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Manuel Pratt : grillé auprès de toutes les radios, résident du Kafteur

Jusqu’au 19 janvier, Manuel Pratt revient au Kafteur, toujours aussi corrosif. C’est justement parce que le Kaf’ fête ses 20 ans qu’il présente, en habitué du lieu, un spectacle florilège. L’occasion de revenir avec lui sur une carrière pas comme les autres.

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Manuel Pratt : grillé auprès de toutes les radios, résident du Kafteur

Les handicapés, les vieux, les coiffeuses, les profs,… la gouaille de Pratt n'épargne personne. DR

Fil d’attente, petits nouveaux et habitués, la première du spectacle florilège de Manuel Pratt attire le monde, quasi retraités ou encore étudiants. Aux murs de la petite salle de la rue Thiergarten, des affiches de ses anciens spectacles. Manuel Pratt est un abonné du Kaf’: depuis 1997, il est venu en décaper la scène une bonne dizaine de fois, avec toujours un spectacle différent, du stand-up au théâtre documentaire plus grave, traitant des couloirs de la mort, d’Auschwitz ou de l’Algérie.

Dissolvant, acerbe, sans limites, abrasif. Le style Pratt, on le connaît et les amateurs de sensations fortes trouveront une fois de plus leur bonheur en l’écoutant. Au contraire des esprits trop policés. Pour ce best of, l’humoriste d’Avignon a pioché dans une dizaine de ses précédents spectacles ce qui l’amusait le plus. Ce panorama ne pouvait donc être que plein de mordant et de cynisme. Du pur Pratt, où un président misanthrope instaure un impôts du col du fémur, où tirer la langue à un aveugle est un petit plaisir du quotidien, où la burqa éveille le désir,… Le racisme, la religion, les juifs et le business, le couple, Manuel Pratt n’épargne pas grand-monde et c’est tant mieux. Dans le public, les rires francs côtoient parfois des « oh » d’indignation. La mayonnaise prend et pour la goûter, le plus simple est encore d’aller voir.

Côté coulisses

L’humoriste commence dans le public – sur la Marseillaise interprétée par Mireille Mathieu – et finit dans le public. C’est aussi ça Manuel Pratt. Les paillettes il s’en fout. Il n’a d’ailleurs plus vraiment le choix:

« J’ai un regard très détaché sur ma carrière, surtout depuis que je me suis définitivement grillé auprès de toutes les radios et de toutes les télés. Ce n’était pas du tout un choix au départ, mais c’est aujourd’hui une situation complètement assumée. C’est même pour moi une façon de garder ma crédibilité. Je trahirai ceux qui me sont fidèles si j’allais me fourvoyer dans certaines émissions. »

A rebours de la majorité de ses confrères humoristes, Manuel Pratt poursuit sa carrière sans projecteur, rythmée par les petites salles et le festival d’Avignon. Quand on veut combattre l’hypocrisie, c’est encore le meilleur chemin.

« J’ai vu une vraie évolution : beaucoup d’humoristes pratiquent, ou se sentent obligés de pratiquer l’autocensure. Ce que je dis, personne ne le dira. Du coup, j’ai un boulevard devant moi. Mais le circuit se réduit comme peau de chagrin. Et puis c’est triste à dire, mais la nouvelle génération n’est pas couillue du tout ! »

N’allons pourtant pas se tromper. Manuel Pratt n’espère nullement qu’une révolution éclate à la fin de son spectacle, même si, côté public, il note une évolution:

« Les gens me semblent plus ouverts, mes spectacles passent mieux qu’avant. Ils sont dans une époque tellement consensuelle que j’ai aujourd’hui un vrai public défouloir. »

Rien d’étonnant, puisque l’objectif de Manuel, on ne peut plus simple, est de continuer à s’exprimer sur scène. Pas même nourrir une lutte, juste « casser le tabou pour casser le tabou ». Le politiquement correct est bien son ennemi mortel.

Papa de deux petites filles, ses "raisons de vivre", Manu Pratt n'hésite pourtant pas à se moquer de ses propres enfants…et de lui-même! DR

Du mordant pour croquer la vie

A l’avoir face à soi, après le spectacle, on se rend bien vite compte que l’humour, aussi noir qu’il soit, est avant tout une manière de prendre la vie par les cornes. « Ma famille, qui a fui la déportation, m’a appris à rire du désespoir », nous confie-t-il. Parce que la vie passe avant tout. L’humoriste en a d’ailleurs eu plusieurs: opticien, puis éducateur en prison:

« Je faisais mal mon boulot, ce n’était plus pour moi. Un matin je me suis levé en me disant « je suis triste ». J’ai tout plaqué du jour au lendemain. L’important est de se faire plaisir ! Quand je n’aurai plus le trac, que je ne prendrai plus de plaisir à être sur scène, j’arrêterai de la même manière. »

Derrière le cynisme et l’humour désespéré, c’est finalement l’optimisme qui pointe le bout de son nez. Manuel n’égratigne le monde que pour mieux le saisir. Son véritable crédo : « vivre comme si j’allais mourir dans dix minutes ». Il a beau se moquer de tout et de tous, ses sketches au vitriol nous lancent surtout un carpe diem, utile parce qu’acide. Alors hop! Pratt, et ça repart…

Y aller

Manuel Pratt, Spectacle Florilège!, du 10 au 19 janvier  (relâche dimanche et lundi) à 20h30 au Kafteur, 3 rue Thiergarten. Réservations: 03 88 22 22 03. www.kafteur.com


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