Les représentations publiques à l’opéra de Strasbourg, place Broglie, se déroulent malgré l’avis défavorable de la commission de sécurité depuis 1997. Systèmes d’évacuation des fumées, absence d’isolement entre la salle et la scène, accès pour les personnes handicapées… Tout est à revoir dans ce bâtiment du « théâtre municipal de Strasbourg » conçu et construit au début du XIXe siècle, et dont la façade est classée à l’inventaire des monuments historiques.
Trois possibilités s’offraient aux municipalités : une mise aux normes, une rénovation ou la construction d’un nouvel opéra. Cette dernière solution était séduisante mais elle s’est heurtée à la brusque « sobriété » dont doivent faire preuve les collectivités locales désormais. Elle posait aussi un nouveau problème : que faire du bâtiment alors que Strasbourg ne sait déjà pas quoi faire du Palais des fêtes ?
Un opéra « à la hauteur de la capitale européenne »
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (EE-LV), a donc opté pour une rénovation en profondeur, comme elle l’a annoncé jeudi 2 mars devant la presse :
« Il s’agit d’un vaste chantier de restructuration qui transformera notre charmant théâtre municipal en opéra contemporain à la hauteur de notre capitale européenne. L’objectif est de mener les travaux tout en maintenant une programmation “hors les murs” de l’Opéra national du Rhin. »
Après des audits menés en 2003 et 2011, une inspection du ministère de la Culture en 2018 et finalement une mission d’information et d’évaluation en 2021, la municipalité a également annoncé le lancement… d’une étude, afin de définir les périmètres et les travaux nécessaires, qui devraient durer au moins trois ans et débuter en 2026.
Selon Jeanne Barseghian, cette vaste opération sera l’occasion de « repenser les missions de l’Opéra national du Rhin (ONR) ». Elle propose de mettre en place un « comité de pilotage politique » afin d’associer aux décisions futures les financeurs et les partenaires de l’ONR. Car la Ville de Strasbourg aimerait ne pas financer seule ces travaux, qui pourraient atteindre 60 à 70 millions d’euros (contre 25 pour une mise aux normes, 300 pour un nouvel équipement). La Région Grand Est étant déjà parmi les financeurs publics, Jeanne Barseghian a également pensé à la Collectivité d’Alsace comme nouveau partenaire possible. Toujours au chapitre financier, cette rénovation devrait bénéficier d’une partie des fonds du contrat triennal Strasbourg capitale européenne (2024-2026).
Crise de croissance
L’Opéra national du Rhin est doté d’un budget de 22 millions d’euros, subventionné à 75%, emploie 160 personnes pour 226 spectacles par an en 2018-2019, dont 152 à Strasbourg. La jauge actuelle de la grande salle permet d’accueillir 1 200 personnes mais dans des conditions précaires, avec une partie du public (400 sièges) ne pouvant voir l’ensemble de la scène. L’objectif de la rénovation est de garder une jauge d’au moins 1 100 personnes, tout en offrant un confort optimal et un accès visuel à toute la scène pour tous. Le bâtiment manque en outre de loges, de salles de répétition, d’espace dans le hall d’accueil, de lieux pour les rencontres entre les artistes et le public et d’une salle conviviale pour le personnel. Dans les coulisses, les éléments techniques de manipulation des décors ne sont pas motorisés, ce qui pose d’importantes contraintes au personnel.
Au vu des ajouts nécessaires, il sera délicat de maintenir l’opéra dans les limites actuelles du bâtiment. L’occupation d’une partie de la place du Petit-Broglie est évoquée pour y installer une extension permanente, à la place du bâtiment préfabriqué de 680 m² occupé depuis 20 ans par l’administration de l’ONR.
Directeur de l’ONR depuis 2020, Alain Perroux se félicite que le futur de son bâtiment amiral se dessine enfin :
« Ces annonces nous soulagent ! Ces trois années “hors les murs” seront l’occasion de rencontrer de nouveaux publics. On a besoin d’une grande scène avec une fosse pour l’orchestre mais seulement pour les opéras classiques. On a produit une fiche technique minimale, afin de s’adapter aux structures existantes dans l’Eurométropole et en Alsace. »
L’installation d’une gigantesque structure temporaire a été évoquée mais Jeanne Barseghian n’a pas souhaité s’engager plus avant, remettant l’ensemble des décisions opérationnelles au futur comité de pilotage qui doit se mettre en place.
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