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En mars au Maillon, les paysages protéiformes de Nathalie Béasse

Pour l’un de ses plus gros temps fort de l’année, le Maillon invite jusqu’au 26 mars la metteure en scène Nathalie Béasse. L’occasion de découvrir sa vision libre, transdisciplinaire et sensible du théâtre à travers trois de ses pièces et plusieurs ateliers.

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En mars au Maillon, les paysages protéiformes de Nathalie Béasse

Metteure en scène, chorégraphe, plasticienne, scénographe, écrivaine de plateau ou encore performeuse… Il est aussi complexe de définir Nathalie Béasse que de qualifier ses pièces. En jouant avec la mélancolie et le burlesque, l’artiste mêle musique, jeu et projection pour aborder des thèmes qui ont traversé les âges tout en gardant leur pertinence. Du rapport au langage, à l’enfance, en passant par les rites de passage et les mécanismes du rire.  

Un hymne à la liberté et au mélange des arts

Figure majeure du théâtre contemporain, Nathalie Béasse a déjà été saluée par plusieurs prix et a été invitée à la 45e biennale de Venise. Elle est déjà passée par le Maillon, en 2019, pour y présenter Le bruit des arbres qui tombent, puis elle est revenue en 2021 pour créer, lors d’une résidence, Ceux-qui-vont-contre-le-vent, présentée ensuite au Festival d’Avignon.

Nathalie Béasse est aujourd’hui une figure majeure du théâtre contemporain Photo : de C. Bellaiche

Dans la lignée de cette coproduction, la metteure en scène réinvestit la scène strasbourgeoise du 16 au 26 mars pour un « temps fort » appelé Paysage #1. Le temps de découvrir trois de ses pièces et de s’immerger dans sa vision de l’art, dans son propre « paysage » construit au fil de ses créations. « La fin du dernier spectacle est toujours le début du prochain… », écrit-elle. 

Une continuité et une unité alimentées par les collaborations qu’elle préfère au long cours. Si l’on retrouve souvent les mêmes comédiens sur scène, elle peut également compter sur une équipe fidèle de techniciens. Cela qui lui permet de proposer, en toute cohérence, plusieurs de ses pièces sur un temps court.

Replonger en enfance pour démarrer

Pour inaugurer ce temps, le Maillon propose aux spectateurs une création de 2013 : Tout semblait immobile. Sur scène, trois comédiens assis à une table, face au public, débutent une conférence sur le thème du conte. Mais la rigueur, la rationalité et un certain immobilisme de mise sont bientôt dépassés par l’appel de la forêt, de l’art et du mouvement.

Plus proche de performances que de pièces de théâtre à proprement parlé, les créations de Nathalie Béasse sont souvent issues d’écritures de plateau. Tout semblait immobile Photo : de Wilfried Thierry

Le spectateur ne peut alors que les accompagner dans leur bascule vers l’imagination, en passant du réel à l’onirique. En cherchant l’instinctif et la liberté sur scène, Nathalie Béasse ne s’adresse plus à notre intellectualité mais à notre sensibilité. Pour la comprendre, il faut accepter de lâcher prise, ne pas savoir d’où vient précisément ce frisson, cette émotion, ce « serrement de gorge », comme elle l’appelle.

Si le spectacle est accessible dès 10 ans, Nathalie Béasse veut replonger l’intégralité de son public en enfance pour reconstruire les mécanismes du conte et de l’oralité à la source.

Spectacle total pour continuer

Le voyage dans l’univers de Nathalie Béasse poursuit avec le retour de Ceux-qui-vont-contre-le-vent, sur son lieu de création. Imaginé au Maillon lors d’une résidence en 2020, cette pièce propose de poursuivre un voyage artistique jusqu’à la mise en place sur scène d’un nouveau monde. Entre corps, mouvement et matière, la metteure en scène propose un spectacle total auquel le public est invité à prendre part.

La musique et la danse font partie entière du théâtre de l’artiste. Ceux-qui-vont-contre-le-vent Photo : de Christophe Raynaud de Lage

La pièce s’ouvre à nouveau sur une scène de vie calme, cadrée. Autour d’une table, quatre femmes et trois hommes liés, il semblerait, par les liens du sang. Dans leurs mains, des lettres qu’ils s’apprêtent à lire. Nourri par de grands passages de littérature – Gustave Flaubert, Falk Richter, Fiodor Dostoïevsk ou encore Marguerite Duras, ce spectacle n’est cependant pas qu’une histoire de texte.

Refusant d’enfermer le théâtre dans une case, Nathalie Béasse en propose une performance transartistique dans laquelle mots, mouvements et chants se mêlent et où les costumes, les lumières et les personnages participent à même hauteur. Une vision quelque peu cinématographique qui rappelle le passage de l’artiste aux Beaux-Arts d’Angers en tant qu’élève et son amour de l’image. 

Aux éclats Photo : de Jean-Louis Fernandez

« Je veux rire à des moments graves »

Le temps fort du Maillon doit s’achever sur trois représentations d’Aux éclats, créé en 2019. Une mise en scène qui réunit trois hommes chargés de faire partager leurs chutes et leurs petites catastrophes quotidiennes tout en amusant le public. Par leur intermédiaire, Nathalie Béasse questionne la polyphonie des termes comme « éclat », tantôt associé au rire, tantôt résultant d’un bris ou d’une action qui rompt avec les habitudes.

Portés par un fond musical, les corps des trois performeurs s’adressent à nouveau à l’enfant qui est en nous et qui ne demande qu’à rire, même quand l’occasion ne s’y prête pas. Mais un pouffement n’est-il pas la meilleure réponse à l’angoisse ? Nathalie Béasse rappelle que le rire n’est jamais loin des larmes. 

Les pièces durant entre une heure et 1h30, le Maillon propose des soirées pendant lesquelles il est possible d’en voir deux d’affilée. Aux éclats Photo : de Jean-Louis Fernandez

Des rencontres pour prolonger l’immersion

Pour accompagner ces performances, le Maillon profite de la présence de la metteure en scène à Strasbourg pour proposer à son public, quel que soit son âge, des ateliers et des rencontres. L’occasion de s’essayer à l’expression corporelle sur les planches et même de se déhancher au son de DJ Visconti, le blaze de Nathalie Béasse quand elle passe derrière les platines. Encore une casquette pour cette créatrice définitivement indéfinissable. 


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