Premier étage de la mairie de Holtzheim, au cœur de cette petite ville de 3 585 habitants située au sud-ouest de la CUS, près de Lingolsheim et Entzheim. André Stœffler, 70 ans cette année, occupe les lieux depuis 1989. Ancien directeur de l’agence Crédit Mutuel de Holtzheim puis d’Illkirch-Graffenstaden, ce retraité de la banque se targue de passer « 50 heures par semaine » au service de ses administrés, et ce depuis 25 ans. Et pour cause, en 1989, 1995, 2001 et 2008, le maire qui « connai[t] tout le monde par son prénom » et a « financé toutes les maisons du village il y a 20 ans », n’a eu affaire à aucune opposition dans sa ville.
« Ces gens se fichaient du village comme de leur première chemise »
Or, ce bon temps est révolu. Depuis 2012 et une pétition contre « le projet immobilier de trop » selon ses détracteurs, André Stœffler doit composer avec Pia Imbs (sans étiquette) et son équipe, qui font campagne contre lui pour prendre la mairie en mars. Même si « c’est très bien d’avoir un peu de concurrence, du moment qu’on reste intelligent », assure le maire « de droite » en préambule, il sort très vite l’artillerie lourde pour dézinguer sa challengeuse :
« Cette dame dit qu’il n’y a pas de démocratie à Holtzheim ? C’est ridicule ! Quand on me critique sur le manque de concertation, par exemple sur le foyer d’accueil médicalisé, je réponds que j’ai toujours fait les choses dans les règles de l’art ! L’enquête publique a eu lieu en 2008, mais ces gens là se foutaient de la commune comme de leur première chemise à ce moment-là… Même chose pour la création des zones d’activités. Ces attaques ne reflètent pas la réalité, c’est vraiment pas sympa ! »
« Elle attend que je sorte mon programme pour le critiquer »
Manque de concertation, mais aussi endettement exagéré, primauté du tout-voiture, intégration manquée des nouveaux habitants (+1 500 en 25 ans), croissance démographique non-maîtrisée, etc. Les critiques portées par Pia Imbs, universitaire de 53 ans, et ses 22 colistiers sont nombreuses. Leurs chevaux de bataille : la rénovation de la salle polyvalente de la Bruche en cœur de village et non sa destruction-reconstruction en périphérie, la création d’un centre-ville convivial avec un marché, des bancs et des commerces, la réhabilitation énergétique des bâtiments publics, un plan de circulation repensé avec les habitants, ou encore une baisse des tarifs de cantine (environ 10€ par jour selon la candidate).
Maître de conférence à l’Ecole de management (EM) de Strasbourg, titulaire de la chaire développement durable de l’Université de Strasbourg (son CV sur LinkedIn), Pia Imbs a placé le débat très haut. Trop haut peut-être. Sur son tract de campagne, il est question de « lutte contre la surconsommation foncière », d’accélération du « déploiement du très haut débit sur la commune », d’ »appuis logistiques » aux associations de jeunes, etc. En face, le sortant s’en tient à une profession de foi générale, pour ne pas dire vague, qui reprend son bilan et glisse dans le dernier paragraphe une savonnette à Pia Imbs :
« Se porter candidat à une élection municipale ne se limite pas à un jeu, dont l’objectif unique consiste à battre l’équipe en place, pour ne pas dire le premier magistrat en place, mais requiert beaucoup d’engagement, de sérieux et d’attention pour son prochain. »
Et toc. Par ailleurs, André Stœffler ne dévoilera ses « 20 idées » que début mars – la page correspondante sur le site de la liste est vide, « parce que cette dame n’attend qu’une chose, que je sorte mon programme pour le critiquer ».
« Elle n’a qu’un objectif, protéger le frère agriculteur »
Néanmoins, André Stœffler devrait sans surprise proposer la poursuite de la politique menée depuis plus de deux décennies, comme le laisse penser son slogan de campagne, « liste d’union communale sous le signe de la continuité« . En résumé, « expansion démographique » et nouveaux quartiers – 6 en 25 ans -, parcs d’activités pour attirer des entreprises, ronds points et voiries, grands équipements publics.
Alors que pour la professeure d’économie, la multiplication des ZAC et des lotissements est « une fuite en avant » qui prive Holtzheim de son « esprit et de son âme de village », transformant la ville en « banlieue de Strasbourg et cité dortoir » où les gens ne se connaissent plus, le maire sortant juge quant à lui que la commune « ne s’est pas développée assez vite ». Il renchérit :
« En fait, la candidate n’a qu’un objectif, protéger le frère agriculteur, avec qui j’ai des misères depuis 20 ans [ndlr, l’exploitation agricole en question serait la seule réserve foncière en zone constructible disponible sur le ban communal, bordé par l’aéroport, la Bruche et des voies rapides]. Elle s’est battue pour conserver une dent creuse en ville parce que mon projet [de salle des fêtes en périphérie], il y avait son frère au milieu !
Elle critique la dette, mais j’ai [ndlr, la commune a] une surface financière exceptionnelle. Je ne lui permettrai plus de parler de la dette ! En 2 ans, je rembourse tout ! J’ai d’abord investi et maintenant les nouveaux impôts vont commencer à rentrer. Si la docteure en économie qu’elle est ne comprend pas ça, qu’elle vienne et je lui explique ! D’ailleurs, il y a 25 ans quand je suis arrivé, il n’y avait pas d’argent dans les caisses, j’ai dû faire des emprunts pour rembourser. Son père était était adjoint au maire à l’époque… »
« Elle n’a pas de Holtzheimois sur sa liste »
Sous entendu, (famille de) paniers percés un jour, paniers percés toujours. Il en remet une louche : « Son projet de marché va coûter les yeux de la tête, il va falloir démolir des bâtiments ». Epouvantail ? Et embraie :
« La population sait de quoi il retourne, je ne suis pas du tout inquiet. De toute façon, elle n’a que des nouveaux sur sa liste, pas des Holtzheimois. Les Holtzheimois, eux, ils défilent ici [dans mon bureau]. C’est ça qu’ils veulent [ndlr, en disant cela, André Stœffler se désigne] ! C’est moi, la maison de retraite, l’association des miniatures, les chauffeurs bénévoles. Cette dame [Pia Imbs] y met les pieds pour la première fois cet hiver. »
André Stœffler assure avoir encore quelques « bombes » dans sa besace sur les colistiers de sa challengeuse, pour faire – au besoin – exploser la liste en vol. Une agressivité qui prouve à quel point l’édile se sent pour la première fois sur la sellette, à croire même que la sophistiquée Pia Imbs aurait toutes ses chances dans la capitale alsacienne des édifices miniatures. « De toute façon, la commune ne l’intéresse pas, elle vise plus haut, le département, la région… » La dernière vacherie du banquier contre la prof.
Aller plus loin
La liste de Pia Imbs : Avenir Holtzheim 2014
La liste d’André Stœffler : Union communale de Holtzheim
Sur Rue89 Strasbourg : municipales à Ostwald, choc de générations dans la ville dortoir
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur les élections municipales
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