« Ce gouvernement fait comme s’il ne se passait rien dans la rue », constate, pleine de colère, Esther Bauer, cosecrétaire du syndicat Solidaires Alsace. Dans le cortège du mercredi 15 mars, le sentiment, généralisé, s’accentue : huit journées de mobilisation, des grèves reconduites depuis le 7 mars et une immense majorité de Français opposés au départ à la retraite à 64 ans… Et malgré cette colère populaire, une réforme qui suit son cours au parlement.
Le Sénat et ses membres aux retraites confortables ont voté pour. Place à la commission mixte paritaire, à huis clos, pour concilier le Palais bourbon et le Palais du Luxembourg. Il ne manque plus qu’une menace de recours à l’article 49-3 pour convaincre les manifestants strasbourgeois : avec la Macronie au pouvoir, la démocratie est dans la rue.
« On peut monter d’un cran »
Dans ce contexte de surdité du gouvernement, deux manifestantes forment une brigade spéciale de nettoyage des oreilles, celles du Président de la République. La manifestation est aussi un lieu de fête et de caricature. Mais les responsables syndicaux n’ont pas le cœur à rire. Délégué syndical Force Ouvrière pour Électricité de Strasbourg, Jonathan Reinhardt rappelle l’attitude mesurée de l’intersyndicale jusqu’à maintenant :
« Pour l’instant, on contient la colère. Mais on peut monter d’un cran avec des actions radicales comme des coupures d’électricité de notre côté. C’est loin d’être perdu, moi je suis optimiste sinon je ne serais pas là. »
Renforcé par la détermination et le nombre de personnes mobilisées – « du jamais vu » – le conducteur de trains et secrétaire régional du syndicat Sud Rail Alexandre Welsch ne croit plus dans les grandes manifestations :
« La seule chose qui fera plier le gouvernement, et les gens le comprennent de plus en plus, ce sont les blocages, comme ceux des éboueurs à Paris, des routiers ce matin à Strasbourg ou des étudiants à la fac. Aujourd’hui on voit que de plus en plus de secteurs entrent dans la lutte et font des actions : le soutien populaire est énorme, des membres du gouvernement sont très fébriles pour défendre la réforme. Ils vacillent on va continuer pour les faire chuter. »
« Même si le texte est adopté, la mobilisation doit continuer »
Nacer, conducteur de bus à la CTS et délégué syndical Sud Solidaire, estime que la mobilisation va se radicaliser si le gouvernement reste sourd aux revendications des syndicats :
« Cela s’ajouterait aux conditions de travail difficiles de nombreuses personnes. Je le vois chez les collègues, il n’en peuvent plus des cycles infernaux, des journées avec une amplitude de 12h. Ça va péter. Il va y avoir des grands mouvements de colère. »
« Même si la réforme est votée, cela ne changera pas le fond du texte, les gens voudront simplement le retrait du vote », abonde Yannick Lefebure. Pour le secrétaire général adjoint de l’union départemental de Force Ouvrière, « si le gouvernement sort le 49.3, le pays va s’embraser, les salariés ne le supporteraient pas ».
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