Défendre la rigueur scientifique face aux opinions arbitraires, encourager le développement de la pensée critique et amener les pouvoirs politiques à plus prendre en compte les résultats scientifiques… telles sont les revendications de la marche du 22 avril.
À Strasbourg, après un rassemblement à 14h Place Kléber autour d’animations sur la science, le cortège partira à 15h 30 en direction du palais Universitaire où aura lieu un second rassemblement. Les marcheurs s’arrêteront alors pour un temps d’échange et de témoignages.
Une marche politique
Il s’agira de la première « Marche pour les sciences », un mouvement né aux États-Unis (March for science) lors de la campagne présidentielle, où Donald Trump a plusieurs fois remis en cause la démarche scientifique.
Selon Mathieu Schneider, vice-président Culture et Sciences en société de l’Université de Strasbourg, la logique première de cette marche internationale est celle de la défense de la démarche scientifique :
« Cette marche a été initiée suite à l’élection de Donald Trump et ses propos sur le réchauffement climatique. Cette vague de protestation qui a débuté aux Etats Unis s’est étendue de manière internationale assez rapidement chez la communauté scientifique pour dénoncer le fait que les résultats issus de la recherche soient remis en cause. On défend cette logique de travail, prouvée par des méthodes, des processus, des procédés qui sont validés et internationalement normés. Que les pouvoirs publics aient contesté ces résultats, c’est un déni du travail des chercheurs et de la science ».
Cette marche mondiale aura lieu dans plus de 30 pays, soit 400 défilés en tout dont 19 en France. Organisée à l’occasion du jour international de la Terre, elle coïncide en France avec la veille du premier tour de l’élection présidentielle.
Une coïncidence, mais un moyen de relier la cause à l’agenda politique en France pour Mathieu Schneider:
“Le but de cette marche c’est une prise de conscience citoyenne, un travail de fond pour dire: Attention, il y a des signes qui rappellent, dans les dix dernières années, des situations qui se sont produites dans le passé. On pourrait rappeler les régimes totalitaires dans les années 1930 pour lesquels il y a eu soit une instrumentalisation de la science à des fins non-déontologiques, c’est à dire utilisant la science contre les humains, soit une volonté de nier un certain nombre de résultats de la science. Il y a des signes, au XXIème siècle, qui doivent nous alerter. Si la science est menacée c’est aussi tout un pan de la société qui peut être menacé et c’est sur ça qu’on veut rendre attentifs les citoyens.”
L’argent, le nerf de la science
Soutenir la science et la recherche, au delà du fait de ré-affirmer publiquement son utilité, c’est aussi la financer correctement. Ce message, porté depuis deux ans par « Sciences en Marche » est cependant absent des revendications du comité d’organisation de la Marche pour les Sciences de Strasbourg, même si l’on retrouve des mêmes scientifiques dans les deux initiatives.
La question des moyens ne sera donc, cette fois ci, pas sur le devant de la scène. Pour Nicolas Matt, vice-président de l’Eurométropole et chercheur au CNRS en biologie, il suffirait que la France suive ses engagements européens :
« En 2000, les Etats européens se sont rejoints à Lisbonne et l’objectif à 3% du PIB consacré à la Recherche a été fixé à l’échelle de l’Union européenne. C’était il y a 17 ans et en 17 ans il ne s’est rien passé en France. »
En effet, la part du PIB reste bloquée à 2%, soit moins que d’autres pays qui ont fait, eux, « le pari de la recherche » dixit Nicolas Matt.
Pour l’élu-chercheur, le problème résiderait donc essentiellement dans un manque de volonté politique. Une situation qu’il explique, entres autres, par le fait que les citoyens ne se sentent plus concernés par l’Université et par la démarche scientifique.
« Les scientifiques ne sont pas des communicants »
Alors, comment redonner confiance en la parole scientifique, intéresser les citoyens et par ce biais, impacter les décisions politiques ?
Selon Nicolas Matt, il faudrait commencer par mieux communiquer. Ce n’est pas l’avis de Manon Corbin, doctorante au CNRS de Strasbourg pour qui « Les scientifiques font de la science, ce ne sont pas des communicants et ils n’ont pas à devenir des communicants ».
Il est, selon elle, indispensable de communiquer mais ce n’est en rien le rôle des scientifiques eux-mêmes et que cela ne doit pas devenir un critère d’évaluation des chercheurs.
Pour cette première Marche pour les sciences les organisateurs attendent plus de 200 personnes. Reste à voir si elle saura fédérer au delà des cercles universitaires.
Chargement des commentaires…