Le 19 septembre, la journaliste indépendante Ariane Lavrilleux a été perquisitionnée à son domicile à Marseille par neuf agents de la Direction du renseignement intérieur (DGSI). Ils cherchaient des éléments pour trouver qui, au sein de leurs services, a informé la journaliste spécialisée sur les sujets de défense au Moyen-Orient. Dans une enquête publiée sur Disclose en novembre 2021, Ariane Lavrilleux a démontré que des moyens de surveillance antiterroristes fournis par la France à l’Égypte ont été détournés pour servir dans des opérations militaires égyptiennes contre des contrebandiers présumés.
« Selon les documents ”confidentiel-défense” obtenus par Disclose, les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018. Les frappes détruisant souvent plusieurs véhicules, le nombre de victimes pourrait se chiffrer à plusieurs centaines. »
Extrait de l’enquête d’Ariane Lavrilleux pour Disclose, sur l’opération « Sirli ».
Une violation du secret des sources
Après une garde à vue de 39 heures, la journaliste n’a pas été mise en examen dans le cadre de cette enquête de la DGSI mais sept des dix scellés obtenus lors de la perquisition (des notes, des clés usb, des données informatiques) ont été versés à la procédure. Cette saisie constitue une violation du secret des sources, un principe garanti par la loi sur la liberté de la presse de 1881 et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cette atteinte a été autorisée par la justice au nom d’un « impératif prépondérant d’intérêt public », une disposition particulièrement floue, prévue par la loi Dati de 2010.
Pour protester contre cette menace contre la liberté de la presse, une liberté dont jouissent tous les Français, le collectif Prenons la Une et le collectif Presse-Papiers, dont fait partie Ariane Lavrilleux, appellent à un rassemblement devant les tribunaux de France mardi 3 octobre à 18h30. Le rassemblement strasbourgeois, à l’initiative de Rue89 Strasbourg, est prévu sur le parvis du tribunal judiciaire, quai Finkmatt.
Le gouvernement contre la presse
Le gouvernement ne semble pas prendre la mesure du problème. Depuis qu’a éclaté cette affaire, tous les ministres ont soigneusement évité de répondre aux questions des journalistes. Interrogé par un député à l’Assemblée nationale mardi 26 septembre, le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti a répondu laconiquement : « La justice de notre pays est totalement indépendante » sans répondre sur l’atteinte au secret des sources des journalistes.
Cette affaire illustre l’incapacité des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron à préserver la liberté de la presse, après plusieurs lois restrictives, et alors que la France manœuvre auprès de la Commission européenne pour autoriser l’usage de logiciels espions contre les journalistes dans le Media Freedom Act, un règlement européen qui doit préserver le pluralisme et l’indépendance des médias. Ce texte est étudié au Parlement européen à partir de lundi 2 octobre. Ces affaires extrêmement graves surviennent alors que doivent débuter mardi 3 octobre des États généraux de l’information, voulus par l’Élysée.
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