Le classement de Shanghaï situe l’Université de Strasbourg entre le 102e et 150e rang mondial. Au delà de 100, les places ne sont plus précisées à 50 près… Depuis la fusion des Universités Louis Pasteur, Marc Bloch et Robert Schuman en janvier 2009, l’Université de Strasbourg (UdS) ne décolle pas dans ce classement, qui fait pourtant référence à l’international. En juillet 2011, elle a pourtant été sélectionnée pour devenir « un pôle pluridisciplinaire d’excellence de rang mondial », dans le cadre des « Initiatives d’excellence » (Idex) lancées lors du grand emprunt.
Un Prix Nobel pour rien ?
Le prix Nobel de médecine 2011 de Jules Hoffmann, dont le laboratoire de recherche est basé sur le campus strasbourgeois, n’a donc rien changé. Le nombre d’obtentions de prix Nobel est pourtant l’un des principaux critères retenus par l’université Jia Tong de Shanghaï. Pour le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le prix Nobel strasbourgeois n’a même pas été pris en compte dans le classement. Cette information a surpris Alain Beretz, le président de l’UdS :
« Je ne sais pas quelles sont les sources du Ministère. Théoriquement, ce prix Nobel aurait dû être comptabilisé, puisque Jules Hoffmann a réalisé toute sa carrière à Strasbourg. C’est effectivement étonnant que même cela n’ait pas fait progresser l’UdS au classement. »
Des critères contestables
D’après Olivier Hoerdt, vice-président de l‘Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges), le prix Nobel de Jules Hoffmann n’aurait pas été considéré en raison de son rattachement à une unité propre de recherche (UPR) du CNRS. Ces unités de recherche ne sont pas directement liées à des universités. Leurs travaux ne sont pas pris en compte dans le classement de Shanghaï. Une partie de la recherche française n’est de ce fait pas comptabilisée.
Depuis de nombreuses années, la légitimité de ce classement est fortement remise en cause en France. Alain Beretz s’associe aux différentes critiques exprimées dans la communauté universitaire française :
« Les critères du classement de Shanghaï posent plusieurs problèmes. Tout d’abord, les sciences dites expérimentales (mathématique, physique, etc) sont mieux considérées que les sciences humaines. Ensuite, les critères sont assez superficiels. Prenez l’importance donnée aux prix Nobel. Est-ce que l’on peut sérieusement croire que l’enseignement et la recherche à l’Université de Strasbourg se sont subitement améliorés parce que Jules Hoffmann a obtenu le prix Nobel ? »
Pour Daniel, de Sud-Etudiant Strasbourg, ces critères sont même dangereux pour l’enseignement supérieur :
« Notre syndicat rejette absolument la légitimité du classement de Shanghaï. Les critères sont complètement fallacieux. Dans la situation actuelle, les critères de classement ne peuvent pas être neutres, ni politiquement, ni économiquement. On sait très bien que l’accent mis sur les sciences expérimentales dans le classement de Shanghaï est, par exemple, lié à des préoccupations de rentabilité. À terme, ce type de classements internationaux risque d’amener les universités à privilégier la recherche appliquée sur la recherche fondamentale. »
Alain Beretz, opposé à l’idée d’un classement
Le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a repris les principales critiques de la communauté universitaire à l’encontre du classement de Shanghaï. Il a également indiqué qu’un nouveau « classement européen multicritères » est en préparation. Un projet qui ne trouve pas grâce aux yeux du président de l’UdS Alain Beretz :
« Cette proposition est une hérésie. L’idée de classement, elle-même, est problématique. Est-ce que l’on fait des classements des meilleures voitures du monde ? Non, il y a des voitures rapides, d’autres économiques, etc. C’est pareil pour les universités. Ce qui est souhaitable, c’est une typologie des universités, mais pas un nouveau classement.»
L’Afges et Sud-Étudiant Strasbourg sont du même avis. Selon ces associations d’étudiants, l’esprit de compétition n’est pas compatible avec les exigences universitaires. Il pousserait les pouvoirs publics à créer des pôles d’excellence dans certaines zones géographiques, tandis que d’autres seraient délaissées. C’est le danger de projets comme celui des « Initiatives d’Excellence » (Idex), selon Olivier Hoerdt de l’Afges :
« Les Idex favorisent l’inégalité territoriale. Nous ne sommes pas foncièrement opposés à l’émergence de l’excellence dans certains campus mais ce n’est pas une ligne de conduite à généraliser sur le long terme. »
Avec la création de ces pôles d’excellence, le but avoué était de concurrencer les universités anglo-saxonnes dans ces classements internationaux. Daniel, de Sud-Etudiant, estime qu’il est aberrant de critiquer le classement de Shanghaï et d’afficher, dans le même temps, de tels objectifs lors des réformes universitaires :
« Il est de bon ton de critiquer les classements, et plus particulièrement le classement de Shanghaï parce que les universités françaises y sont mal classées. Mais la réforme de la LRU, puis la mise en place des Idex et des Labex (Laboratoire d’Excellence) tendent à rendre les universités françaises conformes à ces critères. »
Bien que l’Université de Strasbourg ait été sélectionnée dans le projet des Idex, son président affirme rejeter l’objectif de progression dans les classements internationaux :
« Je m’y suis toujours opposé. Les universités ne doivent pas être en compétition. C’est bien pour cela que je ne tire aucune conclusion du classement de Shanghaï. Il ne doit pas peser sur notre politique. »
Pour aller plus loin
Sur le Figaro : Les secrets du classement de Shanghaï
Sur Shangaï Ranking : L’historique de l’Université de Strasbourg
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