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La lutte infinie de GCO Non merci : « On sera toujours sur la route de Vinci »

Quatre ans après le début du chantier et la coupe des arbres, des infatigables anti-GCO continuent de lutter contre les nuisances, analysent le trafic routier et communiquent abondamment, alors que le dossier sera une nouvelle fois examiné au tribunal administratif en janvier. Ils veulent être un appui pour les opposants à d’autres projets similaires en France.

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La lutte infinie de GCO Non merci : « On sera toujours sur la route de Vinci »

« On sera toujours sur la route de Vinci, on ne les laissera pas dire des mensonges. » C’est la promesse que fait Bruno Dalpra, militant historique contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg construite entre 2018 et 2021 par la multinationale. Il fait partie du noyau dur d’une vingtaine d’opposants de longue date, qui continue à échanger toutes les semaines par mail, à se rassembler tous les deux ou trois mois pour fixer la stratégie de lutte, à envoyer des communiqués ou alimenter les réseaux sociaux.

Les opposants au GCO avaient interpellé les participants à l’inauguration de l’autoroute le 11 décembre 2021. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Dans la glaciale matinée du 18 décembre, 40 personnes ont manifesté sur un rond point de Duttlenheim, un an après l’inauguration de ce qu’ils qualifient de « couloir à camions ». Le but était notamment d’exposer le bilan de l’autoroute, que les militants jugent accablant, comme l’explique Luc Huber, ancien maire de Pfettisheim et membre de GCO Non merci :

« On avait sous-estimé les nuisances sonores. Elles sont très difficiles à vivre pour certains riverains qui peinent à dormir. Les bouchons existent toujours malgré le GCO, et la qualité de l’air ne s’est pas améliorée à Strasbourg alors que c’était les deux principaux arguments. Cette infrastructure à coûté des centaines de millions d’euros. Aujourd’hui, on voit bien que c’était absurde… tout ça pour ça ?! »

Lutter contre le trafic routier dans toute la France

Michaël Kugler a participé à un comptage du trafic routier, pendant 24 heures d’affilées, organisé par GCO Non merci en juin 2022, en distinguant les voitures, les poids lourds et les utilitaires légers pour analyser l’évolution du trafic :

« Nous ne voulons pas laisser à Vinci et à la préfecture le monopole des chiffres. C’est aussi une manière d’affirmer qu’on les surveille et qu’on est déterminé. Nous avions raison depuis 20 ans sur de nombreux points. Avant la mise en service, ce n’étaient que des hypothèses, mais nous pouvons les vérifier aujourd’hui. Et nos données peuvent servir pour d’autres luttes. Personne ne pourra nous dire que les anti-GCO se battaient juste pour ne pas avoir une autoroute au fond du jardin. Notre engagement est global sur les politiques des transports en France. »

La fédération La Déroute des routes en est un bon exemple. Aujourd’hui composée d’une cinquantaine de collectifs d’opposition à diverses routes en construction, elle a été initiée par trois personnes dont Bruno Dalpra, de GCO Non merci. La Déroute des routes demande notamment un moratoire aux parlementaires sur les projets routiers. « Le gouvernement s’apprête à repenser les infrastructures de transport à travers un rapport du conseil d’orientation qui devrait être rendu en janvier 2023. Nous souhaitons que ce plan d’investissement, qui concerne des milliards d’euros, se concentre sur les lignes de train, pas sur la route », expose Bruno Dalpra.

Bruno Dalpra (à gauche) aux côtés de l’ancien maire de Kolbsheim Dany Karcher (à droite), deux figures de la lutte contre le GCO.Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La bataille juridique continue

Le militant souhaite également que l’expérience de GCO Non merci puisse servir à d’autres collectifs :

« À Rouen par exemple, l’argumentaire pour la construction d’un contournement de la ville, toujours au stade de projet, ressemble fortement à celui déployé pour le GCO. Les opposants pourront utiliser nos bilans pour communiquer. Nous échangeons aussi sur la lutte en elle-même, l’importance de ne jamais lâcher, même quand on a l’impression qu’un projet est abandonné, comme c’était le cas chez nous. »

De son côté, l’association Alsace Nature, membre de GCO Non merci, ne lâche pas la bataille juridique non plus. En juillet 2021, le tribunal administratif avait jugé de nombreuses études d’impact insuffisantes. Vinci et la préfecture avaient théoriquement jusqu’à mai 2022 pour produire de nouvelles études et publier un arrêté complémentaire afin de rendre l’autoroute légale. Finalement, l’audience aura lieu le 19 janvier, et la nouvelle enquête publique (sur laquelle GCO Non merci s’est aussi mobilisé) s’est encore conclue par un avis défavorable à l’autoroute.

