Les agents de police entendaient dénoncer les difficultés auxquelles ils sont confrontés sur le terrain, le manque de moyens humains et matériels qu’ils subissent et l’absence de soutien de leur hiérarchie et des responsables politiques.
Thierry (les prénoms des policiers ont été changés), en service à Strasbourg depuis 3 ans, en veut à sa hiérarchie :
« Nous ne sommes pas du tout soutenus par notre hiérarchie et nous servons de fusible quand une affaire devient trop médiatique. Nos chefs préfèrent acheter la paix sociale plutôt que d’avoir des émeutes dans les quartiers. Quand on voit les antécédents judiciaires des délinquants auxquels nous avons à faire, il y a un sentiment d’impunité totale pour ces récidivistes. On va nous demander de matraquer le Français lambda qui travaille, de faire des contrôles routiers et des verbalisations et après quand un délinquant circule sur une moto volée avec une bombonne d’héroïne au Neuhof, on nous demande de ne pas le prendre en chasse. Parce que s’il chute de sa moto pendant qu’on le poursuit et qu’il y a un drame, les jeunes vont faire des émeutes… »
Sa collègue Fanny poursuit :
« Il n’y a qu’à voir les consignes qu’on nous donne à chaque nouvel an. On nous dit : vous sortez des cités à minuit et vous y revenez à 1h30. Après on n’a plus qu’à compter les cadavres de voitures brûlées. On n’a plus aucune crédibilité dans les quartiers. »
L’expérience de la violence anti-flics
La violence des délinquants envers les flics, Fanny en a l’expérience :
« J’ai 12% d’invalidité à l’épaule après trois mois d’arrêt de travail. On s’est retrouvés à 5 mecs contre deux flics. Ils sont toujours dans la nature. Ils n’ont même pas fait de garde à vue. Un mec qui met des lardons devant une mosquée, c’est un criminel, et celui qui caillasse un flic c’est un sauvageon. Faut arrêter. »
Damien renvoie les politiques dos à dos :
« Cette situation, ça fait 15 ans que ça dure, que les gouvernements soient de droite ou de gauche. »
Le Neuhof, la Meinau, Hautepierre, la cité de l’Ill et de plus en plus l’Elsau… pour les policiers dans les cités de Strasbourg, une minorité de délinquants fait aujourd’hui la loi :
« On parle vraiment de minorités au sein des quartiers, d’une cinquantaine de mecs avec des antécédents judiciaires impressionnants et qui ne vont pas en prison. »
Insultes quotidiennes
Damien raconte que les insultes et les menaces sont quotidiennes dans son travail :
« On se fait insulter tous les jours. Avant-hier, en intervention à la cité de l’Ill un jeune m’a dit : “casse toi, t’as rien à faire ici. On va te cramer.” On ne peut pas lancer des procédures à chaque fois qu’on se fait insulter ou menacer. En moyenne on n’en fait remonter qu’une sur dix. Les procédures prennent trop de temps et mobilisent trop de moyens pour des sanctions pénales dérisoires derrière. Et d’ailleurs si on en fait trop, notre hiérarchie nous rappelle à l’ordre. »
Mais aujourd’hui, la défiance ne concerne plus que les délinquants regrette Fanny :
« Même si on observe un léger mieux depuis les attentats, on se fait régulièrement insulter par n’importe qui sur de simples contrôles routiers, par des médecins, des infirmières… »
Pompiers solidaires
Une quinzaine de pompiers sont venus manifester leur solidarité avec les policiers. Cyril Grandpre, responsable du syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des agents administratifs et techniques du SDIS 67, explique :
« En tant que pompiers, nous subissons les mêmes choses lors de nos interventions en zones urbaines sensibles. Tous ceux qui portent un uniforme sont assimilés au gouvernement et on s’en prend à nous. Ce sont des insultes, des caillassages, des crachats… Et le problème se déplace : nous subissons désormais des agressions dans les villages en périphéries de Strasbourg aussi. On n’arrive plus à faire face parce qu’on est en sous-effectifs. »
Pour le pompier, le manque de reconnaissance des pouvoirs publics est alarmant :
« Nous n’avons plus la reconnaissance du gouvernement, ni même des élus locaux. Il ne nous reste que la reconnaissance à titre posthume et celle-là on n’en veut pas et nos familles non plus. »
Vers 22 heures, plusieurs camions de pompiers ont remonté la ligne de tram devant la place Kléber en klaxonnant en signe de soutien à la manifestation. Celle-ci s’est déroulée dans le calme et s’est terminée avec le chant d’une Marseillaise.
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