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La maladie d’amour, celle que je ne soigne pas

Souvent, je reçois des patients dont les symptômes ne sont pas clairs, diffus, erratiques. Et pour les soigner, je dois compter sur le lien précieux qu’un médecin généraliste peut nouer avec ses patients. Mais mon aide a des limites…

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Anatomie du coeur humain, par Léonard de Vinci (Thierry Ehrmann / Flickr / cc)

Anatomie du coeur humain, par Léonard de Vinci (Thierry Ehrmann / Flickr / cc)
Anatomie du coeur humain, par Léonard de Vinci (Thierry Ehrmann / Flickr / cc)

BlogJuliette aime Sébastien qui est marié avec Marie. Juliette est ma patiente. Elle a eu un enfant avec Sébastien. Mais c’est un secret. L’enfant est encore jeune, Juliette vient me voir parce qu’il a des accès de violence à l’école et Juliette est triste .

Maladie d’amour

Geneviève est mariée depuis 15 ans, elle a une fille que je connais bien de 11 ans,  Héloïse. Elle a le moral en dent de scie. Je la vois pour des troubles du sommeil. Après plusieurs années de consultations épisodiques, elle me dit qu’Heloïse est la fille d’un autre qu’elle aime depuis des années. C’est un secret pour Héloïse. Son mari sait : il est stérile. Il lui a fait jurer de ne jamais le dire à leur fille. Geneviève est restée avec son mari, n’a jamais rien dit.

Maladie d’amour

Clément se gratte au sang avec des accès incontrôlables et a des lésions de grattage terribles des jambes. Aucune circonstance particulière, pas d’allergie. Clément a 25 ans. Il a une petite amie depuis deux ans. Mais il en aime une autre. Il l’aime depuis toujours et cette fille va partir loin.

Maladie d’amour

Justin fait des poussées de psoriasis très visibles et invalidantes. Je le soigne depuis plusieurs mois, il va mieux. Depuis deux semaines, elles sont épouvantables :  la fille dont il est fou amoureux lui a avoué en aimer un autre.

Maladie d’amour

Isabella est veuve depuis trois  ans. Elle a 38 ans et un fils de huit ans. Elle ne sort pas de sa dépression, elle ne pèse plus que 36 kg. Elle me parle encore et toujours de son mari au présent. Je l’hospitalise.

La confiance que nous accordent nos patients, après plusieurs années souvent, et le secret médical sont les deux ingrédients qui nous permettent des diagnostics qui sont tout sauf scientifiques. Mais tout médecin qui écoute un peu ses patients sait.

Cette relation se tisse doucement comme une toile très fine et ce lien se renforce au fur et à mesure du temps qui passe. La toile peut toujours se déchirer. Elle est fragile. Elle demande du respect de part et d’autre. Et ce lien là est un bel aspect de mon métier. Il permet au médecin que je suis de comprendre ce qui est intangible, invisible, ce qui lie certains symptômes physiques à l’état psychique du malade.

Le médecin  sait alors que la maladie peut être l’expression de peines de cœur. Et que ce n’est pas rare. Pouvoir dire pour ce malade-là est important. Important pour tenter de soulager. Cette maladie-là ne se soigne pas.

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