-france67 Début de saison catastrophique confirmé par le résultat de ce soir, moins d’un point par match en moyenne, c’est même pas digne d’une équipe flirtant avec la relégation, c’est pire.

athor Je vais me permettre de faire un commentaire, puisque j’ai vu le match. Contrairement à beaucoup ici, et sans verser dans l’optimisme béat, j’ai trouvé qu’on a fait un match plutôt correct, surtout par rapport aux dernières sorties. L’objectif était clairement de se rassurer collectivement, en montrant plus de solidité et d’engagement physique. La composition de départ était tout à fait celle qu’il fallait pour ce genre de mission, et plus généralement celle qu’il faudra pour aller chercher le maintien en National, au moins à l’extérieur: un milieu compact avec un vrai 6 planté devant la défense, et un double rideau sur les côtés, pour sécuriser un secteur défensif fragile. Devant, faute d’un attaquant rapide et puissant (que possède quasiment toutes les équipe de ce niveau, sauf nous. Hier, à l’USLD, c’était Tchokounté), Liénard a tenté de faire le boulot. »

A ce stade de mes lectures, il me semble clair, hormis l’avis, très minoritaire, d’Athor, que tout était mauvais, que les joueurs n’ont pas réagi, qu’il n’y a pas eu de révolte.

La presse écrite voit un match solide, encourageant

C’est donc triste que je me plonge dans la lecture de la Presse Régionale, avec les papiers de Barbara Schuster des Dernières Nouvelles d’Alsace et de Stéphane Godin de l’Alsace (quelques extraits, mélangés) :

« Avec une solidité retrouvée, le Racing a décroché un point précieux à Dunkerque. Après deux défaites consécutives, les Strasbourgeois ont réussi à stopper l’hémorragie. Encourageant pour la suite.

(…)

Après avoir laissé Benedick à la maison, le coach a tranché dans le vif, en titularisant un onze inédit. Au détriment de Perrin et Belahmeur, laissés sur le banc et au bénéfice de Grimm, Momha et Gisselbrecht, dans une organisation en 4-3-3.

Des choix de prime abord surprenants, mais qui se sont avérés payants, notamment durant une première période bien négociée par un Racing en mode « béton », avec un trio Oliveira, Sichi, Amofa accrocheur. En première période, la seule alerte nordiste est venue à la 8e , sur un tir de Madri. Les Strasbourgeois ont ensuite peu à peu sorti la tête de l’eau, grâce au trio Sabo, Lienard, Gisselbrecht et à un Pinaud intenable.

(…)

La deuxième période sera plus favorable aux locaux, qui s’offrent la bagatelle de huit coup-francs aux abords de la surface alsacienne. Il faut dire qu’en face, le Racing s’est recroquevillé en défense, laissant le seul Lienard dans le camp adverse. Plus d’imprécisions, plus de fautes… Cette seconde période n’offre pas un spectacle mémorable, le Racing ne se créant pas la moindre occasion. Mais malgré un dernier quart d’heure compliqué, les Strasbourgeois ont le mérite de ne pas craquer et de ramener (enfin) quelque chose de positif d’un déplacement.

(…)

Au-delà de ces considérations tactiques, on voit bien, dès les premiers instants, que c’est surtout dans l’impact et l’état d’esprit que le Racing affiche un tout autre visage. Quand le porteur du ballon reçoit systématiquement trois Bleus sur le râble, ça devient évidemment plus compliqué pour lui. On n’ira pas jusqu’à dire que le pressing strasbourgeois est aussi féroce qu’un chien affamé devant un steak, mais au moins est-il cohérent. De fait, au terme du premier acte, le gardien du RCSA Guillaume Gauclin n’a toujours pas eu le moindre arrêt délicat à effectuer.

(…)

Malheureusement pour les 1 500 spectateurs, la deuxième période sera totalement cadenassée entre un Racing désireux de ne pas se livrer et une USL Dunkerque peu encline à partir à l’abordage. Guillaume Gauclin devra – c’est vrai – annihiler deux ou trois ballons chauds dans sa surface. Offensivement, le RCSA a disparu. Défensivement, il est bousculé. Il ne lui reste que ce qu’il espérait retrouver dans le Nord : ses vertus de combattant. »

Stupeur et confusion

Là, je suis totalement perdu devant un tel contraste dans l’analyse. Evidemment, pas besoin d’être un grand sociologue pour supputer que la divergence observée vient de la position différente des intervenants. La presse n’est pas supportrice et le supporter réagit émotionnellement le plus souvent, surtout en direct. Je mitigerais cette perception, en remarquant qu’il existe dans les nombreux forums ou sites consacrés au football des supporers capables d’analyses tout à fait posées et froides y compris sur leur propre club (je ne parle pas de moi).

De même qu’il existe des journalistes ou intervenants médiatiques incapables d’aller au-delà des propos de comptoirs, sous prétexte de proximité avec une audience dont on suppose que les décideurs des médias la considère comme composée essentiellement d’abrutis.

Voir le match sans l’avoir vu… amusant

Reste que c’est un loisir amusant que de vivre les matchs par procuration à travers les yeux d’individus aux motivations et vocations différentes. C’est comme se plonger dans le meurtre de J. F. Kennedy. Il y a les films d’amateurs sous 32 angles qui montrent tous quelque chose de différent, et puis les centaines d’analyses ultérieures, qui, à partir des mêmes événements percoivent et décrivent des réalites à la fois factuelles et déduites, supposées ou imaginées totalement différentes.

En ce qui concerne les vidéos, justement, l’expérience des résumés de match en vidéo mis en ligne est aussi intéressante. Le format impose de ne voir quasiment que les aboutissements d’action. Impossible ou presque de voir une construction d’action dans la longueur, ou les multiples ratés d’une équipe dans le doute.

A ce titre, la vision des résumés du match face au Poiré-sur-Vie (défaite 1-3 du Racing, à la Meinau), la semaine précédente, et celui du match à Dunkerque, montre des choses assez similaires finalement, hormis les buts, bien sûr. Des centres ou des passes qui aboutissent sur un joueur qui tente de marquer, il y a aussi des corners. Mais, si on enlève les buts du premier match, on voit finalement des choses semblables. Et pourtant les analyses divergent fortement.

Aucune alternative à aller au stade

Avec tout ça, je ne sais toujours pas si les joueurs du Racing ont réagi face à Dunkerque en arrachant un nul à l’extérieur au courage et faisant montre d’un état d’esprit de battants, ou s’ils ont réalisé un non-match grotesque émaillé d’approximations ridicules et sous le signe du renoncement.

Ce qu’il en ressort, c’est que la seule facon de réellement comprendre ce qui se passe, c’est d’aller au match. Le reste est une traduction filtrée par des points de vue. En allant au match, on a son propre jeu de filtres, y compris celui des boissons ingérées pour se préparer à supporter la rencontre. Celui avec lequel on est confortable, et on en ressort en ayant ses propres certitudes. Probablement aussi inexactes que celles des autres, mais ce sont les nôtres, et c’est bien.


Le football est ma religion, le Racing ma confession. Je ne suis pas baptisé, si ce n’est à la sueur de mes premières émotions de supporter. Déjà 20 ans que ça dure et ce n’est pas prêt de s’arrêter…

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