Le Conseil unique d’Alsace (CUA), qui doit réunir les compétences et les élus des conseils généraux et du conseil régional, c’est une belle idée mais il y a un hic : il faut que les Alsaciens votent pour et par référendum. Et il est nécessaire qu’au moins un quart des électeurs inscrits se soient exprimés favorablement, selon l’article L4124-1 du code des collectivités territoriales :
« Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de fusion recueille, dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits. »
Cette petite phrase est embêtante car les élus porteurs du CUA aimeraient avancer vite, et notamment proposer aux Alsaciens de voter par référendum le 7 avril ou le 2 juin. Dans les deux cas, la principale difficulté ne sera pas forcément de les convaincre de voter oui mais tout simplement d’aller voter !
Qu’à cela ne tienne, puisqu’on peut aussi supprimer la difficulté ! Aujourd’hui, l’UMP alsacienne au Sénat, représentée par Catherine Troendlé, André Reichardt, Francis Grignon, Fabienne Keller, Jean-Louis Lorrain et Esther Sittler, a déposé un amendement à un projet de loi, proposant de « supprimer » cette limite de 25% des électeurs inscrits votant favorablement dans chaque département.
Les sénateurs UMP invoquent que, lors de consultations similaires en Corse en 2003, en Guyane et en Martinique en 2009, aucune disposition relative au taux de participation des électeurs n’avait été nécessaire.
Les socialistes en embuscade
La manœuvre était attendue par les socialistes, qui n’ont pas tardé à réagir par la voix d’Alain Fontanel, conseiller régional et adjoint au maire de Strasbourg :
« Dans la mesure où l’on demande à des collectivités de se saborder, il n’est pas inutile de s’assurer qu’une majorité effective de ses habitants y est favorable. C’est d’ailleurs ce que la loi a toujours prévu pour les fusions de communes. On peut comprendre que Philippe Richert (président du conseil régional et initiateur du conseil unique, ndlr) soit aujourd’hui inquiet du manque d’intérêt des Alsaciens pour le Conseil unique. On peut toutefois être surpris qu’il prenne le risque de changer les règles du jeu du référendum à quelques mois du vote. On peut enfin s’étonner de ce changement de pied alors même que cette règle du quart des inscrits est née de la loi défendue par le Ministre des collectivités locales du moment à savoir… Philippe Richert. »
Le Conseil unique devrait être à nouveau discuté lors d’un nouveau congrès des collectivités d’Alsace, réuni à Strasbourg le 24 novembre. Le projet, qui souffre de l’hésitation de certains élus comme Charles Buttner, président du conseil général du Haut-Rhin, et de difficultés réglementaires et pratiques, s’avère plus difficile à mettre en œuvre que prévu. Au fur et à mesure de l’avancée du projet, la vision initiale, qui consistait à fusionner les trois collectivités en une seule, devient plus difficile à atteindre.
A moins de 25%, quelle légitimité ?
Depuis des mois, Philippe Richert multiplie les compromis, afin de lever les barrières posées par certains élus et de rendre le Conseil unique tout simplement possible. L’idée étant que la collectivité ainsi créée ne soit certes pas parfaite au début, mais qu’elle existe, quitte à la réformer par touches successives ensuite. Et puis, il y a l’inconnue de la participation au référendum… Aux élections cantonales, les taux de participation sont proches du seuil des 25% des inscrits… Philippe Richert a de quoi être inquiet.
Mais pour Alain Fontanel, la participation d’au moins un quart des électeurs est nécessaire à la légitimité du Conseil unique :
« Ce projet ne doit pas être mené en catimini dans le cadre d’un référendum au rabais. Les Alsaciens ont droit à un vrai débat avec une campagne au cours de laquelle chacun prendra ses responsabilités. Cet amendement de convenance n’est pas à la hauteur des enjeux, il fait courir à ce projet le risque du pêché originel. La création d’une collectivité unique ne peut pas s’envisager sans la participation des Alsaciens. »
L’amendement doit être discuté la semaine prochaine au Sénat en commission des lois. S’il est rejeté, Philippe Richert peut toujours tenter d’accompagner le référendum par une loterie…
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur le conseil unique d’Alsace
Sur L’Alsace.fr : Les Alsaciens seront consultés par référendum le 7 avril
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