Dans Manchester by the sea, Casey Affleck interprète un concierge taiseux et taciturne, forcé de revenir sur les terres de sa jeunesse suite au décès de son frère ainé. Le testament de ce dernier le nomme tuteur légal de son neveu adolescent. Malgré son attachement au jeune homme, l’exilé, victime d’un drame familial plus ancien, ne rêve que de s’enfuir à nouveau.
Un drame (trop) affirmé
À défaut d’être un cinéaste confirmé, l’auteur du film, Kenneth Lonergan, est un scénariste reconnu et émérite. Il est également dramaturge, passionné des atermoiements silencieux de ses personnages et de la réalité du deuil qu’il met en scène. Le réalisateur s’attache à combler les ellipses, à remplir les temps morts que d’autres négligeraient. La grande prouesse du métrage, c’est ainsi sa gestion du temps ou plutôt la manière dont il le gomme. Le film dure 2h20. Il pourrait aussi bien durer 1h20 ou 4h40. Evidemment, admettre une forme d’affection pour les protagonistes, c’est admettre le rythme indolent du film, pour se laisser absorber et vivre cette douleur associée aux premières (longues) heures du deuil. L’écriture, soignée, et le casting irréprochable facilitent l’empathie pour des personnages quelque part difficiles à aimer.
Pour ce rythme lent, ses working class heroes, son front de mer venteux de la côté est, Manchester by the sea évoque les chansons et l’univers de Bruce Springsteen. Mais les mélodies et les récits du Boss ont le mérite de ne pas surjouer, de ne pas forcer l’émotion. À l’inverse, Lonergan ne mesure pas encore la distance qui sépare l’écrit de l’écran.
Au coeur du film, il y a une grande et très tragique séquence, qu’il vient habiller de l’Adagio d’Albinoni. La démarche est signifiante, maladroite, à peine digne d’un étudiant en cinéma. Le réalisateur sacrifie ainsi le naturalisme de son oeuvre à l’autel du mélodrame. Il tente de transformer une chronique ouvrière en tank émotionnel, et pêche par facilité, abîmant quelque peu un long-métrage prometteur.
La confirmation d’un très grand comédien
Mais au-delà de ces excès, Manchester by the sea demeure un bel écrin pour un acteur sous-estimé. Casey Affleck, frère de l’autre, navigue dans les eaux du grand cinéma indépendant depuis près d’une décennie.
Dans l’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, il était saisissant de veulerie. Dans Gone, baby, gone, il incarnait parfaitement le privé de South Boston si cher à Dennis Lehane. Dans le film de Lonergan, il est un homme blessé, sans effusions, sans cris, sans larmes.
Son minimalisme, pour le coup totalement salutaire, pourrait lui valoir une statuette en mars prochain.
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