Fermer l’autoroute et utiliser la zone pour d’autres activités

Luc Huber croit toujours en une annulation définitive par le tribunal administratif de l’arrêté préfectoral qui autorise le GCO :

« Si c’est le cas, on sera en position de force pour demander d’autres activités plus pertinentes sur ces terres artificialisées, comme l’installation d’industries relocalisées, la production d’énergie avec des unités de méthanisation ou des panneaux photovoltaïques. »

Conscient que ce scénario est improbable, il indique surtout lutter pour limiter les nuisances qui font aujourd’hui souffrir les habitants des villages en bordure de l’autoroute :

« Le péage est moins cher la nuit, donc cela incite les camions à le passer à ce moment-là, ce qui dérange beaucoup les riverains (certains ont mesuré 60 décibels la nuit au niveau de leur domicile). Cette différence de prix doit disparaître pour ne pas inciter les poids lourds à prendre le GCO la nuit. Nous demandons aussi la mise en place d’une écotaxe pour rendre la traversée de l’Alsace moins attractive et réduire le nombre de camions. »

La lutte contre l’autoroute de contournement de Strasbourg dure depuis plusieurs décennies. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Une grosse activité sur les réseaux sociaux

Les militants anti-GCO continuent d’alimenter régulièrement leur site internet et leurs pages sur les réseaux sociaux, avec souvent plusieurs publications par jour dirigées vers leurs 4 700 abonnés sur Facebook. Il y a aussi les liens créés par la lutte que Caroline Ingrand-Hoffet tient particulièrement à conserver. La pasteure de Kolbsheim permettait aux zadistes d’utiliser le presbytère et elle a accompagné ses paroissiens dans le traumatisme suscité par le rasage de la forêt voisine. Elle a organisé en septembre, avec quelques autres anti-GCO, dans son village, la troisième édition du festival « Dix jours vert le futur ». Et elle compte bien continuer ces prochaines années :

« La lutte contre cette autoroute m’a permis de consolider des relations fortes, tissées entre des militants, des villageois, des zadistes et des artistes. Il y a des conférences, des concerts, des spectacles ou encore des projections. Le but est aussi de se tourner vers le futur, de penser le monde, après ce que nous avons vécu. »

Pour Caroline Ingrand-Hoffet, pasteure à Kolbsheim, l’engagement contre le GCO répond aussi à des valeurs bibliques.Photo : Salem Slimani / Rue89 Strasbourg / cc

« Une braise continue à brûler »

Michaël Kugler, militant anti-GCO

La pasteure prend désormais part au mouvement international, multiconfessionnel et écologiste GreenFaith. Il rassemble des fidèles de nombreuses religions qui s’engagent par divers modes d’action, allant jusqu’à la désobéissance civile. « Une braise continue à brûler », observe Michaël Kugler. « Même si le GCO est là maintenant, on aura au moins la satisfaction d’avoir notre conscience pour nous », philosophe Luc Huber :

« On n’a jamais été dans des fantasmes comme les défenseurs du GCO, on a toujours été le plus juste possible dans nos revendications, on a essayé d’être constructifs, avec notre livret des 10 solutions contre les bouchons par exemple. D’ailleurs, le réseau express métropolitain (que la SNCF essaye de lancer depuis le 11 décembre, NDLR) en faisait partie. On a toujours été, sincèrement, pour l’intérêt général. C’est donc logique qu’on continue maintenant à lutter contre les nuisances du GCO, parce qu’il y a encore des leviers d’action aujourd’hui. »

Les anti-GCO luttent encore aujourd’hui, un an après l’inauguration de l’autoroute, quatre ans après le début du chantier, notamment contre les nuisances sonores que subissent les riverains.Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

En septembre et octobre 2018, au début de la construction de l’autoroute, lorsque des forêts ont été rasées, des milliers de personnes s’étaient mobilisées lors de manifestations à Kolbsheim, Vendenheim ou Strasbourg. Pour Bruno Dalpra, démontrer le décalage entre le discours de Vinci et la réalité, mettre en évidence les mensonges, sert aussi à faire progresser la conscience militante et écologiste de ceux qui suivent GCO Non merci depuis toutes ces années. Selon lui, la lutte contre cette autoroute a aussi créé une grande expertise citoyenne chez les militants, qui perdurera.


#GCO

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