Le dialogue n’est pas rompu, mais les arguments des deux camps n’évoluent pas. Vendredi 17 septembre, une centaine de personnes se sont réunies à Plobsheim, un village au sud de l’Eurométropole, pour afficher leur désapprobation face à un projet de pôle multimédia et de siège social du groupe Mack International, propriétaire d’Europa Park. Ils ne comprennent pas que le projet MackNeXT prévoit de détruire des terres agricoles de la commune, alors que le Parc d’Innovation d’Illkirch, tout près, peut accueillir des bureaux. La maire du village, Michèle Leckler, soutient le projet, qu’elle estime suffisamment respectueux de l’environnement, et annonce que le permis de construire devrait être finalisé dans les jours à venir.
Vers 18h, des prises de paroles ont eu lieu sur le parking derrière la mairie. Au micro, Pascal Lacombe du collectif le Chaudron des Alternatives critique les élus : « Ils auraient du dire non à ce projet. Il a été initié certes sous la gouvernance précédente, mais les élus actuels l’ont proposé au vote et il n’y a eu aucune voix contre ce projet. » Seuls 14 élus verts se sont abstenus au vote à l’Eurométropole.
Son camarade Eloi Navarro explique que le but de la manifestation est de « faire parler du projet du groupe Mack, qui consiste à construire des bureaux sur une zone agricole et naturelle, et que l’entreprise a obtenu les dérogations aux règles d’urbanisme pour ce projet. »
Le cortège a fait un aller-retour jusqu’à au début du futur site où devrait s’installer MackNeXT, sans pouvoir y accéder à la tombée de la nuit. La foule, dispersée vers 19h45, était majoritairement composée de personnes issues du milieu militant et associatif écologiste alsacien. Peu d’habitants de la commune s’y sont rendus. Sophie, l’une des seules résidentes de Plobsheim présente, a été surprise de découvrir tardivement le projet, elle n’a pas eu connaissance de l’enquête publique. Elle s’est rendue à la manifestation pour « en savoir un peu plus » et se dit inquiète :
« On prend le train en marche. Il y a peu de chances de faire reculer l’implantation visiblement. De ce que je comprends, le seul argument qui tienne la route pour ce projet, c’est le prestige. On l’impression de se faire avoir. »
Une lettre aux opposants reçue la veille de la manifestation
Un peu lasse, Michèle Leckler, maire de Plobsheim, observe la fin de la manifestation depuis l’arrière de la mairie :
« On a déjà reçus ces opposants, ils ont pu s’exprimer lors de l’enquête publique, qui a rendu un avis favorable. Le projet a été voté à l’unanimité au conseil municipal et à l’Eurométropole. Toutes les procédures réglementaires et démocratiques ont été respectées… Le temps n’est plus à la contestation. »
L’édile estime avoir mis en place « toutes les garanties autour de ce projet pour le rendre acceptable » environnementalement « et largement au dessus de la moyenne de ce qui peut se faire. » Elle met en avant notamment « 16 hectares sur l’Eurométropole rendues à l’agriculture » en compensation d’un projet « de moins de trois hectares avec 40% d’artificialisation au maximum. »
La veille de la manifestation, le collectif Le Chaudron des Alternatives a reçu une lettre de la part de la maire de Plobsheim et de la vice-présidente de l’Eurométropole, Danièle Dambach (EELV). Mais pour les militants écologistes, la lettre ne répond pas à leurs arguments, comme l’indique Yeliz Gencer, membre du collectif :
« Cette lettre ne remet pas en cause ce qu’on leur dit. Les élus parlent des compensations mais ça ne suffit plus aujourd’hui, on le sait. Il faut arrêter les projets néfastes pour l’environnement et pour des bureaux, on n’a pas besoin d’utiliser des terres agricoles. Utilisons les friches industrielles comme il est mentionné dans les lois et les positions politiques locales et nationales ! La réponse des élus est en phase avec une écologie compatible avec la croissance, le développement durable, etc. »
Des mesures compensatoires récusées
Dans le cortège, Béatrice, présente avec d’autres membres du groupe local de Greenpeace à Strasbourg, estime elle que ces mesures compensatoires sont des leurres :
« A partir du moment où l’on rentre dans la négociation de ces mesures compensatoires, on rentre dans quelque chose d’irréversible pour l’environnement. »
Elle évoque également les autres projets du groupe Mack International en Alsace qui effraient les militants environnementaux :
« Oui la surface de ce projet n’est pas conséquente, mais même si Danièle Dambach et Michel Leckler s’en dédouanent dans leur lettre, le groupe Mack cherche aussi à construire un complexe hôtelier de 200 hectares dans des zones humides du Ried. Ce projet MackNeXT n’est qu’un premier pas en Alsace pour cette entreprise. Les élus pensent que les 2,9 hectares de MackNeXT ne sont pas beaucoup ? Mais ce n’est que le début ! Pourquoi accorder des passe-droits à une entreprise au seul motif d’installer des bureaux à proximité du golf ? Ça n’a pas de sens. A partir de quand est-ce qu’on décide qu’on a détruit assez de surface agricole et de biodiversité ? Pour moi la ligne rouge a été franchie depuis longtemps. »
Sur la question du lieu et des mesures environnementales « d’évitement » (voir notre article précédent), la maire Michèle Leckler renvoie aux documents de l’enquête publique :
« Il y a eu des études de site et environnementales. On a imposé un certain nombre de choses au porteur de projet et on met en place un suivi. C’est dommage d’opposer écologie et économie, on a là une belle occasion de montrer que les deux peuvent être menés de front. Les engagements pris vont augmenter la qualité environnementale de ce site. »
Elle rappelle que Plobsheim n’a pas de zone d’activité ou commerciale, mais c’est aussi le point de départ d’une critique formulée par certains des habitants interrogés, estimant ne pas avoir été assez consultés et attachés au fait que « Plobsheim est censée être l’une des dernières communes rurales de l’Eurométropole. »
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